Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de A. Le Pennec & S. Royant-Parola
Cet ouvrage est un état des lieux des connaissances actuelles sur le sommeil. Son fonctionnement, ses bienfaits, ses troubles, sans oublier les rêves et les cauchemars. Anne Le Pennec, en collaboration avec la docteure Sylvie Royant-Parola, explique les mécanismes d’un phénomène qui touche tout le monde, les êtres humains bien sûr, mais aussi l’ensemble du règne animal. L’occasion de constater que le sommeil, si banal de prime abord, recèle encore bien des secrets.
Quelle expérience plus banale que le sommeil ? Chacun d’entre nous en effet passe en moyenne huit heures par jour à dormir. À l’échelle d’une vie entière d’environ quatre-vingt-dix ans, ça représente trente années pleines dans un lit.
Si l’on peut comprendre aisément que notre organisme ait besoin de se reposer, on peut se demander pourquoi ces phases de repos sont si chronophages. En explorant ce phénomène universel, la journaliste Anne Le Pennec tente d’apporter quelques réponses. Étape indispensable : définir avec précision ce qu’est le sommeil. Se dévoilent alors tous les bénéfices que nous pouvons en retirer, mais aussi tous les problèmes auxquels nous faisons face lorsque celui-ci se dérègle.
Ensuite, il y a, indissociables de nos nuits, ces étranges manifestations qu’on appelle rêves ou cauchemars. Et pour ceux qui peinent à trouver le sommeil, Anne Le Pennec dispense quelques conseils et liste ce qu’il faut éviter de faire avant d’aller dormir. Efficace, sauf si on souffre d’une pathologie liée au sommeil.
Tout le monde dort, les humains comme les animaux, et même… les insomniaques, qui oublient qu’ils dorment un minimum. Chez l’homme, l’envie de dormir intervient généralement le soir, après une journée d’activités. Après environ huit heures de sommeil, il se réveille, prêt à affronter une nouvelle journée d’activités, et ainsi de suite. Cette alternance entre la veille et le sommeil sur vingt-quatre heures constitue un cycle dit circadien.
A priori, lors d’une bonne nuit de sommeil, il ne se passe pas grand-chose. Le corps recharge ses batteries avant de repartir. Dans les faits, ce n’est pas aussi simple. Les huit heures de sommeil sont tronçonnées en cinq ou six cycles d’une heure trente à deux heures chacun. Et chaque cycle se décompose en trois phases : sommeil lent léger, sommeil lent profond et sommeil paradoxal. À ces trois phases s’ajoute une quatrième, uniquement lors du premier cycle : l’endormissement, cette période où l’on sent son esprit « partir ».
L’adjectif « lent » rappelle l’activité ralentie du cerveau par rapport à un état de veille. Lors du sommeil lent léger, le tonus musculaire diminue, mais on continue à percevoir les sons et on peut se réveiller facilement. Lors du sommeil lent profond, le tonus musculaire est à son plus bas niveau et il est très difficile d’être réveillé. Quant au sommeil paradoxal, il se caractérise par une totale atonie musculaire (à l’exception du cœur et du diaphragme, qui permettent respectivement la circulation du sang et la respiration) et une activité cérébrale proche de l’état de veille. Enfin, chaque cycle du sommeil est séparé par une courte phase de réveil, de deux à trois minutes, dont la plupart d’entre nous n’avons aucun souvenir.
À noter que les cycles ne se répètent pas à l’identique. Les phases de sommeil lent se raccourcissent au fur et à mesure que la nuit avance au profit du sommeil paradoxal.
Un tel fonctionnement interroge la communauté scientifique. Si les mécanismes du sommeil restent encore mal compris, en partie parce que la science qui s’intéresse au sommeil est encore jeune et que les chercheurs sont encore peu nombreux, il est certain que dormir est une nécessité vitale.
Les bénéfices avérés d’une bonne nuit de sommeil sont nombreux, et les soucis qui apparaissent lorsque le sommeil est perturbé sont incontestables. Les exemples ne manquent pas : le sommeil favorise le fonctionnement hormonal, notamment la principale hormone de croissance, libérée dans l’organisme quand on dort ; il facilite notre métabolisme, c’est-à-dire toutes les opérations qui consistent à fabriquer protéines, glucides et lipides ; il permet un nettoyage cellulaire du cerveau, qui se débarrasse ainsi des toxines issues de notre métabolisme ; il renforce la résistance aux infections en stimulant le système immunitaire.
Mais c’est peut-être en observant les effets d’un mauvais sommeil qu’on saisit le mieux ses bienfaits. Dormir trop ou pas assez, être sujet aux insomnies ou développer une pathologie liée au sommeil entraîne des conséquences potentiellement lourdes pour la santé : risque cardiovasculaire accru, diabète, obésité, sensibilité à la douleur… Quant à l’absence totale de sommeil, elle mène directement à la mort. Cependant, l’une des maladies les plus étroitement associées aux troubles du sommeil, c’est la dépression. Le problème, c’est qu’on ignore si elle est une conséquence de ces troubles ou une cause.
En effet, des insomnies chroniques altèrent l’humeur et mènent parfois jusqu’à la dépression, mais un état dépressif peut aussi empêcher une personne de dormir correctement. Cette difficulté à discerner la cause de la conséquence illustre notre méconnaissance des mécanismes du sommeil. Certes, les scientifiques constatent des liens entre l’état de santé d’une personne et la qualité de son sommeil, mais ils peinent à en expliquer le fonctionnement.
Et s’il est un domaine où le sommeil conserve tous ses mystères, c’est celui des rêves et des cauchemars. Pourquoi rêve-t-on ? Comment le cerveau procède-t-il pour projeter des images qui se suivent avec une logique toute relative ? Les rêves ont-ils une signification ? Il n’y a guère de réponses à ces questions. Pendant longtemps les scientifiques pensaient que les rêves ne se manifestaient que pendant le sommeil paradoxal, mais les recherches récentes tendent à infirmer cette hypothèse. Tout juste peut-on établir une typologie sommaire du rêve : tout d’abord le rêve à proprement parler, positif, heureux et optimiste ; ensuite le mauvais rêve, négatif, inquiétant, angoissant ; enfin le cauchemar, cette fois véritablement effrayant, au point de nous réveiller (ce que le mauvais rêve échoue à faire).
Nombreuses sont les conjectures pour expliquer la fonction des rêves. À la suite de Freud, les psychanalystes y voient la manifestation de notre inconscient. D’autres pensent que notre activité onirique nous aide à consolider notre mémoire, en opérant un tri des sensations éprouvées dans la journée.
Certains imaginent que les rêves nous permettent de digérer nos émotions, qu’elles soient positives ou négatives, en les revivant avec une intensité moindre. Le psychologue finlandais, Antti Revonsuo, adopte une approche originale : les rêves s’apparenteraient à une sorte d’entraînement pour affronter la vie réelle. Pour le neuropsychanalyste Mark Solms, les songes ne sont là que pour combler le désœuvrement de notre cerveau pendant le sommeil.
Quant à Michel Jouvet, pionnier français de l’étude du sommeil, il avance que le rêve renforce notre identité et stabilise notre personnalité face aux influences extérieures qui nous éloignent de nous-mêmes. Mais, au final, la vérité ne sortirait-elle pas de la bouche du neurobiologiste, Alan Hobson, pour qui le rêve ne servirait à rien. En effet, il ne serait qu’un résidu sans signification de notre activité cérébrale au repos.
La plupart d’entre nous en ont fait l’expérience : parfois nous nous souvenons de nos rêves ; et d’autres fois non. De même, certains en ont un souvenir très précis quand d’autres les oublient systématiquement. Cette différence dans la capacité à se rappeler ses rêves illustre une caractéristique importante du sommeil : personne ne dort de la même façon.
Dans l’introduction, il était question d’une durée de huit heures de sommeil quotidien, mais cette moyenne cache une réalité plus complexe. La durée d’une nuit de sommeil varie d’un individu à l’autre selon plusieurs critères : l’âge (la durée du sommeil tend à diminuer à mesure que l’on vieillit, de dix-sept heures pour un nourrisson à sept heures pour une personne âgée de plus soixante-cinq ans), le sexe (il est démontré que les femmes dorment davantage que les hommes), la génétique (les porteurs d’un gène identifié récemment ont tendance à dormir une demi-heure de plus en moyenne), mais aussi l’heure à laquelle on se couche. En effet, la population peut être scindée en deux groupes irréconciliables : les couche-tard et les lève-tôt. Qu’on appartienne à l’un ou l’autre des deux groupes, il convient de respecter son rythme pour être en pleine forme. Or, le rythme de notre société est plutôt calqué sur celui des lève-tôt. Conséquence : les couche-tard dorment moins que les lève-tôt.
L’autre critère devant lequel nous ne sommes pas égaux face au sommeil est notre environnement. Le locataire d’un appartement mal isolé en centre-ville ne peut pas avoir la même qualité de sommeil que celui qui vit loin de tout à la campagne. Le travailleur de nuit qui se repose le jour est souvent contraint de fractionner son sommeil, perturbé en outre par les bruits plus fréquents de la journée.
Le mal-logement et le travail de nuit ne sont évidemment pas les seuls responsables d’un sommeil perturbé. Le bruit est sans doute le principal facteur nuisible au sommeil. Non seulement il peut nous empêcher de dormir ou nous réveiller au milieu de notre nuit, mais il nous influence pendant notre sommeil. Il est prouvé que les personnes vivant près d’une source importante de bruit, par exemple un aéroport, sont plus sujettes aux maladies cardiovasculaires. Autre facteur important : la température. Trop élevée, elle empêche l’endormissement. Il n’est donc pas recommandé de prendre une douche chaude avant de gagner son lit.
On peut se demander si dormir à deux est favorable à un sommeil de qualité. Entre la chaleur dégagée par les corps, les mouvements de l’un ou l’autre qui ne manquent pas de se manifester et les ronflements éventuels, les conditions ne sont pas des plus idéales. À noter que les ronflements ne gênent pas seulement le conjoint. En effet, ils s’accompagnent souvent d’apnées du sommeil. Le ronfleur dort donc mal lui aussi, et souffre souvent de fatigue dans la journée.
Une situation qui affecte le sommeil de nombreuses personnes, c’est le fait de dormir hors de chez soi, du moins la première nuit. Dans un endroit inconnu, le cerveau a tendance à se montrer plus vigilant sans que nous en prenions conscience, d’où cette difficulté à s’endormir. Dans ce cas, il ne faut surtout pas se saisir de sa tablette pour surfer sur Internet en attendant que le sommeil nous rattrape. Les écrans qui envahissent notre environnement émettent principalement de la lumière bleue, qui correspond à la fréquence d’ondes électromagnétiques la plus perturbatrice.
Pour ceux qui ne parviennent pas à trouver le sommeil, la tentation est grande de se tourner vers des somnifères. Pourquoi pas ? Mais ils sont à prendre avec une infinie précaution et sur une période limitée. Non seulement il y a souvent un fort risque d’accoutumance, mais il est fréquent qu’avec le temps la dose initiale ne soit plus suffisante. Alors on augmente la dose. Résultat : au lieu de mieux dormir, on détraque son sommeil.
Pour retrouver un sommeil de qualité, il est plus utile d’identifier quel type de dormeur on est et d’organiser sa vie de façon à respecter son propre rythme, avec un maître-mot : régularité. La grasse matinée du week-end, censée rattraper les nuits écourtées de la semaine, est donc une mauvaise idée. Autrement dit : la vie d’adolescent est à proscrire ! L’activité physique en journée est excellente, mais pas en soirée, car elle réchauffe le corps et retarde ainsi l’endormissement.
En fin de journée, mieux vaut privilégier des activités relaxantes, comme la lecture ou la télévision. En revanche, il faut l’éteindre au moins une heure avant le coucher. En soirée, les repas copieux sont à éviter, ainsi que les boissons alcoolisées ou excitantes (cola, café…). Un conseil évident, mais qu’il est bon de souligner : dès que le sommeil se fait sentir, ne pas lui résister et gagner son lit au plus vite, dans une chambre bien aérée dont la température ne dépasse pas dix-neuf degrés. Si le sommeil ne vient pas, ou en cas de réveil pendant la nuit, inutile de se tourner et se retourner dans son lit. Il est préférable de se lever et de s’adonner à une activité calme jusqu’à ce que la fatigue soit la plus forte. Mais s’il doit rester une seule idée à retenir, c’est que le sommeil est capricieux. Il faut l’accepter.
Parfois, il se fait attendre. Parfois il ne vient pas. Pas de stress. Ça arrive. Il reviendra demain. Et inutile d’ouvrir les volets pour voir si c’est la faute de la pleine lune. À l’heure actuelle, personne n’a démontré s’il s’agissait d’une croyance populaire ou d’une vérité scientifique.
Dans l’état actuel des connaissances, le sommeil reste un vaste champ d’investigation qui recèle encore aujourd’hui bien des mystères. La science a tardé à se pencher sur ce phénomène aussi banal que complexe, mais les chercheurs se rattrapent. Les différentes phases du sommeil sont maintenant bien connues, et il est établi que notre santé est conditionnée à sa qualité. En revanche, la manière dont le sommeil procède, entre autres exemples, pour nous prévenir du diabète, nous protéger des maladies cardiovasculaires ou nous éviter de sombrer dans la dépression, reste largement méconnue.
Quant à ses manifestations les plus énigmatiques, les rêves, elles ne semblent pas encore prêtes à révéler tous leurs secrets. Bref, les explorateurs du sommeil sont promis à un bel avenir. Ils ne sont pas prêts de dormir sur leurs deux oreilles.
Paradoxe du livre qui propose de mieux comprendre le sommeil pour en améliorer sa qualité, Quoi de neuf sur le sommeil ? maintient éveillé jusqu’à la dernière page. Texte bien écrit, agréable à lire, il ne sombre jamais dans un sabir technique ne satisfaisant que les initiés, mais ne sacrifie pourtant pas l’exigence scientifique sur l’autel de la clarté.
De la vulgarisation au sens le plus noble du terme, en somme. Les auteurs dressent un état des connaissances sur le sommeil, rappellent régulièrement qu’à ce sujet il existe davantage de conjectures que de faits établis et prodiguent quelques conseils simples et judicieux qu’on se prend à suivre dès que le livre est terminé. À peine pourrait-on leur reprocher un sommaire un peu lâche où certaines idées amorcées et développées dans un chapitre sont reprises et complétées dans un autre. Mais l’écriture est si fluide qu’on se laisse embarquer facilement.
Ouvrage recensé– Quoi de neuf sur le sommeil ?, Versailles, Quæ, 2018.
Ouvrage de Sylvie Royant-Parola– Avec Agnès Brion, Isabelle Poirot, Prise en charge de l’insomnie, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson, 2017.
Autres pistes– Anne Crahay, Bonjour sommeil, Paris, Albin Michel, 2017.– Michel Jouvet, Le Sommeil, la Conscience et l’Éveil, Paris, Odile Jacob, 2016.– Patrick Lesage, 2 h chrono pour mieux dormir (et gagner en énergie), Malakoff, Dunod, 2018.– Dominique Méan, Devenez l’acteur de votre sommeil, Paris, Genèse Édition, 2018.