Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Adrien Tsagliotis
Adrien Tsagliotis a choisi de rassembler toutes les anecdotes qu’il a pu glaner sur les méthodes et les processus que les start-up expérimentent au jour le jour. En effet, depuis neuf ans, il écrit des articles, des interviews et réalise de la veille sur ce nouveau type d’entreprise. Si les problématiques qui se posent aux start-up ne sont pas neuves, ces structures sont cependant forcées d’apporter des réponses ingénieuses et originales du fait de leurs petites tailles de départ, en compensant leur manque de moyens par leur agilité. Dans cet ouvrage qui en est à sa deuxième édition, l’auteur tire parti de la chronique qu’il tient depuis des années au Journal du Net en mettant en perspective tous ces petits faits, ces détails parfois amusants ou cocasses pour leur donner du sens du point de vue managérial.
Cet ouvrage, S’inspirer des start-up à succès, paru en janvier 2015, a fait l’objet en août 2019 d’une deuxième édition en y joignant des histoires plus récentes, en mettant à jour les données et en ajoutant une trentaine de pages supplémentaires. C’est important, car dans le domaine qui est traité, les vérités sont loin d’être éternelles. Le livre repose sur les enquêtes de terrain de son auteur.
Pour Start-up attitude, paru chez le même éditeur en 2017, Adrien Tsagliotis avait construit son contenu sur les éléments constitutifs d’une start-up, en commençant par l’entrepreneur, puis le produit et ensuite les impératifs du métier (ingéniosité, collaboration, etc.). L’angle est ici différent : l’auteur s’adresse au grand public qui a envie de connaître les secrets de ceux qui réussissent. Il révèle les clefs du succès que chacun, à son échelle, s’il le souhaite, peut adopter comme source d’inspiration. Du coup, il prodigue certes des conseils, mais il les présente à travers une foule d’anecdotes et de portraits. La plume alerte du journaliste est mise au service d’informations vraiment récentes et percutantes.
Le journaliste a délibérément choisi des start-up qui incarnent le succès. Chacune des trois grandes sections du livre est d’ailleurs placée sous le patronage d’un des géants du Net : Créer comme Pinterest, Exécuter comme AirbnB et Croître comme Uber. Mais le propos fait également appel à d’autres firmes tout aussi connues et dans des secteurs variés. Ce que l’auteur met en avant, ce sont d’abord des trajectoires. Un homme avec sa personnalité particulière, son environnement, sa culture, qui finit par trouver la bonne idée et qui connaît un irrésistible succès. Ainsi Jan Koum, d’origine ukrainienne, ayant vécu en URSS, est-il particulièrement attentif à la protection des données personnelles : quand il crée WhatsApp, il met le respect de la vie privée au cœur de son innovation. Il quitte d’ailleurs l’entreprise en 2018, à cause de ces questions sensibles, sur fond de désaccord avec Mark Zuckerberg qui l’a rachetée quatre ans plus tôt.
Les fondateurs de Pinterest sont d’abord partis de leurs propres profils de collectionneurs, pour l’un de cartes de base-ball, pour un autre de photos d’architecture. Ils se posaient finalement la même question : comment classer les images qu’ils avaient trouvées sur le Net ? C’est de ce besoin personnel, sans étude de marché, qu’est né le principe même du tableau Pinterest, sur lequel on épingle les sites qu’on veut conserver et retrouver facilement. Créé en 2010 pour un petit groupe d’amis, Pinterest, dix ans plus tard, a atteint 322 millions d’utilisateurs actifs chaque mois !
On peut encore prendre l’exemple de Drew Houston, étudiant au MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui oubliait et perdait régulièrement les clefs USB sur lesquelles il sauvegardait son travail en cours. Pour son usage personnel d’abord, il a eu l’idée de la Dropbox, un service de stockage en ligne accessible à partir de n’importe quel ordinateur connecté. Il a cherché avec un associé à en rendre l’utilisation la plus simple possible. Lancé en 2008, le service est utilisé aujourd’hui par plus de 500 millions de personnes dans le monde dont 11 millions d’abonnés payants.
Ces trajectoires font rêver. Elles ne sont pas que le fruit d’une intuition ou d’un hasard heureux, même si Adrien Tsagliotis insiste souvent sur le caractère quasi miraculeux d’un succès.
En effet, le timing joue un rôle parfois essentiel. C’est ainsi qu’Instagram se lance juste au moment où les smartphones deviennent des appareils photo connectés, en particulier avec la sortie de l’iPhone 4 et ses images en haute résolution. Elon Musk a su quant à lui saisir l’opportunité unique d’un crédit de 465 millions de dollars du Département américain de l’énergie aux entreprises « cleantech » pour lancer sur le marché la voiture électrique Tesla : s’il avait hésité, la réduction drastique des subventions un peu plus tard (2010) n’aurait pas du tout permis le même développement pour l’entreprise.
Ce qui semble réunir toutes ces success-stories, c’est la capacité des concepteurs à se concentrer sur un cœur de métier et des éléments très simples.
Le journaliste fait remarquer que pour toutes les start-up qui réussissent, il y a une entité centrale sur laquelle s’appuie l’innovation : pour Instagram, la photo, pour Twitter, le tweet, pour Dropbox, le fichier, pour Linkedin, le CV. Tout le reste, ce qui va pouvoir être ajouté en termes de fonctionnalités, doit rester subordonné à cette « unité atomique » et ne doit pas la faire perdre de vue. Parfois, il faut savoir résister à des pressions venues de l’air du temps, voire aux requêtes de certains utilisateurs. Ainsi Pinterest n’a pas voulu mettre en place un comptage de « like » ou de « followers » et a résisté à toute « gamification » de son service.
Adrien Tsagliotis valide totalement l’injonction que profère Jeff Jarvis dans son livre La Méthode Google : « Concentrez-vous sur ce que vous faites le mieux et faites des liens vers le reste. » Il explique ainsi le succès de Uber par exemple. Le cœur de métier de Uber c’est la mise en relation pour rendre la gestion des flux de transport fiable et fluide. Les développeurs ont fait le choix de payer les services de spécialistes qui leur étaient utiles plutôt que de multiplier les développements en interne, comme Google Maps pour la cartographie, Twilio pour l’envoi de SMS aux clients ou Braintree pour la gestion des paiements.
À partir du moment où le fondateur de start-up tient un concept fort et se trouve capable de l’expliquer à son entourage, il peut d’abord s’appuyer sur un premier cercle d’utilisateurs organiques, c’est-à-dire directement touchés par l’entreprise. Ces premiers clients vont ensuite se muer en ambassadeurs du produit ou du service et devenir beaucoup plus efficaces que n’importe quelle campagne publicitaire. Le bouche-à-oreille permet de ne rien perdre du message essentiel : le retour, le feedback positif des utilisateurs.
L’entreprise Paypal l’avait bien compris à sa création en offrant 10$ à l’utilisateur qui invitait un de ses amis à expérimenter la plateforme de paiement. Airbnb a procédé aussi de manière analogue en offrant des crédits à ceux qui recommandaient le service à leurs amis. Le taux de croissance impressionnant repose sur un message à la ligne claire, facile à expliquer et qu’on a envie de partager autour de soi. Ainsi se renforce la diffusion auprès du public d’une bonne connaissance du cœur de métier de la start-up qui est lancée.
Si les premiers utilisateurs doivent être organiques, il est certain que les plus fortes progressions se font ensuite de manière virale. Mais attention, il faut savoir rester très proche de ses clients et arriver à transformer leur groupe informel en véritable communauté.
Un des cofondateurs d’Airbnb est un modèle presque caricatural de cette attitude : en effet, Brian Chesky a abandonné son propre appartement et il a choisi de vivre sans domicile fixe, en allant dormir de location en location Airbnb. Il fait directement la promotion de l’économie de partage qui sous-tend son entreprise. Il est clair qu’il ne manque pas de moyens pour acquérir une luxueuse résidence, mais la valeur que prône sa compagnie est plutôt celle de la sharing economy, en privilégiant l’usage par rapport à la possession. Brian Chesky explique d’ailleurs qu’on peut considérer qu’il est SDF ou au contraire penser qu’il a 650 adresses à San Francisco ! C’est une question de point de vue, ajoute-t-il. Avouons que c’est aussi un magnifique coup de communication ! Quelle plus frappante promotion pourrait être faite pour la start-up !
Il fait part de ses rencontres et de ses expériences sur un blog et crée ainsi autour de la transmission de son « expérience-client » bien particulière une communauté très soudée. Développer une forme d’empathie est très important dans sa démarche. Il communique beaucoup sur le fait qu’Airbnb a permis à des centaines de propriétaires d’éviter la saisie et la vente de leur bien au moment de la crise immobilière. De même, une prime de 2 000$ est allouée à tous les employés sous forme de crédit à dépenser sur la plateforme : ainsi la communauté et les retours d’expérience sont mis au cœur du dispositif managérial.
Les exemples que prend Adrien Tsagliotis sont, pour la majorité, américains, mais il met aussi en avant quelques entreprises françaises comme Blablacar. Là encore la firme encourage ses salariés à utiliser le service pour bien prendre conscience des besoins de la communauté.
Constamment les start-up considèrent qu’elles ont encore à apprendre de leur communauté et testent les fonctionnalités, observent les réactions et corrigent les produits proposés. C’est une étape indispensable notamment avant de lancer une nouvelle ergonomie ou une présentation différente des services dans la page. Twitter a recours régulièrement à des phases de tests auprès d’un panel d’utilisateurs avant de modifier quoi que ce soit pour tous les inscrits au site de microblogging.
Faute de l’avoir compris, Snapchat en 2018 a tenté d’imposer dans une mise à jour en février toute une série de modifications en classant les stories et en ne présentant plus les conversations les plus récentes en premier. Le mécontentement a été tel, allant jusqu’à une pétition de plus d’un million de signatures, que l’entreprise a dû revenir à l’état antérieur du service en ayant perdu en quelques mois près de 3 millions d’utilisateurs (sur presque 200 millions tout de même !).
La limite peut être vite franchie entre l’attachement à un service, un produit ou une solution et l’addiction quelque peu compulsive. On le voit bien avec la consultation des mails ou la lecture du fil d’actualité de Facebook ou de la TL (Time Line) de Twitter. Première chose au réveil, dernière activité avant de dormir : certains ont dépassé la simple prédilection pour une solution innovante. Les start-up prennent en compte ces phénomènes dans leur développement.
L’utilisation des smartphones et le développement de l’Internet mobile permettent aux entreprises de faire irruption à tout moment dans le quotidien de leurs clients. Ainsi TripAdvisor, à l’international, ou La-Fourchette, pour les restaurants en France, ne sont plus seulement des sites de réservation en ligne, mais font partie du voyage ou du moment gastronomique en invitant les utilisateurs à donner des avis motivés pour que d’autres préparent leurs propres expériences à venir. Le partage de photos, d’avis, et la conversation qui s’engage au sein de la communauté des clients sont des gages de confiance accrue envers la marque. L’engagement du client se crée ainsi spontanément.
Le choix de modèles 100% payants ou avec un accès freemium est important non seulement pour générer des revenus selon la proposition et le service rendu, mais aussi pour une meilleure visibilité de la marque. Ainsi Mailchimp qui permet d’optimiser le mailing marketing a d’abord fonctionné en modèle strictement payant ce qui lui a permis d’engranger des revenus pour améliorer ses services.
Puis les dirigeants sont passés au freemium en incluant dans chaque mail non payant le petit ouistiti qui est la mascotte de la marque et qui est devenu la meilleure des publicités gratuites : en à peine un an, la firme avait augmenté ses profits de 650%. Les utilisateurs gratuits deviennent les ambassadeurs du service et ramènent des abonnements.
En se portant à la pointe de l’innovation, les start-up se trouvent souvent en train d’expérimenter des modèles de business qui n’existaient pas encore. Ils en viennent parfois à proposer une vision du monde particulière. Le cas de Uber est sans doute l’un des plus caractéristiques, puisque certains parlent même aujourd’hui d’une « uberisation de la société ».
En effet, le modèle de Uber est d’abord venu bousculer le monde du transport urbain et des taxis. La concurrence, les polémiques, la croissance fulgurante, tout cela a obligé à un moment la firme à revoir son positionnement et à prononcer un grand mea culpa en septembre 2017 pour reprendre le dialogue avec les chauffeurs, puis un an plus tard pour se présenter humblement à l’écoute de ses clients.
Rapide, pratique, attentionné, le service proposé doit correspondre à une vision qui puisse fédérer autour d’elle des consommateurs et des prestataires. La diversification des services (livraison de glaces aux États-Unis, application UberEats, trottinettes Jump, à l’occasion d’événements UberChopper en hélicoptère ou UberBoat en bateau, etc.) la marque décline son expérimentation sous toutes les formes possible, sans perdre de vue son cœur de métier : la mise en relation via une plateforme.
Mais ces expérimentations risquent toujours de se heurter à la réglementation ou de mettre en évidence des vides juridiques. Amazon et les libraires, Netflix et les chaînes de télévision, Uber et les compagnies de taxis, les sites de streaming et les labels musicaux, Airbnb et les municipalités : autant de sources de conflits difficiles à gérer. Les start-ups ont le sentiment d’incarner la liberté d’entreprendre face à des lobbys puissants très installés, alors qu’à l’inverse elles sont vues comme des fers de lance de la déréglementation et du néo-libéralisme agissant à travers une concurrence déloyale. Le bras de fer n’est pas près de se terminer.
L’univers des start-up est un monde à part où les personnalités fortes sont prépondérantes. La passion est souvent à l’origine des innovations techniques et les fondateurs sont des créatifs à la recherche de nouvelles propositions qui entraînent l’adhésion des utilisateurs. Les clients forment des communautés autour des marques qu’ils affectionnent.
Tout un chacun doit pouvoir puiser une inspiration dans les pratiques qui ont cours dans ces écosystèmes bien particuliers. Dans l’animation d’un quartier, d’une association, et bien entendu dans sa vie professionnelle, on peut essayer de prendre en compte les principes qui ont mené ces start-up célèbres vers le succès.
Compilation d’anecdotes et d’expériences recueillies au cours de ses nombreux entretiens, cet ouvrage se destine à un public très large.
Très facile d’accès, souvent un peu humoristique, on pourra lui reprocher de ne choisir que des exemples déjà très connus d’un public intéressé par le sujet, mais, paru en août 2019, il est parfaitement à jour dans les données et les exemples sur lesquels il s’appuie, ce qui n’est pas toujours le cas des ouvrages consacrés à une matière qui change aussi vite.
Ouvrage recensé– S’inspirer des start-up à succès, Dunod, 2019.
Du même auteur– Start-up attitude, adoptez l’esprit start-up pour faire du business autrement, Dunod, 2017.
Autres pistes – François Bergerault et Nicolas Bergerault, De l’idée à la création d’entreprise, Dunod, 2019.– Steve Blank et Bob Dorf, Manuel du créateur de start-up : Etape par étape, bâtissez une entreprise formidable !, Diateino, 2013.– Eric Ries, Lean Start-up : Adoptez l’innovation continue,Pearson France, 2015.