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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Homo disparitus

de Alan Weisman

récension rédigée parCatherine Lomenech

Synopsis

Science et environnement

Supposons que l’homme disparaisse du jour au lendemain… Comment réagirait la nature ? Et toutes les constructions que nous laisserions derrière nous : les villes, les usines, les centrales nucléaires, les monuments… tout ce que nous avons déployé pendant des siècles d’occupation sur la Terre ? À partir des informations glanées auprès d’éminents scientifiques rencontrés partout dans le monde, grâce aux différents modèles étudiés avec eux, Alan Weisman dresse un inventaire précis et surprenant des événements qui se produiraient alors. À l’aide d’une écriture vivante et pleine d’humour, il emmène le lecteur dans un surprenant voyage au fil de sa curieuse hypothèse.

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1. Introduction

Alan Weisman a rédigé, il y a plusieurs années, un article pour le magazine Harper’s au sujet du site de Tchernobyl. Il y avait étudié comment la nature s’était réapproprié les lieux après le départ précipité des hommes. Cet article a inspiré à la rédactrice en chef de Discover Magazine l’idée de lui suggérer d’aller encore plus loin. Elle lui a alors demandé d’étudier ce qui arriverait si l’humanité disparaissait d’un seul coup. Alan Weisman a compris qu’une étude de la planète effectuée sous cet angle permettrait sans doute de tirer bien des enseignements.

Grâce à l’expertise des scientifiques, il a pu établir une projection de ce qui arriverait si l’hypothèse de notre disparition brutale se réalisait. Quel temps faudrait-il pour que la nature reprenne ses droits ? Redeviendrait-elle comme elle était avant notre apparition ? Qu’adviendrait-il des grands sites industriels, des villes ? Est-il possible que la Terre puisse un jour ne plus porter aucune trace de notre passage si ce n’est l’équivalent de ce que nous trouvons actuellement comme indices sur la vie des dinosaures ? Mais, s’il est possible d’établir un état des lieux précis, pourquoi ne pas s’en inspirer pour inventer un monde dans lequel la planète pourrait continuer à vivre en toute sécurité sans que nous ayons besoin de disparaître pour cela ?

2. La chute des géants

L’un des premiers dommages que l’homme a infligés à la nature, c’est la disparition des animaux. Il semblerait que le problème soit bien plus ancien que l’on ne pourrait croire. En fait cela a commencé dès que les premiers hommes ont commencé à quitter l’Afrique, berceau de l’humanité. Les premières victimes furent les grands mammifères. Des fossiles plutôt récents de mouflons, de paresseux géants ou de mammouths ont été retrouvés sur les terres du Kentucky, de Virginie ou de Louisiane. Il y avait sur le territoire américain des ours géants, des castors de la taille de l’ours brun actuel, une espèce de lion plus grand et plus rapide que le lion d’Afrique ainsi que le canis dirus, un très grand canidé.

En Nouvelle-Zélande, un oiseau de près de 300 kg, le moa, deux fois plus gros qu’une autruche a disparu, il y a moins de quatre mille ans. Paul Martin, chercheur à l’Université de Montréal en a tiré une théorie, dite du Blitzkrieg. Elle soutient l’idée que ces très gros animaux n’avaient aucune raison de se méfier des hominidés nouveaux venus qui arrivaient d’Afrique. Or qu’il s’agisse des premiers homo erectus, capables de fabriquer des haches ou des homo sapiens arrivés en Amérique il y a environ 13 000 ans avec des lances équipées de pointes en pierre, les hominidés étaient capables d’abattre du très gros gibier.

L’homme a donc, dès cette époque lointaine, commencé à faire disparaître des espèces animales. Les seuls gros mammifères qui ont survécu sont ceux d’Afrique. Ces derniers avaient, en effet, mené leur évolution en même temps que les hommes. Ils ont donc appris à se méfier d’eux et ils ont inventé des moyens de se défendre. Sur les autres continents, ils ont été pris par surprise et n’ont pas eu le temps d’apprendre à se protéger. Quant aux gros mammifères qui ont survécu sur d’autres continents, ils vivaient dans des zones où l’humain allait peu. Ou alors il s’agissait d’espaces, comme le Grand Nord, où il était plus facile de pêcher que de chasser.

Maintenant il est trop tard pour ces grands animaux disparus. Dans un monde sans humains, l’Afrique est le continent qui retrouverait l’état primitif le plus proche de ce qu’il était avant l’homme, car il reste encore une certaine quantité d’espèces d’animaux qui pourraient se régénérer. Les éléphants ne sont plus nombreux, mais la disparition de l’homme permettrait leur redéploiement.

3. Retrouver un territoire

Malheureusement si nos ancêtres, pour se nourrir, ont procédé au massacre de plusieurs espèces d’animaux, nous sommes capables maintenant de détruire quantité d’autres espèces sans même y toucher. Nous supprimons purement et simplement leur habitat. Alors qu’arriverait-il si nous les laissions tranquille ? Ce qui se passe à la frontière entre les deux Corées dans l’espace de no man’s land où personne ne met plus les pieds depuis presque 70 ans en montre un exemple intéressant. L’ours noir d’Asie, deux variétés de cerf, le lynx, la martre à gorge jaune ainsi qu’une chèvre des montagnes en voie d’extinction se sont installés sur ce territoire à nouveau préservé.

C’est sans doute grâce à ce bout de terre libre que les grues du Japon existent encore aujourd’hui. Elles arrivent de Sibérie et de Chine pour passer l’hiver dans ce no man’s land où elles parviennent à faire grandir quelques petits. Les scientifiques pensent que, si l’homme venait à disparaître, quelques tigres de Sibérie, trop à l’étroit dans ce territoire déserté, pourraient aller se réinstaller dans les montagnes à la frontière de la Chine et de la Corée du Nord, ce qui pourrait sauver leur espèce.

Autre exemple de destruction « passive » : nos câbles électriques et nos lignes à haute tension responsables de véritables hécatombes chez les oiseaux. 130 espèces d’oiseaux ont déjà disparu sur les quelques 10 000 qui existent dans le monde. Des études réalisées aux États-Unis ont conclu que soixante à quatre-vingt millions d’oiseaux meurent aussi chaque année aux États-Unis rien qu’en heurtant les véhicules sur les autoroutes. Si nous venions à disparaître brusquement, avant que la population des oiseaux puisse se régénérer, 100 millions d’entre eux se casseraient le cou chaque année contre les vitres non encore cassées de nos bâtiments.

En ce qui concerne les oiseaux chanteurs qui habitaient les champs, 60% d’entre eux ont déjà disparu. Ils pourraient profiter de la repousse des forêts pour retrouver de l’espace de vie. Cette bonne nouvelle est cependant tempérée par le fait que le plastique et les résidus de nos pesticides mettront beaucoup de temps à se détruire et empoisonneront nos champs, les océans et nos terres encore pendant longtemps. Même le plastique biodégradable ne se décompose pas dans l’eau car il faut le niveau de température d’un compost (environ 38 °C) pour que le processus de décomposition s’effectue. Il faudra ainsi des millénaires pour que tous les organismes vivants arrivent à s’en débarrasser !

4. Que deviendraient les terres agricoles ?

Alan Weisman présente deux exemples de ce que deviendraient nos territoires agricoles après notre disparition. La Nouvelle-Angleterre pourrait bien parvenir à retrouver son état originel, celui de l’Amérique du Nord avant l’arrivée de l’homme : un espace couvert de grandes forêts de feuillus, de pins ou d’épicéas. Dans cette région, les hommes ont abandonné tout un territoire après l’avoir exploité pendant trois siècles. Des chercheurs ont retrouvé, enfouis dans les forêts du Maine, du Vermont, du New-Hampshire ou du Connecticut, des centaines de milliers de kilomètres de murets construits au XVIIe siècle. Les agriculteurs arrivés dans ce pays avaient délimité leurs terres à l’aide des pierres qu’ils trouvaient partout sur le sol, vestiges des très anciens glaciers qui avaient jadis recouvert l’Amérique du Nord.

Par la suite, quand l’agriculture s’est industrialisée, les cultivateurs ont quitté ces lieux pour le Middle West où les terres semblaient plus riches et les hivers moins rudes. Malgré les trois siècles d’exploitation de ces terres, les forêts ont repoussé. Les murs se sont effondrés au fur et à mesure. Petit à petit les animaux sont revenus aussi et cette forêt tempérée de l’Amérique du Nord est pratiquement revenue à l’état de ce qu’elle était à la création des États-Unis en 1776.

Quant à la Grande-Bretagne, il s’avère qu’elle détient la collection la plus riche au monde d’échantillons de terre agricole depuis les années 1800. Initiée à Rothamsted Research pour tester les nouveaux engrais et établir des comparaisons avec les parcelles laissées au naturel, d’énormes quantités d’échantillons de terre, de céréales, de tiges, de feuilles, etc. ont été prélevées jusqu’à nos jours. Les bocaux qui les contiennent, datés et répertoriés depuis 1843, renferment de la terre, mais aussi de l’air de l’époque, car nombre d’entre eux n’ont jamais été ouverts. Les premiers bocaux témoignent d’un sol au pH assez neutre, qui s’est acidifié au début du XXe siècle en raison de l’industrialisation et des centrales à charbon dont la pollution s’étendait jusqu’aux campagnes. Dans les années 50, on a pu y trouver des traces de plutonium, à la suite d’essais nucléaires effectués dans le désert du Nevada, puis en Russie et dont les retombées sont arrivées jusque dans les campagnes anglaises.

Enfin les derniers bocaux contiennent des PCB, des hydrocarbures et enfin de la dioxine que l’on trouve sous forme de sédiments dans des échantillons de boue collectés à Rothamsted. Beaucoup de ces traces viennent de l’atmosphère, car elles ne sont pas liées à des substances plantées dans les champs, comme le zinc, entre autres, qui arrive directement des cheminées d’usine.

Combien de temps faudra-t-il à la terre pour digérer tout cela ? Les scientifiques pensent que le zinc mettra 3 700 ans, le cadmium, 7 000 ans, le plomb, 35 000 ans, quant aux dioxines, elles risquent même de perdurer jusqu’à la fin de la vie elle-même.

5. Combien de temps tiendraient les constructions humaines après la disparition de l’homme ?

Alan Weisman nous fait remarquer, non sans humour, que les ruines de la Rome antique montrent que la fonte résiste parfaitement au temps, il imagine alors que nos bouches d’égout et d’incendie pourraient bien trainer éternellement çà et là dans une nature à peu près reconstituée.

Selon les régions du monde, la disparition de nos constructions se ferait différemment. New York sombrerait dans l’eau, car jadis Manhattan était un terrain poreux rempli de racines qui redistribuaient l’eau de pluie dans les arbres et les herbes des prés environnants. Comme il ne reste plus assez de surface naturelle pour absorber et restituer toute cette humidité, 50 millions de litres d’eau sont pompés tous les jours pour protéger le métro new-yorkais. Après notre disparition (et la coupure du courant qui s’ensuivrait) la ville subirait d’énormes infiltrations d’eau qui ne mettraient sans doute pas très longtemps à abattre toutes les constructions. En 500 ans, la forêt aurait repris sa place et même le très solide pont de Brooklyn sombrerait en 300 ans parce que ses rivets et ses boulons se seraient corrodés.

L’île de Chypre donne un autre exemple de ce que deviennent des immeubles abandonnés. Sur la côte orientale de l’île, les chypriotes grecs ont construit une station balnéaire, Varosha, au début des années 1970. Destinée à concurrencer Cannes ou Acapulco, cette Riviera comportait de beaux et grands hôtels bordant 5 km de plages avec, à leurs pieds des boutiques, des cinémas, des bungalows et des bâtiments de service. Malheureusement dès 1974, quand la guerre a éclaté entre les populations turques et grecques de Chypre, Varosha fut abandonnée.

Deux ans après, les vitres étaient cassées, le vent et le sable s’étaient engouffrés dans les hôtels. Six ans après, des arbres poussaient à l’intérieur des bâtiments, les chaussées étaient défoncées par la pousse de la végétation. Vingt ans après, les murs se sont morcelés, les joints se sont dissouts et les briques sont tombées, laissant des grandes ouvertures montrant des gravats et des balcons effondrés. Les tortues sont revenues nicher sur les plages.

En définitive, les études concluent que ce qui tiendra le plus longtemps, ce sont les villes souterraines, les boutiques de Montréal, le métro de Moscou sans oublier les cités souterraines de Cappadoce qui, elles, devraient subsister des siècles après la disparition de l’homme.

6. Quid de nos industries ?

Est-il possible d’imaginer comment la nature pourrait se remettre de tout ce qu’il y a dans la région qui s’étend entre Houston et la baie de Galveston au Texas ? On y trouve des derricks, des raffineries, des usines chimiques, et des industries de plastique. Tant que l’homme est là pour gérer les torchères, les jauges, la solidité des conduites, des citernes, etc., un équilibre relatif sécurise l’ensemble. Mais après la disparition de l’homme, le moindre incendie dans un puits de gaz pourrait durer aussi longtemps qu’il y aura du gaz dans les gigantesques poches du golfe du Mexique (ce serait pareil au Koweït). Plus grave encore, l’explosion d’une ou plusieurs usines pétrochimique dégagerait dans l’air des nuages de cyanure d’hydrogène, que les alizés pourraient pousser bien au-delà du « couloir chimique » entre le Texas et la Louisiane.

Que dire au sujet du nucléaire ? Si l’homme disparaissait demain sans s’être volatilisé dans un accident, il laisserait derrière lui plus de 30 000 bombes nucléaires intactes jusqu’à ce que la corrosion attaque les cônes des missiles dont le plutonium s’échapperait condamnant les êtres qui vivraient sur terre à se débrouiller avec plus de 100 000 ans de radioactivité ! Sans évoquer les quelque 450 centrales nucléaires dont l’absence d’entretien aura pu engendrer quantité de catastrophes un peu partout dans le monde.

7. Connclusion

Alan Weisman termine son inventaire par une réflexion sur les hommes. Quel est le point de vue des religions face à l’avenir de l’humanité ? Allons-nous nous autodétruire, comme le suggèrent certains scientifiques par l’impact des nanotechnologies sur notre ADN ? Devrions-nous réduire la natalité à un enfant par famille ? Certaines projections annoncent que, dans cette hypothèse, la courbe de la population s’inverserait pour revenir aux environs de 4 milliards d’individus vers la fin du siècle. Une chose est certaine : notre impact est énorme, partout et certains dommages sont irréversibles.

Heureusement, avec beaucoup d’humour et un certain recul, Alan Weisman, s’amuse parfois à évoquer le fait que des êtres venus d’ailleurs ou de nouveaux terriens arrivant bien après notre destruction, pourraient admirer le portrait de Roosevelt, car le mont Rushmore pourrait tenir environ 7 millions d’années.

8. Zone critique

Le livre met en évidence l’influence destructrice de l’homme sur la Terre. Il présente des situations susceptibles de déclencher de grandes catastrophes. Les hypothèses, étayées par les arguments solides et techniques des spécialistes, ne sont pas rassurantes. Elles rejoignent les théories actuelles de l’effondrement. Mais le livre, écrit en 2007, porte en lui une dimension littéraire et philosophique qui le rend plus « léger ».

Le style et l’humour d’Alan Weisman font le reste. Il fait reposer toute son étude sur l’hypothèse de notre disparition instantanée. Le ton qu’il emploie rappelle l’esprit d’un jeu d’enfant : « pour dire » l’homme disparaîtrait demain. Il y a de l’humanisme dans son ton et une sorte de tendresse pour cet humain si arrogant et si faillible pourtant si dangereux. Peut-être est-ce là sa façon d’exprimer son espoir d’un changement d’attitude des hommes ou d’une résilience plus forte que prévu de l’Univers…

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé

– Homo disparitus, Paris, Flammarion, 2007.

Du même auteur

– Compte à rebours : jusqu’où pourrons-nous être trop nombreux sur Terre ?, Paris, Flammarion, coll. « Documents sciences humaines », 2014.

Autres pistes

– Yuval Noah Harari, Homo deus, une brève histoire de l’avenir, Paris, Albin Michel, 2017.– Faifield Osborn, La planète au pillage, Arles, Actes Sud, coll. « Babel », 2008.– Yves Paccalet, L’humanité disparaîtra, bon débarras !, Paris, J’ai lu, coll. « essais », 2007.– Jean-Michel Valantin, Géopolitique d’une planète déréglée, Paris, Le Seuil, coll. « Anthropocène », 2017.

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