Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Albert Najman
La moelle osseuse parle peu au grand public, qui d’ailleurs la confond souvent avec la moelle épinière. Pourtant, cet organe, niché au creux des os, est le berceau de l’ensemble des cellules du sang. Grâce à cet ouvrage, le lecteur découvre un organe riche et complexe, dont le rôle est capital pour le bon fonctionnement de l’organisme. Sans moelle osseuse ou avec une moelle osseuse qui dysfonctionne, la vie est rapidement compromise, comme le montrent les différentes maladies graves qui peuvent l’affecter.
La moelle osseuse parle peu au grand public, qui d’ailleurs la confond souvent avec la moelle épinière. Pourtant, cet organe, niché au creux des os, est le berceau de l’ensemble des cellules du sang. Grâce à cet ouvrage, le lecteur découvre un organe riche et complexe, dont le rôle est capital pour le bon fonctionnement de l’organisme.
Sans moelle osseuse ou avec une moelle osseuse qui dysfonctionne, la vie est rapidement compromise, comme le montrent les différentes maladies graves qui peuvent l’affecter.
Située à l’intérieur des os et protégée par le squelette, la moelle osseuse produit l’ensemble des cellules qui circulent dans les vaisseaux sanguins, les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes. Longtemps, elle est restée une énigme pour les scientifiques. En 1868, Christian Neumann est le premier à évoquer la production des cellules sanguines à partir de cellules souches situées dans la moelle osseuse. Mais depuis quelques décennies, les connaissances sur sa nature et son fonctionnement se sont accumulées jusqu’à permettre des exploits thérapeutiques inédits.
La moelle osseuse peut être assimilée à une usine qui possède une capacité unique dans l’organisme, celle de produire une dizaine de types cellulaires à partir d’un seul stock de cellules souches. Le fonctionnement d’un tel organe, que les scientifiques appellent l’hématopoïèse, implique des mécanismes ajustés de production et des systèmes précis de contrôle. À l’échelle de l’organisme, la moelle osseuse occupe un volume supérieur à celui du foie et se répartit en deux types de moelle, la moelle jaune, graisseuse, et la moelle rouge, active. À chaque instant, ces deux types de moelle sont en équilibre et peuvent se suppléer en cas de besoin.
Trois types de cellules souches sont retrouvés dans la moelle osseuse, dont les cellules souches hématopoïétiques, les cellules à la base de la greffe de moelle osseuse. La moelle osseuse ne s’arrête jamais de produire des cellules sanguines, au rythme impressionnant de 200 milliards de cellules par jour pendant toute l’existence. En fonction des besoins, la production peut être orientée vers tel ou tel type de cellules.
Encore aujourd’hui, beaucoup de questions restent en suspens sur les mécanismes précis de régulation et de contrôle du fonctionnement de la moelle osseuse. Une chose est sûre : la moelle osseuse a besoin de nutriments essentiels pour rester active, des nutriments puisés essentiellement dans l’alimentation. Trois nutriments jouent un rôle capital : le fer, la vitamine B9 et la vitamine B12. Même s’il n’y a pas de régime spécifique pour stimuler la moelle osseuse, certains régimes alimentaires peuvent au contraire exposer à des risques de carence en l’un de ces trois éléments. C’est le cas notamment des régimes végétariens et végétaliens, mais aussi du pica, cette habitude de manger des substances végétales ou minérales de toutes sortes.
Quelles sont ces cellules sanguines produites à partir des cellules souches de la moelle osseuse ? Il en existe trois grandes catégories, les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes sanguines.
Les globules rouges renferment un pigment rouge, l’hémoglobine, qui donne sa couleur au sang et assure l’oxygénation des tissus et des cellules dans tout l’organisme.
D’une certaine manière, notre carburant est l’oxygène de l’air. « À l’état normal, sans que nous nous en rendions compte, nous consommons environ 250 ml d’oxygène à chaque minute, et nous rejetons 200 ml de gaz carbonique » (p58). Ces cellules ne possèdent pas de noyau, ce qui facilite leur passage dans les vaisseaux sanguins de tous calibres. Les globules rouges sont par ailleurs porteurs des marqueurs de groupes sanguins, dont les plus importants sont les groupes ABO, Rhésus (DCE), Kell, Duffy et Lewis. Pour assurer une parfaite oxygénation des tissus, la surveillance des besoins en oxygène s’effectue à la fois au niveau des vaisseaux, par des capteurs de la pression artérielle, et au niveau des cellules, par une protéine particulière.
L’organisme peut ainsi adapter en permanence les fonctions respiratoire et cardiaque aux besoins en oxygène. Une des illustrations bien connues est le séjour en altitude, qui nécessite une adaptation de l’organisme à la réduction du taux d’oxygène dans l’air inspiré.
Les globules blancs regroupent différents types de cellules, toutes impliquées dans l’immunité : les polynucléaires, les monocytes et les lymphocytes. La mission de ces cellules sanguines est de protéger l’organisme des agressions extérieures, qu’elles soient ou non infectieuses. Chaque globule blanc a sa fonction propre et ses cibles privilégiées. Les lymphocytes constituent le support cellulaire de l’immunité et se subdivisent en plusieurs types de lymphocytes aux propriétés et aux rôles spécifiques.
Certains produisent des anticorps, d’autres détruisent des cellules, d’autres encore contrôlent le fonctionnement de tous les lymphocytes. Les globules blancs participent ainsi à la fois à l’immunité innée, cette capacité de l’organisme à reconnaître les agents étrangers et à les détruire, et à l’immunité acquise, fondée sur la reconnaissance spécifique d’un corps étranger et sur la capacité de mémorisation de cette reconnaissance. Comme pour les globules rouges, tous les mécanismes de défense auxquels participent les globules blancs nécessitent des systèmes précis de contrôle.
Au-delà de la capacité du système immunitaire à reconnaître les agents étrangers potentiellement pathogènes, les globules blancs peuvent également participer à la reconnaissance et à la destruction de cellules anormales, comme les cellules cancéreuses. Les tumeurs se développent lorsque les cellules tumorales échappent à ces mécanismes de reconnaissance.
Dernière grande catégorie de cellules sanguines, les plaquettes sont indispensables pour stopper les saignements et induire la coagulation sanguine. « La clef de 8 est ce mécanisme majeur qui permet la coagulation du sang en cas de blessure » (p.78). La cascade de réactions de la coagulation sanguine met en œuvre huit protéines du sang et ce phénomène succède à l’agglutination des plaquettes nécessaire pour former le caillot sanguin.
Ces mécanismes nécessitent une régulation très fine, pour stopper les saignements en cas de blessure, mais sans jamais provoquer de bouchon bloquant toute circulation dans le vaisseau sanguin concerné. Des signaux plaquettaires et tissulaires interviennent donc à chaque étape pour réguler la coagulation.
Un dysfonctionnement dans la cascade de réactions ou dans les systèmes de contrôle et de régulation peut provoquer des maladies graves comme les hémophilies, la maladie de Willebrand ou la thrombophilie.
Si la moelle osseuse remplit des missions capitales pour le bon fonctionnement de l’ensemble de l’organisme, elle peut comme tout organe être l’objet de dysfonctionnements et d’erreurs, malgré les multiples systèmes de contrôle et de régulation existants. En cas de problème, des maladies peuvent se développer, certaines bénignes, d’autres mortelles.
Le plus souvent, ces pathologies se développent insidieusement, sans symptômes pendant de longs mois voire de longues années, avant d’être diagnostiquées. Schématiquement, plusieurs catégories de maladies de la moelle osseuse peuvent être distinguées : les insuffisances de production de cellules sanguines, par exemple les anémies, qui sont une diminution du nombre de globules rouges sanguins, ou les erreurs graves dans les processus de production des cellules sanguines, qui aboutissent aux leucémies et aux lymphomes.
Des maladies auto-immunes peuvent également s’attaquer aux globules rouges ou aux plaquettes, provoquant la destruction de ces cellules sanguines, avec des conséquences majeures sur la santé des patients concernés.
En ce qui concerne les globules rouges, les maladies les plus fréquentes sont les anémies, qui résultent de causes diverses. La cause la plus répandue dans le monde est la carence en fer, qui elle-même peut se rencontrer dans des situations très différentes les unes des autres. Les carences en vitamine B9 et B12 peuvent également provoquer des anémies parfois graves, comme la maladie de Biermer.
Certaines maladies héréditaires touchent plus particulièrement l’hémoglobine contenue dans les globules rouges. La drépanocytose, maladie très répandue en Afrique et en Asie, correspond à la production d’une hémoglobine anormale en crochet, qui déforme les globules rouges en faucilles. Cette maladie provoque des problèmes circulatoires parfois gravissimes chez les jeunes enfants. Dans les thalassémies, le problème vient d’un défaut de production de certaines chaînes protéiques constitutives de l’hémoglobine.
À nouveau, les formes sévères peuvent compromettre gravement la santé des enfants atteints. D’autres pathologies affectent les globules rouges, des anomalies de leur membrane cellulaire ou encore des déficits en certaines enzymes indispensables à leur bon fonctionnement.
Lorsque l’on parle d’hématologie, on pense souvent rapidement aux leucémies et aux lymphomes, des maladies cancéreuses graves, mais heureusement rares.
Les leucémies tant redoutées correspondent à un excès de globules blancs dans le sang, et tous les types de globules blancs peuvent être concernés. Il existe en pratique clinique une vaste famille de leucémies, des myéloïdes ou des lymphoïdes, des aiguës ou des chroniques, selon la nature et le stade de développement des cellules sanguines touchées.
À chaque fois, une cellule unique subit une erreur grave dans sa programmation et se met à proliférer en échappant à tous les systèmes de contrôle, jusqu’à envahir la moelle osseuse et la circulation sanguine.
Ces erreurs graves peuvent être spontanées (par exemple des mutations génétiques) ou liées à des facteurs extérieurs (une irradiation, l’exposition à certaines chimiothérapies ou encore à certains produits chimiques).Les lymphomes quant à eux frappent plus les ganglions lymphatiques que la moelle osseuse elle-même et sont souvent associés à des causes infectieuses. Dans des cas extrêmes, la moelle osseuse peut s’arrêter totalement ou partiellement de fonctionner, suite à la perte de tissu hématopoïétique.
Des pathologies cancéreuses aux maladies génétiques qui frappent la moelle osseuse ou certaines lignées de cellules sanguines, les dernières décennies ont été marquées par une accumulation formidable de nouvelles connaissances sur les mécanismes pathologiques responsables de ces maladies. Ces connaissances ont permis de développer de nouvelles approches thérapeutiques, comme la greffe de moelle osseuse (ou greffe de cellules souches hématopoïétiques), mais aussi d’entrevoir des possibilités de guérison pour la quasi-totalité des maladies hématologiques.
Actuellement, le traitement des leucémies et des lymphomes repose encore principalement sur la chimiothérapie et la radiothérapie. Progressivement, de nouvelles thérapies ont fait leur apparition, comme l’immunothérapie, mais aussi et surtout la greffe de moelle osseuse. À sa découverte, cette méthode thérapeutique constituait une véritable prouesse médicale.
Aujourd’hui, elle est devenue un traitement courant des maladies du sang. Selon les cas, la greffe de moelle osseuse est une autogreffe (donneur et receveur sont une seule et même personne) ou une allogreffe (un donneur donne sa moelle osseuse à un receveur). L’allogreffe suppose une compatibilité sanguine la plus parfaite possible entre donneur et receveur. La meilleure compatibilité est obtenue entre les vrais jumeaux, puis au sein de la fratrie. Dans les autres cas, il faut trouver un donneur le plus compatible possible sur les fichiers nationaux et internationaux de donneurs de moelle osseuse. « À l’échelle mondiale, plus de 20 millions de donneurs inscrits » (p.179), avec une chance très réduite de trouver un donneur compatible pour chaque personne malade.
Désormais, les chercheurs travaillent à réaliser des greffes avec seulement une compatibilité partielle, pour élargir les possibilités de traitement. De même, depuis 1992 et la première greffe de cellules souches hématopoïétiques à partir du sang de cordon ombilical, la moelle osseuse n’est plus la seule source utilisable pour la greffe : le sang du cordon ombilical, considéré comme un déchet après l’accouchement, peut être utilisé pour greffer des cellules souches hématopoïétiques chez les enfants et chez certains adultes.
Malgré les immenses contraintes que ce type d’intervention représente et un suivi post-greffe long et éprouvant, « la greffe de moelle est toujours le traitement qui va sauver et apporter la guérison » (p.186). Mais les recherches actuelles pourraient permettre d’aller encore plus loin et de limiter le recours à ce type de greffe. Cette promesse est celle de la thérapie génique, qui apporterait une réponse définitive à presque toutes les maladies héréditaires du sang. Plusieurs essais cliniques sont en cours dans le monde pour la béta-thalassémie et la drépanocytose.
En cas de réussite, les patients atteints de thalassémies n’auraient alors plus besoin de transfusions sanguines régulières. D’autres méthodes fondées sur la génétique font progressivement leur apparition, comme les Car T cells (cellules immunitaires génétiquement modifiées), capables de lutter contre certaines formes graves de leucémies, ou encore les ciseaux génétiques, qui pourraient rapidement révolutionner le traitement des thalassémies, de la drépanocytose ou des hémophilies.
Enfin, des chercheurs utilisent les potentialités extraordinaires des cellules souches de la moelle osseuse pour produire hors du corps humain différents types de cellules sanguines. Une approche qui pourrait à terme totalement chambouler le don du sang et le monde de la transfusion sanguine.
La Moelle osseuse. La fabrique du sang permet de découvrir un organe très particulier, la moelle osseuse, et son rôle essentiel dans le bon fonctionnement de l’organisme. Les dernières connaissances scientifiques et médicales y sont abordées au travers de la description des cellules sanguines, des cellules souches et des mécanismes de contrôle de la production de moelle osseuse.
Les grandes maladies du sang, qu’elles soient graves ou non, aigües ou chroniques, héréditaires ou non, sont également abordées et expliquées, à la lumière des dernières avancées thérapeutiques, qui permettent aujourd’hui d’entrevoir des possibilités de traitement pour toutes les maladies affectant la moelle osseuse.
Dans cet ouvrage, Albert Najman s’appuie sur les dernières connaissances reconnues par l’ensemble de la communauté médicale et scientifique du monde entier. Il évoque notamment les dernières avancées thérapeutiques. Pour l’instant, certaines thérapies, comme la thérapie génique, restent limitées aux études de laboratoire et doivent encore être validées par des essais cliniques.
Si les connaissances théoriques autour de ces techniques font l’unanimité des chercheurs et des médecins, leur utilisation en médecine soulève parfois des débats éthiques complexes. Les thérapies cellulaires et génétiques sont en effet perçues par une minorité de personnes – souvent en réponse à des croyances religieuses – comme une manipulation inacceptable des êtres vivants.
Ouvrage recensé– Albert Najman, La Moelle osseuse. La fabrique du sang, Paris, Odile Jacob, 2019.
Autres pistes– Henri Atlan, Le Vivant post génomique ou Qu’est-ce que l’auto-organisation ?, Paris, Odile Jacob, 2011.– Lucienne Chatenoud et Jean-François Bach, Immunologie, Paris, Lavoisier, 2012.– Mohamad Mohty et Eolia Brissot Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, Paris, LGM Sciences-Le Grand Métier, 2017.