Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Alexis de Tocqueville
Dans De la démocratie en Amérique, Tocqueville envisage la démocratie naissante d’abord comme une forme de gouvernement, mais également comme un « état social » : un ensemble de comportements et de représentations propres aux sociétés démocratiques, dont le surgissement est inévitable. Loin d’être pensée comme un modèle à suivre, l’expérience américaine qu’il décrit est l’occasion de réfléchir à notre propre manière, européenne, de construire la démocratie. Il en explore donc autant les vertus que les travers et l’actualité de ses craintes est le signe de la pertinence remarquable de ses observations.
Le contexte d’élaboration de l’œuvre est particulièrement éclairant pour saisir certains enjeux de De la démocratie en Amérique. En avril 1831, Alexis de Tocqueville et Gustave de Beaumont, magistrat collègue et ami, embarquent à destination de New-York, sous le prétexte d’étudier le système pénitentiaire américain, qui se double d’un véritable intérêt pour la question de la démocratie. Critiqué pour son ambivalence vis-à-vis de ses positions politiques, le voyage permet également à Tocqueville de s’éloigner de la France de la monarchie de Juillet.
Les réflexions déclinées dans l’œuvre de Tocqueville sont en germes dès les premières pages : « J’avoue que dans l’Amérique, j’y ai cherché plus que l’Amérique, j’y ai cherché une image de la démocratie elle-même […] j’ai voulu la connaître, ne serait-ce que pour savoir du moins nous devions espérer ou craindre d’elle » (p.69). Cet ouvrage se donne pour but la description et l’analyse du régime politique démocratique et de ses institutions, mais il considère également, et c’est là où se situe un des grands apports de Tocqueville, que la démocratie est aussi et surtout un état social, c’est-à-dire qu’on la décèle à tous les niveaux : sociaux, culturels, économiques… Pour le penseur, cet état social démocratique s’oppose radicalement à l’aristocratie.
Tocqueville décèle dans la marche du monde, l’existence d’une « passion de l’égalité » qui animerait les individus à vouloir améliorer leurs conditions. Elle est à l’origine des bouleversements politiques en Europe, à commencer par la Révolution française. La passion de l’égalité amène une société démocratique à « l’égalité des conditions », c’est-à-dire à l’égalité juridique, sociale, mais non réelle : tout le monde ne possède pas les mêmes biens sociaux (richesses, pouvoir, prestige), mais tous ont la possibilité d’entrer dans la compétition pour y accéder.
Partant de l’observation que cette « passion de l’égalité » progresse inéluctablement , Tocqueville s’interroge sur l’ensemble des conséquences de ce processus. Il explore ainsi les liens réciproques entre le principe qui gouverne les sociétés (cette passion) et le type de régime politique (la démocratie en tant que forme de gouvernement) qui peut en émaner. Les États-Unis, seul pays au monde où toute la société est fondée sur le principe de l’égalité des conditions, ne représentent pas une image potentielle de l’avenir de l’Europe. Mais l’exemple américain offre néanmoins des éléments pour penser cet avenir. Tandis que les États-Unis sont parvenus à maîtriser cette passion, l’Europe s’interroge encore sur la manière dont transformer ces passions en « mœurs », en coutumes instituées. La comparaison entre le vieux et le Nouveau-monde est donc bien un des éléments fondamentaux du propos.
Pour Tocqueville, il dépend des hommes que la démocratie donne naissance à des institutions libres et stables, ou à l’inverse, aboutisse à la servitude, sous les traits d’un despotisme d’un genre nouveau. Cette recherche doit être l’objet d’une nouvelle science politique.
Aux États-Unis, le principe essentiel qui régit les lois et des institutions est celui de la souveraineté du peuple qui « plane sur tout le système politique » (p. 127). Il se manifeste notamment dans l’adoption du suffrage universel. Ce principe trouve son origine dans la manière décentralisée dont s’est élaboré le pouvoir aux États-Unis : nées dans les townships, les premières communautés de colons organisées, celles-ci se sont ensuite regroupées en comtés, en États, et enfin État fédéral.
En plus d’en être la source, la décentralisation renforce la souveraineté populaire, car elle permet d’intéresser tous les individus à la chose publique : le régime américain éduque ainsi ses citoyens à la vie démocratique. Tocqueville admire dans la formule fédéraliste originale des États-Unis la synthèse entre décentralisation administrative (les décisions politiques se prennent à tous les échelons) et centralisation gouvernementale (concentrer le pouvoir de diriger certains intérêts communs à toutes les parties de la nation, comme la formation des lois générales ou la politique extérieure). Si l’instabilité politique est reconnue comme l’un des plus grands maux du régime américain, elle ne semble pas de constituer de réel danger pour la permanence de celle-ci.
Dès ses débuts, l’état social des Américains est démocratique, puisqu’il repose en effet sur le principe de l’égalité, qui régnait déjà dans les premières colonies de Nouvelle-Angleterre. Ces dernières se composaient d’individus qui se pensaient égaux : ils parlaient la même langue, ils priaient Dieu de la même manière, étaient soumis aux « mêmes causes matérielles », et se sont rapidement soumis aux mêmes lois. Cet état démocratique de l’origine est préservé et étendu par les lois de successions qui – à l’instar de celle de Jefferson en Virginie – encourageait la division des propriétés à chaque génération. Ceci constitue la matrice de ce qu’on nommera plus tard le « rêve américain » : la possibilité pour tous d’améliorer ses conditions de richesses et de statut par le travail et la persévérance.
Tocqueville souligne également l’importance de la religion puritaine des premiers colons dans ce sentiment égalitaire. La religion a alors une utilité politique : les représentations égalitaires qu’elle suppose nourrissent le sentiment démocratique. Enfin, si elle parvient à conserver son influence morale, c’est parce qu’elle a su renoncer au contrôle du pouvoir politique. En effet le pouvoir, trop instable dans une démocratie, mettrait en danger la religion elle-même si elle risquait de s’y attacher.
L’égalité des conditions a des effets qui dépassent le simple rapprochement des fortunes, et qui sont visibles en tout lieu. Pour Tocqueville, l’un des traits les plus marquants de la société américaine réside dans l’absence de hiérarchie dans les rapports quotidiens et le sentiment qu’ont les hommes d’appartenir à la même classe moyenne.
De même, l’égalité agit sur les mœurs : leur tendance générale est à l’adoucissement : puisque parmi les hommes se diffuse le sentiment du semblable, il les rend plus sensibles au sort d’autrui, donc moins enclins à faire souffrir.
Ce phénomène d’égalisation se retrouve dans la sphère privée : au sein de la famille notamment, Tocqueville décrit la perte de l’autorité du père en tant que chef de famille, puisqu’ « aux yeux de la loi, il n’est qu’un citoyen plus âgé et plus riche que ses fils » p. 241). Il en est de même concernant les enfants : l’aîné n’a plus l’avantage dont il jouissait dans les aristocraties. L’égalité conduit en outre à la proximité plus grande des conditions féminine et masculine. Sur ce point comme d’autres, l’égalisation des conditions a largement dépassé les analyses du politiste, qui estimait que si les femmes devaient être « respectées », certaines tâches étaient, tout de même, naturellement réservées aux hommes...
La démocratie n’aboutit donc pas à une égalité réelle, puisqu’elle ne met pas fin à toute domination et qu’elle est compatible avec une plus grande inégalité de richesses, mais elle dépasse la simple dimension juridique et morale : elle établit entre les hommes « une sorte d’égalité imaginaire, en dépit de l’inégalité réelle de leurs conditions » (p. 226).
Il est important de préciser que la grande majorité des observations de Tocqueville s’appliquent au territoire qui correspond au nord-est des États-Unis. Il classe le sud des États-Unis comme une région dont la dynamique n’est pas semblable à celle du reste de la République : l’origine de ses colons, l’introduction de l’esclavage les distingue d’emblée des territoires situés au Nord. L’institution servile constitue pour Tocqueville « le fait capital qui devait exercer une immense influence sur le caractère, les lois et l’avenir tout entier du Sud » (p. 90) et façonne une véritable « sous-aristocratie ».
Considérés hors de la démocratie, l’esclavage et le racisme ne sont pas des problèmes de la démocratie, puisqu’ils rentrent directement en contradiction avec elle.
À l’image de la richesse, l’instruction se répand dans toutes les couches de la société démocratique, et si elle est rarement absente, peu d’Américains atteignent un haut degré de connaissance. « L’égalité s’étend jusqu’à un certain point sur les intelligences elles-mêmes. Je ne pense pas qu’il y ait de pays dans le monde où […] il se trouve aussi peu d’ignorants et moins de savants qu’en Amérique. L’instruction primaire y est à la portée de chacun ; l’instruction supérieure n’y est presque à la portée de personne » (p. 113). Aux yeux de Tocqueville, les États-Unis sont donc incapables de produire les grands intellectuels qui sortent du sein de l’aristocratie. À de nombreuses reprises, Tocqueville semble associer cette « moyennisation » à une forme de médiocrité, élément qui révèle en creux ses origines aristocratiques.
La passion de l’égalité pousse les individus démocratiques à la recherche et le goût du bien-être. Pour Tocqueville, c’est de cette tendance que naît un des aspects à la fois les plus importants et les plus menaçants de la démocratie, qui constitue un de ses concepts centraux et qui n’apparaît qu’à partir du second volume de la Démocratie : celui d’individualisme. L’opposition qu’établit sans cesse Tocqueville entre la modernité démocratique et la logique au fondement des sociétés traditionnelles aristocratiques recoupe partiellement celle que l’anthropologue Louis Dumont établit entre sociétés individualistes et sociétés holistes. Dans les sociétés individualistes, l’individu représente la valeur centrale. Au contraire, les sociétés holistes se perçoivent comme un tout hiérarchisé.
Pourtant, chez Tocqueville – certes bien distinct de l’égoïsme – l’individualisme se limite à ce « sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse de ses semblables, et à se retirer à l’écart avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s’être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même » (p. 15). Si la recherche du bien-être amène Tocqueville à montrer qu’il peut s’achever sur un repli de l’individu sur sa sphère privée, ceci ne doit pas nous mener à renoncer à la démocratie : c’est à l’intérieur de celle-ci que l’on trouvera le « moyen de la tempérer ».
C’est dans la passion de la liberté que l’on trouve l’essence des remèdes aux maux qui naissent de l’égalité, c’est-à-dire dans l’instauration d’institutions libres et l’usage de droits politiques. Plus spécifiquement, cela doit là encore - passer par l’éveil des intérêts des individus pour la chose publique, en les incluant dans les décisions politiques à leur échelle, par la décentralisation. Aux États-Unis, l’existence d’un sentiment patriotique plus fort que nulle part ailleurs est désigné comme le résultat direct de cette décentralisation.
Dans une démocratie, les décisions politiques sont prises « à la majorité ». Cet « empire moral de la majorité » est soutenu par une certaine conception de l’intelligence selon laquelle il y aurait plus de lumières et de sagesse dans beaucoup d’hommes réunis que dans un seul, dans le nombre des législateurs que dans le choix.
C’est « la théorie de l’égalité appliquée aux intelligences », que Tocqueville récuse vivement, en affirmant qu’une personne éclairée sera toujours plus sage qu’une somme de personnes moins éclairées. La majorité détient pourtant un pouvoir de fait absolu dans une démocratie, et une puissance d’opinion presque aussi grande. De nombreuses garanties sont présentes en Amérique afin de lutter contre cette tendance : les pouvoirs sont divisés, les États fédérés jouissent d’une large autonomie, le pouvoir exécutif n’est pas écrasé par le législatif sans être tyrannique, les juges ont une puissance considérable sans pouvoir en abuser… Mais aucune ne tient devant la majorité décidée à faire prévaloir sa volonté. Ici, l’on perçoit l’aspect parfois fataliste et inquiet de la pensée de Tocqueville. C’est exclusivement la sagesse de l’ensemble des hommes qui est en mesure de nous protéger de la menace de despotisme que fait peser la tyrannie de la majorité sur la démocratie.
C’est sur la pensée que pèse la plus grosse menace de la tyrannie de la majorité. Le pouvoir de l’opinion publique naît de ce que l’on pourrait appeler la « dialectique de l’émancipation individuelle », c’est-à-dire que chacun est de moins en moins enclin à croire en une seule personne, mais est de plus en plus disposé à croire « la masse » et c’est ainsi que « l’opinion […] mène le monde ». Les idées communes à une société, nécessaires au maintien du lien social, ne s’incarnent plus dans une autorité supérieure, mais dans l’opinion qu’elle considère être celle du plus grand nombre. Cette toute-puissance de la majorité sur l’opinion publique mène au conformisme intellectuel. Elle trace ainsi « un cercle formidable autour de la pensée » dans lequel chacun est libre en dedans, mais duquel il est impossible de sortir.
Contrairement aux régimes aristocratiques plus ou moins autoritaires, où la liberté d’expression n’existe pas, mais où la pensée ne peut être contrôlée, le mécanisme de contrôle des esprits est plus subtil, mais aussi plus fort dans ce despotisme démocratique. Le penseur qui sort du cercle ne s’expose pas à la censure ou à des représailles, mais, pire, à l’isolement et au rejet de ses concitoyens. Ce phénomène constitue pour Tocqueville la source du plus grand danger qui pèse sur les Républiques américaines et les démocraties en général, car il rend presque impossible la survie de l’esprit critique.
Les associations constituent des garanties de limitation du pouvoir des partis et plus largement de cette tyrannie de la majorité. Développé dans le premier volume, ce thème est repris dans le second et étoffé du constat que les associations n’appartiennent pas seulement à la sphère politique et peuvent avoir une influence considérable sur les mœurs. Elles sont, au même titre que la religion, une institution fondamentale de la démocratie.
Le dernier élément qui constitue une menace, mais cette fois pour la démocratie américaine en particulier, se situe non pas dans ce qui lui est inhérent, comme ce qui précède, mais dans ce qui entre en contradiction avec elle. L’existence de populations vivant sur le même sol que les Anglo-américains mais qui ne participent ni ne jouissent de la démocratie constituent des obstacles de taille à l'accomplissement de la démocratie et à l’égalité des conditions. Les Indiens, selon Tocqueville, probablement amenés à disparaître (et il dresse à cette occasion un saisissant tableau de l’ethnocide des indigènes américains), vivent pour la plupart hors de la société anglo-américaine et n’ont pas les moyens de l’affronter. Leur nombre diminue en outre de jour en jour. Pour le politiste, de par leur culture, leur histoire, leur réaction à l’invasion des États-Unis par les Anglo-américains, leur intégration est quasi impossible. En dehors de la démocratie, ils ne représentent pourtant pas un réel danger du fait de leur faiblesse.
La présence des noirs-américains est interprétée tout autrement par notre auteur. Elle est en effet le produit direct de l’esclavage, qui a eu pour effet d’introduire l’inégalité la plus extrême au sein d’une société où le principe égalitaire est censé être le principe suprême. Ces populations noires afrodescendantes sont des esclaves au Sud, ou, au Nord, de facto privés de droits civils et politiques. Tocqueville entrevoit, peut-être de manière particulièrement pessimiste, les difficultés d’intégration et de réconciliation de ces deux peuples. Le fait d’être noir est, dans les représentations collectives, associé au fait d’être esclave cette combinaison entre l’esclavage et la différence raciale donne à l’institution servile une portée qu’elle n’avait pas dans les sociétés antiques.
Dans le monde gréco-romain, une fois affranchi, l’esclave avait les moyens de s’intégrer, car plus rien ne le distinguait des autres membres de la société. Ici, à l’inverse, « Le souvenir de l’esclavage déshonore la race et la race perpétue le souvenir de l’esclavage » (p.455). Aussi, dans certains États du nord, où ils sont peu nombreux et où l’esclavage a été aboli (dès la fin du XVIIIe siècle pour certains États du nord), et bien que rien ne les empêche légalement de jouir des mêmes droits que les Blancs, les représentations dont ils sont victimes, le poids de la mémoire de l’esclavage, les empêche d’être considérés et de se considérer eux-mêmes comme des sujets de droit. Ceci préfigure la difficulté (voire l’impossibilité pour Tocqueville) d’intégration éventuelle à la société américaine. Tocqueville prévoit alors que leur situation doit aboutir à un affrontement lorsque les descendants d’esclaves affranchis ne manqueront pas de se rendre compte et de lutter contre la discrimination dont ils sont victimes.
Dans ses principes, la démocratie repose indissolublement sur la liberté et sur l’égalité. La démocratie induit toutefois des risques inédits pour la liberté. Ce paradoxe s’explique par ce que François Furet nomme la « dénivellation de préférence » : l’une peut exister sans l’autre, mais les charmes de la liberté sont moins immédiats et moins sensibles à l’homme démocratique que l’égalité, ce qui explique que les citoyens peuvent s’accommoder de diverses formes de servitude si celles-ci respectent l’égalité des citoyens. Cela n’est pas sans rappeler les sacrifices de nos libertés consenties par nous, citoyens des démocraties actuelles, pour garantir notre sécurité…
Ce qui traverse toute l’œuvre, et ce qui constitue à la fois l’objet de la réflexion et la crainte de Tocqueville, c’est donc la réconciliation entre la liberté et l’égalité. Elle doit empêcher la passion de l’égalité propre à la démocratie de nous faire tomber dans ce « despotisme d’un genre nouveau » que Tocqueville pressent, sans pouvoir identifier pleinement.
Cette œuvre, considérée par beaucoup comme le point de départ de la pensée de Tocqueville, est réhabilitée par les sciences sociales seulement à partir de la seconde moitié du XXe siècle.
Longtemps reconnu comme un grand historien et politiste, il fait donc aujourd’hui figure de véritable précurseur de la sociologie politique, notamment du fait des travaux de la part de sociologues jouissant d’une grande audience comme Raymond Aron (1905-1983) en France ou Robert Nisbert (1913-1996, sociologue conservateur) outre-Atlantique. Son œuvre est estimée pour sa méthode, l’exactitude de ses observations, la pertinence de ses intuitions et l’actualité de ses analyses sur les démocraties modernes. L’œuvre de Tocqueville a fait l’objet de commentaires incalculables et de nombreuses interprétations, de la part aussi bien de sociologues que de philosophes politiques. Si le second tome n’a remporté qu’un succès médiocre auprès de ses contemporains du fait de son abstraction relative, c’est pour les mêmes raisons que c’est le volume qui fait aujourd’hui l’objet du plus grand intérêt scientifique.
La Démocratie a, comme tout grand ouvrage, fait l’objet de critique. On lui a notamment reproché de ne pas s’être assez intéressé à la dimension économique de ces sociétés, alors que l’industrialisation allait jouer un rôle fondamental dans la marche de l’histoire de l’humanité dans les décennies suivantes. Il faut toutefois noter que les réflexions économiques sont nettement plus présentes dans le second volume.
La pensée de Tocqueville a également été la victime de récupérations dont les interprétations ne tiennent pas la route dès lors que l’on les confronte à l’intégralité du texte. Ce fut le cas notamment de la part d’un certain nombre de néo-libéraux ou encore par des mouvances monarchistes ou aristocratiques qui se fondent sur certaines de ses remarques aristocrates. Mais ces lectures sont généralement reconnues pour ne pas être fidèles à l’esprit de Tocqueville. Dans la Démocratie, les passages sur sa préférence pour le régime démocratique sont abondants. Tocqueville est ainsi aujourd’hui considéré comme un des plus grands théoriciens du libéralisme politique.
Ouvrages de Tocqueville
– De la démocratie en Amérique, Tome 1, Garnier Flammarion, Préface de F. Furet, Paris 1986 [1835], 569 pages. – De la démocratie en Amérique, Tome 2, Garnier Flammarion, Paris, 1986 [1840], 414 pages. – L’Ancien régime et la révolution, Garnier Flammarion, 1988 [1856], 416 pages.
Sur Tocqueville
– Marcel GAUCHET, « Tocqueville, l’Amérique et nous », in La Condition politique, Paris, Gallimard, 1980.– Éric KESLASSY, Alexis de Tocqueville : De la démocratie en Amérique. Pour une sociologie de la démocratie, Ellipses, 2012. – André JARDIN, Alexis de Tocqueville, 1805-1859. Paris, Hachette, 1985, 522 pages.