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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Un monde en nègre et blanc

de Aurélia Michel

récension rédigée parPierre BoucaudAgrégé d’histoire et docteur en histoire médiévale (Paris IV).

Synopsis

Histoire

La traite atlantique (XVIe-XIXe siècle), dont au moins douze millions d’Africains furent victimes, est un produit du capitalisme marchand et de la colonisation européenne. Afin de légitimer la mise en esclavage des Noirs, le colonisateur développe la fiction du nègre et la renforce au moyen de deux autres fictions : la race et la supériorité « naturelle » du Blanc. L’exclusion du Noir, et souvent aussi celle du métis, survivent à l’abolition de l’esclavage et aux structures coloniales des XIXe-XXe siècles sous la forme d’un racisme résiduel. En effet, de la race naît un « monde en nègre et blanc » encore perceptible dans les sociétés postcoloniales.

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1. Introduction

Le 25 mai 2020, aux États-Unis, à Minneapolis (Minnesota), un policier blanc adepte des méthodes d’intervention musclées à l’encontre des Noirs interpelle George Floyd, un Afro-Américain, et l’immobilise si violemment que celui-ci en meurt.

Outre les Noirs, une part notable de la population américaine « blanche » en est scandalisée, tandis que des émeutes éclatent dans des villes de plusieurs États. L’affaire suscite rapidement des réactions à l’étranger, notamment en France où, à tort ou à raison, les soutiens d’Adama Traoré, un homme de 24 ans d’origine malienne, décédé le 19 juillet 2016 dans le Val-d’Oise à la suite, également, d’une interpellation policière, saisissent l’occasion pour contester les résultats des expertises réalisées après les faits.

Si les deux affaires se ressemblent, le cas des États-Unis et celui de la France, eu égard à la discrimination sur critère physique, sont bien différents. Néanmoins, ces deux pays partagent une expérience historique qui justifie la comparaison : l’un et l’autre ont en effet pratiqué la mise en esclavage des Noirs, à laquelle ont succédé la ségrégation aux USA et le colonialisme français en Afrique. Or le déni ne saurait effacer à bon compte le clivage passé entre dominants et dominés. C’est pourquoi, en France, la loi Taubira (2001) exige des concepteurs de programmes scolaires qu’ils abordent la traite atlantique, ce transfert violent d’esclaves Noirs vers les colonies ultramarines.

Dès le XVe siècle, en effet, se met en place dans l’espace atlantique un ordre racial piloté par des États européens, illustration nouvelle d’une tradition esclavagiste bien plus ancienne. Justifié par la fiction du « nègre », que conforte bientôt celui de « race » appliqué à l’humanité, ce mécanisme conduit à une domination blanche qui apprend à se passer de l’institution esclavagiste, une fois celle-ci abolie, en adaptant sa structure inégalitaire aux dernières vagues de colonisation. Il faudra donc rappeler l’ancrage de la traite atlantique dans une histoire globale de l’esclavage avant d’analyser sa finalité principale, la fonction productive.

Cela permettra de contextualiser la fabrication d’une fiction, celle du « nègre », et de comprendre ensuite comment une autre fiction, celle du « Blanc », débouche sur un racisme encore perceptible dans le monde occidental.

2. Esclavage et circuits de traite : des pratiques anciennes

« La traite européenne […] n’est qu’un sous-ensemble, par sa durée et le nombre d’individus concernés, au sein de l’histoire globale des traites » (p. 33). En effet, la traite atlantique est bien loin d’initier la pratique esclavagiste. Attesté dès le IIIe millénaire av. J.-C. à Sumer (en Irak actuel), l’esclavage est omniprésent dans l’aire méditerranéenne antique, en particulier à Rome. La guerre et les dettes sont alors les principales causes de ce statut, transmissible par filiation.

La condition de l’esclave est alors très diverse. Impitoyable dans les mines, elle paraît en revanche moins cruelle dans le cas des esclaves domestiques, et autorise même, parfois, une certaine considération, professionnelle notamment. Il arrive ainsi que des esclaves se hissent aux plus hauts postes de l’administration. Enfin, même circonstanciel, l’esclavage est une catégorie juridique et une structure sociale si répandues qu’il est qualifié de « naturel » par le philosophe grec Aristote (384-322).

En outre, des circuits de traite s’organisent, car l’esclave, réifié, est un bien à vendre et un capital à faire fructifier. À cet égard, le cas de l’Occident médiéval est particulier, puisque l’esclavage y est assez tôt remplacé par le servage, certes une fixation du paysan sur l’exploitation, mais qui n’implique pas la négation de son humanité. Cela ne dissuade pas Venise de vendre des Slaves (Sclavi, qui a donné « esclaves ») aux musulmans, puisque ces Slaves sont païens. Une norme appliquée chez les chrétiens comme chez les musulmans interdit en effet de vendre son coreligionnaire comme esclave.

De leur côté, les Arabes, encouragés en cela par certains versets coraniques, mettent en place, des années 650 à 1920 (!), une économie de traite structurée selon deux axes : la traite orientale, visant les Noirs du Soudan (Dar el Sudan, le « Pays des Noirs »), acheminés vers l’Égypte par la route du Nil puis vers l’Asie, et la traite transsaharienne, de l’Afrique noire vers la Méditerranée. Les traites arabes auraient ainsi asservi 17 millions de Noirs, soit davantage que la traite atlantique, bien que les chiffres soient encore très discutés. N’oublions pas, enfin, que l’empire du Ghana maîtrise au Xe siècle le circuit de la traite transsaharienne. Il existe donc un esclavagisme spécifiquement africain au Moyen Âge.

C’est cette traite intra- et intercontinentale arabe que les Portugais perturbent en longeant, dès le début du XVe siècle, les côtes d’Afrique de l’Ouest, y échangeant des Noirs d’Angola contre de l’or ou faisant dès 1466 travailler les Noirs dans leurs plantations de canne à sucre de l’île de Madère. Évidemment, la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb (1492), pour le compte de l’Espagne, ne fait qu’ouvrir des perspectives à cette activité esclavagiste, la traite atlantique ne tardant pas à stimuler l’avidité d’autres États européens.

3. Un système productif

L’approvisionnement en esclaves est assuré depuis des points fortifiés de la côte, comme le fort portugais d’Almina (Guinée), construit en 1481. Il s’intensifie après que Charles Quint a prononcé l’interdiction de réduire en esclavage les indigènes d’Amérique (1526), une décision qui favorise désormais le prélèvement de la main-d’œuvre servile en Afrique. De 20% d’esclaves noirs dans le Nordeste (Brésil) en 1570, la proportion passe ainsi à 100% dès 1620.

Les Portugais seuls jusqu’en 1640, puis les Hollandais, les Français et les Anglais organisent des expéditions négrières, parfois confiées à des sociétés spécialisées. L’une d’elles, la Société d’Angola, assure la fortune de l’armateur nantais Antoine Walsh (1703-1763). Les négriers livrent aux colonies, outre-Atlantique, leurs cargaisons d’esclaves au terme du « grand voyage », comme on dit alors, afin d’y produire le sucre destiné aux raffineries d’Europe, ultime étape du commerce triangulaire.

Le commerce atlantique est aussi un enjeu de puissance pour les États européens. Ces derniers sont par conséquent des acteurs essentiels du dispositif. Les souverains octroient par exemple un monopole commercial à des compagnies qui gèrent les relations des métropoles avec les colonies. C’est le cas du roi de France Louis XIV, qui fonde la Compagnie du Sénégal (1673) et la Compagnie de Guinée (1684), dont il est lui-même actionnaire. Colbert, son ministre, rédige le Code noir (1685) pour développer les plantations en contrôlant la violence des planteurs.

La plantation, appelée habitation par les Français, trouve alors peu à peu sa forme : d’une superficie de 40 à 100 hectares en moyenne, elle comprend des dizaines d’esclaves, un contremaître et des artisans blancs, outre les maîtres. Parmi ces derniers, surtout dès le XVIIIe siècle, beaucoup restent en Europe, où ils perçoivent leurs revenus. C’est le cas d’Antoine Crozat (1655-1738), chargé de la mise en valeur de la Louisiane par Louis XIV et dont la famille peut ainsi faire construire de prestigieux hôtels particuliers, comme le futur palais de l’Élysée.

Le système se révèle efficace et globalement rentable. Premièrement, les territoires cultivés s’étendent : l’île Bourbon (la Réunion), occupée par la France à partir de 1642, reçoit ainsi des planteurs dès 1715 environ. Ensuite, les productions du Nouveau Monde se diversifient avec le coton, le tabac, le café et l’hévéa. L’île de Saint-Domingue (actuelle Haïti) est un exemple frappant de développement esclavagiste : premier producteur de sucre avec 61 000 tonnes sur les 193 000 tonnes produites en Amérique vers 1770, sa population noire passe de 24 000 individus en 1713 à 500 000 en 1789, sur les 600 000 habitants que compte alors la colonie. La société coloniale y réunit sans confusion les maîtres, les petits colons blancs, les planteurs mulâtres et les « nègres », esclaves ou affranchis.

4. Le nègre

Ce terme, apparu à la fin du XVIe siècle, résulte de la traite atlantique et traduit une équivalence institutionnelle entre peau noire et esclavage, mais encore faut-il justifier cette « fiction du nègre » (p. 162), car, paradoxalement, on admet aussi que le Noir est un être humain, qui plus est christianisable.

Pour ce faire, on s’appuie dès le XVIIIe siècle sur des classifications du vivant réalisées par des naturalistes, qui diffusent la notion de « race ». Encore réservée aux animaux au XVIIe siècle, celle-ci est désormais appliquée à l’humanité et discrimine le Noir, comme y incite l’épisode biblique de Cham, fils de Noé, ancêtre des Noirs visé par une malédiction divine. Le planteur trouve ainsi des arguments dans l’œuvre de Buffon (1707-1788) pour se persuader que les climats conditionnent les phénotypes, c’est-à-dire le caractère et les traits physiques, et pour accréditer l’idée que la « nature » des nègres est « paresseuse et vicieuse » (cité p. 173). Thomas Jefferson peut donc se croire fondé à affirmer la supériorité des Blancs sur les Noirs dans ses Considérations sur la race (1781).

Malgré les consignes de modération délivrées par des jésuites comme le Père André João Antonil (1649-1716), la violence du système devient paroxystique, surtout dès lors que les révoltes se multiplient. Ainsi l’audace du fugitif, appelé « marron », est-elle sanctionnée par un tendon sectionné ou une oreille coupée. Olaudah Equiano (v.1745-1797) témoigne de cette violence. Capturé à dix ans avec sa sœur (1755) puis libéré (1766), il raconte dans son autobiographie (1787) comment les négriers s’emparent des enfants noirs en Afrique et les présentent enfermés dans des cages aux planteurs des Antilles.

Après que la traversée océanique a déjà tué jusqu’à 18% des captifs, les survivants résistent en moyenne sept ans sur la plantation. Là, des maîtres commettent parfois des viols de négresses au nom de leurs « besoins naturels », ont une progéniture métissée, mais refusent pourtant toute parenté avec le Noir. L’esclave est bien l’« antiparent » (p. 37), comme l’analyse l’anthropologue Claude Meillassoux (1925-2005).

Au demeurant, le système est de plus en plus contesté. Dès 1771, l’économiste Samuel de Nemours (1739-1817) affirme l’égalité des Blancs et des Noirs et réclame en conséquence l’abolition de l’esclavage. C’est aussi l’objectif de la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade (1787) et de la Société des Amis des Noirs (1788), dont l’action contribue à la première abolition de l’esclavage en France (1794), annulée par Bonaparte (1803), et aux abolitions de la traite (1800-1815), avant celle, définitive, de l’esclavage en France (1848) et aux États-Unis (1865). Mais comment, après « l’expérience nègre » (p. 229), construire une société sereine tout en continuant à tirer bénéfice des colonies ?

5. « L’ordre blanc »

La solution est d’abord économique. Au nom du « travail-pour-soi » (p. 216), idée libérale selon laquelle le travail est plus efficace quand il est volontaire, on favorise le peuplement des colonies par des Blancs, comme le fait la France en Algérie. Mais là comme dans les anciennes colonies esclavagistes, cela ne compense pas le travail servile, surtout dès l’instant où, sous l’influence des nationalismes, les Européens relancent la colonisation. La conférence de Berlin (1885), qui réunit les représentants de plusieurs puissances européennes, partage en effet l’Afrique noire, jusque-là en marge de l’occupation coloniale, entre plusieurs nations colonisatrices. Quelle place, désormais, pour le Noir, supposé libre ?

Les États colonisateurs présentent l’impérialisme comme un instrument au service du prestige de la nation et du rayonnement de la civilisation occidentale. Dès les années 1830, la science leur vient en aide en élaborant une théorie de la supériorité du Blanc, en particulier grâce à la phrénologie, l’étude de la forme des crânes, qui entend démontrer le caractère primitif du Noir. Arthur de Gobineau (1816-1882) justifie cette fiction dans son Essai sur les inégalités des races humaines (1853-1855), tandis qu’aux États-Unis, les thèses du Ku Klux Klan, une société secrète raciste, conduisent à la ségrégation entre Blancs et Noirs, constitutionnalisée dès 1896. De son côté, le général Joseph Gallieni (1849-1916) affirme mettre en œuvre une « politique des races » (p. 285) quand il s’appuie sur des relais politiques indigènes à Madagascar.

Le fait est qu’en Europe, la colonisation est plutôt fédératrice. Elle rallie par exemple des intellectuels comme Ernest Renan, qui l’approuve en ces termes dans sa Réforme intellectuelle et morale (1871) : « La conquête d’un pays de race inférieure, par une race supérieure, qui s’y établit pour le gouverner, n’a rien de choquant… » (p. 260). De même, elle séduit l’opinion publique, d’où le succès de l’Exposition coloniale de Vincennes en 1934. Le Blanc de la métropole peut bien apprécier le jazz, élément de la culture noire américaine, ou la revue parisienne de Joséphine Baker (1906-1975), une métisse, mais dans les colonies, le Noir n’en subit pas moins parfois le travail forcé. Dans Voyage au Congo (1926), André Gide dénonce ainsi les terribles conditions imposées aux Noirs sur le chantier du chemin de fer Congo-Océan.

En tout cas, après la Shoah (1941-1945), il apparaît que « l’ordre mondial ne peut reposer que sur le refus de la race » (p. 334). L’anthropologie elle-même y contribue à travers Claude Lévi-Strauss (1908-2009), qui déclare alors : « la race n’existe pas » (p. 334). Certes, les peuples colonisés conquièrent peu à peu leur indépendance, mais le racisme dont les Noirs sont parfois victimes en Occident est une séquelle persistante du « drame humain terrifiant » (p. 11) qui les a affectés pendant quatre siècles.

6. Conclusion

L’historienne déroule le fil qui, à travers la phase coloniale post-esclavagiste, relie la traite atlantique aux manifestations sporadiques de racisme à l’égard des Noirs dans le monde actuel. Elle y parvient en montrant qu’au cœur de ce processus, le concept de « race » remplit un rôle majeur. C’est autour de ce dernier, en effet, que se construit une altérité absolue au sein de l’espèce humaine. Celle-ci se traduit par le mépris, la domination et le refus de toute parenté du Blanc avec le Noir.

Il peut en découler un malaise profond chez les descendants d’esclaves et chez certains immigrés, qui doivent encore trop souvent faire face à l’imaginaire colonial, cet héritage qui, indéniablement, gangrène certains pays anciennement esclavagistes, à commencer par les États-Unis.

7. Zone critique

Cet ouvrage est une démonstration passionnante et solidement informée. À ce titre, il doit être recommandé aux étudiants en histoire et aux professeurs chargés d’enseigner la traite atlantique. Il convient aussi de souligner son caractère engagé, l’autrice affirmant son souhait de dénoncer l’injustice de l’« ordre blanc » (p. 347) afin de « le mettre au passé » (p. 15). Cela explique les propositions personnelles qu’Aurélia Michel livre dans sa conclusion (p. 335-351) afin d’alimenter la réflexion sur les moyens de construire un monde débarrassé du préjugé racial.

La nation, la « race », les crispations sur la filiation biologique, le capitalisme et l’apologie de la civilisation occidentale ont, trop longtemps, effectivement constitué les éléments d’un système oppressif. Toutefois, le racisme n’est pas l’apanage du « Blanc », même si ce dernier est bien à l’origine du sens contemporain du terme « race », appliqué à l’humanité. En France, l’antisémitisme et le séparatisme racial de la Tribu Ka, une association suprématiste noire, a par exemple entraîné sa dissolution en 2006. En outre, Aurélia Michel note qu’en 2016, 26 à 45 millions d’individus étaient encore victimes de l’esclavagisme (p. 32).

En particulier, des États qui ont tardivement opté pour l’abolition de l’esclavage peinent encore à la faire appliquer, comme au Pakistan, où sévit la servitude pour dettes.

Phénomène bien spécifique, la traite atlantique est devenue un objet historiographique enseigné que l’historien, à bonne distance de toute compétition victimaire, ne saurait privilégier aux dépens d’une histoire générale de l’esclavage et des autres traites.

Celles-ci ont été analysées par Jacques Heers et Olivier Grenouilleau, notamment, et présentées par Aurélia Michel dans les premiers chapitres du livre. L’humanité n’a en effet pas attendu l’invention de la « race », au sens actuel du mot, ni le « Blanc » pour mettre en œuvre les pires « ruptures en humanité » (p. 338).

8. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Aurélia Michel, Un monde en nègre et blanc. Enquête historique sur l’ordre racial, Paris, Seuil, 2020.

De la même auteure– « Le Mexique au pied du mur. Agua Prieta, Sonora, au temps de la présidence Trump », Problèmes d’Amérique latine, 109/2, 2018, pp. 71-92.– Delphine Prunier et Laurent Faret, « Familles migrantes et ancrages locaux au Mexique. Trajectoires et patrimoines migratoires dans la région de Tehuantepec », Autrepart, n°57-58, 2011/1-2, pp. 77-94.– Ville et santé mentale. Projections, politiques, ressources, Paris, Éditions le Manuscrit, 2009.

Autres pistes– Jacques Heers, Les négriers en terre d’islam. La première traite des Noirs (VIIe-XVIe siècle), Paris, Perrin, 2007.– Olivier Grenouilleau, Les traites négrières. Essai d’histoire globale, Paris, Gallimard, 2004.

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