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Big Bang et au-delà

de Aurélien Barrau

récension rédigée parAgnès Bourahla-FarineDiplômée de l'ESJ de Lille. Journaliste scientifique (Biologiste Infos/Passeport santé).

Synopsis

Science et environnement

Big Bang et au-delà décrypte les théories les plus récentes de l’astrophysique. Cette promenade en cosmologie questionne la science, notre rapport à la « Vérité », ainsi que les liens entre physique et métaphysique. Une exploration de la théorie du Big Bang et de ses fondements qui n’omet pas non plus d’évoquer les théories alternatives les plus récentes : gravitation quantique à boucles, théorie des cordes, multivers. L’auteur invite à s’étonner, à s’émerveiller. Une image multiple, mouvante et émouvante de l’univers se dégage de ce livre.

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1. Introduction

Le cosmos présente des visages multiples. Son image diffère, par exemple, selon les ondes avec lesquelles on l’appréhende – des ondes radio aux rayons gamma.

Le modèle du Big Bang est aujourd’hui largement admis dans la communauté scientifique : à l’origine, il y a 13,81 milliards d’années, il n’y avait ni espace ni temps, seulement une sorte de mousse qui s’est mise à enfler et qui a formé notre univers, toujours actuellement en expansion. Des théories comme celles de la matière noire ou de l’énergie noire commencent également à être confortées par les observations. D’autres demeurent plus spéculatives, de la gravitation quantique à boucles à la théorie des cordes.

Aussi Aurélien Barrau pointe-t-il le fait que « la science n’est pas indépendante des femmes et des hommes qui la pratiquent ». Elle ne peut être « une froide découverte du réel en lui-même ».

2. Comment la théorie du Big Bang s’est imposée en astrophysique

Au commencement de l’univers, « il n’y avait ni temps, ni espace, ni aucune des particules aujourd’hui identifiées », précise Aurélien Barrau (p.9). N’était présente qu’une sorte de mousse, qui s’est alors mise à enfler et s’est complexifiée : en ont émergé l’espace, le temps et la gravitation. L’univers s’est mis à croître de manière démesurée.

Des fluctuations microscopiques, à l’origine des galaxies et des étoiles, y apparurent ; puis naquirent toutes les forces et les corpuscules connus. L’univers poursuivit son expansion, plus lentement. « Matière et antimatière se sont en grande partie annihilées, seul un infime reliquat demeure, auquel nous devons pourtant toute de ce qui nous compose aujourd’hui » (p.10), écrit aussi l’astrophysicien. Se formèrent alors les premiers noyaux, et apparurent les étoiles, qui se structurèrent en galaxies. Les plus massives de ces étoiles explosèrent, formant des trous noirs. Les constituants les plus lourds de la matière, indispensables à l’apparition de la vie, naquirent également. Et des planètes se formèrent autour des étoiles.

Tel est le récit des origines de l’univers. Pourtant, ce modèle n’est pas toujours allé de soi. En effet, « la raison impose de penser un Univers éternel dans lequel se déploient des phénomènes temporels », indique Aurélien Barrau (p.45). Ce que conteste très exactement le Big Bang. « Que l’espace n’ait pas toujours été est véritablement une proposition sidérante ! », insiste l’auteur (p. 46). De fait, ce modèle du Big Bang a mis du temps à s’imposer dans le milieu des astronomes.

De nombreux arguments appuient cette théorie. Le premier est le paradoxe de Olbers : le fait que le ciel, de nuit, soit noir : « si l’Univers était statique et éternel, plus ou moins uniformément empli d’étoiles, il ne pourrait en être ainsi » (p.46), assure Aurélien Barrau. Et en effet, si rien n’avait évolué, le ciel nocturne serait infiniment brillant ! L’argument le plus décisif en faveur du Big Bang reste l’observation de l’éloignement des galaxies : toutes s’éloignent, en effet, les unes des autres. L’univers est donc en expansion. Grâce à la vitesse d’expansion observée, les scientifiques ont pu déduire le temps qui nous sépare de l’événement primitif, qu’on nomme le Big Bang : un peu plus de 13 milliards d’années.

3. Le cosmos présente des visages multiples

C’est une autre des leçons de l’astrophysique : les images du cosmos sont extrêmement diverses. Et la quasi-totalité des ondes lumineuses qui s’y propagent sont invisibles à nos yeux : des ondes radio, à la longueur d’onde élevée, aux rayons gamma, dont la longueur d’onde est bien plus faible, nos yeux ne perçoivent qu’une infime fenêtre d’ondes lumineuses.

De fait, la sélection naturelle a conduit les êtres vivants à se doter de détecteurs (les yeux) adaptés à leurs besoins : c’est donc la lumière émise par le soleil, notre étoile, que, seule, nous voyons et qui nous permet de distinguer tous les objets autour de nous. Mais il existe quantité d’autres ondes émises dans l’univers.

À très basse énergie, ces ondes lumineuses sont appelées ondes radio : elles seules sont capables de traverser la couche d’air entourant notre planète. Elles témoignent de la présence de particules très rapides dans des champs magnétiques – révélant ce qu’on nomme un rayonnement synchrotron. À une énergie légèrement plus haute s’ouvre le domaine des micro-ondes : il signe le rayonnement fossile de l’univers , qui s’est produit 380 000 ans environ après le Big Bang et baignait l’univers à ce moment-là. Également appelé fond diffus cosmologique, il qui a notamment été mesuré par le satellite COBE, puis plus récemment par la mission Planck. Quant au domaine des infrarouges, il est révélateur des zones de formation des étoiles.

Aux hautes énergies, les rayons ultraviolets permettent d’identifier des objets très chauds, et essentiels dans la mesure où ils révèlent un élément fondamental : le deutérium. Étant donné que les étoiles ne peuvent le synthétiser sans le détruire immédiatement, le deutérium qu’on observe aujourd’hui provient uniquement des premières secondes de l’univers : il s’agit ainsi d’un vestige des instants qui ont tout juste suivi le Big Bang ! Le domaine des rayons X témoigne, quant à lui, de la présence de systèmes binaires, où deux astres tournent avec frénésie l’un autour de l’autre.

Enfin, les rayons gamma sont les plus énergétiques. Ni le soleil, ni les autres étoiles, ni évidemment les planètes ne peuvent émettre de tels rayonnements, qui permettent de décrypter les quasars, des noyaux actifs de galaxies lointaines. L’un des plus fameux est la nébuleuse du Crabe : Aurélien Barrau a fait partie des équipes qui ont pu observer son intense émission de rayons gamma.

4. La matière et l’énergie noires

Le Big Bang trouve ses fondements théoriques dans la théorie de la relativité restreinte et dans la théorie généralisée de la relativité. « La relativité générale montre que l’espace est dynamique et que l’expansion de l’Univers est précisément ce mouvement de dilatation de la trame géométrique » (p. 123).

Le cœur de la théorie d’Einstein est « le fait qu’il n’existe aucune structure “figée” dans l’Univers, le fait que tout est dynamique et en interaction, le fait que l’espace-temps est un champ comme un autre régi par des lois d’évolution » (p. 99). Cette théorie a une traduction mathématique que les spécialistes nomment l’invariance par difféomorphisme. Deux problèmes majeurs, pourtant, questionnent ce magnifique ensemble : la matière noire et l’énergie noire.

Presque toute la masse visible de l’univers existe sous forme d’étoiles. Or il est aujourd’hui admis que les étoiles ne contribuent que très peu à la masse totale de l’univers : l’essentiel en est donc invisible ! Il s’agit du mystère de la matière noire. La matière noire standard serait constituée d’étoiles « ratées », et composée de gaz réparti entre les amas. Il existe également de la matière noire dite non standard, qui n’est même pas faite des entités élémentaires que nous connaissons dans le cadre de la physique des particules.

Un problème plus crucial encore défie la cosmologie moderne : celui de l’énergie noire. Des chercheurs ont entrepris de mesurer la décélération de la vitesse d’expansion de l’univers. Or celle-ci s’est avérée… négative. « Autrement dit, l’Univers accélère ! Il ne se contente pas de s’agrandir, il s’agrandit, en fait, de plus en plus vite… Comment est-ce possible alors que la gravitation attire et doit donc freiner ? » L’énergie associée à ce processus d’accélération est trois fois plus grande que celle de la matière noire. On l’a appelée l’énergie noire, mais on est loin de comprendre le phénomène : « Quelque chose, quelque chose de mystérieux qui constitue l’essentiel du contenu de l’Univers pousse l’espace à s’étendre de plus en plus vite. » (p.132). Il s’agit très probablement d’une nouvelle force, « inconnue et répulsive à grande distance » (p. 132).

Le futur LSST (Large synoptic survey telescope), conçu pour observer la totalité du ciel, s’avère très prometteur pour répondre à la question de l’énergie noire. L’entreprise Google y participe, et prévoit d’adjoindre un « Google Universe » au célèbre « Google Earth ».

5. La gravitation quantique à boucles et la théorie des cordes

Le Big Bang en tant qu’instant primitif et originel constitue un problème majeur en cosmologie : en mathématiques, c’est ce qu’on nomme une singularité, c’est-à-dire un lieu ou un temps où les grandeurs physiques tendent vers l’infini. « Au moment du Big Bang, comme au centre des trous noirs, la relativité générale ne fonctionne plus. Cette situation n’est pas anodine : le Big Bang est une prédiction inévitable de la théorie là où, précisément, la théorie cesse d’être valide ! » (p.162).

Et ainsi, « notre modèle cosmologique se bâtit à partir d’un état qui n’est pas physiquement défini ». Le recours à une description quantique serait alors intéressant. Ce sont les effets quantiques qui empêchent l’atome d’hydrogène de développer une singularité. Mais il s’avère extrêmement complexe de construire une théorie de la relativité générale quantique. Deux voies s’avèrent pourtant prometteuses : celle de la gravitation quantique à boucles et celle de la théorie des cordes.

Carlo Rovelli est l’un des créateurs de la théorie de la gravitation quantique à boucles : celle-ci prend au sérieux l’invariance de fond de la théorie d’Einstein, qui suggère qu’il n’existe plus aucune structure figée dans le monde, en y intégrant les principes fondamentaux de la mécanique quantique. De fait, en gravitation quantique à boucles, « l’espace-temps n’est plus une trame continue » mais un réseau très complexe : tout comme la matière est constituée d’atomes, l’espace serait fait de petits grains élémentaires. Les débats sont intenses au sein de la communauté d’astrophysiciens au sujet de ce modèle, prometteur pour lier la théorie à l’expérience.

La théorie des cordes est une autre voie possible, intensément étudiée depuis plus de 40 ans. On y suppose que les constituants fondamentaux ne sont plus des objets ponctuels mais plutôt des petits élastiques. L’espace compte alors neuf ou dix dimensions. Six d’entre elles sont supposées être recourbées sur elles-mêmes, compactifiées de manière si serrée qu’on ne peut les observer simplement. Conséquence fascinante : il existerait au moins 10500 lois physiques différentes effectivement possibles.

6. La science en question

D’après la théorie des cordes, on aurait donc affaire à un véritable « paysage de lois » (p. 173). Pour Aurélien Barrau, « ce qui se joue ici est plus qu’une simple controverse scientifique, c’est une réflexion sur la nature même de la science » (p.174).

Et d’ajouter : « J’ai beaucoup de mal à penser, surtout quand on aborde ces spéculations théoriques sur la gravitation quantique, une pratique scientifique qui ne s’accompagne pas d’une réflexion philosophique. » (p. 175). Pour une raison simple : « La philosophie, celle que j’aime – celle d’Héraclite, de Spinoza, de Nietzsche, de Derrida, de Deleuze, de Nancy, pour n’en citer que quelques-unes – est un outil redoutable pour fissurer les systèmes » (p. 176).

C’est sans parler du multivers. L’univers est-il unique ? L’idée d’univers multiples ouvre également un débat, voire une révolution potentiellement comparable à la rupture copernicienne. Il pourrait exister un nombre infini d’univers où tout ce qui est possible, soit tout ce qui est compatible avec les lois de la physique, se produirait, et même une infinité de fois. « Il doit donc exister une infinité de copies à l’identique de chacun d’entre nous. Ces alter ego ont tous les mêmes passés mais pas nécessairement les mêmes futurs… » (p. 183) Vertigineux…

7. Un regard sur la sociologie des sciences

Les élaborations scientifiques sont socialement déterminées. Aurélien Barrau le souligne, « notre modèle cosmologique n’est évidemment pas insensible au contexte sociétal dans lequel il se dessine » (p. 58).

Le sociologue et philosophe des sciences Bruno Latour l’a notamment prouvé : le premier rôle de la science est de « créer des êtres nouveaux », davantage que de montrer le monde en tant que tel. Une manière louable de souligner la contingence des mécanismes de production du savoir, bien que ce genre d’entreprise soit souvent décrié au sein de la communauté des scientifiques. Aurélien Barrau souhaite par ailleurs, ardemment, qu’à tous les niveaux de la société, y compris dans la recherche, il soit enfin possible « de jouer le libertaire contre le libéral » (p. 119).

Certes, la science n’est pas qu’un jeu de pouvoir ou un concours de rhétorique. Elle dit quelque chose de correct du monde. « Mais elle le dit suivant une vérité qui est, elle-même, construite et contractuelle, réfutable et mortelle. » Même si les conclusions sont objectives ou du moins intersubjectives, la manière dont on a interrogé le réel reste, quant à elle, tout à fait arbitraire. Or les manières d’interroger ce monde semblent infinies…

8. Conclusion

Notre modèle du cosmos est loin d’être achevé. « Chaque avancée, chaque compréhension du monde, chaque découverte est accompagnée de son lot d’interrogations » (p. 137). Allant plus loin encore que la description de l’univers, Aurélien Barrau pousse aussi les chercheurs à emprunter une voie qui les ferait sortir de leur tour d’ivoire. Finalement, l’astrophysicien estime que, si l’on ne sait exactement ni ce que fut l’origine de notre univers, ni ce que sera l’avenir des recherches, « ce chemin vaut la peine d’être parcouru » (p. 195).

À moins qu’il ne faille, plutôt, choisir une promenade sur le mode de ce que Derrida appelait une « destinerrance ». Il s’agit bien « d’ouvrir une brèche dans le mur des possibles » (p. 137). En somme, de perforer, en poète aussi bien qu’en scientifique, un embryon de réel…

9. Zone critique

Aurélien Barrau dresse ici un portrait de l’univers sans jamais cesser de questionner le processus humain à l’œuvre. Il ne dissocie jamais la recherche de l’homme lui-même en train de questionner le réel. Il déplore que les philosophes connaissent si peu les découvertes de l’astrophysique et que, inversement, les astrophysiciens s’emparent si peu de la philosophie et des champs de pensée qu’elle pourrait lui ouvrir.

C’est réellement l’atout de ce livre : faire résonner ensemble les multiples manières d’interroger le réel. Montrer que les résultats de la physique sont menés dans un certain cadre, contexte qu’il est possible d’interroger en lui-même. Finalement, l’essentiel réside dans notre capacité d’homme à nous émerveiller...

Pour citer de nouveau l’auteur de ce livre, la science « n’est évidemment pas la recherche de la Vérité. De la Vérité “majuscule”, de la vérité unique et absolue. La seule chose qu’on sache avec certitude d’une proposition scientifique est, précisément, qu’elle est fausse » (p.57). Ainsi, tout paradigme sera nécessairement un jour remplacé par un meilleur cadre plus adéquat…

10. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Big Bang et au-delà, Paris, Dunod, 2019.

Du même auteur– Des univers multiples à l’aube d’une nouvelle cosmologie, Paris, Dunod, collection « Quai des sciences », 2014.– Avec Daniel Parrochia, Julien Lescourges, Jean-Pierre Luminet, Sylvie Vauclair et al, Forme et origine de l’univers : regards philosophiques sur la cosmologie, Paris, Dunod, collection « UniverSciences », 2010.– De la vérité dans les sciences, Paris, Dunod, 2016.

Autres pistes– Stephen Hawking. Y a-t-il un grand architecte dans l’univers, Paris, Odile Jacob, 2014.– Stephen Hawking, Une brève histoire du temps – Du Big Bang aux trous noirs, Stephen Hawking, Paris, J’ai Lu, 1989.– Etienne Klein, Discours sur l’origine de l’univers, Paris, Flammarion, 2016.– Brian Green, L’Univers élégant, Paris, Robert Laffont, 2000.– Jean-Pierre Luminet, L’Univers chiffonné, Paris, Folio, 2005.

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