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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Le Burn-out des enfants

de Béatrice Millêtre

récension rédigée parKarine ValletProfesseure certifiée de Lettres Modernes.

Synopsis

Psychologie

Il est communément admis que le burn-out touche majoritairement les personnes en activité professionnelle. Et s’il pouvait aussi concerner nos enfants ? Voilà le constat que Béatrice Millêtre a pu effectuer au fil des psychothérapies menées avec de jeunes patients. Stressés, surmenés, les enfants d’aujourd’hui le sont très tôt en raison du rythme de vie effréné que leur impose la société, ainsi que du comportement des adultes mal à l’aise dans leur rôle d’éducateurs. De la sphère familiale à l’école, en passant par les loisirs, ils sont sous pression dans tous les domaines de leur existence. L’insouciance de l’enfance et le plaisir de déléguer les responsabilités aux adultes ne sont plus le lot commun des enfants. Résultat : ils craquent. Que faire face à ce constat alarmant ? Quels facteurs peuvent expliquer cette recrudescence d’enfants et d’adolescents victimes de burn-out ? Existe-t-il des catégories de jeunes plus à risque que d’autres ? Avec bienveillance et clairvoyance, Béatrice Millêtre s’adresse tantôt aux parents, tantôt à leurs enfants, pour leur donner des pistes afin d’éviter le burn-out ou d’apprendre à se reconstruire.

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1. En quoi consiste le burn-out ?

Également appelé syndrome d’épuisement professionnel, le burn-out est un phénomène qui touche de plus en plus de personnes, qu’il s’agisse d’adultes ou de personnes plus jeunes.

Selon les individus et le type de vie qu’ils mènent, il peut se décliner en un ennui profond et une grande lassitude, un épuisement extrême, voire une hyperactivité excessive. Il est généralement corrélé à une pression subie au quotidien, par exemple en raison d’exigences personnelles élevées ou d’un environnement de travail spécifique. Le stress qui en découle ne permet pas de s’épanouir et engendre une frustration. Bien qu’étudié depuis plus de 40 ans dans un cadre strictement professionnel, le burn-out s’immisce désormais dans d’autres domaines, notamment le milieu scolaire. Il touche par conséquent de plus en plus une tranche d’âge plus jeune, et ce dès l’école maternelle ou primaire. Selon une étude réalisée en 2014 par l’Unicef France, il concernerait 40 % d’enfants et 30 % d’adolescents.

Pour Béatrice Millêtre, parler de syndrome d’épuisement professionnel pour des enfants n’est en aucune façon une aberration. Si ceux-ci n’exercent pas encore un métier, l’école constitue l’équivalent d’une activité professionnelle qui leur impose contraintes et obligations.

Mais quel est le profil des jeunes victimes de burn-out ?

Au fil des psychothérapies qu’elle a menées, l’auteure a pu constater qu’ils possèdent, comme trait de caractère commun, une grande sensibilité. Ils se montrent bienveillants et altruistes envers leur entourage, entiers dans leurs convictions et exigeants avec eux-mêmes. Le cap de l’adolescence est également un facteur déterminant. L’émotivité atteint son pic sous l’effet des désordres hormonaux de la puberté. Or, la part rationnelle du cerveau n’est pas encore suffisamment développée pour dompter et canaliser cette hypersensibilité. Cette phase d’instabilité fait donc des adolescents une population davantage à risque en matière de burn-out.

2. Un environnement familial et scolaire de moins en moins structurant

Face à un monde en mutation où les repères habituels ne sont plus valides, les parents ne constituent plus un socle solide de la famille. Ils sont tout d’abord peu disponibles et moins présents en raison d’impératifs professionnels qui les accaparent. Ils ne peuvent donc pas répondre au besoin de socialisation de leur enfant. Ils ont par ailleurs tendance à déléguer leurs responsabilités au personnel scolaire et aux enseignants, alors que ceux-ci ne devraient être que des relais.

Béatrice Millêtre distingue trois catégories de parentalité susceptibles d’entraver le bon épanouissement de l’enfant.

Tout d’abord, les parents permissifs accordent une grande liberté de pensée et d’action à leurs enfants sans leur offrir de cadre réel pour se construire. À l’inverse, les parents autoritaires ne jurent que par l’obéissance et des règles strictes, sanctionnant l’enfant qui s’en écarte. Enfin, les parents désengagés n’assument absolument pas le rôle qui leur incombe : ils laissent l’enfant livré à lui-même ou confient le soin de s’en charger à de tierces personnes. Ces différents types de parentalités bousculent donc la structure familiale traditionnelle.

Des bouleversements d’un autre ordre sont aussi perceptibles dans le rapport que les jeunes entretiennent avec l’école. Censée être le second pilier éducatif après les parents, elle ne remplit plus sa mission avec la même efficacité qu’il y a quelques années. Le problème, c’est que la scolarité représente un pan essentiel de la vie d’un enfant, répondant à trois besoins fondamentaux : l’apprentissage cognitif et intellectuel, le développement des relations sociales et la pratique d’activités diverses. Si l’une de ces missions n’est pas remplie de façon satisfaisante, l’école perd sa raison d’être alors qu’elle reste toutefois obligatoire.

C’est ainsi que de nombreux jeunes perdent foi en l’institution scolaire. Plus tard, lorsque les niveaux d’études sont plus élevés, cette défiance à l’égard de l’école est amplifiée par le fait que les diplômes n’offrent plus l’assurance d’obtenir un emploi et de se démarquer sur le marché du travail. Elle n’est donc plus un tremplin professionnel fiable.

3. Les failles de l’éducation parentale moderne

Le rôle des parents est incontestable dans le bien-être de l’enfant. Or, il peut arriver qu’ils se sentent démunis pour diverses raisons. Les discours qu’ils tiennent sont quelquefois dépassés et ne prennent pas en considération les changements sociaux. Ainsi en va-t-il concernant le parcours scolaire et les diplômes, qu’ils érigent en idéal de réussite individuelle et professionnelle. C’est sans compter sur le fait que « le savoir-être, c’est-à-dire la personnalité, plus que les compétences et l’expérience » (p. 80), est devenu le critère primordial de sélection dans le monde du travail. Toutefois, les parents continuent de se référer aux modèles éducatifs désuets hérités de leurs aînés.

Derrière cette obsession de la réussite scolaire se cache une autre réalité. Dans un monde où la précarité est monnaie courante, les parents projettent leur peur de la pauvreté sur leurs enfants. Ils leur transmettent ainsi leurs propres inquiétudes quant à l’avenir. Béatrice Millêtre note que 58 % des enfants de 8 à 10 ans éprouvent déjà l’angoisse de connaître le chômage, alors que le pourcentage atteint 71 % chez les adolescents de 11 à 14 ans.

D’autre part, tous les parents commettent des erreurs, souvent de façon inconsciente, qui rendent leur système éducatif inefficace et contre-productif. Les « pensées dysfonctionnelles » peuvent par exemple avoir un impact négatif sur le développement de l’enfant.

Parmi celles-ci, on peut citer « l’étiquetage », à savoir le fait de porter des jugements de valeur catégoriques et sans nuance, ou bien « la surgénéralisation » qui consiste à faire d’un fait négatif une généralité caractérisant un individu. Ces maladresses se conjuguent à la difficulté de répondre aux injonctions paradoxales que leur adresse la société : « avoir de l’autorité sans être autoritaire, accompagner son enfant sans le brider et en le rendant autonome, le laisser faire ses expériences en lui fixant des limites » (pp. 103-104). Autant dire que les parents d’aujourd’hui sont pris en étau entre des exigences difficilement conciliables.

4. Des enfants en perte de repères

Si les causes du burn-out sont diverses et variées en fonction du profil de l’enfant, elles tiennent très souvent à la perte de repères. Les jeunes d’aujourd’hui font en effet l’objet d’un mégamorphisme, c’est-à-dire qu’on se comporte avec eux comme s’il s’agissait d’adultes. On leur demande par exemple d’être responsables et autonomes bien avant l’âge auquel ils en sont capables. On leur laisse en outre la possibilité de choisir et de décider, alors même qu’ils n’ont pas encore la maturité suffisante et qu’ils ne sont donc pas en mesure de le faire. Cette attitude libérale de la part des adultes a des effets pernicieux.

D’une part, les enfants ne parviennent plus à trouver la place qui devrait être la leur. D’autre part, ils entretiennent un rapport faussé avec eux-mêmes et le monde qui les entoure, puisqu’ils se croient en quelque sorte tout-puissants.

À cela s’ajoute le fait que les parents oscillent en permanence entre laxisme et autorité. L’enfant est ballotté d’un extrême à un autre. Tantôt il jouit d’une grande liberté, tantôt il est contraint de se plier à la volonté des adultes. Ce type d’éducation, hésitant entre une approche et son contraire, ne peut que créer l’incompréhension. Il brouille le rapport normal entre apprenant et éducateur, qui doit naturellement s’instaurer entre un parent et son enfant. Difficile dès lors de construire solidement son identité et de définir qui on est vraiment.

Enfin, les enfants sont soumis dès leur jeune âge à des exigences de réussite irréalistes. Cette pression qui s’exerce dans le cercle familial, ainsi que dans le cadre scolaire, les pousse à chercher en permanence l’excellence. Or, obtenir 20/20 à chaque devoir, être le meilleur dans ses activités, remporter toutes les compétitions sportives sont autant d’objectifs que l’on peut se fixer, mais qui ne sont pas toujours atteignables.

Car la quête de la perfection, comme le souligne Béatrice Millêtre, dépend de facteurs que nous ne maîtrisons pas forcément, tels que les aléas de la vie, notre état psychologique et physique du moment. En leur demandant de réussir dans toutes les circonstances et sur tous les plans, on ancre dans l’esprit des enfants que c’est un but facile à atteindre. Croyance erronée qui leur fait perdre le sens de la réalité et les conduit à se dévaloriser quand ils sont confrontés à l’échec

5. Burn-out : quelles conséquences et quelles solutions ?

Le burn-out a des répercussions sur la santé physique. L’enfant manifeste généralement une profonde fatigue qui est amplifiée par des troubles du sommeil. Les capacités intellectuelles sont aussi amoindries et révèlent des difficultés de compréhension et de raisonnement. Évidemment, le burn-out se caractérise principalement par une exacerbation des émotions négatives.

Car tout passe par le prisme déformant d’une mauvaise estime de soi et d’idées noires persistantes. Le mal-être de l’enfant peut ainsi se traduire par une véritable phobie à l’égard de l’école, un besoin irrépressible de pleurer, de l’agressivité, voire un état dépressif. Il peut aussi trouver sa réalisation concrète à travers des actes désespérés. La fugue, la désocialisation volontaire et même le suicide peuvent être des conséquences directes de l’état psychologique engendré par le burn-out. Quand l’enfant perd pied à ce point, il convient de se faire épauler le plus rapidement possible par un médecin et un psychothérapeute. L’auteure conseille également d’interrompre momentanément la scolarité et d’informer l’établissement afin qu’il puisse envisager un dispositif d’accompagnement pour le retour de l’élève.

En parallèle, il est capital de porter un regard rétrospectif sur ce qui s’est passé en vue d’identifier les éléments déclencheurs du burn-out. Pour cela, Béatrice Millêtre propose une auto-analyse sous forme de questionnaires destinés aussi bien à l’enfant qu’à ses parents, qui pourront en confronter les résultats. Une bonne façon de renouer le dialogue ! Car voilà certainement l’une des clés pour guérir du burn-out : une communication sincère où l’enfant peut exprimer ses désirs et dévoiler sa personnalité.

Ce dialogue doit être aussi pour les parents l’occasion de rétablir une relation saine, dans laquelle l’enfant est considéré comme une personne que l’on écoute afin de répondre au mieux à ses besoins. Selon le psychologue Abraham Maslow, ceux-ci sont au nombre de cinq : les besoins physiologiques, le besoin de sécurité, le besoin d’appartenance à un groupe, le besoin d’estime et le besoin d’amour. À des degrés divers en regard de son âge, chacun d’eux doit être satisfait pour permettre l’épanouissement de l’enfant.

Par le biais de la communication et du bon sens, les parents pourront ainsi concilier les espoirs qu’ils placent en leur enfant et la personnalité de celui-ci au fil de son développement personnel. À terme pourra s’installer une forme de « parentalité démocratique », se caractérisant par le fait que les parents « sont ouverts, discutent avec leurs enfants, leur expliquent leurs attentes, mais sont également capables de fermeté lorsque nécessaire » (p. 115).

6. Conclusion

Le burn-out chez les jeunes est donc aussi dévastateur que chez les adultes. S’il nécessite l’intervention d’un médecin et d’un psychologue, un travail coordonné doit également s’effectuer entre l’enfant et ses parents. Changer de cap en matière d’éducation, établir une communication constructive, être respectueux du développement psychologique en fonction de l’âge…

Autant de pistes que propose Béatrice Millêtre pour aider un enfant en burn-out à remonter la pente. La priorité est de garder à l’esprit que l’enfance est une phase importante dans la formation d’un individu et qu’on ne doit pas brûler cette étape.

7. Zone critique

Le burn-out est un trouble pathologique initialement associé au monde du travail. C’est le psychanalyste américain Herbert J. Freudenberger qui en établit une première description en 1974. Il le considère comme un état de fatigue découlant d’une frustration liée à un engagement professionnel fort. Au début des années 1980, la psychologue Christina Maslach insiste quant à elle sur le fait que le burn-out résulterait avant tout de facteurs extérieurs, tels que les conditions de travail. Elle crée pour les personnels médicaux et éducatifs un test d’évaluation du burn-out qui prend la forme d’un questionnaire : le MBI (Maslach Burn-out Inventory).

En France, le burn-out peine à être reconnu parce qu’il est difficile de le classer dans une catégorie précise de troubles professionnels, en raison de la diversité de ses symptômes. Depuis une quinzaine d’années, des psychothérapeutes comme Gisèle George ou Béatrice Millêtre ont établi qu’il pouvait aussi toucher les enfants.

8. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Le Burn-out des enfants, Paris, Éditions Payot, coll. « Payot Psy », 2017.

Autres – Denis Bochereau et Philippe Jeammet, La Souffrance des adolescents, Paris, Éditions de la Découverte, 2007.– Sam Cartwright-Hatton, Mieux vivre avec un enfant déprimé ou anxieux, Paris, Éditions de l’Homme, 2016.– Isabelle Filliozat, Il n’y a pas de parent parfait, Paris, Éditions JC Lattès, 2008.– Moïra Mikolajczak et Isabelle Roskam, Le Burn-out parental : l’éviter et s’en sortir, Paris, Éditions Odile Jacob, 2017.

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