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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Sous le signe du lien

de Boris Cyrulnik

récension rédigée parKarine ValletProfesseure certifiée de Lettres Modernes.

Synopsis

Développement personnel

L’amour est au cœur du livre Sous le signe du lien de Boris Cyrulnik. Mais il ne s’agit pas pour l’auteur de porter un regard de psychanalyste ou de psychologue sur ce lien si fort qui unit deux êtres. Il choisit au contraire d’aborder le sujet d’un point de vue biologique, social, parfois même culturel et historique. De l’attachement inné d’un enfant pour sa mère aux forces régissant la rencontre amoureuse, Boris Cyrulnik dévoile ainsi les mystères des liens d’affection qui se créent au sein des familles ou entre deux personnes qui se plaisent.

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1. Introduction

Qu’il soit filial ou amoureux, l’attachement est un lien qui structure l’individu dès son plus jeune âge et lui permet de se développer sur des bases solides. C’est ce que Boris Cyrulnik met en évidence dans son livre intitulé Sous le signe du lien, publié en 1989. Il y expose ses observations issues de dix années de recherches.

Privilégiant la démarche propre à l’éthologie, à savoir l’observation des êtres vivants dans leur milieu, l’auteur adopte une approche comparative entre l’homme et l’animal. Il étaye ses remarques d’analyses récentes ou plus anciennes qui apportent un éclairage multiple sur le sujet, de la psychanalyse de Sigmund Freud aux études de la primatologue Jane Goodall.

À quel moment un bébé établit-il son premier lien avec sa mère ? Quelle incidence la séparation a-t-elle sur le devenir d’un enfant ? Comment l’attachement amoureux à l’origine du couple s’enclenche-t-il ? Boris Cyrulnik répond à ces questions en explorant les mécanismes biologique, psychologique et socio-culturel qui modèlent les liens entre deux êtres.

2. L’interaction amoureuse : à quels facteurs est-elle soumise ?

Si les histoires d’amour semblent le fruit d’un pur hasard, force est de constater que le choix d’un partenaire est soumis à des critères sélectifs plus ou moins conscients. La formation des couples repose généralement sur l’homogamie, par conséquent l’attraction de la ressemblance. Cette quête narcissique rapproche en effet des individus aux caractéristiques dominantes similaires, d’un point de vue intellectuel ou physique.

À cela s’ajoute le milieu dans lequel on évolue et qui oriente les types de rencontres amoureuses qu’on a l’occasion de faire. Le cadre de vie (urbain, campagnard) délimite déjà une première sphère de possibilités. Un second cercle est déterminé par l’environnement familial. Celui-ci conditionne les rencontres amoureuses par le niveau social auquel il correspond, ainsi que par les lieux de fréquentation et de loisirs qu’il implique. La formation d’un couple ne présente donc qu’une dimension faiblement aléatoire, contrairement à ce que l’on pourrait croire.

Cette sélection naturelle, sociale et culturelle est parfaitement reflétée par le processus de séduction. Tout comme le monde animal où la parade amoureuse est aux prémices de la séduction, l’être humain met en valeur ses plus beaux atours pour charmer son partenaire potentiel. À cet égard, la langage corporel tient une place prépondérante. Plus ou moins élaborée, elle revêt une fonction signifiante et esthétique qui a un enjeu émotionnel et sensoriel. Qu’elles soient vestimentaires, capillaires ou cutanées, les parures varient selon les cultures et les populations. Pour Boris Cyrulnik, elles constituent des « pancartes sexuelles et sociales » qui informent sur la personnalité et les désirs de l’individu qui les arbore, ainsi que sur son appartenance à un groupe social déterminé.

Ainsi en va-t-il de l’étui pénien des indigènes de Nouvelle-Guinée, des scarifications de certaines peuplades ou plus simplement de la mode occidentale. Les rituels d’approche qui en résultent répondent également à des codes culturels distincts selon les pays. C’est ainsi qu’après la Seconde Guerre mondiale, les Européennes trouvèrent les Américains trop entreprenants lorsqu’ils les embrassaient, le baiser étant perçu comme un signe fort d’intimité par les Occidentaux.

3. Une sélection sexuelle prédéterminée

Dans le monde animal, le choix du partenaire est régi par une nécessité biologique imposant l’évitement de l’inceste.

Du psychologue Konrad Lorenz à la primatologue Jane Goodall, plusieurs études ont révélé que les comportements incestueux sont généralement inexistants chez les animaux vivant à l’état naturel, tels que les oies ou les singes. Deux conditions permettent la réalisation de cet interdit. La première est l’existence d’une structure sociale et générationnelle parfaitement organisée qui, chez les gibbons par exemple, conduit à rejeter hors du groupe les jeunes mâles ayant atteint la maturité sexuelle. La seconde est l’attachement à un « objet d’empreinte », c’est-à-dire un individu avec lequel a été créé un lien affectif et éducatif privilégié dès les premières semaines de la vie. Il s’agit en général de la mère ou d’un adoptant. Cet attachement inhibe tout désir pour l’objet d’empreinte qui ne peut donc devenir partenaire sexuel.

Chez les hommes, l’empreinte joue aussi un rôle dans l’inhibition de l’inceste. Mais la triangulation, à savoir la structure familiale nucléaire (père-mère-enfant), est également indispensable. Elle permet à l’enfant de se forger son identité sexuelle par l’identification à l’un de ses parents.

Par ailleurs, la « répression du désir intra-familial nécessite la présence d’un tiers interdicteur et fonde la première règle culturelle : la nécessité d’aller courtiser ailleurs » (p. 132). La fonction du père est par conséquent déterminante dans le non-accomplissement de l’inceste par l’adolescent. Sa seule présence fixe une barrière morale. Elle force le jeune homme à opérer un « déplacement du désir » (p. 132) et à s’extraire de son cadre familial pour trouver une partenaire.

4. Le cas du nourrisson : un monde relationnel évolutif

Le développement sensoriel du bébé débute plus tôt qu’on ne le croit puisqu’il est déjà à l’œuvre lorsque ce dernier est à l’état d’embryon dans l’utérus. La relation mère-enfant s’ébauche grâce à une communication intra-utérine qui stimule plusieurs sens. Les informations venues de l’extérieur sont intégrées par le fœtus et participent à son développement.

Parmi celles-ci, la voix maternelle tient une place prépondérante. Elle est à l’origine d’une véritable interaction avec le bébé qui, dès la 27e semaine, perçoit les sons et réagit en fonction des émotions que ceux-ci lui procurent. Les études ont permis d’établir que l’enfant change de posture et suce son pouce, mais aussi que sa fréquence cardiaque oscille en fonction de l’intonation ou de la musicalité des paroles prononcées. Boris Cyrulnik souligne que cette communication intra-utérine est multi-sensorielle puisqu’elle est également olfactive et tactile, les contractions de l’utérus effectuant des pressions sur le corps du bébé.

Plus étonnant encore : elle est aussi d’ordre gustatif ! Des études ont en effet démontré que des femmes marseillaises ayant mangé de l’aïoli pendant leur grossesse avaient familiarisé leur enfant avec cette saveur typique. Leur bébé réagissait favorablement lorsqu’on leur présentait une tétine parfumée à l’aïoli, à l’inverse des autres nourrissons.

Après la naissance, l’ensemble des voies sensorielles se développent au contact du monde extérieur, mais n’offrent au bébé qu’une perception parcellaire des éléments qui l’entourent. L’interaction mère-enfant change néanmoins de nature : le nouveau-né devient lui aussi émetteur et l’échange devient par conséquent bilatéral.

Loin d’être passifs, les bébés sont souvent initiateurs de la communication avec leur entourage. Au sixième mois, un changement de taille intervient : le développement neurologique du nouveau-né lui permet d’accéder à la maturité visuelle et à la reconnaissance des visages. Cette évolution est fondamentale dans la mesure où elle ancre plus profondément le processus d’empreinte et renforce le lien de l’enfant avec sa mère. Le bébé est alors sécurisé par les visages qui lui sont familiers et cherche l’assentiment maternel avant d’aller explorer des objets nouveaux. Plus tard, l’acquisition de la parole sera une autre étape majeure qui permettra de remplacer la gestuelle par la parole pour communiquer.

5. En quoi le lien mère-enfant est-il corrélé avec des représentations fantasmatiques ?

L’auteur le souligne dès le début de son ouvrage : « le bébé est imaginé avant d’être perçu, parlé avant d’être entendu » (p. 28), ce qui interfère dans le type de relation qui s’établit avec lui. Pendant les 9 mois précédant sa naissance, l’enfant est l’objet des projections fantasmatiques de ses parents qui l’idéalisent. Boris Cyrulnik note que cette perception du bébé peut être influencée par différents éléments extérieurs. Ainsi, les paroles prononcées par l’équipe médicale ont un grand pouvoir fantasmatique qui peut avoir des répercussions sur le comportement de la mère.

À la suite d’une naissance difficile, elles peuvent par exemple l’inciter à privilégier des gestes pratiques et utilitaires plutôt qu’affectifs à l’égard de son enfant. Les stéréotypes véhiculés par la société en fonction du sexe ont également une puissance modelante certaine du lien filial. Diverses expériences mettent en avant le fait que les parents adoptent une attitude plus affectueuse, chaleureuse et protectrice avec des bébés-filles qu’avec des bébés-garçons. Les filles sont d’emblée perçues comme plus fragiles et plus menues que les garçons, alors qu’aucune observation objective ne vient corroborer cette idée.

Le comportement de la mère est quant à lui soumis à l’interprétation qui est faite des gestes et mimiques du bébé. L’auteur prend l’exemple du premier baiser de l’enfant qui, au départ, correspond à un réflexe biologique de tétée et se manifeste par le fait de mordre. Une mère peut s’en amuser et en profiter pour créer un moment de complicité, si elle y voit un jeu. Une autre mère peut très bien réprimander son bébé, si elle considère ce baiser maladroit comme une marque d’agressivité. Dans les deux cas, la réaction maternelle transmet un message à l’enfant qui découle souvent du vécu et de l’histoire personnelle de la mère. Cette harmonie ou distorsion met en place les jalons de la relation à venir.

6. La carence affective chez l’enfant : quelles conséquences ?

Le cas des prématurés est l’exemple le plus représentatif de la séparation mère-enfant. Placés en couveuse, les bébés développent certains troubles du sommeil, alimentaires et musculaires, d’autant plus que l’isolement s’effectue pendant une « période sensible », c’est-à-dire un moment favorable à l’attachement. Cette privation précoce de la présence maternelle aurait même des conséquences à plus long terme, englobées sous la dénomination de « syndrome tardif des prématurés » (p. 77). Elles se manifesteraient au niveau comportemental, intellectuel ou physique, par exemple sous la forme de troubles dyslexiques et de difficultés scolaires. Boris Cyrulnik fait néanmoins remarquer que cette carence affective initiale peut être réparée. À l’inverse de l’animal pour qui la séparation précoce signe le plus souvent une rupture définitive de l’attachement, une femme peut rétablir l’interaction interrompue entre elle et son bébé.

Les enfants abandonnés illustrent également les désordres psychologiques résultant d’un arrachement familial. Privés de la présence sécurisante de leur mère ou de leur objet d’empreinte, « ils se replient sur eux-mêmes, augmentent leurs activités autocentrées » (p. 178), qu’ils manifestent en se balançant ou s’arrachant les cheveux. Amputé d’une partie de lui-même, l’enfant abandonné cherche à compenser son vide familial et affectif en se forgeant une vision idéalisée de ses parents. Une fois adulte, il n’aura d’autre but que d’entreprendre des démarches pour retrouver ses origines et reconstruire son identité. Cette expérience de l’abandon précoce est toutefois extrêmement fragilisante. L’auteur souligne qu’on dénombre dix fois plus de cas de dépression chez ces individus que chez les autres adultes.

7. Conclusion

De la naissance du corps à la naissance du lien affectif, Boris Cyrulnik nous livre donc au fil des pages les secrets de l’attachement maternel et filial, fruit de la rencontre amoureuse entre deux personnes.

Plus qu’un rapprochement instinctif et inné, l’amour entre une mère et son bébé relève de mécanismes biologiques qui tissent le lien dès le développement de l’enfant dans la cavité utérine. Si cette interaction se prolonge après la naissance, elle est néanmoins alors soumise à des facteurs extérieurs qui peuvent venir troubler le caractère fusionnel de cet attachement.

8. Zone critique

En écrivant Sous le signe du lien, Boris Cyrulnik s’inscrit dans le sillage des premiers éthologues, comme le psychologue Konrad Lorenz et le biologiste Nikolaas Tinbergen qui ont été les précurseurs de cette discipline et l’ont développée dans les années 1970.

À l’origine, l’éthologie a pour ambition d’observer les comportements des animaux dans leur environnement naturel afin de déduire les interactions entre individus et le fonctionnement social de chaque espèce. Comme le docteur Jacques Cosnier ou le professeur Hubert Montagner avant lui, Boris Cyrulnik applique cette technique d’étude à l’homme, ce qui lui permet de décrypter les interactions humaines dans le cercle familial, notamment la naissance des liens entre mère et enfant.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Sous le signe du lien, Paris, Éditions Fayard, Coll. « Pluriel », 2010.

Du même auteur– Les Nourritures affectives, Paris, éditions Odile Jacob, 1993.– L'Homme, la Science et la Société, Paris, éditions de l'Aube, 2003.– Parler d'amour au bord du gouffre, Paris, éditions Odile Jacob, 2004.– Mémoire de singe et paroles d’homme, Éditions Fayard, Coll. « Pluriel », 2010.– Résilience. Connaissances de base, Paris, Éditions Odile Jacob, 2012.– Sauve-toi, la vie t'appelle, Paris, éditions Odile Jacob, 2012.

Autres pistes– John Bowlby, Attachement et perte, Paris, PUF, Coll. « Le Fil rouge », 2002.– Alexander Mitscherlich, Vers la société sans pères, Paris, Éditions Gallimard, Coll. « Tel », 1969.– René Spitz, De la naissance à la parole - La Première Année de la vie, Paris, PUF, Coll. « Bibliothèque de psychanalyse », 2002.

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