Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Bruno Humbeeck
Dans cet ouvrage, Bruno Humbeeck y dévoile des outils de réflexion et différentes pistes pour aider les parents sur le chemin de l’éducation – et soutenir le développement de l’enfant. Comment contrôler son hyper-parentalité ? Comment laisser notre enfant s’enrichir sans l’étouffer ? Telle est la mission de l’auteur pour aider les futurs parents à vivre une parentalité apaisée.
Dans cet ouvrage, Bruno Humbeeck offre aux parents-lecteurs une piste de réflexions et de solutions pour tendre vers une éducation réussie et épanouie. Il traite la problématique de l’hyper-parentalité, de ces parents qui se mettent une très grosse pression et se sentent hyper-responsables. Quelle forme prend-elle dans la vie quotidienne et pourquoi mène-t-elle à l’échec ?
Pour éclairer son propos, l’auteur propose un plan structuré et clair : définition, explication, exploration et conclusion. Le lecteur y découvre les différentes formes d’hyper-parentalité ainsi que des clefs pour rectifier cette fâcheuse tendance des sociétés occidentales contemporaines.
L’hyper-parentalité est « une tendance qui invite à ne rien laisser au hasard dans l’accompagnement du développement de l’enfant, une inflexion qui pousse à revendiquer une performance éducative sans faille et une propension à se fixer des objectifs pédagogiques excessivement élevés. » Elle se construit déjà avant la naissance lorsque la future maman ressent de la pression, de l’angoisse, de la culpabilité et de la tristesse. C’est une parentalité excessive dans laquelle les parents surinvestissent leur rôle et visent une pédagogie avec des objectifs démesurés. L’hyper-parent a tendance à surinvestir la scolarité, à surcharger l’emploi du temps d’activités et à exiger des résultats immédiats !
L’auteur dresse une typologie amusante de cette sur-parentalité :
• Le parent-hélicoptère souhaite avoir son enfant à portée de vue de crainte que quelque chose lui arrive. Il pose toujours beaucoup de questions (Que fais-tu ? Où vas-tu ? À quoi joues-tu ?), mais son comportement est paradoxal : s’il souhaite construire l’autonomie de l’enfant, il lui envoie pourtant des messages contradictoires qui peuvent se résumer à Ne t’éloigne pas de moi et sois autonome. • Le parent-drone est une forme aggravée du parent-hélicoptère : « Identifier rigoureusement tout ce dont l’enfant pourrait avoir besoin et lui apporter, détecter exactement le moindre de ses désirs et y répondre précisément, repérer la plus petite de ses envies et s’y plier rigoureusement » (p. 31). Ce parent souhaite le meilleur dans tous les domaines (école, jeux, loisirs…) et attend donc qu’il soit le meilleur ; l’enfant est mis sous pression. • Le parent-curling, quant à lui, est focalisé sur sa progéniture et a une « tendance névrotique à n’agir en permanence que dans le but de favoriser le bonheur présent de l’enfant et sa réussite future » (p. 43). Il se déchaîne particulièrement lorsqu’il s’agit de l’ école et des terrains de sport. L’hyper-parent devient un enseignant drastique et un coach insupportable (sur le terrain, il perd souvent le contrôle jusqu’à hurler).
La typologie des famillesL’hyper-parentalité est un fait des familles occidentales contemporaines dans une société portée par l’individualisme, le consumérisme, le narcissisme et la peur du déclassement social. Il existe nombre de profils de famille.
En voici quelques exemples :
• La famille-tronc (ou famille nucléaire) privilégie une égalité au sein de la fratrie, ce qui peut empêcher le désir de chaque enfant de se distinguer. Le couple parental symbolisé par le tronc, sur lequel tout repose, y greffe des branches (les enfants). Un hyper-parent surexposera les performances d’un enfant pour faire rejaillir le prestige sur toute la famille, et cela ne sera pas obligatoirement bénéfique pour les autres enfants qui ne penseront pas avoir le droit à une part égale de lumière. Un couple doit donc veiller à conserver l’égalité tout en favorisant la réussite personnelle et les caractéristiques singulières. C’est dans ce type de famille que l’hyper-parentalité a des risques de se développer.
• La famille-houppier ou famille communautaire (le houppier désigne la partie de l’arbre constituée de l’ensemble des branches situées au sommet du tronc) est moins propice aux comportements d’hyper-parentalité, car l’accent est mis sur l’intérêt du groupe et non sur l’individualité.
Pour illustrer son propos, l’auteur explique que « l’arbre n’est pas là pour cacher la forêt, mais pour la constituer en harmonisant sa croissance avec celle de ses semblables » (p. 82).
• Dans la famille-souche, basée sur les racines familiales, il est normal et admis que certains enfants soient privilégiés au détriment des autres : par exemple l’aîné est en charge de faire fructifier le patrimoine. L’autorité du père y est reconnue ainsi que la pérennité des valeurs morales et des valeurs du clan (non celles de l’individu). L’hyper-parentalité ne se développe pas dans ce type de famille.
Le burn-out parental est l’une des conséquences de l’hyper-parentalité. Le parent s’écroule sous le poids de ses exigences (perfection, ingérence, contrôle) : « Le papa ou la maman éprouvera dans un premier temps la sensation d’étouffer dans son rôle. Dans un second temps, cette sensation de manque d’air, si elle n’est pas prise en considération ou ne trouve pas une réponse adaptée, produit chez le parent une adaptation mortifère qui, sur le long terme, peut lui donner le sentiment de se consumer dans sa fonction et de brûler sous le poids de son statut » (p. 183).
L’orthorexie alimentaire (volonté obsessionnelle de manger une nourriture saine et rejet de la malbouffe) est l’une des autres idées fixes d’un hyper-parent. Il n’est plus question maintenant de bien manger (avec appétit) mais de manger bien. Le concept est plutôt louable, mais cela devient un problème lorsque ça prend une dimension presque pathologique. L’hyper-parent pratique aussi la diabolisation obsessionnelle des écrans et des réseaux sociaux. Laisser un enfant seul devant un écran est inconcevable, car le parent ne maîtrise plus ce qui se passe.
Pourtant, selon l’auteur, il n’existe pas d’addiction à l’écran chez les enfants et les adolescents, mais cela « constitue un risque partiel en tant que facteur aggravant, pour un jeune adulte au préalable hautement désocialisé » (p. 207). Et bien entendu, une autre dérive de l’hyper-parent est le surinvestissement scolaire : trop de pression sur le travail scolaire et les résultats au détriment du plaisir d’apprendre…
La première conséquence sur les enfants est le déficit de l’intelligence émotionnelle. L’hyper-parent a un rapport ambigu avec les émotions puisque pour lui il est difficile de concevoir que son enfant, pour lequel il fait tout, puisse être triste ou malheureux.
« Toutes ces prises de position induisent une posture parentale souvent paradoxale qui tend, explicitement, à encourager l’expressivité tout en limitant, implicitement, le droit de visiter toute la palette des émotions disponibles » (p. 214). En clair, l’enfant a le droit d’exprimer ses émotions mais ne se sent pas autorisé à les ressentir puisqu’il sait que cela insécuriserait ses parents. Son cerveau va alors trouver la colère pour seule réponse à toutes ces émotions non identifiées. L’enfant, se rendant bien compte que ce n’était pas la colère qu’il devait ressentir, est alors en colère contre cette colère…
C’est un véritable cercle vicieux qui fait de l’enfant un tyran. Une autre conséquence de l’hyper-parentalité est la phobie scolaire. L’hyper-parent transmet son angoisse et son stress à son enfant : « 43 % des enfants de maternelle sont déjà stressés d’aller à l’école, 73 % des enfants du primaire poursuivent dans cette lancée, tandis que 93 % vivent la même expérience dans le secondaire ! » (p. 210).
Les enfants sont malheureusement marqués dès l’entrée à l’école d’une étiquette « excellent, bon, moyen, mauvais », et seule l’excellence trouve grâce aux yeux de l’hyper-parent. Les enfants ayant des difficultés deviennent des « dys » : dysorthographiques, dyscalculies, dyslexiques, « dys-souvent-n’importe-quoi pour camoufler derrière une étiquette les difficultés passagères que les adultes auront essentiellement provoquées en nimbant les apprentissages d’une anxiété de performances invasive et d’une angoisse parentale intrusive » (p. 222).
Avec beaucoup d’humour, Bruno Humbeeck explique qu’il est « normal d’éprouver un ras-le-bol passager ou plus durable quand on se donne pour fonction d’éduquer cette boule informe de bruit, de crasse et de désordre auquel se confond parfois un enfant » (p. 181).
Mais l’hyper-parentalité mal canalisée dégrade les relations entre les parents et les enfants. La pression continue qui pèse sur tout le monde rend l’ambiance invivable et explosive. C’est pourquoi l’auteur invite les parents à fuir tous les « hyper » et les excès, car « un parent doit toujours veiller à envisager l’attachement comme un noeud qui maintient solidement le lien quand cela est nécessaire, mais qui se défait facilement quand cela est opportun » (p. 226).
Voici donc quelques solutions :
– lâcher-prise pour éviter que les enfants comme les parents se sentent étouffés par un « J’ai tout fait pour toi » ;– intégrer l’idée que finalement tout est une question de dosage ;– sortir des modèles sociaux toxiques du « Je dois faire ce qu’attendent de moi papa et maman », « fais les choses à la perfection comme papa ou maman », « je ne dois pas poser de problèmes à mes parents qui en ont déjà suffisamment sans moi », « Je dois réussir parfaitement pour rassurer pleinement papa et maman » (pp. 197-198). Tout ceci est néfaste pour l’estime de soi et le développement ; – arrêter de diaboliser les écrans et au contraire s’y intéresser ; donner à l’enfant la possibilité de contrôler lui-même le temps qu’il y passe ; proposer des activités différentes pour le stimuler ; établir une fois par semaine ou par mois une journée sans écran pour toute la famille ;– aider les enfants à explorer toutes leurs émotions : il ne s’agit pas de nier leur existence (« Ne sois pas triste », « N’aies pas peur » sont des phrases à proscrire), mais plutôt d’accompagner l’enfant dans son ressenti, lui permettre d’éprouver et d’exprimer ses sentiments ; développer chez eux l’empathie ; – laisser à un enfant en colère le temps de se calmer et l’aider à reprendre le contrôle puis tenter de comprendre ce que cette colère cache ; – mettre des mots sur la mort, car les enfants de moins de 7 ans ne comprennent pas les métaphores ; accepter que la vie soit faite d’épreuves non contrôlables ;
L'auteur insiste sur le fait de cesser de mettre la pression à un enfant pour qu’enfin l’apprentissage redevienne un plaisir. Pour cela, là aussi des solutions sont possibles :
– partager des moments d’apprentissage en dehors de l’école avec bonheur et rires ; – accompagner l’enfant dans la planification du travail plutôt que dans la tâche elle-même ; – remarquer les forces et les efforts plutôt que les erreurs et les faiblesses ; – comprendre qu’il faut du temps pour que les compétences s’installent ; – savoir passer le relai à quelqu’un d’autre (un grand-parent par exemple) ; – « Donnez à la progression cognitive l’image d’un escalier en colimaçon dont les marches vont dans tous les sens et que chacun grimpe à son rythme, plutôt que celle d’un escalier droit que tout le monde emprunte en utilisant les mêmes marches et en suivant une cadence identique » (p. 224) ; – ne pas faire du résultat scolaire une priorité et comprendre qu’un enfant qui ne réussit pas à l’école ne va pas échouer dans sa vie ; – voir les bulletins scolaires comme des comptes rendus de compétences pas comme des relevés d’insuffisance ; – comprendre que la pression à la performance est néfaste !
Pour Bruno Humbeeck, l’arrogance, l’impatience, l’inconstance et la versatilité sont les gangrènes de l’éducation.
À contrario, quatre qualités éducatives semblent essentielles : la modestie, la patience, la constance et la persévérance. L’auteur invite les parents à respirer et à laisser les enfants respirer, à tout simplement faire de la respiration un principe d’éducation : « Un parent qui souffle, un enfant qui donne de l’air, un adolescent qui respire la joie de vivre… Voilà en somme trois jolies perspectives qui s’offrent à toutes les familles qui se donnent, ensemble, les moyens de se laisser respirer les uns les autres » (p. 232).
Encore une fois, il s’agit de prendre son temps et de respecter le rythme de chacun, d’emprunter les voies de traverses, de renoncer à la perfection et de ne plus chercher à comprendre à tout prix… La vie sera plus détendue, saine et sereine !
Le propos de Bruno Humbeeck ne prend aucune précaution : il fustige avec humour l’hyper-parentalité, cette parentalité qui étouffe les enfants, les parents et les relations parents-enfants. L’auteur peint les différents types de familles et de parents avec leurs différentes caractéristiques. Plein de bienveillance, il propose des solutions pour vivre l’aventure parentale de façon plus sereine.
La clef : laisser les enfants respirer et respirer soi-même… Il n’est pas question de culpabiliser qui que ce soit : l’auteur insiste d’ailleurs sur le fait que l’hyper-parentalité n’est pas une maladie et encore moins une tare ou une dérive, les choses peuvent même s’améliorer avec un peu de volonté, de lâcher-prise et de bon dosage.
Ce livre est construit avec simplicité, le propos est clair. Les métaphores employées par l’auteur et les différents exemples en font une lecture très plaisante qui laisse à réfléchir, mais qui fait également sourire, voire rire. L’humour pour dédramatiser en fait un ouvrage rafraichissant, singulier et très enrichissant, car le sujet est lui est sérieux !
Ouvrage recensé
– Et si nous laissions nos enfants respirer ?, éditions Renaissance du Livre, 2017.
Du même auteur
– Le bon choix amoureux, Paris, éditions Odile Jacob, 2015.– Un chagrin d’amour peut aider à grandir, Paris, éditions Odile Jacob, 2013.