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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Le Développement de la personne

de Carl R. Rogers

récension rédigée parAnna Bayard-RichezDocteure en Psychologie Clinique Interculturelle (Université d'Amiens).

Synopsis

Psychologie

Cet ouvrage a fait connaître Carl R. Rogers, et son approche centrée sur la personne. Il en est d’ailleurs une excellente introduction, puisqu’il s’agit d’un condensé des principaux écrits de l’auteur. Celui-ci y trace les grandes lignes d’une approche de l’Autre, non directive et à visée soignante ou pédagogique. Il met l’accent sur des formes de communication particulières à la relation d’aide afin de favoriser l’expression du patient, mais aussi de s’appuyer et de mettre en lumière les forces singulières qui l’animent. Pour lui, la psychothérapie se doit avant tout d’être une rencontre, entre un thérapeute authentique et congruent, et un patient en demande d’aide.

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1. Introduction

En guise d’introduction, Rogers fait le choix de dresser un portrait de lui-même qui permettrait de mieux comprendre la personne qu’il est devenu et comment il en est arrivé à construire sa propre pensée. Ainsi il dévoile pudiquement les inquiétudes, et espoirs du thérapeute qui cherche à favoriser l’émergence d’une personne nouvelle chez son patient.

Son autobiographie somme toute assez banale met en lumière une enfance assez solitaire, et stricte, mais où déjà Rogers développait un sens aigu de l’observation et de la méthode scientifique dans son contact avec les animaux de la ferme. Il se dirige vers l’étude religieuse ce qui l’amène à voyager notamment en Orient et ainsi à se libérer des croyances familiales et devenir une personne indépendante.

À la suite d’un séminaire philosophique en autogestion, il abandonne la religion pour la psychopédagogie, et trouve un poste à Rochester auprès d’enfants délinquants où il exercera pendant 12 ans. Forgeant sa clinique sur ses erreurs et succès, il met de côté son savoir pour se laisser guider par le mouvement du processus thérapeutique apporté par son patient.

2. Apprentissages fondamentaux

Le principe d’authenticité est sans doute le point central de l’approche de. Rogers. Celui-ci recommande par exemple de ne pas se montrer plein d’assurance alors que nous sommes en réalité dans le doute, plein de gentillesse alors que l’on ressent de l’hostilité, ou encore de prétendre que tout va bien alors que nous allons mal. Ce type de façade, souvent défensive, nuit à long terme aux relations avec autrui qui s’établissent en surface au lieu de s’ancrer dans un rapport de co-construction. Il constate également que ses interventions thérapeutiques sont plus efficaces quand il s’écoute et s’accepte lui-même, avec ses imperfections. Paradoxalement, l’acceptation de soi parait être un levier indispensable pour évoluer. Bien loin de certains principes communs en psychologie, il reconnait les limites de son endurance et de sa tolérance, permettant ainsi de donner aux relations une certaine fluidité et la possibilité de croître et d’évoluer.

Il insiste tout autant sur l’importance d’un effort de compréhension de l’Autre plutôt qu’une évaluation immédiate qui semble beaucoup plus naturelle. Cette compréhension empathique est un risque puisqu’elle peut amener le thérapeute lui-même à évoluer, mais c’est tout autant un enrichissement de sa propre sensibilité. Ce dialogue ouvre à l’Autre de nouveaux chemins de pensée et au sein de chacun des interlocuteurs de nouvelles voies de communication vers leurs univers intérieurs respectifs. Créer un environnement de confiance pour aider le patient à communiquer son ressenti est fondamental, puisque pour accepter fondamentalement une personne, il faut d’abord la comprendre et accepter qu’elle soit différente de nous-mêmes. Accepter la complexité du réel de l’Autre, c’est bien souvent aussi renoncer à arranger les choses, à convaincre, à façonner et le laisser être lui-même et différent.

Pour Rogers, l’essentiel est de faire confiance plus à son expérience et à son intuition qu’à son intellect, et de se nourrir des retours d’autrui sans pour autant faire des évaluations de celui-ci un guide. Pour lui, la théorisation vise à satisfaire un besoin de signification et « la recherche est un effort constant et discipliné pour donner un sens et un ordre aux phénomènes de l’expérience subjective ». Ainsi il trouve essentiel de reconnaître et aimer les faits, qui seuls nous permettent d’apprendre. Il constate aussi que bien souvent ce qui est le plus personnel est aussi le plus universel, et fait profondément résonnance chez l’Autre, du moment où cet intime est exprimé.

Enfin il reconnait une orientation fondamentale de l’humain vers le positif, le créatif, la maturation et la socialisation. Ce processus d’actualisation, loin d’être un angélisme, s’opère selon lui dès lors que le patient peut abandonner ses défenses pour s’engager dans une voie progressive. Si la vie reste un flux mouvant et libre, elle sera riche et satisfaisante, si elle s’enkyste, elle deviendra un système clos de croyance ou de principes et cessera d’être ce continuel processus de devenir.

3. Aider les autres

Rogers appréhende les relations thérapeutiques comme rien de plus qu’une forme particulière de relations interpersonnelles. Il parle plus globalement des relations d’aide qui incluent toutes sortes de relations individuelles ou de groupe où l’un des protagonistes tend à favoriser l’expression, la maturation, la croissance des ressources de l’Autre.

S’appuyant sur plusieurs travaux de psychologie, il conclut que les attitudes et sentiments perçus par le patient impactent plus la réussite de la thérapie que l’orientation théorique ou les techniques, la confiance étant l’un des facteurs-clé de la thérapie. La construction de cette confiance convoque, plus que la rigidité d’un cadre (ponctualité, confidentialité…), elle nécessite surtout de la congruence, c’est-à-dire avoir conscience de son vécu, l’ accueillir et ainsi être profondément en harmonie avec soi-même. Il est également essentiel de faire preuve de bienveillance et de se préserver d’une attitude de réserve professionnelle qui établit une distance défavorable au changement thérapeutique.

Pour autant il est fondamental que le thérapeute reste un être indépendant qui ne soit en aucun cas détruit par la colère de son patient, ou dépendant de son affection. Cette indépendance appelle alors une profonde sécurité interne, qui permet à l’Autre d’être lui-même indépendant et de développer sa propre personnalité en dehors de celle de son thérapeute. Enfin la capacité d’empathie, compréhension intime de l’autre, l’abandon de ses préconceptions, le non-jugement sont essentiels pour une relation thérapeutique qui ouvre des potentialités.

4. Le processus thérapeutique

Le processus thérapeutique est un continuum de changement de la personnalité qui s’articule pour Rogers en 7 stades. En amont, un stade de rigidité et de rejet face à l’élaboration de l’expérience. Le patient refuse de communiquer intimement, car se dévoiler est ressenti comme dangereux. Je n’aime pas parler de moi. Dans ce blocage, il n’y a aucun désir de changement, le patient demeure enchaîné à ses expériences passées.

Dans le second stade, le sujet bénéficie d’un climat de totale acceptation de l’autre. Ses analyses deviennent alors moins superficielles, mais restent extérieures à sa propre responsabilité et sont traitées comme des faits objectifs. Le symptôme principal est d’être complètement déprimé.

Peu à peu, l’expression symbolique s’assouplit et le patient commence à parler de lui dans le 3e stade, mais il se réfère à lui-même comme à un objet, ne s’autorisant que peu de sentiments et s’attachant principalement à son passé. « Je faisais de gros efforts pour qu’elle m’aime ». Le patient exprime une volonté de changer ses choix de vie, mais ceux-ci apparaissent inefficaces, c’est le plus souvent à ce stade qu’il entame véritablement la thérapie. « J’ai envie d’être plus ouvert, mais je n’y arrive pas ».

Au 4e stade, les sentiments sont décrits plus intensément et parfois même au présent. Le patient commence à accepter son expérience immédiate, et à reconnaitre les schèmes de base qu’il utilise. « Ça me décourage de me sentir dépendant ». Au stade suivant, les sentiments actuels s’expriment enfin librement. Certains sentiments enfouis émergent brusquement à la surprise du patient lui-même, il revendique petit à petit une plus grande authenticité de lui-même. Il accepte ses ressentis négatifs et critiques ses schèmes de base. « C’est sorti tout seul, je ne sais pas pourquoi j’ai besoin de pleurer. » Au 6e stade, c’est l’émergence d’une conscience réflexive où le moi cesse d’être un objet extérieur pour devenir un sentiment subjectif. « Je suis ce que je ressens ». Il s’accompagne généralement d’une détente physiologique, car le patient coupe enfin avec son cadre de référence habituel pour retrouver une certaine congruence.

Au dernier stade, l’aide du thérapeute ne semble plus indispensable et le changement survient en dehors de la thérapie. Le moi s’ancre dans la conscience immédiate et sensitive de l’expérience, les schèmes personnels évoluent. « Je ne sais pas ce qui a changé, mais je me sens différent. »

5. Une philosophie de la personne

L’objectif de ce processus thérapeutique est pour Rogers d’atteindre une vie pleine, grâce une relation patient-thérapeute intensément personnelle, ouverte et subjective. Le patient fait alors l’expérience entière et totale de ses sentiments profonds et se découvre lui-même intimement.

Mais cette plénitude de la vie n’est en rien statique, telle que les concepts de bonheur ou de Nirvana, il ne s’agit pas d’un équilibre ou d’un aplanissement des émotions et des tensions, mais plutôt d’une capacité à les accueillir et à les vivre, pleinement, c’est un processus plus qu’un état. Il se caractérise par une ouverture accrue à l’expérience, et son appréhension en pleine conscience. Cette vie dans l’instant présent convoque une grande flexibilité et fluidité ainsi qu’une réelle conscience de son organisme (corps et psyché) ce qui apporte de nombreux bénéfices tels qu’une plus grande liberté face aux déterminismes, et un vécu plus vibrant des émotions positives.

Pour Rogers, si l’individu abandonne ses défenses, il sera rationnel, digne de confiance, amical, et curieux.

6. Implications pour les relations interpersonnelles

L’individu authentique, qui communique véritablement ses sentiments, entrera bien plus facilement et sereinement en communication avec autrui, et change ainsi son rapport à l’autre, lui permettant d’être plus indépendant. Mais plus la situation est chargée affectivement, plus il est difficile d’avoir un échange réel de communication ; c’est le cas entre les individus, comme entre les groupes, où bien souvent le jugement prévaut à la compréhension empathique.

Si cet effort de compréhension empathique est fait, les positions se décristallisent. Le simple fait que l’un des deux partis adopte cette position entraine généralement à terme la fin des positions défensives de l’autre parti. Rogers illustre sa pensée en ouvrant ces constatations à la situation de tensions avec l’URSS.

Rogers prône ainsi une créativité du peuple (plus que d’un nombre restreint d’individus), qui protégerait l’évolution sociétale d’emballement négatif. Pour lui, un manque de créativité qui se traduirait par un conformisme passif engendrerait irrémédiablement un anéantissement international.

7. Conclusion

Rogers s’attache à tisser des liens entre son vécu de la pratique clinique et ses réflexes théoriques de chercheur. Il expose ainsi brièvement les différentes recherches qu’il a mises en œuvre afin de valider scientifiquement les changements concomitants au traitement qu’il propose. Ce type de recherches visant à rendre libre l’individu s’oppose selon lui à la tendance générale de la recherche en sciences du comportement qui vise bien souvent à le soumettre et le manipuler. Ce chemin risqué est pour lui un véritable danger sociétal et il incite les chercheurs à réorienter leur recherche vers des objectifs plus éthiques.

Il aborde également la question de la pédagogie et de la transmission des connaissances qu’il tend à délaisser au profit d’un processus d’auto-formation bien plus efficace et pour lequel l’étudiant se mobilise en vue de régler une problématique réelle. L’enseignant se doit d’embrasser les mêmes qualités que le thérapeute, à savoir congruence, attention positive inconditionnelle, compréhension empathique et de mettre à disposition des étudiants de multiples outils d’apprentissage.

8. Zone critique

L’intuition rogérienne soutient la positivité fondamentale de l’être humain, et sa tendance naturelle à l’actualisation de soi. En cela elle s’oppose aux autres approches de la psychologie psychanalytique ou comportementale, et il considère que les pulsions, les structures psychiques, ou schémas de fonctionnement fixes, ne correspondent qu’à une version superficielle de ce qu’est la personnalité et qu’elles s’effacent avec l’abandon des mécanismes de défense.

Son positionnement quant à la technique thérapeutique est également révolutionnaire, en ce que le thérapeute est considéré comme un égal, et non en termes d’un rôle social en position de domination. C’est l’engagement affectif et la congruence authentique, qui engagent le travail thérapeutique plus que l’application de principes théoriques surplombants. Pour soigner le thérapeute se doit d’accepter l’influence de son patient sur lui-même.

Si Rogers fait dans cet ouvrage la part belle au développement de sa pensée, au point de parfois tomber dans la répétition, il n’aborde probablement pas suffisamment les concepts négatifs, tels que l’angoisse, qui pourtant sont essentiels dans la relation à l’autre et dans le rapport philosophique à la mort. Ces concepts loin d’invalider la théorie rogérienne, mériteraient d’être développés à la lumière de cette perspective.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Le développement de la personne, Paris, Dunod, 1956.

Du même auteur– Relation d’aide et psychothérapie, Montrouge, ESF éditeur, 1942.– Les groupes de rencontre, Paris, Dunod, 1973.

Autres pistes– Abraham Maslow, Devenir le meilleur de soi-même : besoins fondamentaux, motivation et personnalité, Paris, Eyrolles, 1954.– Abraham Maslow, Vers une psychologie de l'être, Paris, Fayard, 1972.– Irvin D. Yalom, Thérapie Existentielle, Paris, Galaade Editions, 2008.

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