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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Les Lois naturelles de l’enfant

de Céline Alvarez

récension rédigée parAnne-Claire DuchossoyDoctorante en littérature française (Universités de Bordeaux Montaigne et Georg-August Göttingen).

Synopsis

Développement personnel

Forte de son expérience au sein de l’Éducation nationale, Céline Alvarez propose dans son ouvrage une approche pédagogique différente et une éducation respectueuse du fonctionnement humain. Elle base son propos sur les travaux de Montessori et Séguin enrichis des dernières découvertes en neurosciences.

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1. Introduction

Les Lois naturelles de l’enfant est à la fois un témoignage d’une expérience éducative menée au sein d’une école maternelle en zone prioritaire, mais également un ouvrage fondateur qui apporte une compréhension du fonctionnement des enfants grâce aux neurosciences. C’est un ouvrage qui, par conséquent, propose une autre manière de concevoir la pédagogie et l’éducation.

Les grands principes scientifiques de l’apprentissage et de l’épanouissement y sont dévoilés avec simplicité. Céline Alvarez offre à ses lecteurs des outils et des idées d’activités pour donner à l’enfant un environnement propice à l’apprentissage.

2. La plasticité cérébrale

L’être humain naît avec un système cérébral déjà en place, mais immature. L’environnement a une influence et le cerveau est structuré par son quotidien. « La nature donne les grandes orientations en dotant le nouveau-né de potentiels humains latents, mais c’est l’environnement qui déterminera la qualité du développement de ces potentiels innés : ils se révéleront, ou non, selon les possibilités offertes par l’environnement. » La fatalité génétique n’existe pas ; les inégalités sont créées par le milieu non par les gènes !

De la naissance à l’âge de 5 ans, chaque seconde, entre 700 et 1000 nouvelles connexions se font, si bien que les enfants recueillent un nombre incroyable d’informations. Le cerveau imprime par exemple le vocabulaire employé par les adultes qui entourent l’enfant. C’est pour cela qu’il est important d’avoir en tête que les adultes ont une très grande responsabilité : vivre près d’un enfant, c’est participer à sa spécialisation cérébrale ! Tout ce que les adultes font et disent structure "directement et sans aucun filtre, les capacités et les comportements de nos enfants. Nos attitudes préparent les leurs. Cela doit être dit, redit et entendu. Il nous faut maintenant agir en conséquence, aussi bien à la maison qu’à l’école. » Les enfants sont particulièrement friands des mots savants et élaborés.

Céline Alvarez a travaillé une année à Neuilly-sur-Seine avant d’être en poste à Gennevilliers et a ainsi constaté le fossé gigantesque qui existe entre des enfants du même âge issus de milieux différents. « Avoir la possibilité de s’exprimer correctement, de manière précise et avec aisance à l’oral n’est pas seulement un gage d’insertion sociale, c’est avant tout un moyen de développer une pensée complexe, logique, riche, exacte et structurée » , cela permet de favoriser un bon développement cognitif.

3. L'importance de l'environnement de l'enfant

C’est lors des deux premières années de la vie qu’un individu pose l’essentiel des fondations de son intelligence. Après cette période, il est difficile, voire impossible, de les remodeler. Un environnement aimant aide bien entendu l’enfant à construire des fondations solides.

Selon de récentes recherches en neurosciences, les bébés apprennent dès le départ les règles grammaticales alors qu’on a longtemps pensé qu’ils apprenaient d’abord les sons, les mots puis les groupes de mots. L’auteur explique que lorsqu’ils font une faute de langage, cette erreur montre en fait une irrégularité de notre langue, car leur cerveau aime les régularités ! (Ex. : ils mangent /ils mangeaient ; ils sourient / ils souriaient, donc ils sont/ils sontaient.

En effet « ils étaient » est finalement une irrégularité). « Aucun cours magistral, aucun enseignant ne peut entrer en compétition avec l’efficacité redoutable de l’environnement. » Par exemple, pour apprendre une langue étrangère, il faut être en immersion (dans le pays, ou grâce à une jeune fille au pair, un parent étranger…) Plus l’environnement est favorable, plus l’apprentissage est favorisé !

Tout au long de la maturation, le cerveau traverse plusieurs périodes appelées périodes sensibles qui sont des périodes pendant lesquelles des compétences spécifiques se mettent en place et pendant lesquelles l’apprentissage est rapide et solide. Il est possible de reconnaître ces périodes en remarquant tout simplement l’intérêt que porte un jeune enfant à une activité. Il y a par exemple la période sensible de langage lors de la première année (et même avant la naissance) et la période sensible du développement sensoriel (lors de la première année également, il touche et goûte à tout). L’un des autres piliers de la formation de l’intelligence est le développement des fonctions exécutives entre 3 et 5 ans.

Ce sont des compétences cognitives qui permettent d’agir de façon organisée pour atteindre des objectifs. Il en existe trois principales : la mémoire de travail, le contrôle inhibiteur, la flexibilité cognitive (capacité à détecter ses erreurs, à les corriger et à se montrer créatif).

4. Les lois naturelles de l’apprentissage

C’est en vivant et en se confrontant au monde que les enfants apprennent et précisent leurs connaissances. Le sentiment de curiosité se traduit par une sécrétion de dopamine qui active également la mémoire.

Ce sont les expériences actives qui permettent d’apprendre. « Voici donc la première loi : pour apprendre, nous devons être actifs, engagés, et nous devons percevoir immédiatement notre erreur pour ajuster nos connaissances. » Les connaissances ne peuvent pas être seulement transmises par la parole, l’enfant apprend en faisant ! Les études sont claires : l’autonomie et l’engagement actif favorisent l’apprentissage. Pour autant, une guidance individualisée et humanisée d’un adulte est indispensable. Ainsi, il est essentiel de comprendre que les écrans, même pédagogiques et interactifs, n’ont pas d’effets bénéfiques sur les enfants et causent au contraire nombre de problèmes de santé publique.

Le mélange des âges est indispensable, car il permet aux enfants d’adopter entre eux une posture pédagogique naturelle, d’échanger leurs connaissances et leurs expériences. La première motivation reste la motivation endogène, c’est-à-dire la motivation qui provient de l’individu lui-même et non de l’extérieur (exogène). Il est important également de ne pas sous-estimer l’importance de l’erreur, car c’est « un passage obligatoire, une itération, une confrontation normale et nécessaire avec la réalité, qui nous permet de réajuster et de préciser nos connaissances et nos prédictions. »

Sanctionner l’erreur et valoriser les enfants qui n’en font pas bloque le processus naturel de l’apprentissage. Malheureusement, notre système éducatif a souvent tendance à faire tout l’inverse de ce qu’il faudrait pour que les enfants apprennent…

5. Éloge de l'autonomie

Puiser l’apprentissage dans la richesse du monde réel est excellent : « Rendons tout simplement aux enfants la possibilité de grimper aux arbres, de monter sur des troncs ou de gravir des petites buttes ou des tas de pierres. Il a été montré que les enfants qui peuvent jouer ainsi régulièrement dans la nature présentent des capacités motrices accrues - notamment en équilibre, en coordination et en agilité. »

Céline Alvarez déplore également l’austérité de beaucoup d’écoles accentuée par la politique sécuritaire : cela ne crée pas un espace favorable à l’apprentissage. Il faut entre autres renouer avec la nature et donner la possibilité aux enfants d’être au contact des fruits, des légumes, des insectes, des arbres… « De nombreuses études indiquent aujourd’hui très clairement que le contact avec la nature calme, galvanise, revivifie les esprits, alcalinise les organismes acidifiés par les stress sociaux ou environnementaux, développe les capacités motrices, cognitives, stabilise l’humeur, régule les émotions négatives et favorise même le développement de la créativité. »

Attention de veiller à mettre en place un environnement riche, et non surchargé ! Sous-stimulation et sur-stimulation sont tout aussi néfastes.

D’autres points sont à prendre en compte dans le développement du cerveau et de l’apprentissage: prendre le temps de ne rien faire et de rêvasser, l’importance du sommeil et l’importance du jeu libre.

Alors que la toxicité du stress n’est plus à prouver (la cortex préfrontal immature chez l’enfant ne lui permet pas de prendre du recul), la bienveillance quant à elle favorise entre autres le développement de nouveaux neurones et augmente les capacités d’apprentissage. Et surtout, l’un des grands secrets est l’amour ! Céline Alvarez parle ainsi de reliance.

6. Changer le modèle éducatif

Le système éducatif étouffe les potentiels des enfants et les mène à l’échec. « Chaque année, quatre écoliers sur dix, soit environ 300 000 élèves, sortent du CM2 avec de graves lacunes : près de 200 000 d’entre eux ont des acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul ; plus de 100 000 n’ont pas la maîtrise des compétences de base dans ces domaines. Leurs lacunes empêcheront ces élèves de poursuivre une scolarité normale au collège. »

Pour Céline Alvarez, le système ne prend pas en compte les mécanismes de l’apprentissage humain ; l’environnement scolaire n’est pas favorable et cela épuise tout le monde, les enfants comme les adultes. « La France bat des records d’injustice.

Son école, prétendument pour tous, est d’abord faite pour une élite, mais se révèle incapable de faire réussir les moins privilégiés. » La professeure des écoles a eu le soutien du ministère de l’Éducation nationale pour mener à bien une expérience éducative de trois ans. Pour elle, il s’agit alors d’aborder une démarche pédagogique mettant en avant l’apprentissage naturel en sortant de ce « système qui impose ses propres lois en piétinant celles de l’enfant. »

7. L'expérience de Gennevilliers

L’expérience a débuté en 2011 avec 25 enfants de 3 et 4 ans inscrits en première et deuxième années de maternelle. Céline Alvarez, aidée d’une ATSEM , s’est enrichie de matériel didactique élaboré par le Dr Séquin et le Dr Montessori. Une chose essentielle est de favoriser l’autonomie des enfants. Elle a alors réinstallé sa salle de classe en plaçant le matériel à hauteur des enfants et en libérant de la place au sol pour qu’ils puissent travailler assis, debout ou allongés. Différents espaces ont été organisés : l’aire du langage, l’aire des mathématiques et celles de l’affinement des sens, de la géographie, de la géométrie, de la musique, de la botanique, et des activités plastiques. Elle a instauré une centaine d’activités différentes avec essentiellement du matériel sensoriel.

Tout au long de la journée, les enfants choisissent leurs activités. Ils peuvent échanger librement entre eux, et répéter les activités autant qu’ils le souhaitent. Ils ont également la possibilité de regarder les autres, de lire dans le coin bibliothèque, de se reposer ou de ne rien faire : « La liberté accompagnée que nous leur offrions dans un cadre structuré, aux règles clairement explicitées, leur assurait la sécurité, la liberté et l’ordre nécessaires pour progressivement se reconnecter à leurs élans de vie profonds. » Cette méthode a pour dessein d’affiner les perceptions sensorielles de l’enfant : nommer, montrer, identifier, mieux entendre, mieux percevoir par le toucher, mieux sentir et mieux goûter. La culture s’offre de manière sensorielle, claire et progressive, au rythme de chaque enfant.

Dès la première année, tous les enfants ont progressé plus vite que la norme, excepté un élève. Ceux qui étaient en retard en début d’année par rapport à la norme, l’ont égalée voire dépassée. En lecture, la majorité des enfants de 4 ans ont dépassé le « niveau d’alerte » de CP. Ils ont développé leur niveau de langage, leur calme, leur autonomie, leur rapidité d’apprentissage, leur autodiscipline, leur bienveillance et encore plus particulièrement l’envie d’apprendre et de lire. La deuxième année, dans la classe passée à trois niveaux, les plus avancés ont stimulé les autres. Les progrès ont été tout aussi édifiants, les enfants ont un niveau supérieur à leur année scolaire en lecture et arithmétique.

Tous les enfants présentent au moins un an d’avance à ce qui est attendu. La dernière année, les progrès ont bien entendu continué. Malheureusement, Céline Alvarez a dû faire face tout au long de ce parcours à une situation administrative bloquée. En 2014, le Ministère de l’Éducation a décidé de ne pas aller plus loin. L’enseignante, apprenant qu’on lui retirerait le matériel ainsi que les différentes classes d’âge, a décidé de donner sa démission…

8. Conclusion

Céline Alvarez relate son expérience de pédagogie différente menée au sein de l’Éducation nationale et propose des outils pédagogiques aux enseignants. Basées sur les travaux scientifiques des docteurs Séguin et Montessori, ses recherches se sont enrichies des dernières avancées en neurosciences.

Ce qu’il faut retenir particulièrement, c’est que les enfants sont assoiffés de connaissances et de savoirs, et cela de façon naturelle. Pour les nourrir, il est essentiel de connaître leur mode de fonctionnement et de leur offrir un environnement propice à leur bon développement.

9. Zone critique

Encensée par la critique et même considérée comme « une institutrice révolutionnaire » par Le Monde, Céline Alvarez essuie aussi de nombreuses critiques.

Mais qui s’insurge ? Certains critiques, l’inspection académique, le Rectorat, et bien entendu le sacro-saint corps professoral qui n’apprécie guère cette surmédiatisation. « Infiltrer le système et parvenir à le changer, pas pour enseigner. Je me laissais trois ans pour proposer un environnement de classe faisant l’effet d’une bombe pédagogique », voilà le genre de propos qui déplait fortement aux professeurs qui voient en elle un opportunisme agaçant. Comment aurait-elle réussi en trois ans à révolutionner toute seule des décennies d’un système établi ?

Tantôt considérée comme une opportuniste, tantôt accusée de servir l’idée d’une école libérale, elle ne semble pas pour certains posséder toute la crédibilité scientifique nécessaire dans un monde où l’académisme prévaut de tout, et dans un monde où il est plus facile de décrier une personne qui a réussi (là où les autres ont échoué) que de se remettre en question…

10. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé – Les Lois naturelles de l'enfant, Paris, Les Arènes, 2016.

De la même auteure – Une année pour tout changer : et permettre à l’enfant de se révéler, Paris, Les Arènes, 2019.

Autres pistes– Catherine Gueguen, « Pour une enfance heureuse : repenser l'éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau », Paris, Pocket, 2015.– Alison Gopnik, Anti-manuel d’éducation : l’enfance révélée par les sciences, Paris, Le Pommier, 2017.

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