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Les Vertus de l’échec

de Charles Pépin

récension rédigée parKarine ValletProfesseure certifiée de Lettres Modernes.

Synopsis

Philosophie

Et si nous cessions de faire l’amalgame entre nos échecs et la valeur que nous nous attribuons ? Voilà de quoi aborder nos petits ou grands ratages sous un nouvel angle qui ne manque pas d’attrait. C’est ce que propose Charles Pépin en redorant l’image de l’échec. S’inspirant des parcours de personnalités comme Serge Gainsbourg, Soichiro Honda, J.K. Rowling ou Steve Jobs, il nous invite à transformer nos échecs en réussites.

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1. Introduction

Si l’erreur est humaine, il semblerait néanmoins la société française considère l’échec comme dégradant, voire comme la preuve d’une défaillance ou d’une faiblesse. C’est pour contrecarrer cette théorie trop largement répandue que Charles Pépin signe Les Vertus de l’échec en 2016. Il y réhabilite les ratés qui ponctuent toute existence, en mettant en avant leur effet salutaire dans le parcours d’un individu. Rappelant que l’échec est omniprésent dans tous les domaines d’activité, il en souligne le caractère universel et formateur.

Mais alors pourquoi le fait d’échouer est-il si mal considéré dans notre société ? Quelle place nos échecs tiennent-ils réellement dans nos vies ? En quoi peuvent-ils devenir des atouts ? Pour étayer sa réflexion, Charles Pépin convoque de grandes figures de la philosophie, de Platon à Kant, en passant par Sartre ou Hegel.

2. Définition de l’échec

Bien que l’on ait souvent tendance à le dissimuler ou à le passer sous silence, l’échec fait partie intégrante de l’existence. Il nous confronte au réel et nous oblige à revenir sur terre, alors que la réussite nous plonge dans un état qui nous fait perdre le contact avec la réalité. Quoique contraires, le succès et l’échec sont néanmoins inextricablement liés.

C’est ainsi que pour de nombreux artistes ou sportifs, une réussite sans obstacle, ni échec, perd de son intérêt et manque de relief. La difficulté d’une victoire en rehausse la valeur. Nos ratés ont donc une fonction existentielle fondamentale et entretiennent un lien étroit avec ce que l’auteur appelle « la joie du combattant », c’est-à-dire toutes les jouissances fulgurantes qui jaillissent au terme ou au cœur même d’un échec. Ils ont donc vocation à accroître les plaisirs qu’on retire de la vie et des défis qu’on relève.

Cette imbrication entre échec et réussite transparaît à travers les réflexions psychanalytiques ou philosophiques consacrées à ce sujet. Jean-Paul Sartre considère par exemple que le fait de manquer son objectif ou de se tromper propulse l’individu vers de nouvelles opportunités. Cela lui donne la possibilité d’exercer sa capacité à être libre et d’explorer une infinité de réalisations de soi.

Du point de vue de la psychanalyse, l’échec nous amène souvent à découvrir ou obtenir ce que nous ne cherchions pas initialement : c’est ce à quoi renvoie le concept de sérendipité. Les actes manqués, selon Freud, s’inscrivent dans cette optique. S’ils signent l’échec de la quête entreprise, ils dévoilent les désirs profonds enfouis dans l’inconscient et donc une vérité sur soi-même. Ils sont aussi parfois le fruit du hasard et se concluent par des succès durables : les bêtises de Cambrai, la tarte Tatin ou le champagne font partie de ces réussites nées d’actes manqués.

3. L’échec, une caractéristique inscrite dans la nature humaine

Par sa nature même, l’être humain entretient un rapport particulier avec le ratage. Charles Pépin part en effet de l’idée que l’homme se définit par son caractère prématuré. Plusieurs études scientifiques ont mis en lumière que le fœtus humain ne dispose pas du temps nécessaire à son développement complet avant sa naissance et qu’il lui manque au moins neuf mois de gestation. Le nourrisson est donc inachevé et imparfait. Il doit s’adapter, se confronter au réel et échouer pour apprendre : « le nouveau-né ne sait ni parler ni marcher. Avant de réussir à mettre un pas devant l’autre, il chutera en moyenne deux mille fois – deux mille échecs avant le premier succès » (p. 160).

Par ailleurs, l’être humain n’est pas guidé par le même instinct que les animaux. Ses actions sont le résultat d’un apprentissage, et non d’un savoir inné. Le poulain sait marcher peu après sa naissance et l’araignée sait parfaitement tisser sa toile, mais ceux-ci n’évolueront que très peu au fil de leur existence. À l’inverse, la perfectibilité de l’homme le pousse à se surpasser et à tirer parti de ses erreurs pour s’améliorer. Ce n’est pas un hasard si les philosophes de l’Antiquité utilisent le mot « progrediens » pour désigner une personne qui avance pas à pas, malgré les obstacles et les déconvenues, pour chercher à progresser.

Enfin, alors que les animaux doivent exclusivement satisfaire des besoins primaires, l’homme aspire à aller au-delà de cette simple satisfaction. Il est habité de désirs qui, une fois comblés, en engendrent de nouveaux. C’est ce cercle vicieux et cette interminable quête qui nous permettent de devenir plus grands et de nourrir notre créativité. Charles Pépin considère que « grâce à ce manque, grâce à l’échec répété de notre désir à se satisfaire, nous restons audacieux, inquiets, curieux, ambitieux » (p. 167). Le fait d’échouer est donc par définition le propre de l’être humain et le rend apte au progrès tout au long de sa vie.

4. Une culture de la réussite bien ancrée

Nous vivons dans une société où l’échec est mal vu, pire tabou. Les dirigeants d’entreprise et les professeurs en donnent généralement une image culpabilisante et honteuse. C’est ainsi que l’une des étymologies probables du terme « échec » prend tout son sens dans notre société. Le terme viendrait de l’arabe « al cheikh mat » signifiant « le roi est mort », comme le souligne Charles Pépin.

Autant dire que la vision française de l’échec est une digne héritière de cette étymologie lointaine puisqu’elle donne la faveur à ceux qui réussissent et déconsidèrent ceux qui échouent. Dans notre pays, la réussite est en effet la figure de proue qui doit orienter les destinées de chaque individu. Dans le domaine scolaire ou professionnel, nous avons développé une culture du « fast track », c’est-à-dire de la réussite rapide. En cela, nous sommes aux antipodes de ce que prônent les pays scandinaves ou les États-Unis. Ceux-ci mettent en avant le « fast fail », à savoir les bénéfices d’échouer le plus vite possible dans son parcours afin d’en récolter les fruits ultérieurement.

Dès l’école, nous sommes immergés dans un environnement qui fait de la réussite absolue la valeur princière. Fin connaisseur du milieu scolaire, l’auteur met en évidence les travers de notre système éducatif : absence de reconnaissance des vertus de l’erreur, mise en exergue des lacunes plutôt que des qualités, non-valorisation de la singularité des talents, etc.

Pour lui, cette tradition éducative s’explique par les valeurs d’égalité qui ont présidé à la création du système scolaire français. En voulant donner à chaque élève, toute classe sociale confondue, les mêmes chances, on a bridé les aspirations individuelles et développé une culture de la réussite. C’est ainsi que « l’idéal de notre école est celui de l’élève complet, appliqué, “dans la norme” » (p. 124), qui présente une homogénéité et une diversité de compétences lui permettant de pallier les échecs.

5. L’échec, un révélateur de notre personnalité

L’échec a pour vertu première de forger le tempérament. S’il nous enseigne l’humilité, il nous permet également d’endurcir notre caractère et d’accroître notre résistance aux épreuves. Pour illustrer ce point, Charles Pépin se réfère aux destins semés d’embûches de certaines personnalités. Pendant une dizaine d’années, la chanteuse Barbara a dû essuyer maints refus avant de goûter enfin au succès. Le président américain Abraham Lincoln a connu échec sur échec avant d’être élu à la présidence des États-Unis à l’âge de 60 ans. Cette succession d’épreuves les a conduits tous deux à s’affirmer et à devenir plus forts face à l’adversité. Cela leur a permis de concrétiser leurs désirs, mais aussi de se réaliser pleinement.

Cette conception de l’échec est parfaitement incarnée par la maxime du philosophe Friedrich Nietzsche : « Deviens ce que tu es ». Cette injonction invite à révéler nos potentialités, ce qui ne peut advenir que dans une confrontation plus ou moins difficile avec le réel. Mais les défaites n’accablent pas celui qui est habité par de véritables aspirations.

Bien au contraire, elles lui insufflent un regain de vitalité. Au lieu d’éteindre le feu de ses désirs, chaque obstacle l’attise. L’échec constitue donc un élément moteur qui pousse à la prise de risque. Il incite à repousser ses limites, à persévérer, mais aussi à faire preuve d’audace. L’auteur note par exemple que les savants n’aboutissent à des vérités qu’en parcourant un long cheminement au cours duquel ils doivent invalider leurs premières théories. Leurs erreurs successives jouent par conséquent « un rôle d’impulsion dans la dynamique qui conduit au savoir » (p. 24).

Enfin, l’échec contribue le plus souvent à nous révéler notre personnalité. Face à un défi que nous n’avons pas réussi à relever, nous perdons nos certitudes. L’échec n’est évidemment vertueux que si l’on en tire certaines leçons et qu’il conduit à une réflexion. Il peut ainsi nous amener à une remise en question et à reconsidérer l’authenticité de nos désirs. Pour les psychanalystes, s’enfermer dans une situation d’échecs répétés indique que l’on n’a justement pas effectué ce travail d’analyse. On n’a donc pas réussi à décrypter le message que notre inconscient cherchait à nous livrer ni pu être fidèle à nos aspirations profondes. L’une des vertus de l’échec est donc de nous placer avant tout face à nous-mêmes.

6. Comment redéfinir son rapport à l’échec ?

Pour surmonter un échec, il convient d’en relativiser l’impact en lui redonnant tout d’abord la place qui doit être la sienne. Il ne doit pas être envisagé comme un aboutissement, mais comme une étape de notre parcours. Impossible en outre de positiver sa vision de l’échec si l’on ne prend pas ses distances. Quand nos projets se soldent par un ratage, la tentation est grande de nous replier sur nous-mêmes. Nous interprétons notre échec comme l’expression de notre faiblesse ou de notre incapacité. Cette identification fragilise l’estime de soi et nous conduit à nous dévaloriser. Tout échec impose donc une posture de distanciation pour que nous puissions parvenir à le dépasser et en faire un atout.

Par ailleurs, l’acceptation doit être au cœur de notre rapport à l’échec. En somme, il s’agit de prendre conscience que nous ne maîtrisons pas tout et que certaines choses ne dépendent pas de nous. Cette sagesse héritée des philosophes stoïciens de l’Antiquité permet d’établir un rapport plus apaisé avec ses échecs. Elle est basée sur l’idée que l’homme doit composer avec des forces sur lesquelles il a prise et avec d’autres qui le dépassent. Une telle prise de conscience doit nous permettre d’agir selon notre mesure, notre capacité. Elle nous évite également de sombrer dans le déni de la réalité.

Au lieu de nous débattre inutilement contre ce qui est, nous pouvons ainsi préserver notre énergie pour affronter de nouveaux défis et avancer. C’est ce qu’a fait le chanteur et musicien Ray Charles : « il a su accepter, en pur stoïcien, la différence entre ce qui ne dépendait pas de lui (la perte de sa mère, de son frère et de la vue) et ce qui dépendait de lui (développer son talent, compenser sa cécité par une mémoire prodigieuse) » (p. 65).

7. Conclusion

L’échec est donc de moins en moins perçu et vécu comme un signe d’incompétence. Si du chemin reste encore à faire en France, les mentalités évoluent peu à peu. Les échecs tendent à devenir le gage d’une expérience, certes inaboutie, mais constructive tant sur le plan personnel que professionnel ou humain.

Les désillusions et les déceptions découlant de nos ratages seraient même l’essence de toute existence digne d’être vécue. Une conception bénéfique à tout point de vue puisqu’elle permet la valorisation des qualités et la consolidation de l’estime de soi.

8. Zone critique

De nos jours, l’idéologie du succès reste prédominante en France, comme en témoignent les stages de réussite organisés par l’Éducation nationale. Mais depuis les années 2010, elle commence à perdre du terrain. La culture de l’échec positif tend progressivement à se faire une place au sein de notre société, et ce dans divers domaines.

Ratifiée en janvier 2014 par Fleur Pellerin, ministre déléguée des PME, la Charte du Rebond est une avancée significative dans ce sens : elle a pour but d’aider les entreprises en difficulté à se relever au lieu de les sanctionner. La valorisation de l’échec entrepreneurial est aussi portée par des associations telles que 60 000 Rebonds ou le Mouvement des Rebondisseurs français, créé en 2018. La psychanalyse et la philosophie contemporaines abordent aussi l’échec de façon positive. Le psychiatre Christophe André y voit l’occasion de tirer un enseignement sur soi, tout comme le philosophe, Alexandre Jollien, qui considère que chaque épreuve nous nourrit un peu plus.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Les Vertus de l’échec, Paris, Éditions Pocket, 2018.

Autres pistes– Christophe André, Imparfaits, libres et heureux, Paris, Éditions Odile Jacob, 2006.– Tal Ben-Shahar, L’Apprentissage de l’imperfection, Paris, Éditions Pocket, 2011.– Pascale Chapaux-Morelli et Eugenio Murrali, Faire de la déception un tremplin, Paris, Éditions Albin Michel, 2018.– Frédéric Fanget, Toujours mieux !, Paris, Éditions Odile Jacob, 2006.– Arnaud Granata, Le Pouvoir de l’échec, Montréal, Éditions La Presse, 2016.– Alexandre Jollien, Le Métier d’homme, Paris, Éditions du Seuil, 2014.

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