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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Comment Trump a-t-il changé le monde ?

de Charles-Philippe David et Élisabeth Vallet

récension rédigée parMarc CrépinJournaliste indépendant. A occupé plusieurs postes à l'étranger et dirigé les rédactions de France Culture et de France Info.

Synopsis

Société

Ce livre dresse un bilan précis, argumenté et consternant de la politique étrangère menée par le président américain, Donald Trump, de 2016 à 2020. Universitaires canadiens, les auteurs analysent méthodiquement les choix et les bévues de l’ancien magnat de l’immobilier, parfaitement ignorant des grands équilibres du monde. Ils démontrent que, pendant quatre ans, sa politique a entraîné des dommages dans tous les domaines des relations internationales. Lorsque la première puissance mondiale n’assure plus son rôle, elle laisse s’instaurer une ère d’instabilité préoccupante.

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1. Introduction

En une centaine de pages, suivies de nombreuses notes exhaustives, cet ouvrage présente le bilan du mandat présidentiel de Donald Trump et plus particulièrement de sa politique étrangère. En quatre ans, le président américain est parvenu à faire le désespoir de ses alliés et le bonheur des adversaires de son pays. Ses prises de position et ses décisions en matière de relations internationales, désastreuses à bien des égards, ont empêché l’apaisement des crises régionales et ont été défavorables à l’image des États-Unis. Ce qui, redoutent beaucoup d’experts, pourrait bien être irréversible.

Les auteurs font référence à deux écoles de pensée américaines pour analyser la doctrine Trump : celle qui rassemble les idéalistes et celle des réalistes qui a leur préférence. À la lumière des nombreux débats qui ont enflammé les milieux intellectuels et universitaires nord-américains, ils analysent les choix de Donald Trump et tentent d’en mesurer les avantages et les inconvénients. Mais il reste indéniable que les changements provoqués par la Maison-Blanche depuis 2017 ont fait voler en éclat la plupart des engagements internationaux des prédécesseurs du 45e président des États-Unis et qu’ils peuvent tous, sans exception, être considérés comme de véritables reculs des équilibres internationaux.

Les auteurs considèrent que les effets délétères de la présidence Trump, combinés à un traitement irraisonnable de la pandémie du virus Covid-19, auront affaibli le pays et profondément modifié le rôle des États-Unis dans le monde, dont la position hégémonique se dégradait déjà sous Obama, notamment à cause de la mondialisation. Ils auront produit, selon Carl Bildt, l’ancien Premier ministre suédois, « la première crise d’un monde post-américain ».

Pour les auteurs, avec ce « recul de la stabilité des relations internationales », la désoccidentalisation de la sécurité et de la géopolitique mondiales semble inévitable. Elle entraîne trois phénomènes : la montée en puissance de la Chine, une nouvelle concurrence entre grandes puissances et la disparition progressive des États-Unis dans la gestion des enjeux sécuritaires et la gestion des crises.Il convient donc d’adopter une approche réaliste de cette dégradation. Le rôle et la prééminence des États-Unis, à travers des exemples concrets, sont examinés ici autour de quatre types de reculs : diplomatiques, sécuritaires, normatifs et, surtout, démocratiques.

Ces derniers reculs sont au centre de la réflexion des auteurs, qui se demandent comment cette présidence a pu encourager à ce point le déclin de la démocratie, dans le monde comme aux États-Unis.

2. Le modèle démocratique américain en voie de disparition ?

Pour Charles-Philippe David et Élisabeth Vallet, il est réellement possible que les États-Unis glissent vers un régime de démocratie illibérale. La responsabilité de Trump dans l’affaiblissement du modèle démocratique est accablante. Certes, l’environnement international y contribue, avec la recrudescence du populisme et l’attrait de certains peuples pour l’autoritarisme, mais il faut bien constater que Donald Trump, en privilégiant le repli sur soi de son pays, selon le politologue David Frum, « corrode l’intégrité publique et la règle de droit, de même que le leadership global de l’Amérique dans la promotion des normes démocratiques ».

La multiplication des régimes populistes conforte d’ailleurs la posture de Donald Trump. Une enquête du quotidien britannique Le Guardian dénombre, en 2019, 14 pays populistes où vivent deux milliards d’individus. Il s’agit de pays dont les chefs d’État maintiennent une apparence de démocratie, mais qui sont gouvernés autoritairement. Il faut noter qu’aux États-Unis il n’y a pas eu à proprement parler de révolution populiste. Pour les auteurs, en 2016, on a assisté en 2016à la collision de deux phénomènes parasites, « l’irrésistible force du mécontentement populaire et l’immuable objet de la polarisation partisane ».

Il existe une corrélation directe entre l’arrivée de dirigeants populistes et la dégradation de la démocratie. La gouvernance de Donald Trump, dès son arrivée au pouvoir, présentait une dérive autocratique par ses efforts pour discréditer les médias et soumettre la fonction publique. Pour l’ancienne secrétaire d’État de Bill Clinton, Madeleine Allbright « Trump est le président le plus antidémocratique de l’histoire des États-Unis ».

Sous un régime illibéral, les facteurs de recul de la démocratie sont nombreux : les restrictions à la liberté de la presse, les campagnes de désinformation et les cyberattaques contre des États et des opposants, l’affirmation identitaire nationaliste et le rejet des élites.Les auteurs estiment que le populisme de Trump pourrait bien se retourner contre lui car la pandémie de covid 19 révèle l’incompétence de son administration.

Difficile dorénavant de croire que la démocratie libérale est capable de préserver un ordre international durable. L’exceptionnalisme qui voulait que la nation américaine passe pour être une « cité sur la colline » éclairant le monde, comme la statue de la liberté, appartient au passé.

3. Une sécurité mondiale sans les États-Unis ?

Comme pour la démocratie, un autre type de recul est apparu pendant les années Trump : les reculs sécuritaires. Pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, un simple slogan, « l’Amérique d’abord », a fait prendre conscience à la communauté internationale qu’à tout moment le danger, l’instabilité, la guerre et les risques de la prolifération nucléaires pouvaient revenir à l’ordre du jour.

Les auteurs soulignent qu’on aurait pu penser que cette déclaration d’intention de la première campagne présidentielle de 2016 exprimait une stratégie réfléchie : faire passer l’Amérique avant tout le reste, pour mettre en place une politique de redistribution des richesses aux citoyens américains, de diminution des dépenses militaires et d’abandon des aides et missions onéreuses à l’étranger. Loin de cette approche angélique, les États-Unis n’ont jamais renoncé à leur hégémonie militaire et ont augmenté chaque année leur budget de la défense sous l’ère Trump, en procédant à des retraits et des réajustements des effectifs à l’étranger, en retirant certaines armes couteuses de régions sensibles et simultanément en durcissant leurs propres frontières. Les reculs qui caractérisent cette attitude sont de deux ordres : la fin de l’engagement américain pour atténuer les rivalités entre pays belliqueux et la fin de l’illusion d’un monde plus ouvert aux flux migratoires.

Le désengagement américain des alliances et des traités a eu un effet immédiat : le réarmement de la planète. Les dépenses militaires mondiales, qui avaient diminué de 20% entre 2010 et 2017, sont reparties à la hausse depuis, à un rythme de 3,6% par an. La diminution des dépenses sous Obama a fait place à leur augmentation sous Trump. Washington y contribue largement avec 38% des dépenses. La compétition entre grandes puissances s’accentue.

La Chine s’est engagée dans une concurrence effrénée avec les États-Unis en matière de défense. Pékin y investit 7% de son PIB. L’attitude de Trump n’a fait que renforcer la détermination chinoise tout comme celle de la Russie. Si les programmes de recherche préexistaient à la tension induite par le président américain, ils se sont intensifiés : portée, précision et manœuvrabilité de nouveaux missiles, drones et robots gérés par intelligence artificielle, furtivité des plateformes de tir, armes laser antisatellites ou nucléaires à faible puissance. Au vrai, l’insécurité mondiale pourrait croître à mesure que s’affaiblit l’hégémonie militaire américaine.

4. Le nationalisme emmuré

On s’en souvient, en 2016, la rhétorique électorale de Donald Trump qui allait se muer en programme politique était rythmée par deux mots d’ordre : « America first » et « Build the wall ».

La réflexion des auteurs sur la sécurité les a conduits à s’interroger sur la construction de murs frontaliers. Leur nombre serait sans précédent dans l’histoire. En 2020, on comptait 72 murs érigés sur 31 000 kilomètres de frontières au nom de la lutte contre l’insécurité.Pourtant, en novembre 1989, la chute du mur de Berlin, et donc la fin de la guerre froide, annonçaient un monde globalisé et promettaient la liberté de circuler toujours et partout. Mais l’obsolescence des frontières n’est toujours pas d’actualité. Dans un pays qui doit son développement à plus de deux siècles d’immigration, le nationalisme de Donald Trump a aussi beaucoup choqué. Après avoir voulu financer un mur de séparation avec le Mexique par son voisin, il n’a finalement pas pu obtenir de crédits du Congrès.

Les fortifications frontalières ne sont pas nouvelles, expliquent les auteurs. Les murs comme celui que voulait Trump sont d’une efficacité limitée : « Ils ne répondent pas à une menace extérieure avérée mais se nourrissent d’une identité xénophobe. » Leur seule utilité est d’être visibles, d’être un spectacle. Trump, outre le fait qu’il s’est fâché avec ses voisins, en particulier les Mexicains qualifiés de « violeurs » et de « voleurs », avait un triple objectif : diaboliser l’immigration pour achever de convaincre ses nombreux électeurs xénophobes ; établir un lien entre l’immigration et le chômage pour séduire les plus pauvres ; établir un lien entre l’immigration et le terrorisme pour attirer la frange la plus réactionnaire des nationalistes.

Cette attitude a indigné nombre de pays étrangers. Trump confond volontairement les immigrants et les réfugiés. Il interdit pendant trois mois l’entrée aux États-Unis des ressortissants de sept pays à majorité musulmane. Il fait arrêter femmes et enfants des immigrants sans papiers et les fait interner. Il se place donc en dehors de toutes les considérations humanitaires qui prévalaient dans les relations internationales.

5. 75 ans de diplomatie pour rien

Si le président Woodrow Wilson, au sortir de la Première Guerre mondiale, a mis un terme à la diplomatie secrète, provoqué la création de la Société des nations, ancêtre de l’ONU, et annoncé sa détermination à vouloir exporter la démocratie, tous les présidents depuis Harry Truman ont cherché à « asseoir l’hégémonie américaine sur un ordre international libéral » – tous les présidents sauf un : Donald Trump.

On exportait alors les valeurs américaines, les institutions ; et cette politique bénéficiait aux pratiques économiques des États-Unis. Pour que cela soit possible, il fallait une diplomatie qui repose sur le multilatéralisme et que Washington assume le leadership de l’ordre mondial. En quelques mois, Trump est parvenu à réduire à néant les pratiques diplomatiques américaines. Ce sera avec « L’Amérique d’abord » une attaque contre le concept même de multilatéralisme, puis avec les discours qui dénoncent les alliés de Washington. Il qualifiera ensuite les actions des institutions internationales d’« ingérences hostiles ». Trump présentera encore la coopération des autres États comme « une menace pour l’intérêt national » de son pays.

C’est au nom du protectionnisme, expliquent les auteurs dans un chapitre puissant consacré à la diplomatie, que Trump se lance dans des guerres commerciales imprévisibles, augmente les sanctions contre les États, impose des tarifs douaniers élevés, se retire de traités stratégiques et remet en cause une alliance aussi importante que l’OTAN. C’est sans doute davantage la pandémie de Covid-19 plutôt que Trump, comme il le pense, qui a enrayé la mondialisation. Tout comme il estime que la Chine se rendra aux exigences commerciales américaines. La guerre commerciale entre Pékin et Washington se mène dans un contexte d’interdépendance, et non pas dans un monde bipolaire comme la guerre froide. Vouloir découpler les deux économies est irréaliste.

Non seulement la Chine ne se pliera pas aux règles protectionnistes édictées par l’administration de Trump, mais il se pourrait que bientôt la Chine, future première puissance économique mondiale, impose ses règles aux États-Unis. Ce que Trump ne semble pas comprendre.

6. Les reculs multiples du droit international

Charles-Philippe David et Élisabeth Vallet affirment que le plus grand recul des relations internationales, sous l’influence de Donald Trump, porte sur les normes et les droits de la personne. Depuis une trentaine d’années, on a vu progresser le droit sur la sécurité humaine, la protection des populations civiles et les traités sur le désarmement. Ces reculs normatifs sont importants mais, au-delà, les reculs dans l’application du droit international sont au nombre de quatre.

Donald Trump, dès janvier 2017, a souhaité se retirer du Traité du partenariat transpacifique (TPP) signé par douze pays. Il avait pour but de contrebalancer l’influence de la Chine. Au lieu de cela, ce retrait a permis à Pékin de s’imposer dans l’ensemble de l’Asie. Peu après, il se retirait du Traité de Paris sur l’environnement, sourd à toutes les critiques.

En mai 2018, Trump déchirait l’accord nucléaire avec l’Iran, croyant déclencher ainsi une crise économique et la révolte populaire. Téhéran en a profité pour reprendre aussitôt le développement de son armement nucléaire.

À peine un an plus tard, le président Trump exigeait le retrait de son pays du traité sur les forces nucléaires intermédiaires en Europe. Ce qui implique que Moscou et Washington pourraient à nouveau faire de l’Europe leur champ de bataille. En fait, cela leur permet de se relancer dans le développement de nouveaux systèmes d’armes nucléaires.

Dans l’environnement de l’ONU, les auteurs ont relevé les multiples remises en cause de la parole des États-Unis. Retrait de l’Organisation mondiale de la santé en pleine pandémie du coronavirus, retrait de l’Unesco, retrait du Conseil des droits de l’homme, retrait enfin de l’UNRWA, l’agence onusienne pour la Palestine. On notera que, dans la plupart des cas, lorsque les Américains cessent de financer une agence ou une institution des Nations unies, la Chine prend le relais et se fait un plaisir de compenser ce défaut de financement.

7. Conclusion

Les auteurs du livre espèrent que les graves reculs survenus sous la présidence Trump pourront être réversibles. Ils concernent les relations internationales, les manquements diplomatiques, sécuritaires, démocratiques et normatifs. Ce livre en tout cas en apporte une vision lucide, conformément aux analyses de l’école réaliste. Mais le réalisme les conduit aussitôt à redouter une issue néfaste pour la paix. Tout est possible si une administration hostile au multilatéralisme devait se maintenir aux États-Unis.

Ce livre présente une vision claire des effets produits sur la scène internationale par une politique américaine nationaliste, conservatrice et populiste.

8. Zone critique

Les ouvrages sur Donald Trump sont nombreux. Son comportement outrancier et parfois insultant pour ses adversaires, voire ses amis, suscite évidemment l’intérêt et la curiosité. Ici, le personnage politique est uniquement présenté dans l’action, les auteurs tentant de saisir les motivations qui l’animent. On peut regretter qu’à aucun moment on ne dresse son portrait d’homme, de businessman, son profil psychologique ou qu’on évoque son histoire personnelle. Toutes choses qui permettraient de mieux comprendre le personnage. On aurait pu aussi dans ce livre s’intéresser davantage à ses alliés dans le monde.

Impossible, par exemple, d’expliquer pourquoi ce président préfère dialoguer avec des dictateurs plutôt qu’avec les alliés traditionnels de son pays, ou pourquoi aucune de ses décisions n’a – bizarrement – mécontenté le président russe, Vladimir Poutine.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Charles Philippe David et Élisabeth Vallet, Comment Trump a-t-il changé le monde ? Paris, CNRS Éditions 2020.

De Charles Philippe David– L’Effet Trump. Quel impact sur la politique étrangère des États-Unis ?, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2020.

Pour aller plus loin– Graham T. Allison, Vers la guerre. La Chine et l’Amérique dans le piège de Thucydide ?, Paris, Odile Jacob, 2019.– Claude Corbo et Frédérick Gagnon, États-Unis d’Amérique. Les institutions politiques, Québec, Septentrion, 2016.– Pascal Lamy et Nicole Gnesotto, Où va le monde ? Trump et nous, Paris, Odile Jacob, 2018.

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