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L’estime de soi

de Christophe André et François Lelord

récension rédigée parStéphane PartiotEnseignant et agrégé de Lettres Modernes.

Synopsis

Psychologie

Dans L’estime de soi, publié en 1999 et révisé en 2007, les psychiatres Christophe André et François Lelord proposent une analyse détaillée de la notion d’estime de soi, de ses différentes formes, ainsi que de son importance afin de mieux vivre au quotidien. Ces thèmes sont repris, de façon plus succincte, dans l’ouvrage Imparfaits, libres et heureux. Le propos, qui se nourrit de nombreux exemples empruntés à la pratique clinique des auteurs, se veut ici à la fois accessible et didactique.

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1. Introduction

L’estime de soi occupe, pour Christophe André et François Lelord, une place centrale dans le fonctionnement de notre psychisme ainsi que dans les interactions que nous pouvons nouer avec les autres. Elle se définit à partir de trois piliers principaux : la confiance en soi, la vision de soi et l’amour de soi, dont le bon équilibre doit permettre un état d’esprit harmonieux. Car l’estime de soi conditionne l’image nous avons de nous-mêmes et, par conséquent, les actes que nous posons dans le monde.

L’ouvrage fait voir trois lignes directrices : une approche prenant en compte l’histoire personnelle du sujet, sans toutefois emprunter la technicité conceptuelle du propos psychanalytique ; une approche typologique visant à distinguer les formes d’estime de soi rencontrées par les deux psychiatres ; et enfin, une approche pathologique montrant les dysfonctionnements ou « maladies de l’estime de soi » (p. 185) ainsi que les méthodes dont nous disposons, à court terme comme à plus long terme, afin d’y remédier.

La finalité dernière du propos consiste à viser une forme de sérénité bienveillante dans notre rapport à nous-mêmes. D’après les auteurs de L’estime de soi, cela permettrait de garantir une relation saine et apaisée à l’altérité, que celle-ci soit amicale ou plus conflictuelle.

2. La genèse d’un rapport de soi à soi

Afin de mieux comprendre la nature et l’origine de l’estime de soi, les auteurs insistent sur les mécanismes et événements de l’existence personnelle qui influencent le regard que nous portons sur nous-mêmes. À ce titre, ils évoquent tout d’abord les « premiers pas de l’estime de soi » (p. 80).

Vulgarisant les acquis de la psychanalyse, les psychiatres montrent que leurs patients leur font part de blessures anciennes qui ont pu marquer durablement leur estime de soi. Ils décrivent le dispositif d’attentions et de récompenses servant à valoriser la réussite des enfants en exprimant la fierté parentale. Suite à cela, une pression pour plaire peut s’installer, accentuée par le besoin de se faire une place. Quatre facteurs de pression sur l’estime de soi sont alors distingués : parents, enseignants, amis et camarades de classe. Ainsi, le contexte scolaire, par une tendance à la comparaison, peut être la source d’une mythomanie enfantine.

L’adolescence apparaît ensuite comme un moment décisif dans la constitution de l’estime de soi. Celle-ci se cristallise notamment sur cinq éléments : l’aspect physique, les compétences sportives, la popularité auprès des pairs, la conformité aux règles ainsi que la réussite scolaire. La sensibilité à tel ou tel domaine est variable d’un individu à l’autre, mais également au cours de l’histoire personnelle de chacun. Elle ne devrait jamais être prise à la légère par les parents, tant l’acte suicidaire lui-même peut s’avérer intimement lié à un problème d’estime de soi. Une attention particulière est enfin accordée au « stress de l’aîné » (p. 96), dont l’estime de soi paraît généralement plus instable que celle de ses cadets.

L’adulte fait lui aussi face à des fluctuations, qui constituent autant de périls pour l’estime de soi. La relation amoureuse met le sujet à l’épreuve puisque « l’insoutenable nécessité de plaire » (p. 112) peut conduire à douter de soi-même. Même la personnalité histrionique, qui éprouve un besoin impérieux d’attirer l’attention sur soi, n’est pas à l’abri d’un rejet douloureux et frustrant. Comme l’ont montré des études scientifiques, l’estime de soi joue un rôle dans les processus de séduction et de choix des partenaires, puisqu’une basse estime de soi peut conduire à rechercher des partenaires qui nous mésestiment, par besoin de voir son opinion confortée.

Enfin, au sein d’un couple, l’enfant peut faire l’objet d’un fort investissement émotionnel en matière d’estime de soi. Quant aux disputes, reproches ou insultes, elles peuvent témoigner d’un désir, conscient ou inconscient, de prendre le dessus sur l’autre, pouvant parfois saper ce qui forme le socle d’une conscience individuelle.

3. Degrés et stabilité de l’estime de soi

L’histoire du sujet montre combien, au cours d’une vie, l’estime de soi est sujette à des variations qui forment la trame même de son existence. Comme « l’estime de soi n’est pas donnée une fois pour toutes » (p. 26), il importe de l’alimenter régulièrement pour qu’elle puisse conserver le niveau que nous attendons d’elle. De là découle une thèse centrale de l’ouvrage, qui consiste à distinguer entre le degré de l’estime de soi et la stabilité de l’estime de soi. En d’autres termes, ils prennent en compte non seulement le niveau d’estime de soi mais également ses variations dans le temps. Partant de cette distinction, les deux psychiatres proposent d’établir une typologie en quatre catégories.

Les deux premiers types renvoient à des profils à basse estime de soi. Il peut s’agir d’une basse estime de soi stable, traduisant une forme de résignation voire de dépression sourde. À l’inverse, une estime de soi à la fois basse et instable révèle essentiellement deux choses : d’une part, une volonté d’accéder à une meilleure image de soi-même, et, d’autre part, une forme de fragilité réciproque qui peut parfois exposer à d’importantes turbulences psychiques.

Quant aux personnes à haute estime de soi, elles se partagent elles aussi en deux catégories, selon que leur profil est stable ou instable. Le premier cas correspond à un tempérament résistant, qui ne consacre que peu d’énergie à promouvoir son image personnelle. En contexte professionnel, ce dernier fait preuve de conviction. Il ne craint pas la contradiction, qu’il aborde calmement, mais fermement. Si, en revanche, la haute estime de soi est instable, c’est que la critique ou l’échec sont perçues comme des menaces. Celles-ci donnent alors lieu soit à une remise en question radicale de soi-même, soit à une réaction épidermique, pouvant entraîner, là encore, des turbulences. Une telle instabilité apparaît d’autant plus présente que la société contemporaine, par son obsession de l’image, peut nous fragiliser : une certaine tendance au nombrilisme peut en effet renforcer notre peur d’échouer ou d’être mal aimé.

Les auteurs concluent cette typologie en invitant leur lecteur à relativiser et à ne pas faire de la haute estime de soi un type idéal qu’il faudrait atteindre à tout prix. Il serait toutefois illusoire de chercher à tout prix à effacer une part irréductible d’instabilité : il convient plutôt d’accepter que, « selon les circonstances, la plupart d’entre nous adoptent des comportements variables » (p. 74).

4. Un inventaire des pathologies de l’estime de soi

André et Lelord s’appuient sur une série de questions visant à déterminer le profil qui nous correspond le plus : ainsi, une tendance à ne pas se mettre en valeur, à faire preuve d’une prudence et d’une indécision excessives, ou encore une difficulté à gérer le succès, dessinent ainsi un profil à l’estime de soi plutôt basse et instable.

Tout en rappelant les bienfaits qui accompagnent malgré tout un tel profil, tels que la capacité à l’autocritique, l’humilité ou la modestie, les psychiatres insistent sur les risques potentiels qu’il entraîne en termes de santé. Ils entreprennent alors de décrire divers troubles psychiques potentiels. Les problèmes d’estime de soi risquent d’augmenter non seulement la gravité, mais aussi la chronicisation d’une dépression, c’est-à-dire sa propension à s’installer dans la durée par des rechutes successives. Les deux auteurs s’attardent en particulier sur la maladie maniaco-dépressive, ou bipolaire. Les accès maniaques sont alors présentés comme des sortes de dérapages lors desquels l’estime de soi augmente avant de chuter tout aussi brutalement.

Divers troubles sont ensuite abordés, au-delà des seuls symptômes considérés comme relevant du champ de la psychiatrie. Ainsi du complexe, défini comme « l’importance excessive attribuée à un défaut et le fait que l’on se polarise sur lui. » (p. 194). L’importance du regard social, déjà soulignée dans l’ouvrage, apparaît prépondérante dans la constitution du complexe. Contrairement à la dysmorphophobie, forme sévère du complexe, il ne s’agit certes pas, au sens strict, d’un diagnostic psychiatrique. Mais ce défaut d’estime de soi, fortement polarisé, peut entraver le quotidien d’une personne et mérite donc l’attention des thérapeutes. L’exemple de l’alcoolisme est ainsi parlant dans son lien avec la tendance à se déprécier. L’alcoolique fait face, dans 98 % des cas, à des épisodes dépressifs.

L’effet dépressogène de l’alcool, scientifiquement établi, provoque chez lui une forme de honte : le sujet passe d’une impression illusoire de confiance en lui à des moments noirs, qui lui laissent le sentiment qu’il ne pourra jamais s’en sortir. Cette pathologie, au même titre que divers traumatismes psychiques, affecte donc fortement la stabilité de l’estime de soi, et non pas uniquement son degré.

5. Comment remédier à ses failles et consolider son être ?

Face aux difficultés qui nous semblent remettre en question notre estime de soi, force est de constater que chacun met en œuvre divers « mécanismes de défense » (p. 209). Six principaux mécanismes sont décrits : l’évitement ou le retrait, le déni des problèmes, la projection de ses sentiments négatifs vers les autres, l’évasion dans le fantasme et dans la rêverie, la rationalisation outrancière et, enfin, la compensation consistant en une fuite vers un autre domaine. Loin de critiquer absolument le recours à de tels mécanismes, André et Lelord insistent sur l’intérêt qu’ils peuvent présenter de façon ponctuelle. Mais ils soulignent également le danger d’un recours excessif à un mécanisme en particulier.

Les mécanismes de défense que nous développons spontanément ne permettent que des « ajustements limités de l’estime de soi » (p. 230), non une amélioration durable. Il convient donc de transformer profondément notre psychisme. Or, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’est jamais trop tard pour changer. Trois principaux chantiers nous attendent : le rapport à soi-même, le rapport à l’action et le rapport aux autres. Le premier requiert de mieux se connaître, de savoir s’accepter, et de se montrer honnête avec soi-même. Le rapport à l’action implique, quant à lui, d’entrer dans une démarche active, de faire taire notre voix critique intérieure, mais également d’être capable d’accepter l’échec.

Enfin, l’amélioration de notre rapport aux autres suppose de s’affirmer tout en se montrant empathique, et surtout de ne pas hésiter à s’appuyer sur un soutien familial, affectif, amical, ou professionnel. Il faut prendre à choisir son entourage, dans la mesure où les sujets à basse estime de soi risquent d’entretenir une vision négative d’eux-mêmes à travers des relations qui les mésestiment.

De façon à ne pas disperser son énergie, les deux psychiatres recommandent d’abord de se concentrer sur un seul objectif. Il faut donc établir les étapes intermédiaires qui nous permettront, en pratique, d’atteindre l’objectif idéalement visé. Par exemple, si l’on souhaite connaître beaucoup de monde, on peut commencer par s’inscrire à un club lié à un centre d’intérêt (sport, danse). De tels objectifs doivent dépendre de nous, et non des autres.

6. La voie thérapeutique

Il peut être difficile de modifier seul son estime de soi. C’est pourquoi la voie thérapeutique peut apparaître utile, notamment en cas de répétition d’un comportement problématique, ou si des troubles apparaissent tels que la dépression, l’alcoolisme, etc. La thérapie n’est toutefois pas magique, et suppose, elle aussi, du temps et des efforts. Si la psychiatrie par médicaments ne saurait jouer directement sur l’estime de soi, la science s’interroge sur l’action indirecte des antidépresseurs, dont les sérotoninergiques. On distingue souvent deux grandes familles de psychothérapie : la psychanalyse et les thérapies comportementales et cognitives (TCC).

La première consiste plonger dans le passé du sujet pour mettre en évidence ses traumatismes : le thérapeute se veut neutre et ne fixe pas de durée a priori. La psychanalyse, qui se tourne ainsi vers la reviviscence d’une histoire personnelle, a pour but principal de modifier la structure profonde de notre être : elle travaille à modifier nos conduites quotidiennes ainsi que les symptômes correspondants.

À l’inverse, les TCC visent à modifier des pensées et des comportements du quotidien dans l’objectif de modifier progressivement des structures psychologiques plus profondes. Elles sont centrées sur la gestion des difficultés actuelles, en fixant un objectif et une durée déterminés. Le thérapeute se comporte alors davantage de manière interactive, en livrant au patient de nombreuses informations afin qu’il puisse mieux gérer l’ici et maintenant.

En fonction du trouble concerné, telle ou telle thérapie est à privilégier : l’approche comportementaliste sera, par exemple, efficace sur un trouble phobique, tandis que la psychanalyse permettra de comprendre l’influence de traumatismes passés. Mais le récent développement d’une « approche éclectique » permet le recours aux deux démarches dans une forme de pragmatisme clinique. Les deux auteurs insistent enfin sur l’importance qu’il y a à choisir le bon thérapeute. Ce dernier doit savoir écouter son patient et lui répondre. Il se doit de lui délivrer les meilleurs soins possibles en l’état des connaissances actuelles. Enfin, il explique en détail à son patient comment la thérapie va se dérouler, mais le laisse toujours libre d’interrompre celle-ci sans jamais le culpabiliser.

7. Conclusion

Le propos de Christophe André et François Lelord se centre sur une notion centrale dans la vie psychique de chacun. Mais son principal mérite est de montrer que le travail sur notre estime de soi, s’inscrivant dans le quotidien, nous permet d’être moins sensibles à la contradiction. La critique ou la contestation peuvent ainsi apparaître autrement que comme une forme d’humiliation ou un désaveu personnel, de façon à viser une plus grande stabilité psychique.

Si les fluctuations d’humeur ne disparaissent pas, nous pouvons toutefois apprendre à les aborder différemment, en les analysant de manière plus rationnelle, éventuellement à l’aide du regard de nos proches ou d’un praticien. Le chagrin passe alors du durable au curable, et les tendances destructrices prennent la forme d’une dynamique constructrice. Celle-ci, sans occulter l’échec et les difficultés de la vie, permet de les aborder d’une toute autre manière.

8. Zone critique

Si les thérapies cognitivo-comportementales prennent le parti de poser la question du comment plutôt que celle du pourquoi, on apprécie ici que l’historicité personnelle du sujet ne soit pas ici écartée. Le pouvoir qu’exerce le passé sur le présent est ainsi bien pris en compte. Mais la tradition psychanalytique demeure présentée de manière superficielle : un commentaire plus approfondi du concept de narcissisme primaire chez Freud aurait utilement complété le propos. Ainsi, si l’ouvrage se caractérise par un souci de vulgarisation, cette qualité est également un défaut puisque le livre n’est pas exempt de raccourcis conceptuels ou de facilités de style.

De même, l’épaisseur philosophique du sujet mériterait un traitement plus précis, autour de l’ataraxie des Stoïciens, de l’amour-propre chez Rousseau ou encore de la honte sartrienne. Enfin, en dépit d’analyses pertinentes sur les fluctuations de l’estime de soi, le risque est de réduire la richesse et la subtilité des phénomènes psychiques, ce que les auteurs reconnaissent en affirmant qu’« il n’y a pas que l’estime de soi dans la vie » (p. 230). Ce risque fut d’ailleurs pointé en 2005 dans The Myth of Self-esteem, par Albert Ellis, l’une des figures fondatrices des thérapies cognitivo-comportementales.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé

– L’estime de soi : s’aimer pour mieux vivre avec les autres, Paris, Odile Jacob, 1999 (2007).

Du même auteur

– Avec François Lelord, Comment gérer les personnalités difficiles, Paris, Odile Jacob, 1996.– Avec Alexandre Jollien et Mathieu Ricard, Trois amis en quête de sagesse, Paris, L'Iconoclaste-Allary, 2016.– Avec Alexandre Jollien et Mathieu Ricard, À nous la liberté, Paris, L'Iconoclaste-Allary, 2019.

Autres pistes

– Cyrille Bouvet, Introduction aux thérapies comportementales et cognitives (TCC), Paris, Dunod, 2014.– Albert Ellis, La thérapie émotivo-rationnelle, Paris, Ambre, 1955 (2017).

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