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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Les États d'âme

de Christophe André

récension rédigée parCatherine Piraud-RouetJournaliste et auteure spécialisée en puériculture et éducation.

Synopsis

Développement personnel

Bonne humeur, confiance, sérénité, paix intérieure... Mais aussi inquiétude, cafard, nostalgie, agacement, désespoir... Mélanges subtils d'émotions et de pensées, nos états d'âme, agréables ou désagréables, accompagnent chaque moment de notre vie. Ce livre, du célèbre psychiatre Christophe André, l’un des chantres français de la psychologie positive et de la méditation de pleine conscience, nous aide à les accueillir à les comprendre et à les moduler. Il nous donne aussi des pistes de pratiques à adopter pour nous diriger vers davantage de bonheur, de sagesse et de sérénité.

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1. Introduction

Le célèbre psychiatre et philosophe définit longuement ce qui fait la teneur de nos états d’âme : ces « émotions subtiles associées à des pensées vagabondes », qui sont « le cœur battant de notre lien au monde », se distinguent toutefois clairement des émotions au sens strict , plus brutes, intenses, immédiates et souvent provoquées par un élément extérieur. Les états d’âme relevant, eux, avant tout, de l’intérieur de nous-mêmes.

En quatre parties (Existences, Souffrances, Équilibres et Éveils), Christophe André nous aide à décrypter nos états d'âme. Dans ce monde moderne, parfois menaçant et incertain, nous sommes tous des « êtres de peur ». Colère, tristesse, peur, angoisse, joie... l’auteur montre leur importance dans nos vies, leur utilité (ils nous enrichissent et sont le reflet de notre humanité), mais aussi leurs dangers.

Il recommande de les traiter avec bienveillance et mesure, afin de ne pas les laisser nous submerger. Il montre, surtout, comment nos états d’âme peuvent nous aider à aller mieux et à élargir nos horizons, en acquérant davantage de lucidité, de sagesse… Et être même la voie royale vers le bonheur.

2. Les états d’âme, faux jumeaux des émotions

Les états d'âme sont des contenus mentaux, conscients ou inconscients, mêlant intérieur (états du corps et vision du monde) et l'extérieur (réactivité à ce qui nous arrive), émotions subtiles et pensées automatiques. En bref, c’est un empilement d'idées, d'émotions ou de sensations. Exemples d'états d'âme : le spleen, sorte d’abattement flottant, peu intense, mais tenace ; la sérénité, qui allie calme et confiance en l'avenir, etc.

À l’instar d’une météo psychique, nos états d'âme constituent un climat mental, ensoleillé ou morose, parfois stable sur une assez longue période, parfois changeant d’heure en heure. Ils relient passé, présent et futur dans une sensation de cohérence et de destinée. Et, de fait, ils s'invitent dans toutes nos activités et influencent la majorité de nos attitudes.

Les états d'âme s'organisent autour de cinq émotions vives : la peur, le dégoût, la colère, la tristesse et la joie. Mais s’ils sont proches des émotions, ils ne se confondent pas pour autant avec celles-ci. Les états d'âme sont plus durables et moins intenses que les émotions : ils peuvent persister dans la foulée des émotions fortes. C’est, par exemple, l'état dans lequel nous nous trouvons après une grande joie ou une forte déception. Surtout, ils n'existent pas seulement en réponse à une situation donnée, mais ils sont en rapport avec l’ensemble de notre lien global au monde.

Les émotions radicalisent et simplifient notre perception des événements, les états d'âme la complexifient, tout en la rendant plus subtile. Elles nous poussent vers l'action extérieure (les actions tournées vers les autres et le monde). Les états d'âme, eux, nous entraînent d'abord vers la réflexion intérieure. Ils restent ainsi avant tout en dedans, sans la visibilité corporelle et comportementale des émotions fortes : une profonde tristesse rime avec prostration et immobilité, tandis qu’un état de spleen ne constitue pas forcément un frein pour continuer d'agir. Les états d’âme sont aussi plus fréquents que les émotions fortes.

Les états d’âme se caractérisent aussi par leur mixité : contrairement aux émotions franches (colère, joie, angoisse, désir...), ils sont plus nuancés, plus en trame de fond, et peuvent contenir à la fois des éléments affectifs agréables et d'autres désagréables. La nostalgie conjuguant, par exemple, douceur et douleur dans le même état d’âme. Autre spécificité des états d’âme : leur rémanence. À savoir qu'ils persistent plus ou moins longtemps après la disparition de leur cause. Ils sont, selon le mot de Christophe André, tout ce qui subsiste en nous après le passage du « train de la vie »…

3. Les états d’âmes, positifs comme négatifs : tous utiles !

Les états d’âme positifs influent sur le sentiment d'avoir une vie heureuse. La trame de notre bonheur est tissée de nos instants de bonne humeur : moment passé avec un être aimé, balade dans un superbe endroit, lecture envoûtante, musique qui nous transporte...

Toutes les études montrent que le sentiment de bonheur est lié à la fréquence et à la répétition de ces bouffées de « petits bonheurs », davantage qu'à de grands mouvements émotionnels, qu’à d’intenses moments de succès ou d'accomplissement. Ces états d’âme positifs nous permettent un meilleur contrôle de soi. Ils nous aident à nous engager dans des comportements alliant contrainte immédiate et bénéfices différés.

Par exemple, faire des efforts aujourd’hui (régime, exercice.) pour sa santé future. Ils nous aident aussi à mieux mémoriser ce qui nous est utile. D’où l’importance, par exemple, de créer une ambiance affective positive au travail ou dans l’enseignement.

Alors même que les études suggèrent que 75 % des états d'âme sont plutôt positifs, contre 25 % plutôt négatifs, nous sommes plus sensibles à la seconde catégorie. Inquiétude (héritée probablement de nos lointains ancêtres, proies potentielles et pour lesquels être sur le qui-vive était gage de survie face aux prédateurs) ; ressentiment, hostilité, envie, rancune, bouderie, mépris ; tristesse, qui peut aller jusqu'à la dépression ; désespoir, qui peut pousser au suicide… Ces états d’âme négatifs sont caractérisés par les ruminations.

Ruminer, c'est se focaliser, de façon répétée, circulaire, stérile, sur les causes, les significations et les conséquences de ses problèmes, de sa situation, de son état. Dans la rumination, on enchaîne une litanie infinie de demi-pensées, qui s'arrêtent à la porte de toute décision éventuelle. On se répète qu'on n'aurait pas dû agir de telle manière, au lieu de prendre des décisions pour changer les choses. Les états d'âme sont bloqués, perpétuellement recyclés, et reviennent sans arrêt au même point de départ.

Le rôle psychotoxique des ruminations est désormais largement mis en évidence dans de nombreuses pathologies psychiques : dépression, anxiété, boulimie, addictions, etc. C'est pourquoi les réflexions sur les états d'âme intéressent les psychothérapeutes. En effet, les capacités de régulation de ces fluctuations psychologiques pourraient être impliquées dans la prévention des rechutes dépressives et anxieuses, via des techniques de psychothérapie, par exemple la thérapie cognitive associée à la méditation de pleine conscience.

Le but de ces approches n'est toutefois pas de supprimer les états d'âme, mais d'en limiter les dérapages. Tant il est vrai que se sentir déprimé peut aussi avoir ses effets positifs, comme augmenter la créativité. De plus, il y a des souffrances saines, qui nous ouvrent les yeux sur certaines réalités, comme la compassion.

4. L’introspection pour apprendre à décrypter ses états d’âme

Il est impossible de ne pas avoir d'états d'âme. Tout juste peut-on les réprimer, les dissimuler, les refuser. Et c’est tant mieux, car cela reviendrait à mettre son humanité entre parenthèses, en se privant de ce qu'elle nous apporte peut-être de meilleur : l'intériorité, porte d’accès à une incroyable palette d’émotions et de ressentis. Les poètes, écrivains et philosophes ont ouvert la voie en la matière, de Rainer-Maria Rilke à Marcel Proust, en passant par Blaise Pascal. Et ce, bien avant les psychologues et les psychanalystes.

Les états d'âme sont une forme d'expression de la conscience de soi. Ils nous rappellent, parfois vigoureusement, ce que tel événement signifie pour nous. D’où ce lien étroit qu'ils entretiennent avec notre sentiment d'identité : à travers eux, nous ne réagissons pas seulement à l'événement qui les a déclenchés, mais à ce que celui-ci signifie au regard de notre vie. Ils signent ainsi une mise en perspective, une inscription dans notre identité, dans notre biographie. D'où le rôle crucial joué par la mémoire dans les états d'âme. En témoignent les fulgurances du souvenir immortalisées par Proust et sa « madeleine », dont une seule bouchée le ramène instantanément à l’atmosphère de sa jeunesse.

La pratique de l’introspection est recommandée pour mieux prendre conscience et décrypter ce mélange de contenus complexes (sensoriels, émotionnels, psychologiques...). Au lieu de fuir ses états d'âme désagréables, mieux vaut les accueillir et les analyser.

Prendre le temps de respirer profondément et de se demander ce qu’il se passe en soi, ce qui ne va pas, ce qu’on doit accepter et ce qu’on peut y changer. Les thérapeutes recommandent de se livrer à cette prise de température psychique plusieurs fois dans la journée, afin de naviguer entre deux écueils : nous noyer dans nos états d'âme (la rumination) ou refuser de nous y pencher (la fuite). Tenir un journal intime est un bon moyen de résoudre cette quadrature du cercle. Diverses études ont démontré que des écrits réguliers apportent de multiples bénéfices thérapeutiques, qui vont de l'amélioration de la santé physique à la diminution des états d'âme négatifs. L'écriture de soi a aussi l’avantage de limiter les ruminations.

5. L’éveil, ou le choix de la pleine conscience, pour vivre pleinement sa vie

Du fait de nos états d’âme, nous passons souvent à côté de nos vies. Christophe André dispense une série de conseils pratiques pour parvenir à tendre vers l'équilibre et vivre pleinement notre vie. Tout d’abord, l’exercice physique, tant l’esprit dépend du corps et le sport prépare au bien-être. Par ailleurs, il convient de se méfier des substances miracle : café, sucre, médicaments, alcool, drogues… Il nous faut aussi tenter de nous départir de la « maladie matérialiste ». Basé sur le culte de l’argent et de la marchandisation de tous les biens et services, le matérialisme altère les relations interpersonnelles, entraîne des états d’âme d’ennui et d’insatisfaction et perturbe nos liens à la nature. Le psychiatre propose des pistes d’action individuelle (moindre ou non-consommation, retraite dans des lieux spirituels) et collective (action sociale et politique).

La recherche de l’équilibre passe par l’Éveil, ou Satori dans le bouddhisme zen : une expérience de l’état de tranquillité, grâce à l’extinction des passions et l’élimination de leurs causes. Les recettes de Christophe André : vivre en pleine conscience chaque instant. « La pleine conscience consiste à être présent à l’expérience du moment que nous sommes en train de vivre, sans filtre (on accepte ce qui vient), sans jugement (on ne cherche pas si c’est bien ou mal, désirable ou non) et sans attente (on ne souhaite pas que quelque chose arrive ou se passe » (p. 332). C’est, en quelque sorte, un « plein éveil ». Pour ce faire, Christophe André préconise d’apprendre à « pratiquer des cures de lenteur », dans un monde qui va trop vite, avec trop de sollicitations. De se reconnecter à ses sens, à la nature, à ses réels besoins et envies. Bref, de passer du mode « faire » au mode « être ».

Il recommande, surtout, d’apprendre à méditer. La méditation nous aide à comprendre la nature de la pensée. Elle enrichit les états d’âme et aide à leur régulation. Elle permet de meilleures capacités de concentration pour travailler ou réfléchir. Corrélée au bien-être, elle facilite le changement d’attitude et de conviction. Enfin, elle apprend à savourer l’existence.

Enfin, l’auteur vante les mérites de la compassion, pour les autres, mais aussi pour soi. Avec, comme outils, des exercices quotidiens de gentillesse ou des mantras autocompassionnels (« Prends soin de toi » ; « Ne te déteste pas »…). Et le tout, si possible en souriant, ce qui induit un état plus positif, et permet également, selon certaines études, de mieux réussir sa vie. Tout cela devrait permettre d’accéder pleinement au bonheur, l’ «état de la conscience pleinement satisfaite ». Voire à la sagesse, qui est, selon la définition qu’il cite d’André Comte-Sponville : « le maximum de bonheur dans le maximum de lucidité » (p.410).

6. Conclusion

Ce grand voyage dans la compréhension des émotions et des mécanismes mentaux dissèque tous les états d'âme qui nous habitent, afin de nous aider à les dominer. Afin de faire face aux flots d'états d'âme négatifs qui nous submergent parfois, il nous faut passer par l'acceptation de nos vies imparfaites.

Prendre du temps pour soi et pour ses proches, comprendre qui l’on est vraiment, être à l'écoute de son corps et de ses ressentis. Pour retrouver l'équilibre entre nos états d'âme de souffrances et nos états d'âme de bonheur, il nous faut vivre en pleine conscience, en état d'éveil, en nous essayant à la compassion, à la force de la douceur, à la sagesse.

Christophe André nous démontre que l'on peut changer, par des gestes simples et de nouvelles habitudes, pour aller dans le sens d'une vie plus épanouie. Une vie, certes, non exempte de malheurs, mais parsemée de petits bonheurs tranquilles. La vérité est en nous, et la vie se déguste au présent.

7. Zone critique

Un livre à lire et relire, tant il décrit avec justesse ce que sont les différents états d'âme et la manière de les gérer, non pas en les niant, mais en les acceptant. Un ouvrage à la fois fouillé et d’un style clair et accessible, regorgeant d'anecdotes, d'exemples scientifiques, de témoignages de patients et de références littéraires et philosophiques.

Cette approche de la vie subtile, fortement marquée par la philosophie bouddhiste, constitue aussi une critique sociale et une réflexion philosophique sur la nature de l'homme. L’ouvrage s’inscrit, de manière plus générale, dans un nouveau courant (d’ailleurs initié par l’auteur) en psychothérapie. Courant qui intègre à la fois les apports de la méditation et des neurosciences, et qui permet de comprendre, preuves à l'appui, les mécanismes de la plupart des souffrances psychologiques, et de les traiter avec de réels résultats.

8. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Les États d'âme : Un apprentissage de la sérénité, Paris, Odile Jacob, Coll. Psycho, 2011.

Du même auteur– Vivre heureux : psychologie du bonheur, Paris, Odile Jacob, 2003.– Imparfaits, libres et heureux, Paris, Odile Jacob, 2006.– Je médite jour après jour, Paris, L'Iconoclaste, 2015.– Trois amis en quête de sagesse avec Matthieu Ricard et Alexandre Jollien, Paris, L'Iconoclaste-Allary Éditions, 2016.– La Vie intérieure, Paris, L'Iconoclaste, 2018.

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