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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Convainquez qui vous voudrez

de Daniel Pink

récension rédigée parVictor FerryDocteur en Langue et lettres de l’Université Libre de Bruxelles et chercheur au Fonds National de la Recherche Scientifique de Belgique (FNRS).

Synopsis

Économie et entrepreneuriat

Qu’on le veuille ou non, qu’on le sache ou non, nous sommes tous des vendeurs. Et la capacité à vendre gagne de plus en plus d’importance, à mesure que le monde se numérise et que la part des emplois salariés diminue. Autant donc apprendre à bien vendre. C’est l’objectif de ce livre.

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1. Introduction

La vente a mauvaise presse. Quand nous pensons aux vendeurs, nous pensons gros sabots, pied dans la porte, sympathie forcée et techniques de manipulation. Il y a d’ailleurs du vrai dans ces clichés. Si l’on ouvre un bestseller du domaine, par exemple, Comment vendre n’importe quoi à n’importe qui, certaines des stratégies vantées par l’auteur, Joe Girard (1928-2019), flirtent avec les limites de l’éthique. Celui-ci était reconnu par le Livre des records comme le plus grand vendeur de voitures de tous les temps. Si son client lui dit qu’il aime passer ses vacances en Italie, il ne manquera pas de créer de la connivence en affirmant que lui aussi.

Avant d’appeler une cliente potentielle pour la première fois, il s’assurera de connaître le nom de son mari et la mettra en confiance en commençant son entretien par « Comment va ce bon vieux Jean ? ». Pourtant, nous dit Daniel Pink, nous aurions tout intérêt à réviser notre jugement sur la vente.

Quel que soit notre secteur d’activité, il est en effet probable que nous passions une bonne partie de notre temps à essayer d’obtenir des autres qu’ils accomplissent des actions qui leur coûtent et qui nous rapportent : répondre à un email, participer à une réunion, rendre un rapport dans les temps, accepter de nous rendre un service... notre succès professionnel dépend en grande partie de notre capacité à influencer les autres.

Et cette compétence, pour des raisons que l’on verra, va devenir de plus en plus importante. La bonne nouvelle, c’est que les techniques nécessaires à exceller dans la vente n’ont rien à voir avec celles des arracheurs de dents ou autres marchands de tapis. Apprenons à les exercer.

2. La vente n’est plus ce qu’elle était

Dans la majorité des cas, la vente implique une tromperie. Ce jugement pourrait sembler hâtif, mais il n’est pas sans fondement. C’est la conclusion d’une étude publiée en 1970 par George Alerkoff, qui obtiendra le prix Nobel d’économie en 2001. Le raisonnement est le suivant : imaginons que vous cherchiez à vendre votre voiture. Vous connaissez son état mieux que l’acheteur potentiel. Imaginons que vous cherchiez à être honnête et à la vendre au juste prix. Votre acheteur aura naturellement tendance à considérer que vous avez surestimé votre voiture.

Votre seule chance de vendre votre voiture sera probablement de la brader. Dès lors, sur un tel marché, le vendeur honnête qui cherche à vendre une bonne voiture au bon prix sera toujours désavantagé par rapport au vendeur malhonnête qui cherche à vendre une mauvaise voiture à un prix supérieur à sa valeur réelle. Bien vendre serait donc synonyme de bien tromper.

Avec l’essor d’Internet et du commerce en ligne, beaucoup d’observateurs ont prophétisé la fin du métier de vendeur. En effet, si les moyens pour l’acheteur de s’informer et de comparer sont décuplés, les possibilités de faire des bénéfices en jouant sur l’asymétrie des connaissances s’amenuisent. Comme le note l’auteur : « Il n’y a pas si longtemps, une agence de voyages détenait le monopole sur les informations. Cela permettait aux agents peu scrupuleux de surfacturer leurs consommateurs. Aujourd’hui, une mère de famille avec son portable dispose du même accès aux billets d’avion, aux prix et évaluations des hôtels que les professionnels » (p. 120). Le temps des vendeurs de rêves semble donc révolu. Est-ce la fin des vendeurs tout court ?

Clairement non. L’auteur soutient même la position inverse. Prenons le cas d’Ebay. À première vue, dès lors que les clients peuvent tout acheter de chez eux, plus besoin de vendeurs en boutique pour les informer et les influencer. Mais l’essor d’un site comme Ebay a également permis à une multitude de petits artisans de commencer à vendre leurs produits en ligne et d’atteindre leurs clients sans avoir besoin de magasins ou d’infrastructures complexes. Dans le même temps, beaucoup d’entrepreneurs, notamment dans les domaines artistiques comme la musique, les arts visuels ou la mode, ont vu leurs moyens de vendre leurs idées à des investisseurs décuplés grâce à des plateformes comme kickstarter.

Plus généralement, le Web a déclenché un fleurissement des micro entrepreneurs, ce qui a renforcé une tendance de fond de l’économie où la part du salariat diminue globalement. Or, contrairement à une grande entreprise, qui dispose d’un département spécifiquement dédié à la vente, les petites structures partagent cette activité entre leurs membres. En d’autres termes, si l’essor d’Internet a rendu obsolètes certains types de vendeurs, il contribue également à changer une part croissante de chacun d’entre nous en vendeurs potentiels. Il est grand temps de nous y préparer.

3. Le savoir-être

Un des clichés persistant sur la vente est que le bon vendeur est extraverti : il n’a pas peur d’aller au contact, il parle fort, il parle beaucoup. Or, Adam Grant, chercheur américain en psychologie sociale, a démontré qu’il n’y avait aucune corrélation entre ce trait de caractère et la capacité à bien vendre. La raison est simple : celui qui parle trop écoute trop peu, ce qui l’empêchera de saisir les besoins de ses clients. Existe-t-il des moyens d’être plus à l’écoute ? Les travaux du professeur américain, Dacher Keltner, pourraient nous mettre sur la voie. Dans une série d’expériences, il s’est intéressé à la relation entre le pouvoir et la capacité à adopter la perspective de l’autre, c’est-à-dire l’empathie. Pour ce faire, il a mis certains participants dans une situation de pouvoir (par exemple, en leur donnant la charge d’évaluer le travail des autres).

À la suite de cette manipulation, les individus ainsi valorisés ont eu beaucoup plus de difficultés dans des tâches consistant à deviner ce que les autres avaient à l’esprit. Inversement, nous pouvons être en mesure de ressentir davantage d’empathie en diminuant notre sentiment de pouvoir. Un moyen simple de le faire est de prendre quelques minutes pour nous comparer aux personnes les plus riches du monde. Même si cela peut sembler paradoxal, c’est bien en réduisant notre pouvoir que nous augmentons notre force de vente : cela nous rend plus attentifs à la perspective de l’autre.

Car fondamentalement, vendre c’est servir. Le problème, c’est qu’à force d’accomplir les mêmes tâches, la relation humaine laisse place à une série d’automatismes. L’auteur prend le cas d’un radiologue. Jour après jour, il est sollicité par des collègues qui, par exemple, veulent vérifier si un os est fracturé. Le plus souvent, le radiologue n’est pas en contact avec des individus complets, seulement avec des parties de leur corps. À la fin des années 2000, un jeune radiologiste israélien a voulu vérifier ce qui se passait si l’on mettait un visage sur les radios analysées à la chaîne par les radiologues : chaque fois que le spécialiste ouvrait une radio, une photo du patient s’affichait également sur l’écran.

En conséquence, les radiologues ont rapporté beaucoup plus d’observations. Des observations qui n’étaient pas liées à ce pour quoi ils avaient été sollicités, mais qui étaient toutefois cruciales pour la santé des patients. En d’autres termes, humaniser nos clients nous pousse à faire du meilleur travail.

4. Le savoir-faire

Le plus grand savoir-faire du vendeur, c’est d’être maître de son humeur. Il faut dire que la vente suppose de la force de caractère, pour encaisser les portes claquées et les téléphones raccrochés. Sur ce point également, la recherche en psychologie sociale nous offre des pistes intéressantes. Un mythe, dans le domaine du développement personnel, est que l’on peut augmenter notre force de caractère en nous répétant que nous sommes les meilleurs devant la glace. Une équipe de chercheurs a donc voulu tester l’efficacité de ces monologues motivationnels.

Pour ce faire, ils ont donné 10 anagrammes à résoudre aux participants. Avant d’accomplir cette tâche, certains participants devaient se dire à eux-mêmes qu’ils allaient réussir, les autres devaient se demander s’ils allaient réussir. Les participants dont le monologue intérieur était interrogatif ont eu 50% de réussite en plus dans la tâche. Il y a deux raisons à cela. La première est que l’interrogation peut nous mettre sur la voie d’une solution, ce qui n’est pas le cas de l’affirmation. L’autre raison tient à la psychologie de la motivation. On sait que la motivation intrinsèque (je travaille parce que ça me passionne) donne de bien meilleurs résultats que la motivation extrinsèque (je travaille parce que mon manager me met la pression). Les monologues intérieurs affirmatifs (« tu vas y arriver, champion ») ciblent cette deuxième forme de motivation, ce qui les rend moins efficaces.

Si, malgré un bon contrôle de notre motivation, nous échouons, la différence entre le bon et le mauvais vendeur va se jouer au niveau de la manière dont ils vont refaire le match.

En psychologie sociale, le test ASQ (Attributional Style Questionnaire) permet de classer les gens en fonction du style des explications qu’ils fournissent. Par exemple, si mon client refuse mon offre, est-ce que cela vient du fait que je suis un mauvais vendeur ou bien plutôt parce qu’il a eu une mauvaise journée ou simplement qu’il n’en a pas les moyens ? L’efficacité des vendeurs, sur le long terme, est fortement corrélée à un style d’explication optimiste. Apprendre à vendre, c’est donc aussi s’efforcer d’expliquer les rejets comme étant indépendants de nos compétences. C’est considérer les échecs comme spécifiques et temporaires, plutôt que systématiques et permanents. Mais apprendre à vendre, c’est peut-être surtout savoir quoi dire et comment le dire.

5. Le savoir-dire

Avez-vous un elevator pitch ? L’elevator pitch, c’est un court discours persuasif qui vise à donner un maximum d’informations (sur ce que nous faisons et sur ce que ça apporte aux autres) en un minimum de temps, par exemple si l’on croise quelqu’un d’important dans l’ascenseur. À l’heure de la surcharge informationnelle, à l’heure où nous sommes constamment sollicités et notifiés, cette forme de discours a fait son temps. Quelles sont désormais les caractéristiques d’un bon pitch ? Pour le découvrir, deux professeurs en management se sont rendus dans le temple en la matière : Hollywood.

Pendant six ans, ils ont assisté à des dizaines de rencontres où des scénaristes cherchaient à vendre leur idée de films à des producteurs. Dans l’étude où ils ont rassemblé leurs observations, ils notent que, dans les premières minutes du pitch, les investisseurs potentiels se mettent en quête d’indices qui leur permettraient d’exclure le candidat pour pouvoir passer rapidement à autre chose. Trois attitudes semblent alors rédhibitoires : ceux qui feraient tout pour vendre leur idée (« Si ça ne vous plaît pas ainsi, on peut aussi faire comme ci ou comme ça »), ceux qui donnent l’impression de suivre un script, ceux qui prennent les objections comme des attaques plutôt que comme un début de conversation. Les auteurs notent également que, une fois passé ce premier filtre, ceux qui ont le plus de chance d’obtenir une réponse positive sont ceux qui permettent à leur public de co-construire leurs idées.

Typiquement, les plus talentueux vont utiliser des souvenirs communs (« Vous vous souvenez des dents de la mer ? ») pour amener leurs idées (« Maintenant, imaginez les dents de la mer, mais dans l’espace », pour reprendre l’exemple de Ridley Scott qui aurait en effet vendu son film Alien de cette manière). Car finalement, l’art de la vente n’est plus tant un art du discours qu’un art de la question.

6. Conclusion

Le bon vendeur ne peut plus être celui qui a réponse à tout. L’information est désormais accessible facilement et il est de plus en plus difficile de concurrencer la qualité des réponses offertes par Google. Le principal enjeu n’est plus de chercher à offrir les meilleures réponses, mais de réussir à poser les meilleures questions. Seulement qu’est-ce qu’une bonne question ?

Une bonne question permet de découvrir un problème plutôt qu’une solution. Si le client vient avec un produit donné en tête, des questions orientées sur la solution vont faire émerger des attentes en termes de prix, de performances, de caractéristiques techniques…autant d’informations que le client pourrait trouver lui-même en quelques minutes sur Internet. Dans ce contexte, la valeur ajoutée du vendeur est d’investiguer pourquoi le client s’est mis en tête d’acquérir un produit donné et s’il s’agit bien de la solution la plus adaptée à son problème.

7. Zone critique

L’auteur a le mérite de présenter un regard original sur la vente en s’appuyant sur l’état des connaissances en sciences humaines. On sent cependant qu’il s’agit bien d’un livre d’un journaliste et non de celui d’un chercheur. L’auteur a effet un goût prononcé pour l’anecdote, parfois aux dépens de l’évaluation critique des résultats des expériences qu’il rapporte. En outre, il s’intéresse assez peu à la psychologie des acheteurs, bien que le champ soit aujourd’hui bien balisé par les recherches sur la motivation et la prise de décision, notamment avec les ouvrages d’Antonio Damasio, L’erreur de Descartes (1995), et de Richard Thaler et Cass Sunstein, Nudge (2010).

8. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Convainquez qui vous voudrez, l’étonnante vérité sur notre capacité d’influence, Paris, Flammarion, coll. « Clés des Champs », 2016.

Du même auteur– La vérité sur ce qui nous motive, Paris, Flammarion, coll. « Clés des Champs », 2016.– Le bon moment : la science du parfait timing, Paris, Flammarion, coll. « Essais », 2019.– L’homme aux deux cerveaux, Robert Laffont, 2007.

Autres pistes– Vincent Berthet, L’erreur est humaine, Paris, CNRS éditions, 2018.– Robert Cialdini, Influence et manipulation, Paris, First, 2004.– Daniel Kahneman, Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée, Paris, Flammarion, 2012.– Richard Thaler et Cass Sunstein, Nudge, la méthode douce pour inspirer la bonne décision, Paris, Vuibert, 2010. – Éric Singler, Nudge Marketing, Montreuil, Pearson, 2015.

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