Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de David Allen
« Je manque de temps » pourrait figurer au panthéon des phrases les plus souvent prononcées en ce début de XXIe siècle. Qui n’a jamais eu cette sensation exaspérante de voir filer les jours sans jamais réussir à accomplir ne serait-ce que la moitié des tâches voulues ? Le phénomène n’épargne personne : dirigeants de multinationales ou femmes au foyer sont logés à la même enseigne, celle de l’hyper-sollicitation. L’ouvrage de David Allen, S’organiser pour réussir, fournit une méthode pour devenir efficace sans stress et s’ouvrir les portes d’une existence à la fois sereine et riche de performances.
Comment caser dans une journée de 24 heures tout ce qu’on a quotidiennement à faire ? Comment parvenir à gérer son temps de manière efficace et, surtout, comment le faire sans stress ?
À cette question, David Allen répondra : plutôt que vouloir gérer le temps (qui nous échappe, de toute façon), il faut gérer ses actions intelligemment afin de ne jamais se laisser déborder. Il livre sa méthode dans l’ouvrage S’organiser pour réussir. À la base de tout, il y a ce constat : le cerveau humain est certes performant, mais il souffre de limitations dont il faut tenir compte pour ne pas le surcharger. C’est d’autant plus vrai dans une société mondialisée où chacun est de plus en plus sollicité au quotidien, sans répit.
Partant de là, David Allen ne désespère pas : il promet au lecteur de le guider afin d’atteindre cet état où l’esprit est « comme l’eau d’un lac » (p. 47), soit la sérénité et la capacité de profiter de l’instant présent. Pour cela, une méthode, dite méthode GTD (Getting Things Done), qui consiste en cinq étapes-clés à adopter puis à suivre scrupuleusement. Car cet ouvrage est un vrai didacticiel que le lecteur peut suivre pas à pas pour des résultats annoncés comme quasiment immédiats.
Voilà le premier scoop : contrairement aux idées reçues, le cerveau n’est pas fait pour retenir et mémoriser. Il est fait pour réfléchir et créer. C’est « l’outil de planification le plus brillant et le plus créatif du monde » (p. 101). Il est apte à concevoir des idées, à en définir les grandes lignes, à les schématiser ou au contraire à les analyser dans le détail. Il est fait pour le brainstorming. L’auteur explique entre autres sa fabuleuse performance par la formation réticulée, une structure nerveuse du tronc cérébral qui « déclenche la perception de nos idées et des données extérieures » (p. 113).
Or, nous utilisons couramment le cerveau comme un disque dur sur lequel nous entassons tout un tas d’informations qui ne cessent de s’accumuler. « Des études ont montré que notre processus mental est handicapé par [ce] poids » (p. 62). Non seulement nous n’arrivons pas à dégager de l’espace pour réfléchir de manière sereine, spontanée et constructive mais nous prenons le risque d’oublier des choses, des rendez-vous, des tâches à faire, etc. Certains faits nous échappent constamment, ou encore ne se rappellent pas à nous au moment opportun. Notre cerveau n’est tout simplement pas un agenda fiable. Il a besoin d’un support extérieur pour développer ses capacités, ce que l’auteur va appeler un cerveau externe.
En outre, cette perspective d’oubli est plus qu’un désagrément ; elle est la source d’un stress continuel. Même s’il n’est pas capable de vous rappeler les choses au moment opportun, le cerveau ne supporte pas les oublis. Tous les faits que vous y avez engrangés restent vaillamment stockés dans sa mémoire et deviennent autant d’obligations pour lui. De là vous vient cette impression de culpabilité et d’échec qui crée le stress ordinaire. C’est là qu’apparaît une nouvelle notion dans notre société d’hyper-sollicitation : le cerveau-d’œuvre.
Le terme de « cerveau-d’œuvre » (p. 39) ne peut manquer d’en rappeler un autre, la « main-d’œuvre », qui définissait une bonne partie du monde du travail jusqu’à la fin du XXe siècle. En quelques décennies, la notion a radicalement changé de substance. Le travail était autrefois une opération relativement bien cadrée et dont on pouvait considérer les tenants et les aboutissants en un coup d’œil. « Labourer un champ, outiller une machine, emballer des colis » : les frontières de ces tâches étaient claires et bien comprises.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La mondialisation, l’interconnexion, le télétravail, d’immenses changements technologiques et sociétaux ont bousculé les repères habituels. Les limites entre les postes de travail, les responsabilités et les intérêts de chacun sont devenues nébuleuses, tout comme les séparations entre vie professionnelle et vie privée. D’ailleurs, cela ne concerne pas seulement le cadre professionnel : les mères au foyer qui font des burn-out pourraient en témoigner. Il y a trop à faire et pas assez de temps pour le faire. Les capacités de connaissance ayant explosé grâce à Internet, il n’y a virtuellement aucune limite aux données que nous voudrions/pourrions/devrions accumuler.
Comment réagit ce « cerveau-d’œuvre » à tant de confusion, tant de pression, tant de stress, sinon en surchauffant ? Le surmenage n’est pas loin pour tous ceux qui, à la fois, sont extrêmement sollicités au travail et retrouvent chez eux une vie familiale agitée, de jeunes enfants, des adolescents en crise et un conjoint lui aussi pris dans la même spirale. Tous les projets, les rendez-vous, les tâches courantes, les imprévus très fréquents de nos jours surchargent le cerveau. Comment celui-ci pourrait-il atteindre à la sérénité et profiter de l’instant présent ? Ainsi en venons-nous à ce paradoxe : nous bénéficions d’un confort de vie nettement plus important qu’il y a quelques décennies, tout en connaissant des niveaux de stress et d’angoisse très élevés.
Ce double constat (d’une part, le cerveau n’est pas fait pour accumuler des données ; de l’autre, l’époque actuelle tend à leur accumulation) amène l’auteur à proposer sa solution pour atteindre, dit-il, un état dans lequel « l’esprit [est] comme l’eau d’un lac » (p. 47). Quel est le but ? Il s’agit de vider son esprit de toute charge mentale afin de profiter, enfin, de l’instant présent.
On retrouve là, sans doute, le David Allen qui fut autrefois professeur de karaté. La comparaison avec l’eau d’un lac n’est pas anodine. L’eau d’une surface calme a ceci de particulier qu’« elle réagit proportionnellement à la force et à la masse de l’impact ; puis elle revient au calme. Elle réagit juste ce qu’il faut. » (Id.). Nous devons exercer le cerveau à réagir de cette façon. Pour cela, il faut le décharger de tout ce qui n’a rien à y faire. Ainsi, il parviendra à un état de concentration et donc de performance optimales, c’est-à-dire qu’il réagira de manière adéquate et parfaitement dosée à chaque stimulus. Comme l’eau d’un lac.
Les sciences cognitives ont donné un nom à ce concept. Elles l’appellent la « théorie du flux » (p. 354). L’expérience du flux consiste en une attention totale, une immersion dans l’instant présent, une satisfaction et un bien-être profonds. Les chercheurs expliquent notamment que, pour l’atteindre, nos compétences doivent correspondre aux défis que nous nous sommes lancés. Cela nous permet d’éviter d’une part l’angoisse de l’échec et d’autre part l’ennui de la facilité.
Attention : l’eau d’un lac n’est pas inerte. Il peut y avoir des remous et des obstacles. C’est la réaction de l’eau à ces mouvements parfois inopinés et violents qui est source d’exemple : quoi qu’il arrive, cette eau réagit en adéquation et retrouve son état initial de sérénité. Selon David Allen, voilà à quoi ressemblera votre esprit une fois assimilée la méthode GTD.
Qu’est-ce que la méthode GTD ? Nous avons vu sa finalité et les conditions qui l’ont fait naître, mais en quoi consiste-t-elle ? Il s’agit, rien de moins, que de vider l’esprit de toutes les tâches, les rendez-vous, les faits divers qui l’encombrent pour les déposer dans une mémoire externe (appelée boîte de réception). S’ensuit ensuite une phase de traitement de toutes ces données qui permettra à chacune d’être traitée en temps et en heure, efficacement et sans stress.
Allen décompose le processus en cinq étapes.
– La collecte : vous allez chercher absolument tout ce qui parasite quotidiennement votre cerveau, dans tous les domaines et sous toutes les formes. Cela va de ce manuscrit d’un ami que vous lui avez promis de lire à ce jouet cassé de votre enfant que vous devez réparer. Cela inclut une note de votre patron à laquelle vous n’avez toujours pas répondu à l’ampoule de la lampe extérieure qu’il faut changer. Tout doit atterrir dans ce que David Allen appelle la boîte de réception (qui peut correspondre à un endroit physique ou à une liste sur laquelle vous inscrirez chaque donnée). N’oubliez pas non plus d’y inclure vos mails.
— La clarification : on vide la boîte d’entrée. Les données (appelées « intrants » dans l’ouvrage) sont analysées pour que soit dégagée une action à propos de chacun d’eux. On jette ? On garde dans l’hypothèse d’une utilisation ultérieure ? Certaines données appelleront une action ; d’autres s’inscriront dans un projet plus large.
– La structuration : chaque élément doit prendre sa place dans un système organisé. Par exemple, les rendez-vous et autres événements à date ou heure fixe sont à noter dans un agenda ou un calendrier. Il faut répertorier les choses à faire au plus tôt et celles qui sont déléguées à des tiers, et donc en attente, dans des listes séparées. Les projets doivent être eux aussi notés à part… etc.
– La réflexion : pour se souvenir de ce que l’on a à faire, les agendas, listes et dossiers doivent être consultés régulièrement. Certains le seront tous les matins, pour programmer la journée ; d’autres chaque semaine, lors de ce que David Allen appelle la revue hebdomadaire. Cela permet de garder une organisation efficace et de ne pas laisser traîner de nouvelles données dans le cerveau.
– L’action est la dernière étape. Essentiellement, il s’agit de décider des actions à effectuer en se basant sur ses listes, mais aussi en tenant compte de sa disponibilité, de son énergie, du contexte et de ses priorités.
On voit parfois des ouvrages de développement personnel qui font l’éloge des principes et les donnent au lecteur comme règles de vie sans plus de détails. Telle n’est pas la méthode de David Allen. Il affirme même dans l’ouvrage qu’il ne croit pas à l’efficacité de ces conseils. Certes, les principes donnent du sens et de la valeur à une vie mais, seuls, ils ne la facilitent pas du tout, bien au contraire, car ils ont tendance à augmenter les enjeux.
On peut et on doit chercher à enrichir son existence par une réflexion sur le pourquoi de nos actions à l’échelle d’une vie, mais il est difficile d’atteindre un niveau élevé de conscience lorsque le désordre règne dans notre quotidien. Il faut d’abord se débarrasser du stress provoqué par nos préoccupations les plus terre-à-terre pour réussir à prendre ensuite de la hauteur sur les choses.
Voilà pourquoi David Allen s’attarde sur cette « maîtrise du banal ». Voilà pourquoi il détaille si finement chacune de ses étapes et les assortit de nombreuses astuces facilitatrices du quotidien.
Parmi celles-ci, deux conseils retiennent particulièrement l’attention :
– la règle des deux minutes : il ne faut jamais ajourner une action que l’on peut faire en moins de deux minutes, car le simple fait de la répertorier dans ses listes d’actions à faire prend plus de temps que de la traiter immédiatement ;
– la règle de la « prochaine action » : à chaque projet en cours, il faut définir la prochaine action à effectuer et la préciser finement pour que le cerveau n’ait aucun doute sur la façon de l’effectuer. On n’écrira donc pas « anniversaire Thomas » mais, par exemple, « choisir une date/anniversaire Thomas ».
S’organiser pour réussir est avant tout un ouvrage pratique, l’auteur le déclare très franchement. C’est un didacticiel détaillé pour gérer le banal, car, selon lui, c’est la seule façon de libérer l’esprit afin qu’il s’ouvre à des réalités plus hautes
Peut-on être efficace et « au taquet » (comme le dit l’auteur) sans être en proie au stress ? Peut-on survivre à l’hyper-sollicitation des temps modernes ? Oui, nous dit David Allen dans ce livre et il nous montre, point par point, comment y parvenir. Émaillé d’exemples extraits de ses longues années d’expérience en tant que consultant, l’ouvrage est essentiellement un livre pratique.
Il pose un dilemme, celui des limites de notre cerveau face à un monde qui le sollicite constamment, puis il y répond en proposant une méthode complète, la méthode dite GTD. À ce jour, David Allen continue d’animer conférences et séminaires autour de ces préceptes, et ceux-ci ont été adoptés par des milliers d’individus à travers le monde.
Le succès phénoménal de l’ouvrage en dit long. Beaucoup de gens ont adopté la méthode GTD, une partie de ces préceptes ou quelques trucs et astuces tels que la règle des deux minutes. Il n’est toutefois pas certain que celle-ci soit adaptée à tous les tempéraments.
David Allen le dit lui-même : ce sont généralement les personnalités les plus organisées (et, de fait, qui ont le moins besoin d’appliquer une méthode clef en main telle que la méthode GTD) qui s’enthousiasment le plus pour les principes proposés dans l’ouvrage et les adoptent dans leur quotidien. Les individus plus bohèmes, artistes, philosophes pourront rechigner devant ce système très formel, voire standardisé d’organisation du travail. La quête de la performance comme credo, même si elle est orientée vers l’annihilation du mauvais stress et l’ouverture de nouveaux horizons, pourra rebuter certains caractères.
Chacun restera libre de l’adopter ou de passer outre.
Ouvrage recensé– S'organiser pour réussir : La méthode Getting Things Done ou L'art de l'efficacité sans le stress, Paris, Leduc.s Éditions, 2015.
Du même auteur– Prêt pour l’action, 52 stratégies pour devenir vraiment efficaces, Paris Leduc.s Éditions, 2009.– Tout accomplir sans effort, Paris, Leduc.s Éditions, 2010.
Autres pistes– Stephen R. Covey, Magali Guenette, Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent, Paris, First, 2017.– Stephen R. Covey, Priorité aux priorités, Paris, J’ai Lu, 2010.– Richard Koch, Le Principe 80/20, Paris, Éditions de l’Homme, 2007.