Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Didier Pleux
Publié en 2002 par Didier Pleux, De l’enfant roi à l’enfant tyran est un livre qui explique ce qu’est un enfant tyran et comment, surtout, il le devient. L’auteur définit les différents stades et réactions selon les âges, du berceau à l’adolescence, et propose des conseils pour aider les parents à redéfinir leur autorité et leur place.
Au fil des pages, Didier Pleux propose de façon structurée de s’arrêter sur l’enfant roi. Comment le reconnaître ? Comment le devient-il ? Qui est responsable de cela ?
Et surtout comment s’en défaire ? C’est-à-dire comment retrouver sa place de parent et son autorité ? Autant de questions que nombre de parents peuvent se poser. Mon enfant est-il un tyran ? Ce portrait-robot pourra donner quelques réponses…
Qui est donc cet enfant roi, cet enfant tyran ? Pour commencer, il a un comportement coercitif, c’est-à-dire qu’il sait séduire, manipuler, se plaindre, mettre la pression pour obtenir ce qu’il souhaite. L’enfant tyran aime se faire passer pour une victime, et fait peur aux adultes. Il conteste l’autorité, sait piéger l’adulte et le provoquer. L’enfant tyran, même s’il est intelligent (pas forcément précoce), rencontre des problèmes à l’école. Bien entendu, il fait ce qu’il veut, ce qui est, au fond, bien différent de l’obéissance, comme l’écrit le thérapeute : « Je suis d’accord, une trop grande docilité infantile peut être d’un mauvais pronostic, mais je ne définis pas l’obéissance par une attitude vassale devant l’adulte tout-puissant. Obéir, c’est admettre qu’il existe des interdits, des exigences, un frein au vœu infantile bien normal d’avoir ce qu’il veut quand il veut ! » (pp. 26-27).
Par ailleurs, un enfant tyran est un enfant qui ne s’investit pas et se disperse dans ses activités. Il en pratique beaucoup, mais rarement au-delà d’une année, passant au suivant dans une sorte de « jumping ». Didier Pleux le formule de la manière suivante : « Une règle chez l’enfant tyran : le sport est un loisir, je dois pouvoir jouer comme j’ai envie, qu’on ne m’inflige ni exercices, ni entraînements, ni fréquence sinon j’en change ! » (p. 28).
Finalement, un enfant tyran vit royalement, comme il le souhaite. Il est gâté matériellement, et n’accepte aucune contrainte. Il a ce qu’il veut, mange ce qu’il veut, impose ses programmes télévisuels… « Égocentrisme, privilèges, abus de pouvoir, intolérance aux frustrations, recherche du plaisir immédiat, non-respect d’autrui, réification des adultes, aucune remise en cause personnelle, extérieur toujours coupable, comportements omnipotents… le tableau est bien noir » (p. 31). L’enfant tyran, dans un premier temps, ne commet pas d’actes graves, c’est seulement une multitude de petites choses quotidiennes qui se font et s’obtiennent au détriment de l’adulte. Peu à peu, il en vient à exercer une domination subtile sur toute la famille. Il se fait servir, n’est jamais puni et lorsque c’est le cas, il dit que cela ne lui fait rien. De quoi déstabiliser et démotiver les adultes ! Pourtant l’enfant roi n’est pas vraiment heureux. Souvent en colère, triste, jaloux, il semble ne profiter de rien.
Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que pour l’enfant tyran, l’autre est un objet, il est ce qu’il peut donner. Loin d’être insignifiant, ce trait est justement ce qui peut conduire à des actes de violence. Les parents sont souvent maltraités, leur enfant tyran sème le stress et la culpabilité chez eux. Si ces derniers tentent de le réprimer ou de lui demander quelque chose, il arrive à les faire culpabiliser. Quelquefois les parents craquent et débordent verbalement, voire physiquement, principalement à l’adolescence. Mais de façon générale, ils capitulent : « Terrorisés, les parents peuvent bientôt s’enfermer dans des attitudes d’évitement : “ On ne lui demande plus rien ”, “ On n’en pouvait plus, alors on a cédé ! ” La peur et l’anxiété vont désormais les ronger. » (p. 68).
À qui la faute pourrait être la première question ? La société de consommation n’y est pas pour rien dans cette histoire. « Nos sociétés occidentales favorisées exercent un impact certain sur nos enfants, quelle que soit notre volonté éducative : société marchande outrancière, philosophie de la réussite sociale et du principe de plaisir roi. Les injonctions culturelles du « tout pour l’enfant », bien légitimes après le « rien pour l’enfant » des siècles précédents ont, elles aussi, participé à l’omnipotence infantile, nous sommes bien vite passés de l’enfant esclave à l’enfant tyran » (p. 82). La télévision et les médias ont aussi une part de responsabilité. L’auteur est attristé de voir des émissions de spectacle où les enfants qui chantent n’ont pas des attitudes d’enfants.
De façon générale, la société actuelle met l’enfant au centre de la famille et incite au bonheur individuel. En admettant bien entendu la normalité de défendre les droits des enfants victimes de maltraitantes de toutes sortes, Didier Pleux s’arrête un instant sur le fait qu’on met en avant les droits en oubliant aussi leurs devoirs.
Le premier stade de l’enfant tyran se passe entre 0 et 3 ans. Il dort quand il veut, mange ce qu’il veut quand il veut, il est propre quand il veut, sa chambre est remplie de choses, il est d’ailleurs toujours ravi d’accompagner ses parents faire des courses, et son arme favorite est la colère. Le deuxième stade est celui de l’enfant castrateur entre 4 et 13 ans. Il y a de bonnes chances que l’enfant tyran « passe au stade supérieur pour tyranniser son monde. Il ne le fait pas de façon consciente, mais cela devient une habitude : quiconque se met en travers de son principe de plaisir sera durement traité » (p. 131). Les constats sont les mêmes : télévision, publicité, consommations, jouets à outrance, jeux, vêtements, argent de poche…
Pour ce qui est de la télévision, attention, « ce pseudo-arrêt de la guerre familiale que suscite la télévision ne fait qu’amplifier l’intolérance aux frustrations. L’enfant vient de vivre depuis des heures que la régression, le farniente, l’assimilation, le pseudo-plaisir absolu sont possibles. Dur retour au réel… il est encore plus odieux après l’addiction, comme s’il était en manque » (p. 139). À voir les salles d’attente remplies d’objets pour les enfants, on dirait que l’ennui n’est plus permis.
La troisième période est celle de l’adolescent en crise. La puberté peut jouer un rôle non négligeable dans cette révolution, mais elle n’est pas la seule. La tyrannie orchestrée depuis le plus jeune âge est alors à son apogée. « Si vous ne prenez pas de multiples précautions avec votre enfant, toute rupture affective peut le plonger dans la plus grande des dépressions : dès lors, ce sera le refus de manger, la dépendance aux produits toxiques, l’attirance pour les actes délictueux, pour ne pas parler de ses envies d’en finir » (p. 154), voilà ce qu’il est possible de lire dans des articles et ce qui peut du coup faire adhérer des personnes non averties.
Pour le spécialiste, l’adolescence est certes à prendre au sérieux, mais pas plus pas moins que les autres étapes. L’ado tyran décide de tout et apparaît autocentré. Bref, tout comme il le faisait petit, l’ado tyran mène la vie qu’il souhaite et mène les autres pour sa propre partition.
Pour retrouver son autorité et sa place de parent, il faut tout d’abord comprendre ce qu’il se passe. Il est difficile de frustrer ses enfants pourtant apprendre la frustration permet d’apprendre la vie. « Il est bon de rappeler qu’il faut un équilibre entre respect de l’enfant, actualisation de son potentiel et de son identité avec les inévitables expériences de frustrations » (p. 180). L’adulte se doit d’être un médiateur entre l’enfant et la réalité. Il se doit également de le préparer aux contraintes de la vie en incluant une réalité frustrante. « Il faut lui apprendre à différer sa demande de plaisir immédiat qui, elle, est irrationnelle parce qu’impossible sans annuler l’existence d’autrui et la réalité tout court. » (p. 191)
Apprendre la frustration permet de devenir solide face à la réalité qui est parfois difficile, et permet également de développer un jugement moral et le lien à autrui. Pour commencer, les sanctions sont inévitables même si rares chez les parents qui utilisent plus la parole. « Et pourtant, l’enfant aime à réparer ses dysfonctionnements, car il sait bien que la sanction répond à un comportement déviant et non à son entière personnalité alors que certaines remarques, certains jugements ou qualificatifs parentaux le renforcent dans son idée que c’est bien lui qui est déviant, méchant, mauvais objet. » (p. 200)
Ne pas réagir avec ses propres émotions est une bonne chose, car cela rend inefficace. Il est important de laisser de côté les pensées automatiques, c’est-à-dire les croyances qui se traduisent par « je dois » ou encore « il faut » et « la réalité devrait ». Il ne s’agit pas de bannir ces verbes, mais il s’agit de rester réaliste, de relativiser. Il s’avère essentiel de remettre en question ses préjugés. Pour lutter contre ces pensées toutes faites, il faut savoir douter. Même s’il est important de prendre en compte la psychologie de l’enfant, il est également essentiel de savoir discuter les hypothèses psychologiques lues dans toute la littérature psy. L’auteur reproche par exemple que les théories de Françoise Dolto, la référence incontestée, ne soient pas adaptées à toutes les situations, et que certains parents fassent « des amalgames entre des problèmes psychologiques profonds et la pathologie de l’enfant tyran. » (p. 224)
Didier Pleux est persuadé que Dolto est à l’origine d’un conditionnement parental : les enfants et adolescents ne peuvent être que des victimes donc leurs réactions défensives. Alors que ce n’est, pour lui, pas toujours le cas. Cette fausse croyance a amené les parents à ne pas être conflictuels, et donc à générer des enfants tyrans. Il n’est pas utile de tout interpréter, il n’est pas utile d’éviter les conflits et les contraintes. Ce que les parents doivent entendre c’est qu’en général il s’agit plus d’éducation que de psychologie. Il n’y a pas de déterminisme infantile. Un peu d’éducation, de contraintes, de conflits et l’enfant peut retrouver un comportement adéquat.
Ne pas avoir peur d’être conflictuel est primordial. Cela ne signifie absolument pas qu’il faut de la violence, non il s’agit seulement d’inclure des frustrations : exiger des horaires pour les repas, fixer l’heure du coucher, mettre en place quelques routines ou tâches ménagères, être précis dans nos exigences et exiger un travail scolaire régulier. Voici un exemple concret : il jette son cartable dans le couloir. L’attitude permissive est de ne rien dire, l’attitude répressive est de le gronder et de le menacer, l’attitude conflictuelle est de lui demander de le ramasser et de le monter dans sa chambre. Pour le psychothérapeute, les petites corvées et pertes de privilèges sont également efficaces pour sanctionner un comportement inadéquat. Mais il faut savoir également renforcer le positif et féliciter l’enfant en restant bien entendu objectif.
Les attitudes d’enfants tyran (si vous cochez beaucoup de ces cases, c’est sûrement le cas) :
– Il faut faire de nombreux rappels pour qu’il se lève le matin ;– ne dis pas bonjour, est de mauvaise humeur ;– ne passe pas beaucoup de temps dans la salle de bain ;– fait des histoires s’il n’a pas ses céréales ;– mange en dehors des repas ;– fait des conflits devant la télévision avec ses frères et sœurs ;– se dispute avec ses frères et sœurs, ses parents, et à l’école ;– traîne dans sa chambre et passe aux toilettes au moment de partir à l’école ;– met sa musique dans la voiture ;– ne met pas le couvert, n’aide pas aux tâches ménagères ;– regarde la télévision avant les devoirs ;– a du mal à se mettre aux devoirs ;– devient grossier ou en colère devant les interdits ;– s’oppose, discute, désobéit ;– ne se couche pas à des heures régulières et s’endort tard ;– ment, promet pour obtenir quelque chose, sans tenir ses promesses ;– peut être méchant et vindicatif.
Il est nécessaire de modifier le sens de votre relations. Voici des conseils concrets pour permettre aux parents débordés par leurs enfants de redéfinir leur autorité :
– Après une journée d’école, il est, comme vous, fatigué, mais peut aider ;– quand il écoute sa musique trop fort, il faut lui dire que cela vous gêne et qu’il doit baisser ;– lui imposer de travailler, de rentrer à une heure donnée ;– que l’argent de poche ne soit pas automatique, qu’il fasse quelque chose en échange (aider par exemple à des tâches ménagères) ;– s’il vole de l’argent : prendre une décision immédiate pour qu’il rembourse ;– s’il rentre tard : lui rappeler les consignes, et le menacer de lui interdire de prochaines sorties ;Sanctionner avec quelques petites corvées– nettoyer la salle de bain ;– sortir les poubelles ;– vider le lave-vaisselle ;– passer l’aspirateur ;– plier le linge :– mettre la table ;– faire les courses.
• Sanctionner avec des petites pertes de privilèges
– pas d’écrans pendant un jour (ou diminution) ;– pas de musique pendant une journée ;– se coucher une heure plus tôt ;– pas de sorties le week-end.
• Renforcer positivement
– évaluer les progrès accomplis ;– exprimer son appréciation ;– partager une activité ;– le faire participer à des décisions ;– recevoir de l’argent ;– se coucher plus tard ;– inviter des amis…
On l’aura bien compris, Didier Pleux n’adhère pas à toutes les théories de Françoise Dolto qui pense que les adolescents ont des réactions de défense, et sont des victimes.
Lui, au contraire, affirme que certains sont en opposition. Il assure qu’il n’est pas toujours question de psychologie, mais bel et bien d’éducation. C’est cette dernière trop permissive, sans conflits ni contraintes, qui donnent naissance à des enfants tyran. Ils mènent leur vie et celles des autres comme ils le souhaitent, n’acceptent ni frustrations ni interdits…
En un mot, tout leur est dû. Voilà le propos de l’auteur à travers son ouvrage qui se veut également une aide pour changer de cap, car c’est toujours possible !
Quelquefois le propos de Didier Pleux peut sembler un peu vieillot, un peu dépassé, un peu stricte. Il est d’ailleurs régulièrement accusé d’être un père fouettard, un pro blouses grises. Il ne prône pourtant pas un retour aux vieilles valeurs, il déplore seulement l’éducation trop laxiste et l’enfant tout puissant.
Il propose tout simplement un juste milieu où parents et enfants trouvent chacun leur place dans un respect mutuel. Quant au système de bons points, mauvais points, il est en effet discutable et discuté par certains spécialistes de la discipline positive et de la neuropédagogie.
Ouvrage recensé
– De l’enfant roi à l’enfant tyran, Paris, Odile Jacob, 2002.
Du même auteur
– Génération Dolto, Paris, Odile Jacob, 2008.– Les Adultes tyrans, Paris, Odile Jacob, 2014.– Le complexe de Thétis, Paris, Odile Jacob, 2017.– Développer la concentration de son ado, Paris, Odile Jacob, 2019.