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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Alibaba

de Duncan Clark

récension rédigée parXavier Vila

Synopsis

Économie et entrepreneuriat

À la fin des années 1970, Jack Ma décide de travailler en tant que guide touristique dans sa province natale de Hangzhou. La Chine d’alors sortait à peine de la révolution culturelle de Mao Zedong, qui se solda par plusieurs millions de victimes et un recul cuisant de l'économie du pays. Quarante ans plus tard, il devient milliardaire et l’un des acteurs mondiaux les plus influents de l’économie numérique. En 1999, il crée Alibaba.com, le géant de l’internet chinois, qui joue à égalité avec les entreprises américaines comme Amazon. Il investit également dans les médias, la finance en ligne, la santé, le cinéma et les vignobles français.

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1. Introduction

Ma Yun, surnommé Jack Ma, est le président et co-fondateur du géant chinois du commerce en ligne Alibaba, qu’il a fait connaître en l’introduisant à la bourse de New York en 2014. À l’époque, l’entreprise avait atteint une capitalisation boursière de 232 milliards de dollars, dépassant Facebook et Amazon. Depuis, sa valeur a quasiment doublé (402 milliards de dollars) grâce à ses ramifications sur le Net : Alipay, Taobao et Tmall, « dont les transactions en 2013 ont dépassé 248 milliards de dollars » (Loubière, 2018).

Dans cette biographie, Duncan Clark retrace la trajectoire exceptionnelle de l’homme le plus riche de Chine, qui a bâti son empire à l’image de la conversion de l'Empire du Milieu vers la société de consommation.

2. Contexte socio-économique

Ma Yun est né le 10 septembre 1964 à Hangzhou dans la province de Zhejiang en Chine. Sa mère, Cui Wencai, travaillait en usine, et son père, Ma Laifa, était photographe à l’agence de photographie de Hangzhou.

À l’époque de sa naissance, « la Chine tentait de sortir de la catastrophe du Grand bond en avant (1958-1960) » (p.48), une ambitieuse politique économique lancée par Mao Zedong visant à stimuler la collectivisation de l'agriculture, l'élargissement des infrastructures industrielles et la réalisation de travaux publics.

Pour ce faire, Mao organisa le pays autour de « Communes Populaires » visant à contrôler les moyens de production disponibles et atteindre l’autosuffisance. Mais le projet s’avéra inatteignable, engendrant une famine qui sévit de 1958 à 1962. De ce fait, il se retire du pouvoir, mais décide d’y revenir six ans plus tard, par le biais d’une grande révolution culturelle en 1966. Pour consolider son pouvoir, il s'appuya sur les « gardes rouges », des jeunes qui remettaient en cause la hiérarchie du Parti communiste chinois (PCC) alors en poste. Or, ils établissent progressivement un régime de terreur. Des exécutions publiques et déportations dans des camps de travail sont fréquentes durant cette période de purge.

Le pays commence à sombrer dans la guerre civile, mais le 28 janvier 1967, Mao Zedong fait intervenir l’Armée populaire de libération pour rétablir l’ordre, son but étant d’aider les « véritables » révolutionnaires à prendre le dessus. Mao finit par récupérer le pouvoir à la tête de l’État et sa révolution culturelle se solde en définitive par plusieurs millions de victimes, ainsi qu’un recul cuisant de l'économie du pays.

Évincé par Mao, le secrétaire général du PCC de 1956 à 1966, Deng Xiaoping, est réhabilité au cours des années 70. Il procède donc à la modernisation de l'économie, préconisant l’ouverture de la Chine. En 1992, lors de sa tournée dans le sud du pays, notamment dans la région de Shenzhen, Deng prononça un discours incitant les Chinois à s'enrichir. Ses déclarations marquèrent les esprits « des entrepreneurs privés du pays, relégués aux marges du pouvoir économique » (p. 57), et donnèrent le ton à cette période de modernisation et libéralisation économique.

À l’époque, Jack n’était pas encore un entrepreneur, mais les leçons qu’il tira du voyage de Deng l’encouragèrent à créer sa propre entreprise avant de devenir trentenaire. Entreprise qu’il nomma « Hope » et pour laquelle il commença à travailler à temps partiel.

3. Une amitié sino-australienne

Féru de langue et de littérature anglaise, Jack saisissait la moindre occasion pour pratiquer l’anglais. Il se réveillait avant l’aube, et se rendait à vélo à l’Hôtel Hangzhou pour saluer les touristes étrangers qui commençaient à débarquer en Chine, à la suite de la politique de « porte ouverte » entamée par Deng Xiaoping, dans le but de développer le commerce extérieur et l’investissement étranger. « Chaque matin, à partir de cinq heures, je lisais de l’anglais devant l’hôtel. Beaucoup de visiteurs venaient des États-Unis et d’Europe. Je leur proposais un tour gratuit du Lac de l’Ouest, en échange de leçons d’anglais. Cela a duré neuf ans, et je pratiquais mon anglais qu’il neige ou qu’il pleuve » se souvient-t-il (p.49).

Parmi ces touristes, la famille Morley, Ken et Judy et leurs trois enfants, venus par le biais de l’Association d’amitié sino-australienne, une organisation proche de la Chine communiste. Jack et David, l’un des trois enfants, deviennent amis. Ils se revoient à plusieurs reprises, et jouent au frisbee ensemble près du lac de Hangzhou. « Cette rencontre aurait pu rester éphémère, mais il n’en fut rien. Une relation très amicale s’est créée entre nous pendant plusieurs années, jusqu’à ce que mon père décide d’aider ce jeune homme » (p.51), explique David.

Jack ne fut jamais admis dans une université de renom à Pékin ou Shanghai, mais en 1984 ses notes au Gaokao furent suffisantes pour qu’il soit admis au Hangzhou Teachers College. Et même si l’inscription à l’université était gratuite, les dépenses annexes étaient hors de portée de Jack et de ses parents.

C’est alors que les Morley sont rentrés en scène. Ils ont réfléchi à la situation de Jack et décidé de l’aider en lui expédiant un chèque chaque semestre ; ce n’était pas grand-chose, juste cinq ou six dollars par semaine. « Jack a toujours dit qu’il ne trouverait pas les mots pour remercier les Morley de ce qu’ils avaient fait pour lui » (p.56). D’après L’Obs, « Ken, le père, est mort en 2004, mais David, qui dirige un centre de yoga en Australie, et Jack, devenu l’homme le plus riche de Chine, sont toujours amis et partent en vacances ensemble » (Haski, 2016).

4. De professeur d’anglais à PDG

Après avoir obtenu une licence d’anglais en 1988, Jack Ma devient professeur assistant à l’Institut d’ingénierie électronique de Hangzhou. Après ses heures d’enseignement, il donnait des cours d’anglais à l’auberge de jeunesse de sa ville natale. Ses cours étaient très suivis parce qu’il passait peu de temps sur la grammaire, le vocabulaire ou la lecture de textes.

Au lieu de cela, il choisissait un sujet et engageait la conversation. Cette période se termina quand il décida de fonder sa propre entreprise avant de devenir trentenaire. Revigoré par la vague d’enthousiasme soulevée par Deng Xiaoping (lors de sa tournée dans la région de Shenzhen où il prononça un discours pour inciter les Chinois à ne pas avoir peur de s'enrichir), Jack crée une agence de traduction, la Hangzhou Haibo Translation Agency (Hope Translation), qui ne parvient pas à assouvir ses ambitions d’entrepreneur, car très peu rentable. Mais en 1995, un voyage inattendu aux États-Unis lui permit de découvrir le monde merveilleux du Web.

Fasciné, il commande un site pour son agence de traduction et un ordinateur doté d’un processeur Intel 486. De retour à Hangzhou, il commence à travailler sur un concept de « pages jaunes » en ligne (nommé China Pages), laissant derrière lui ses années d’enseignement de la langue anglaise. Mais, le site internet peine à trouver son modèle économique et finit par s'arrêter, si bien que Jack est contraint d’accepter un emploi à Pékin, au ministère du Commerce extérieur où il fait la connaissance de Jerry Yang, co-fondateur de Yahoo, en 1998. Toutefois, il reprend son projet d'entrepreneuriat numérique, et parvient « à rassembler 60 000 dollars pour le lancement d'Alibaba.com en 1999.

Très rapidement la société se positionne comme leader dans le secteur du business-to-business (B2B) » (Zonebourse, s.f.), en dépit des difficultés à exprimer aux investisseurs quel était le cœur de métier de l’entreprise. Car Jack n’avait pas encore de business model clairement défini. « Yahoo est un moteur de recherche, Amazon est un libraire, eBay un site de ventes aux enchères. Alibaba est une place de marché électronique », reconnaissait-il (p.123). Concernant les raisons du nom Alibaba, il se dit « séduit par la puissance suggestive de l’expression “Sésame, ouvre-toi!”, car elle correspond précisément à son objectif: ouvrir les portes du e-commerce aux petites et aux moyennes entreprises du pays. De plus, il cherchait un nom voyageant bien et Alibaba est de ceux-là, facile à prononcer dans toutes les langues » (p. 95).

5. De la bulle Internet à Taobao

Alibaba a vu le jour au sommet de la bulle internet. L'indice Nasdaq de New York, qui concentre les valeurs technologiques et d’internet, avait entamé une longue dégringolade qui entraîna la chute de nombreuses entreprises (p.134). Pour Alibaba, l’éclatement de la bulle représentait une belle opportunité. Jack était convaincu que, « la porte des introductions en bourse fermée pour le moment, les investisseurs cesseraient de financer ses concurrents » (p. 136). Mais l’effondrement de l’économie internet n’a pas laissé Alibaba indemne, même si Jack Ma s’arrangea pour réduire ses coûts et augmenter son chiffre d’affaires.

À la fin 2002, les coupes budgétaires portèrent leurs fruits. Alibaba s’approchant enfin de l’équilibre financier, Jack réfléchit à une stratégie pour se lancer dans l’e-commerce grand public, dont les principaux modèles étaient alors Amazon et eBay.

Dans le but de contrer ce dernier, Jack décide alors de pénétrer le marché des enchères en ligne avec Taobao.com (« chasse au trésor » en chinois), mis en ligne en 2003. Et il s’appuya sur le marketing viral, le bouche-à-oreille et les forums internet pour populariser le nouveau site (p.150).

6. Conclusion

Au cours des années 2000, l’émergence des portails pionniers de l’internet chinois mit le gouvernement sur la défensive. Leur succès avait déjà contribué à familiariser quatre millions de Chinois avec internet, et leurs mails rendaient les autorités très nerveuses, ce qui accentuait leur volonté de contrôle (p. 132). Au sein du Parti communiste chinois (PCC), le débat concernant la façon de gérer le phénomène faisait rage.

D’après Duncan Clark, « il s’agissait, pour les conservateurs, d’un outil mis au point par le Pentagone, et il fallait le soumettre à la réglementation très restrictive concernant les investissements étrangers dans les télécoms, la télévision, le cinéma ou la presse écrite » (p.132). L’auteur évoque ainsi l’attitude du PCC face aux activités du Web. Il explique d’une manière succincte la mise en place des régulations édictées par les autorités, « dans un effort permanent de filtrer les contenus qui pouvaient constituer une menace à l’encontre du Parti ou du pays » (p.132), ainsi que l’EIV (entité à intérêt variable), un montage encore en vigueur qui autorise les investisseurs étrangers à profiter des revenus accumulés par une entreprise chinoise, sans qu’elle soit considérée comme étrangère.

7. Zone critique

Plusieurs questions restent en suspens concernant la fulgurante ascension de Jack Ma, ainsi que du groupe Alibaba.

On peut notamment demander si le groupe Alibaba n’a pas bénéficié du soutien de l’État chinois pour contrer l’influence des multinationales occidentales ; d’autant que Jack Ma est membre à part entière du Parti communiste chinois.

8. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– L'incroyable histoire de Jack Ma, le milliardaire chinois, Paris, Éditions François Bourin, 2017.

Autres pistes– P. Haski, « Huit choses à savoir sur Jack Ma, le roi de l’Internet chinois », L'Obs, Mai 2016,– P. Loubière, « Jack Ma, ce prof d'anglais de province devenu milliardaire en créant Alibaba », Septembre 2018,.

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