Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Eric Ries
Lean Startup, adaptez l’innovation continue est un ouvrage écrit par l’entrepreneur Eric Ries. Best seller dans le monde de l’entrepreneuriat, il expose la méthodologie du Lean Startup qui permet aux entreprises et aux start-ups d’adapter leur offre, existante ou nouvelle, aux évolutions du marché selon le principe de l’innovation continue. En se basant sur de nombreux exemples d’entreprises, ainsi que sur son propre parcours professionnel, l’auteur y détaille de façon claire les différentes étapes à suivre pour mener à bien tout projet et éviter les différents écueils qui peuvent l’empêcher d’aboutir ou de prospérer.
Nombreux sont les entrepreneurs pensant que leurs bonnes idées seront révolutionnaires et rencontreront du succès auprès de leurs clients. Malheureusement, pour une grande majorité d’entre eux, cela se solde par un échec, voire la fermeture de leur start-up. La raison en est, le plus souvent, une mauvaise gestion de leur business plan. Suivant leur intuition, des hypothèses infondées et des études de marché peu fiables, ils s’enferment dans des certitudes et se concentrent sur l’aspect créatif de leur produit sans tenir compte du lien entre entrepreneuriat et management et sans se remettre en question devant leurs résultats décevants.
Eric Ries a vécu cette situation à deux reprises, avec les sociétés Catalyst Recruiting puis There.com. Faisant des recherches sur de nouvelles méthodes de management, il prend connaissance du lean manufacturing opéré par la société Toyota depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Se servant d’aspects tant positifs que négatifs de son expérience personnelle ainsi que celle d’entreprises ayant fait appel à ses services, Eric Ries détaille les différentes étapes ainsi que les procédés à suivre pour (re)dynamiser une activité ou un produit. Cette méthode est aujourd’hui devenue une référence pour les créateurs d’entreprises qui ne manquent pas de l’appliquer ou de faire appel aux conseils de l’auteur.
En exposant ses théories sur l’Organisation Scientifique du Travail (OST) dans son ouvrage Principes d’organisation scientifique des usines, paru en 1911, Frederick Winslow Taylor invente la notion de management moderne. Cette méthode, appelée taylorisme, est appliquée par des cadres qui perçoivent la gestion d’une entreprise au-delà de l’humain et cherchent à élaborer une organisation du travail optimum, bien que déshumanisante, dans laquelle l’ouvrier est affecté à une tâche, voire un geste unique (standardisation des tâches).
Reprises par Henry Ford pour l’élaboration du fordisme, plusieurs de ses réflexions ont été ensuite revues par d’autres théoriciens ou managers qui les ont adaptés à des époques et des contextes socioéconomiques différents de ceux de son instigateur.
Au Japon, ces réflexions ont abouti au toyotisme, une nouvelle forme de management en rupture avec l’approche de Taylor. Pour faire face à la pénurie ainsi qu’à une concurrence importante au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les ingénieurs Taiichi Ohno et Shigeo Shingo, mettent au point le Système de Production Toyota (SPT) fonctionnant sur la base de la « fabrication au plus juste » ou lean manufacturing. Cette méthode améliore les performances de l’entreprise en produisant des petites séries, évitant ainsi toute forme de gaspillage ou de stockage inutile, tout en gardant une certaine rigueur sur la qualité des produits.
Cette méthode, en rupture avec le taylorisme et le fordisme, semble être un modèle idéal remettant en avant les compétences et l’esprit d’initiative des ouvriers. Toutefois, même si ce système présente des aspects négatifs (augmentation des cadences, mise en concurrences entre les ouvriers endoctrinement au nom de la culture d’entreprise) exposés par le journaliste Satoshi Kamata , cela ne l’empêche pas d’être étudié avec attention. En effet, à la suite de recherches et d’écrits publiés au début des années 1990 par John Krafcik, ancien ingénieur de Toyota, la pensée lean est devenue une institution qui a su s’adapter à d’autres domaines d’activité.
Eric Ries transpose le modèle de production issu de la firme japonaise au domaine high-tech et en tire les bases du Lean Startup. Celui-ci se présente comme un ensemble de pratiques visant à aider les entrepreneurs à accroître leurs chances de créer une activité prospère, tout en mettant l’innovation au cœur du succès de l’entreprise. Selon ses propres mots, « le Lean Startup est l’application de la philosophie lean au processus d’innovation » (p.15). Il présente une nouvelle approche de la gestion d’un projet créé par une équipe d’inventeurs associés au sein d’une start-up, ou travaillant pour le compte d’un grand groupe industriel.
En suivant les principes décrits par Eric Ries dans son ouvrage, la start-up met le client au centre de ses réflexions lors de la conception d’un nouveau produit pour adapter sa proposition à la demande de ce dernier (validation des enseignements). Elle réalise ensuite, un Produit Minimum Viable (PMV, de l’anglais minimum viable product) testé sur un panel de primo clients pour valider, ou non, les hypothèses expérimentées sur le marché cible. Le but de cette opération est de tirer des enseignements (boucle de feedback produire-mesurer-apprendre) qui permettront à la société d’adapter son produit en fonction des besoins de sa clientèle.
Le Lean Startup se présente comme une nouvelle forme de management adapté au contexte d’incertitude dans lequel vit une start-up. Tout en les libérant de la comptabilité analytique et de la gestion comptable traditionnelle, il amène les entrepreneurs à prendre connaissance de leurs progrès, des étapes à franchir et des priorités à respecter (gestion analytique de l’innovation) pour rendre leur société flexible. Le PMV déterminant l’état de la start-up, s’il ne convient pas, celle-ci doit effectuer un « pivot », c’est-à-dire changer certaines hypothèses du modèle économique, puis repartir sur un nouveau cycle de tests. Dans le cas contraire, elle peut optimiser son produit afin d’atteindre son régime idéal.
Les différentes méthodes présentées dans Lean Startup ont, pour la plupart, été pensées par Taiichi Ohno et Shigeno Shingo lors de la création du SPT. Eric Ries les a reprises et ajustées. Par exemple, les « petits lots », permettent aux start-ups d’apprendre plus rapidement à mettre en place une activité viable sur le long terme. En réduisant un lot, elles pourront évaluer dans des délais très courts l’impact de leur travail ou repérer les défauts pour ainsi minimiser leur investissement en temps, en argent et en effort dans le cas où le retour client sur un produit s’avèrerait négatif.
La méthode des « cinq pourquoi » aide à déterminer la cause profonde d’un problème technique, financier ou organisationnel pouvant ralentir un process. Elle permet d’y remédier efficacement en trouvant la bonne solution à adopter avec l’investissement adéquat, afin que celui-ci ne réapparaisse pas peu de temps après. Très efficace, elle implique de respecter des règles strictes au risque d’échouer, voire d’empirer une situation (l’auteur appelle cela les « cinq blâmes »). Bien coordonnée avec la méthode des « petits lots », elle permet aux entreprises de réguler la vitesse de leur croissance et de réagir rapidement aux problèmes qu’elles peuvent rencontrer.
Une société doit sans cesse innover au risque de voir les importants bénéfices et marges qu’elle engrange s’arrêter net. Il est donc nécessaire qu’elle instaure un système et un environnement propice à l’innovation pour éviter les conflits entre les équipes. Eric Ries préconise la mise en place d’une « sandbox d’innovation » afin d’éviter toute forme de conflit interne à l’entreprise. Cette méthode permet à plusieurs équipes, de préférence pluridisciplinaires, de travailler sur des projets différents en suivant toutes un schéma établi. En la couplant à la méthode des « petits lots », les équipes récoltent rapidement les retours des clients. Dans le cas contraire, cela leur permet de trouver des solutions optimales malgré la mauvaise base des hypothèses.
Tout au long de l’ouvrage, Eric Ries fait part de sa propre expérience professionnelle. Pour donner des exemples concrets à sa réflexion autour du Lean Startup, il s’appuie sur son parcours avec la société IMVU. Lassé de l’inefficacité de l’approche traditionnelle du management et désireux de ne pas renouveler les mêmes erreurs ayant mené à la fermeture de la société There.com, il met en application de nouvelles théories inspirées par le modèle de Toyota au moment où sa société rencontre des difficultés pour faire connaître son produit. Celles-ci se sont avérées très efficaces et sont devenues le fondement de la méthode du Lean Startup.
Il relate également quelques situations auxquelles il a été confronté au cours de son activité de consultant. À la suite du succès de sa méthode sur IMVU, plusieurs start-ups et multinationales font appel à lui dans le but de la mettre en place ou l’adapter dans l’optique de résoudre une ou plusieurs problématiques. Même si, dans un premier temps, la méthode du Lean Startup ne semble pas convaincre les investisseurs, il fait finalement ses preuves et finit par être adopté par de nombreuses sociétés.
À travers son blog (Startup Lessons Learned), un site internet (The Lean Startup) ainsi que ses nombreux déplacements à travers le monde pour expliquer le Lean Startup et aider à sa mise en place, Eric Ries s’est aperçu que sa méthode forme maintenant un mouvement global autour duquel de nombreux créateurs d’entreprise, situés dans plusieurs villes, ont formé des communautés pour s’entraider et se conseiller dans son application. Pensé à l’origine pour le domaine des logiciels high-tech, le Lean Startup a su s’étendre à d’autres secteurs d’activités et s’intégrer au fonctionnement de grands groupes industriels ainsi qu’à d’importantes institutions étatiques.
À travers son ouvrage, Eric Ries présente le Lean Startup comme une méthodologie permettant à des créateurs d’entreprises ayant une « vision » de mettre rapidement toutes les chances de leur côté pour créer un produit utile, en développant plusieurs versions. Celles-ci seront testées par un panel d’utilisateurs potentiels afin de valider, ou non, leurs hypothèses et déterminer si les clients en auront réellement l’utilité.
Toutefois, le Lean Startup n’est pas non plus une solution miracle garantissant le succès d’un produit et, de surcroît, la pérennité d’une entreprise. Il présente lui aussi des défauts et son fonctionnement peut ne pas convenir à tout le monde. Dans ce cas, le choix revient à la start-up ou l’entreprise, en fonction des objectifs qu’elles se sont donnés par rapport à leurs projets, d’opter pour sa mise en place ou de choisir une autre méthode.
Lean Startup. Adoptez l’innovation continue reste toutefois un ouvrage abordable et très instructif pour quiconque n’ayant pas ou peu de connaissances en management entrepreneurial. Les termes techniques ne sont pas laissés sans explication et les nombreux exemples tirés du parcours professionnel de l’auteur permettent une bonne compréhension de ses théories.
Puisant dans son parcours ainsi que dans ses recherches sur le système de production de Toyota et la pensée lean, déjà étudiés depuis plusieurs années, Eric Ries crée une méthode de management propre aux entreprises du secteur high-tech. Cependant, il se focalise trop sur les aspects positifs. Il est donc nécessaire de prendre connaissance d’analyses effectuées sur son livre par des spécialistes afin de peser le pour et le contre et se faire sa propre opinion.
Plusieurs créateurs d’entreprise ont exposé un certain nombre d’inconvénients au cours de conférences ou dans des articles. Consultables sur internet, ces derniers pointent du doigt des problèmes qui finalement se situent à contre-pied des théories exposées par l’auteur américain dans son ouvrage.Le temps fait partie de ces inconvénients récurrents.
La méthode lean peut amener les entrepreneurs à se complaire dans des itérations rapides autour de petits projets dont le retour concret des possibles utilisateurs, s’ils sont insatisfaits, casse la vision des équipes de conception. Ces dernières finissent alors par abandonner de bonnes idées qui mériteraient de bénéficier d’un délai plus long pour se mettre en place. Cela peut avoir pour conséquence de froisser l’ego de certains inventeurs qui n’acceptent pas de voir leurs idées rejetées ou de se rendre compte que les premières versions de leur produit, auxquelles ils ont consacré de longs mois de travail, ne servent à rien ou doivent être révisées.
Cela peut aussi être un frein à l’innovation, car les start-up, ayant conçu un produit qui marche très bien auprès des clients, ne prennent plus de risque et se contentent d’améliorer des fonctionnalités déjà existantes. Il peut également avoir des répercussions sur la passion mise par les concepteurs lorsque des hypothèses émises sur des projets en rupture avec des innovations déjà existantes ne marchent pas auprès des clients ayant testé leur PMV. Dans ce cas, ils décident de changer de pivot et diriger leur business plan vers d’autres projets plus sûrs, mais qui échoueront à leur tour, faute d’intérêt de leur part.
La clientèle est aussi vue comme une limite à la méthode lean. Si celle-ci devient un trop grand pouvoir de décision et d’influence, elle risque de dévaloriser l’aspect inventif de la vision des concepteurs de produit qui, avec un excès de feedbacks différents, finissent par être désorientés et ne plus savoir dans quelle direction mener leur projet. Au contraire, une start-up demandant trop de retours sur son PMV à un échantillon d’utilisateurs potentiels, chargé de le tester dans le but de valider les hypothèses, sans lui donner suffisamment d’informations risque de le perdre alors que celui-ci doit former le socle de sa clientèle future.
Ouvrage recensé
– Lean Startup. Adoptez l’innovation continue, Montreuil, Pearson France, 2015.
Autre ouvrage d'Eric Ries
– Le Modèle Startup, Montreuil, Pearson France, 2018.
Autres pistes
– Christensen, Clayton M., The Innovator’s Dilemna, Brighton, Harvard Business School Press, 1991.– Jeffrey Liker, Le Modèle Toyota – 14 principes qui feront la réussite de votre entreprise, Paris, Pearson, 2009.– Goeffrey A. Moore, Dans l’œil du cyclone, traduit par Françoise Fauchet, Paris, First, 1997.– Frederick Winslow Taylor, Principes d’organisation scientifique des usines, traduit par Jean Royer, Paris, Revue de métallurgie, Dunod, 1912.– James Womack & Daniel Jones, Système lean – penser l’entreprise au plus juste, traduit par Monique Sperry, Paris, Village mondial, 2009 (première édition 1996).