Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Éric Rommeluère
Éric Rommeluère considère cet ouvrage comme un « livre d’initiation ». Il y transmet en effet un enseignement sur la pratique du zen, en délivrant des instructions pratiques au lecteur pour lui apprendre à méditer. L’écrivain retrace l’histoire de la tradition bouddhiste zen sôtô, en s’inspirant notamment de son propre parcours spirituel.
Dans cet ouvrage, Éric Rommeluère transmet au lecteur les fondements de la méditation zen. En s’appuyant sur son expérience personnelle, mais aussi sur les enseignements des maîtres zen, il délivre des indications pour méditer selon la tradition sôtô. L’ouvrage aborde également les questions les plus courantes des pratiquants, afin de répondre à leurs préoccupations de manière concrète.
Selon Éric Rommeluère, la méditation zen repose sur un paradoxe car celle-ci ne doit viser aucun but : il n’y a rien d’autre à faire que de s’asseoir. Dès lors, comment méditer selon la tradition zen, alors même que cette pratique repose sur l’abandon de toute intention ? Telle est la question à laquelle l’écrivain tente de répondre au fil de l’ouvrage.
La tradition zen s’inscrit dans l’histoire du bouddhisme. Gautama, surnommé le Bouddha, a transmis des enseignements pour aider l’être humain à se délivrer de la souffrance. La pratique des exercices de méditation transmis par le Bouddha constitue une voie pour connaître la réalité telle qu’elle est.
Le premier exercice de méditation proposé par le Bouddha consiste à porter son « attention vigilante » sur la respiration, tout en prenant conscience de la brièveté ou de la longueur de chaque respiration. Lorsque l’attention vigilante est bien établie chez le méditant, il peut ensuite pratiquer d’autres exercices appelés « calme mental » (shamatha en sanskrit) et « vision pénétrante » (vipasyanâ en sanskrit). Le calme mental permet de stabiliser l’attention vigilante sur un seul objet par lequel l’esprit devient totalement absorbé.
Pour pratiquer le calme mental, le méditant peut porter son attention sur des objets extérieurs comme la flamme d’une bougie. Pour finir, il peut s’engager dans les exercices de vision pénétrante consistant à observer les processus physiologiques et mentaux qui surgissent et qui s’éteignent. Il peut ainsi contempler l’apparition d’une pensée, sa durée et sa disparition. La vision pénétrante permet ainsi de développer la connaissance de l’impermanence.
La tradition chinoise ne propose que peu d’ouvrages offrant des méthodes de méditation zen. Éric Rommeluère s’appuie néanmoins sur l’ouvrage de Keizan, intitulé Recueil des précautions et sur celui de Menzan, appelé Le Samâdhi expérimenté par soi-même. Chacun de ces manuels décrit la méditation en trois points successifs : chôshin, signifiant la disposition du corps, chôsoku, la disposition du souffle, et chôshin, la disposition de l’esprit. Le terme « chô » peut se traduire par « harmonisation ».
Concernant la disposition du corps, l’auteur recommande de s’asseoir en plaçant un coussin sur le sol, dans la position du lotus ou du demi-lotus. Le port de la tête doit être naturel, et la nuque libre de toute tension. Les yeux sont légèrement entrouverts, mais le regard ne fixe aucun point particulier. Le pratiquant peut relier ses mains en posant les doigts de la main gauche sur ceux de la main droite, tout en joignant les pouces. Le corps doit demeurer vertical et détendu. La disposition du souffle consiste tout d’abord à réguler la respiration en expirant lentement plusieurs fois par la bouche avant de commencer à méditer, puis à garder une respiration naturelle pendant l’assise, sans chercher à la modifier.
Quant à la disposition de l’esprit, elle est décrite de manière très succincte dans les manuels chinois : il ne faut penser à rien de particulier et n’avoir aucune intention.
Éric Rommeluère fait part au lecteur de sa propre manière d’enseigner la méditation, pratique qu’il nomme « s’asseoir tout simplement », en référence à la posture du zazen (za signifie « assise » et zen veut dire « méditation »), adoptée au sein de l’école sôtô. Il s’agit « juste » de s’asseoir correctement, sans but, dans la posture du lotus ou du demi-lotus, en maintenant le dos droit et les mains jointes.
Ces postures sont conseillées pour garder une assise stable, verticale et détendue. La respiration demeure naturelle et profonde. L’esprit ne juge ni ne rejette rien : si des pensées le traversent, il s’agit simplement d’en prendre conscience et de revenir à l’acte de s’asseoir. La posture est immobile : c’est grâce à la détente que le corps peut demeurer ainsi, sans effort mental ou physique. La tradition zen recommande de méditer dans une pièce neutre : ni trop chaude, ni trop froide, ni trop éclairée, ni trop sombre.
La méditation ne constitue pas un exercice mental, mais se confond avec « l’assise droite » : le corps et l’esprit sont ainsi à l’unisson .
Éric Rommeluère souligne l’importance de la relation entre le maître et le disciple dans la tradition zen. Selon le maître Dôgen, ayant introduit l’école sôtô au Japon, chacun devrait avant tout rechercher un maître de vie avant de commencer à s’asseoir droit. Faute d’accompagnement, le disciple pourrait renforcer son narcissisme, car les résistances de l’ego sont parfois inflexibles. Éric Rommeluère évoque la « double méthode » proposée par les maîtres zen, reposant d’une part sur la pratique de l’assise droite et d’autre part, sur l’engagement dans une relation de maître à disciple. Le maître explique au disciple la manière de s’asseoir droit en lui délivrant des instructions et des méthodes. Cette relation est par ailleurs essentielle, au sens que ce dernier incarne un témoin vivant du dharma. Peu à peu, une relation d’amour et de confiance se tisse entre le maître et le disciple.
Le maître a également pour rôle de défaire les stratégies de l’ego du disciple. Son rôle est de montrer que nous sommes tous prisonniers de notre ego qui souffre, demeure insatisfait, juge, et se justifie. La relation entre le maître et le disciple permet de « rompre la coquille de l’ego ». Éric Rommeluère évoque ainsi l’image de la poule et du poussin prêt à éclore, utilisée par la tradition zen. La poule et le poussin frappent simultanément la coquille de leur bec, et c’est grâce à cette volonté commune que la coquille de l’ego finit par se rompre. Les maîtres zen utilisent notamment la parole pour ébranler les structures mentales définissant notre identité. L’écrivain s’appuie notamment sur une courte histoire illustrant l’importance du rôle de la parole dans l’enseignement zen : « Un moine demanda à l’un des patriarches du zen, le maître de méditation Shitou Xiqian “Qu’est-ce que la libération ?” Le maître lui répondit “Qui t’enchaîne ?”» (p. 16). En répondant au moine par une question, le maître l’invite à une introspection lui permettant de rechercher ses propres réponses. Mais la réponse du maître révèle également l’enchaînement de l’être humain à l’ego.
Éric Rommeluère donne des indications pour choisir un maître. Il s’appuie pour cela sur une citation présentant les qualités d’un véritable maître, tirée de l’ouvrage intitulé Précautions, de Dôgen : « Il ne met pas en avant les mots, pas plus sa compréhension, il a des ressources illimitées et une volonté sans bornes. Il ne s’attache pas à la vue d’un moi. Il n’est pas bloqué par ses sentiments et sa conduite se conforme à sa compréhension » (p. 122). Ainsi, les maîtres de vie n’accordent pas d’importance au paraître. Ils ne cherchent pas à être connus, ni à se constituer une clientèle, ni à être entourés par de nombreux disciples. Éric Rommeluère recommande donc de choisir un maître qui ne se conforte pas dans cette posture de maître, qui ne met pas avant de titre, et qui ne cherche pas à éblouir les gens par ses talents oratoires ou par sa prestance. Le maître n’apparaît jamais en tant que tel. Par conséquent, il s’agit de faire preuve de patience afin de pouvoir faire sa rencontre.
Éric Rommeluère évoque l’expérience de « juste s’asseoir » comme un processus se déroulant en trois phases. La méditation bouddhiste demande un véritable engagement de la part du pratiquant. En cela, cette pratique se différencie des programmes de pleine conscience vendus comme des produits de consommation visant à réduire le stress en quelques minutes seulement. Dans une première phase que l’auteur nomme « la méditation contrefaite », le pratiquant s’assied dans la posture de méditation tout en demeurant immobile, dans un laps de temps prédéfini au départ.
Cette expérience fait tout d’abord apparaître la confusion, car l’esprit se disperse et le bavardage intérieur est incessant. Un sentiment d’ennui peut également surgir : la méditation devient alors pénible, et un sentiment d’impatience peut aussi émerger. Les mouvements du mental peuvent alors s’accompagner de mouvements physiques. Cette première phase de la méditation est superficielle, mais elle est aussi la plus commune.
Le passage de la première à la deuxième phase peut parfois durer des semaines. Dans cette dernière que l’écrivain appelle la « tentative de méditation », le corps se détend et le mental se relâche. Le pratiquant ne ressent plus la nécessité de bouger et peut ainsi complètement demeurer dans l’assise. Il ressent alors les mouvements subtils du corps, comme le va-et-vient du souffle, le cœur qui bat et le mouvement du sang et des fluides qui circulent dans l’organisme. Des pensées peuvent également apparaître, mais le pratiquant sent alors qu’il est simplement traversé par ce flux, sans susciter de nouvelles pensées. Cette deuxième phase repose sur une alternance entre les moments d’absence où l’esprit s’égare, et les moments de présence dans le corps.
Éric Rommeluère nomme la troisième phase « visage originel », en référence à une expression employée par le maître Hongren, patriarche de l’école zen en Chine. D’après l’auteur, cette expression désigne une « conscience nue et vierge, celle d’avant tous les jugements, celle d’avant toutes les divisions » (p. 82). Il s’agit d’un état de détachement vis-à-vis de nos sympathies et de nos antipathies ordinaires, permettant ainsi d’établir un nouveau rapport au monde, dans la détente et la liberté. Dans cette troisième phase, le méditant peut expérimenter l’absence d’attente temporelle, par rapport au temps prédéfini de la méditation. Les facultés mentales telles que l’effort, l’attention et la concentration s’épuisent. La limite entre le monde extérieur et le monde intérieur devient indistincte et une autre conscience surgit. Ainsi, le méditant fait l’expérience du silence sans aucune identification, libre de toute forme d’élaboration mentale.
À travers l’ouvrage, S’asseoir tout simplement : L’Art de la méditation zen, Éric Rommeluère retrace succinctement l’histoire de la tradition zen issue du bouddhisme, mais il délivre surtout un enseignement sur la méditation zen selon l’école sôtô. Pour guider les pratiquants, l’écrivain transmet des conseils concrets en s’appuyant sur les paroles des maîtres, afin de revenir à l’essence même de la tradition zen.
Par ailleurs, il met enfin en garde le lecteur contre la marchandisation de la pleine conscience, vendue comme un produit de consommation. Selon lui, la méditation ne constitue pas un moyen de régler les problèmes mentaux et physiques, mais nécessite, pour les pratiquants, un « engagement à bouleverser sa vie » (p. 142).
Cet ouvrage abordant les principes de la méditation zen de manière concise et efficace est idéal pour les lecteurs souhaitant aller à l’essentiel. Ce livre s’adresse plutôt aux personnes déjà initiées à méditation zen : celles-ci pourront en effet trouver des réponses à leurs questionnements jalonnant leur pratique de la méditation. Ce livre semble néanmoins difficilement abordable par les néophytes, car il aborde le thème de la méditation de manière assez pointue, tout en manquant parfois de clarté.
Ouvrage recensé– S’asseoir tout simplement : L’Art de la méditation zen, Paris, Éditions du Seuil, « Sagesses », 2015.
Autres pistes– Deshimaru Taisen, Zen et vie quotidienne : La Pratique de la concentration, Paris, Albin Michel, « Spiritualités vivantes », 1985. – Dôgen, La Voie du zen : Corps et esprit, Paris, Folio, « Sagesses », 2016.– Senzaki Nyogen, Cent kôans zen, Paris, Albin Michel, « Spiritualités vivantes », 2005.