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Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Ferréole Lespinasse
Aujourd’hui, la question de l’importance du contenu a atteint une certaine maturité : auparavant simple recyclage des contenus papiers préexistants ou encore superposition de mots clés, l’écrit est en train de révéler tout son potentiel pour les entreprises. De nombreux dirigeants prennent conscience de l’importance de publier un message clair et incarnant leurs valeurs pour favoriser l’intérêt de leur cible. Pour autant, la mise en place d’une stratégie de communication éditoriale pertinente, efficace et durable ne va pas de soi en entreprise. Cet ouvrage se propose d’expliquer comment la stratégie de contenu peut faire progresser l’activité d’une entreprise ou d’une marque, mais aussi comment la mettre en œuvre.
Le web actuel déborde d’informations, et les internautes peuvent se sentir submergés par l’immense quantité de contenu produit chaque jour – un contenu qui a souvent une durée de vie minimale. On pourrait croire que cette augmentation exponentielle entraîne mécaniquement une baisse de la qualité des contenus, et par là, une chute de la confiance que les clients portent aux marques.
Pourtant, le langage, et a fortiori, l’éditorial tiennent un rôle de premier ordre dans cette relation commerciale. Développer une stratégie de contenu sur le web n’a jamais été aussi crucial pour les entreprises. Or mettre en œuvre le marketing de contenu nécessite de maîtriser des techniques précises parmi lesquelles écriture web, storytelling, et méthodologie stratégique.
Les internautes sont submergés par une véritable pollution textuelle sur Internet, qui les englue dans un contenu de piètre qualité alors même qu’ils sont plus sensibilisés que jamais. Or, pour être visibles sur Internet, les entreprises se sentent poussées à publier en quantité et très régulièrement, que ce soit par l’existence de multiples plateformes (sites, blogs, réseaux sociaux) ou par des impératifs de visibilité dont dépend leur activité. D’un autre côté, la communication, auparavant descendante, cherche dorénavant à mettre en place un dialogue avec l’internaute. Celui-ci interagit avec les sites qui l’intéressent, et fuit ceux qui prônent une communication oppressante et autocentrée. C’est désormais l’utilisateur qui fait loi – et il est lassé des contenus publicitaires.
L’entreprise doit alors se structurer pour produire un contenu qui réponde à ses attentes, besoins et interrogations, générant ainsi un trafic de prospects. Ce contenu doit être en adéquation avec le positionnement de la structure, définissant ainsi son territoire, son identité et son image au sein d’un écosystème. Il s’agit le plus souvent d’un récit : l’histoire de son expertise.
C’est seulement de cette manière qu’une marque pourra engager une relation de confiance et de fidélité naturelle avec sa cible. Si nombre d’entreprises expérimentent cette prise de conscience, il n’est pas aisé de mettre cette petite révolution en place, tant elle entre en conflit avec la traditionnelle communication autocentrée : il s’agit d’accepter l’ouverture, de ne pas parler que de soi, de faire preuve d’agilité et d’humilité, de se rendre disponible, d’accepter de se faire interpeller ou challenger.
Car avant d’acheter, un internaute effectue des recherches, analyse, compare. Il a besoin de se nourrir d’informations, d’être accompagné dans son cycle d’achat d’un produit ou d’un service. Le contenu peut répondre de manière très pertinente aux besoins spécifiques de chaque étape (découverte, intérêt, désir, conversion et service après-vente). Les outils offerts par internet permettent désormais d’avoir accès à des données précieuses permettant d’analyser l’identité des cibles ainsi que leur comportement : cette analyse est à la base de la stratégie de contenu.
En effet, l’idée centrale est de toujours répondre aux besoins du lecteur, qu’il s’agisse de besoins déjà avérés ou encore à venir.
La stratégie de contenu a pour objectif d’alimenter de manière pertinente tous les supports de communication de l’entreprise : il s’agit d’envisager le dispositif éditorial de l’entreprise ou de la marque de manière globale. Pourtant, les responsables communication sont encore trop souvent débordés face à la multiplication des canaux à alimenter et le rythme effréné de la production pour pouvoir adopter cette vision stratégique. La communication, ce n’est pas uniquement la production effrénée de contenus. C’est une sorte d’aiguilleur stratégique, à la fois placée au centre de toutes les fonctions de l’entreprise et ouverte sur le monde.
Selon le contexte dans lequel évolue la marque, le juste équilibre entre quantité et qualité reste à trouver. La quantité permet d’obtenir de la visibilité et du trafic : chaque marque a besoin d’être présente en réponse aux requêtes des internautes sur les moteurs de recherche.
En répondant aux exigences du référencement naturel et aux critères des moteurs de recherche, les contenus deviennent visibles, et d’autant plus s’ils sont nombreux, car ils permettent à la marque d’occuper l’espace et d’attirer de l’audience. Toutefois, la quantité sans la qualité n’a pas de sens en termes de référencement naturel, car le but est de fournir l’information la plus juste et précise possible en réponse à l’intention de l’internaute. Référencement et qualité vont de pair, même lorsqu’il s’agit de produire des contenus en masse.
Pour autant, produire du contenu sans avoir de vision stratégique n’a aucun sens puisque la clé de voûte d’une communication de contenu réussie, c’est la pertinence. Sans pertinence, un contenu n’a aucune valeur pour son audience.
Chaque support, chaque plateforme, doit donc porter un objectif répondant à ses spécificités et à son public : ainsi, le message clé de l’entreprise y sera adapté et pourra prendre diverses formes (article, brève, infographie, vidéo, livre blanc…). « Un bon contenu est visible, attractif, frais, original, consistant sur le fond et léger à la lecture [mais il tient également] compte du contexte, et de la cible » (p. 58). Il ne s’agit pas d’accaparer les internautes, mais de se mettre à leur service en leur fournissant un contenu utile, qualitatif et pertinent qui donnera d’abord envie d’aller plus loin, puis sera à la base d’une relation fidèle et durable.
L’écriture digitale est par nature protéiforme, certes parce qu’elle est destinée à de multiples supports possédant chacun ses propres règles, mais aussi parce qu’elle s’adresse à ses cibles dans différents contextes : mobilité, préférences, phase d’achat.... En se dirigeant vers l’hyperpersonnalisation, l’écriture web tire ainsi parti des avancées technologiques et notamment l’utilisation des données et l’automatisation des tâches.
Les entreprises qui tiennent un discours clair et répondent parfaitement aux attentes de leur audience au moyen de contenus uniques et singuliers seront amenées à se démarquer. Ces contenus uniques sont source d’une vraie valeur ajoutée pour laquelle les clients seront prêts à payer plus cher, puisqu’ils jugeront que l’entreprise répond à leurs besoins. « L’enjeu est donc de comprendre les points de friction du lecteur et d’apporter de la valeur » (p. 97).
Pour atteindre cet objectif, de nombreux savoir-faire rédactionnels et éditoriaux s’offrent aux entreprises. D’abord, l’écriture web : écriture de l’action, mais aussi de l’émotion, elle s’adapte aux usages du web, se concentre sur l’essentiel et le cœur des messages, afin de garantir le confort de lecture via un accès fragmenté à l’information.
Ensuite, le storytelling : cette technique narrative utilise les mêmes ressorts que les contes pour raconter des histoires générant de l’émotion et de l’engagement, des histoires capables de marquer les esprits. Il peut s’agir par exemple de mettre en valeur la genèse de l’entreprise ou l’histoire de son produit. Enfin, l’entreprise peut utiliser l’approche narrative, qui s’appuie sur une vision globale de l’entreprise (histoire, projets, espoirs) pour donner du sens à son discours. Grâce à tous ces outils, l’écriture se met au service de l’entreprise… et de l’internaute.
En effet, avant d’acheter un produit, un internaute passe par une phase d’enquête durant laquelle le contenu peut influencer son choix. Aujourd’hui il n’est pas possible d’assurer qu’un contenu conduira à coup sûr à une vente, ou de savoir si une vente sera liée à un contenu. En revanche, il est possible d’obtenir des pistes grâce à des systèmes de mesure que la collecte des données en ligne rend possible. Il est ainsi possible pour un producteur de contenu de connaître par exemple le nombre de visiteurs, le nombre de pages vues par chacun, le taux de décrochage, la durée de lecture, les partages, etc.
Ces informations statistiques permettent à l’entreprise de mieux connaître les performances de leurs contenus auprès de leur public, d’y apporter si nécessaire des modifications, ainsi que d’avoir des pistes de travail pour les contenus à venir (prospects à contacter, sujets d’articles à favoriser ou à éviter…). Les indicateurs de mesure dépendent de chaque entreprise, et sont à déterminer en amont.
Le monde du digital demande à l’entreprise de prendre la parole en toute transparence, et dans la spontanéité. Mais pour ce faire, tous les porte-parole de l’entreprise doivent partager la même vision, ce qui implique d’être très clair sur son identité, son positionnement, sa mission, ses valeurs et sa vision.
Pour une marque, posséder des valeurs fortes est un solide atout pour attirer des clients qui lui correspondront. Les collaborateurs doivent également utiliser le même langage : or mettre à jour cette langue imprégnée de la vérité de l’entreprise est le fruit d’un travail souvent négligé. En effet, la faire émerger implique d’écouter l’entreprise de l’intérieur, ses spécificités, sa réalité, sa dimension implicite et explicite, ce que ses collaborateurs et ses clients disent d’elle. C’est seulement à ce prix que le discours tenu sonnera juste et authentique.
Ensuite, il convient pour l’entreprise de structurer sa proposition de valeur en alignant ses produits et services aux problèmes de ses clients, ce qui permet de construire un discours mettant en valeur le bénéfice obtenu. Pour ce faire, avoir précisément défini les problèmes rencontrés, les bénéfices attendus et ceux réellement apportés est une étape indispensable. Non seulement cette compréhension sera garante d’une meilleure adéquation entre l’offre et la cible, mais elle permettra également de formuler des arguments que l’entreprise pourra distiller avec justesse dans ses contenus, se construisant une image d’expertise. Toutefois, les besoins des cibles ne sont pas figés et l’offre de l’entreprise peut être amenée à évoluer.
Par ailleurs, si ancrer la production de contenu dans la structure même de l’entreprise est nécessaire, notamment en nommant un responsable des contenus, faire participer les collaborateurs à la production de contenu peut s’avérer être un atout non négligeable en termes de notoriété. En effet, les salariés peuvent être de formidables ambassadeurs pour une marque, car un consommateur fait toujours plus confiance à ses pairs. Cependant, certaines conditions sont nécessaires pour que cette collaboration fonctionne dans la durée : dirigeants convaincus par la démarche, liberté et autonomie suffisantes, règles de fonctionnement et consignes claires, formation, comités éditoriaux réguliers… Les entreprises doivent encourager les salariés à porter le discours de la marque, loin d’une unique voix descendante et déconnectée de la réalité de l’entreprise.
Enfin, l’entreprise doit être consciente de ses capacités réelles et de ses limites en termes de production de contenu, l’objectif étant de tenir dans le long terme.
Une fois l’identité et l’offre de l’entreprise optimisées, il s’agit d’effectuer un diagnostic des supports de communication en place : les lister et se demander pour chacun quels sont ses objectifs, son public, ses performances et les améliorations souhaitées. Puis, la marque doit s’interroger sur les objectifs de communication de la stratégie de contenu à venir et dimensionner son projet pour estimer le travail à accomplir. Pour chaque support, elle sera ensuite en position de déterminer des objectifs, des types de contenus, un public, une fréquence de publication, etc.
Par la suite, l’entreprise peut réaliser des fiches clients types ou fiches personae, sous la forme de portraits robots (identité, besoins, solutions recherchées, besoins en information…). En effet, il n’est pas possible de s’adresser à tout le monde, ce qui diluerait le message et lui ferait perdre son dynamisme et son caractère percutant. L’objectif est au contraire de personnaliser au maximum la communication.
Construire un portrait-robot d’un client type (ou de plusieurs), appuyé sur des données réelles, permet de s’adresser à quelqu’un et d’être au plus près de ses besoins, mais aussi de créer les outils de communication les plus pertinents, de la ligne éditoriale à l’arborescence du site en passant par le calendrier éditorial – car un bon contenu est toujours pensé pour l’utilisateur. Ces fiches personae sont amenées à évoluer et à s’affiner au fil des échanges client.
L’entreprise qui doit s’investir en termes de stratégie de contenu se doit de maîtriser les nouveaux métiers liés à l’éditorial et d’en maîtriser les exigences, afin de pouvoir mener une campagne de recrutement à même de détecter et attirer les nouveaux talents.
Parmi ces métiers, l’on peut citer le rédacteur web : producteur de contenus polyvalent et réactif, il maîtrise parfaitement l’écrit et la langue, tout en étant à même des techniques liées à Internet comme le langage HTML ou le référencement naturel. L’auteure cite également le content manager ou responsable éditorial, qui est en charge des audits éditoriaux, de la supervision de la production, des mesures de performances et de la stratégie de communication. Enfin, le consultant éditorial, qui détermine, à partir des valeurs, de la vision et du public de l’entreprise, la stratégie éditoriale et les objectifs à atteindre, ainsi que les multiples supports de référence (plan de communication, ligne éditoriale, procédures, outils de gestion de la production…) dont il veille à l’appropriation auprès des multiples collaborateurs.
L’entreprise doit mesurer le succès de ses publications, ce qui ne peut se faire qu’en ayant déterminé à l’avance, pour chaque support, les indicateurs à suivre. Cela permet de s’assurer que la stratégie de production de contenus est rentable ou non, et de mettre en place les actions adéquates. « Un bon contenu n’est jamais seul, il s’appuie sur une bonne analyse des besoins, sur une bonne compréhension d’un secteur d’activité et sur une bonne diffusion » (p. 68).
Il n’y a pas de règle absolue ni de formule magique : chaque entreprise doit déterminer les indicateurs à suivre et les objectifs à atteindre selon ses attentes et son identité. La marque doit également déterminer le circuit éditorial (rôle de chacun, validations, paramètres de diffusion), et mesurer précisément le temps passé en interne sur la production de contenus.
Mettre en place une stratégie éditoriale demande une réelle prise de conscience, à la fois sur l’importance et le potentiel des contenus en termes de visibilité et d’image de l’entreprise.
Celle-ci, pour mettre en place une stratégie efficace, doit avoir la capacité de remettre en question ses fonctionnements traditionnels ainsi que sa structure, pour s’adapter aux impératifs de notre époque et répondre à la nécessité de placer ses clients au centre de ses actions de communication. Un travail de réflexion sur l’identité de la marque doit être réalisé, afin de pouvoir présenter à l’aide de techniques de storytelling son activité, sa raison d’être et ses valeurs, autant de points qui seront à la base d’échanges fructueux avec son audience, mais qui seront également porteurs de sens et vecteurs de confiance.
La marque devra également avoir réellement conscience de ses capacités rédactionnelles en termes de temps et de coût, car la stratégie éditoriale se mène sur la durée.
Il s’agit d’un ouvrage passionnant et ouvrant sur plusieurs disciplines, qui aborde de manière accessible des notions précises. L’ouvrage compte également de nombreuses interviews de professionnels reconnus, une description des nouveaux métiers liés au contenu, un glossaire, et il fourmille de références et d’outils concrets.
Toutefois, dans la première partie, la très (trop) grande multiplicité d’interventions de professionnels morcèle beaucoup la lecture et a tendance à dissoudre le discours au lieu de l’éclairer. De plus, on pourra s’interroger sur la pertinence de présenter si longuement les intervenants en fin d’ouvrage, d’autant que ces présentations sont inégales et que certaines flirtent avec l’autopromotion.
Malgré cela, il s’agit d’un ouvrage enrichissant que tout professionnel s’intéressant au contenu devrait avoir dans sa bibliothèque.
Ouvrage recensé– La Puissance de l’éditorial – Boostez votre business !, Éditions Kawa, 2017.
Autres pistes– Isabelle Canivet, Bien rédiger pour le web – Stratégie de contenu pour améliorer son référencement naturel, Éditions Eyrolles, Coll. Design web, Paris, 2017.– Isabelle Canivet, Jean-Marc Hardy, La Stratégie de contenu en pratique – 30 outils passés au crible, Éditions Eyrolles, Coll. Design web, Paris, 2012.– Claire Gallic, Rémy Marrone, Le Grand Livre du Marketing digital, Éditions Dunod, Hors Collection, Paris, 2018.– Jean-Marc Guscetti, Storytelling – L’art de convaincre par le récit, Éditions Stalkine, Genève, 2011.– Erin Kissane, Stratégie de contenu web, Éditions Eyrolles, Coll. A Book apart, Paris, 2011.