Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Frédéric Canevet et Grégoire Gambatto
Le Growth Hacking, ou « piratage de croissance », est un ensemble de méthodes innovantes et d’outils marketing destinés aux professionnels de la vente en ligne, visant à obtenir une croissance forte et rapide avec peu de moyens. Pour atteindre un résultat maximal, il s’agit de faire preuve d’astuce et de créativité en détournant le système à son avantage tout en restant dans un cadre légal. Ainsi, cet ouvrage propose un programme complet sous la forme d’un plan d’action destiné à accélérer la croissance d’une activité dans l’univers très concurrentiel du Web.
Le Growth Hacking est un héritage des start-up américaines dont la devise est « croître ou mourir ». Évoluant dans un univers hyperconcurrentiel, elles ont adapté des méthodes de développement informatique dites « agiles » au marketing, afin d’optimiser leurs ressources humaines et financières. Ces méthodes dites « agiles » consistent à mettre en place des techniques astucieuses et des systèmes pour obtenir une croissance rapide sur la base d’un produit perfectible, puis de mesurer les actions accomplies afin de pouvoir les ajuster aux résultats obtenus, et améliorer le produit en fonction des premiers retours.
En réalité, le Growth Hacking est un état d’esprit applicable à tous les domaines d’activité. L’ouvrage de F. Canevet et G. Gambatto a formalisé cet état d’esprit : ses huit chapitres constituent chacun une étape hebdomadaire du plan proposé par les auteurs pour déployer une stratégie de Growth Hacking.
Le Growth Hacking réunit deux concepts forts. D’un côté, il s’agit de mettre en place un système structurant l’activité grâce à une modélisation (par exemple, un parcours client), et de définir des indicateurs clés qui vont assurer une croissance sur le long terme.
De l’autre, il s’agit de détourner intelligemment le système en place, ce qui vaut parfois à cette pratique une image sulfureuse, alors qu’il est en fait question d’exploiter des failles, de casser certains codes en osant prendre des risques, ou encore d’automatiser des actions répétitives sans valeur ajoutée. Il y a trois types de Growth Hackers : ceux qui respectent les usages du marché (White Hat), ceux qui jouent les limites légales (Grey Hat) et enfin les hors-la-loi (Black Hat). Il va sans dire que cet ouvrage ne traite pas des pratiques illégales.
Le Growth Hacking consiste à tester de nouvelles idées sans chercher la perfection dès le départ, tout en étant capable de les faire évoluer rapidement. Une philosophie que les auteurs résument avec l’expression « Quick and not so dirty » (vite fait, mais pas si mal fait, p.14), et qui consiste à travailler selon le concept du « Minimum Viable Product » (Produit Viable au Minimum), c’est-à-dire une version de base d’un produit, qualitative mais améliorable. En proposant un produit immédiatement utilisable, de qualité suffisante pour répondre aux besoins du client, on évite les erreurs du marketing classique qui consiste souvent à élaborer des produits et services par le biais d’un travail en vase clos, coûteux en termes de temps et de moyens financiers, qui plus est en étant effectué à l’aveugle. Ici au contraire, on mesure les retours réels des clients et on effectue immédiatement les modifications nécessaires.
En se plaçant ainsi d’emblée dans une dynamique d’essai-erreur-rectification, l’activité est au plus près de la réalité du marché.
Aucun travail de Growth Hacking ne peut se concevoir sans une mesure précise et une analyse des résultats des actions menées. « Le Gowth Hacking est une mentalité, celle de ne pas hésiter à tester quitte à se tromper, mais surtout d’apprendre de ses erreurs, pour ne pas les recommencer. Cela passe obligatoirement par une mesure de toutes (ou du moins du maximum) les actions mises en place. […] Le but est de savoir si cela vous rapporte des visiteurs ou du chiffre d’affaires » (p. 72).
Aucune décision ne doit se faire intuitivement, au contraire toutes les actions doivent impérativement s’appuyer sur des éléments tangibles : il faut passer de « nous pensons » à « nous savons ». Les auteurs vont même plus loin en défendant l’idée que, sans mesure possible, une action est inutile.
Les auteurs insistent sur l’importance d’avoir, en amont de la procédure de Growth Hacking, vérifié au moyen d’études terrain et de campagnes-test que le produit correspondait bien à un marché : une cible avec un problème urgent, important et solvable, ou bien une possibilité d’inciter à l’achat d’impulsion.
Pour ce faire, la méthode qui consiste à créer des « personas » (des profils de clients-types) est très utile, mais elle doit être confrontée à des prospects réels, ainsi qu’à des experts du sujet, pour réellement prendre vie. Il en va de même pour les « Landing Pages », qui nécessiteront de mettre en place plusieurs tests. Ce travail préliminaire pourra permettre de trouver les carrefours d’audience où se trouve le client-type (réseaux sociaux, salons…) ainsi que la bonne manière de s’adresser à lui.
Par ailleurs, le contexte économique actuel étant fortement concurrentiel, avoir trouvé l’élément différenciant de son produit, le « Killer Feature », est incontournable car c’est cette fonction qui est attendue par le marché et qui déclenchera l’achat. L’étape suivante est d’utiliser ces informations pour rédiger une USP (« Unique Selling Proposition »), un discours destiné à présenter clairement le produit aux prospects de manière séduisante, persuasive, représentative du positionnement choisi et du territoire de marque (vocabulaire, image, identité…).
On orientera l’USP vers les bénéfices apportés par le produit, qu’ils soient tangibles ou intangibles, rationnels ou irrationnels. Ce discours commercial doit permettre de répondre aux principales questions du client et de se différencier d’emblée par rapport aux concurrents.
Car le Growth Hacking part du principe que personne n’a le monopole des bonnes idées et qu’aucun produit, même disrupteur , ne peut rester inédit très longtemps. Il est néanmoins possible de retourner cet état de fait à son avantage, en mettant en place des systèmes pour s’approprier légalement une partie du trafic généré par les leaders du domaine en question, mais aussi pour détourner celui des concurrents plus faibles.
Pour ce faire, les auteurs intègrent d’emblée à leur stratégie sur huit semaines une recherche poussée en termes de référencement naturel et de mots-clés, qui permettra de définir très précisément les segments sur lesquels se positionner, de construire des offres irrésistibles, ou encore de mettre en place des campagnes de publicité payantes, mais très efficaces.
L’optimisation du cycle des ventes est l’un des éléments clés, à la base de la démarche proposée dans cet ouvrage ; elle repose sur une décomposition de ses différentes étapes.
Le « Framework AARRR » est ainsi formé de cinq métriques incontournables : l’acquisition (attirer des visiteurs ciblés), l’activation (la première interaction avec le produit), la rétention (la fidélisation), la recommandation (le bouche-à-oreille), et enfin les revenus (le panier moyen par utilisateur). « Le Growth Hacking, ce n’est pas que générer du trafic, c’est optimiser la globalité du cycle des ventes de manière rationnelle » (p. 4-5). L’objectif est d’améliorer la conversion (transformer un visiteur en prospect, puis en client) à chacune de ces étapes, en mesurant ses résultats et en améliorant les étapes défaillantes.
Atteindre cet objectif passe d’abord par la modélisation et la mise en place d’un tunnel de vente qui consiste à baliser le parcours que le client suivra : phase d’information, prise de décision, après-vente. Il s’agit de favoriser une expérience client positive, plutôt que d’être sans cesse en recherche de nouveaux prospects. Ce tunnel de vente consiste en l’utilisation judicieusement scénarisée de différents supports, à chaque étape du Framework AARRR : réseaux sociaux, site, blog, publicités, Landing Pages, produits gratuits offerts en échange d’une adresse email, séquences d’emails, offres commerciales, ventes complémentaires, service après-vente… Le principe du tunnel de vente est adaptable à l’infini et peut s’appliquer à toutes les entreprises.
Les auteurs recommandent d’utiliser les potentialités uniques offertes par le Web pour réaliser, gérer et automatiser certaines tâches marketing et augmenter ainsi son efficience de manière exponentielle tout en réduisant drastiquement ses coûts de fonctionnement par client. Il est cependant important d’ancrer ces tâches dans une stratégie globale afin qu’elles répondent, via des actions sur-mesure, à des objectifs précis, et ce pour chaque segment de la clientèle.
Ce « Marketing Automation » peut s’effectuer à chaque étape du Framework AARRR et permet de se libérer des tâches répétitives et sans grande valeur ajoutée tout en assurant mécaniquement une croissance exponentielle à moyen terme ; mais cela nécessite toutefois de maîtriser certains savoir-faire techniques.
Le contenu est au cœur de la démarche de Growth Hacking : l’heure étant à l’inflation, certaines exigences deviennent incontournables en termes de stratégie, de volume produit et de qualité pour prendre ses concurrents de vitesse. « La principale raison qui conduit à échouer en Content Marketing est que le contenu est produit sans savoir pourquoi ni pour qui, mais surtout comment optimiser ses efforts » (p. 124).
D’abord, il faut savoir écrire pour plaire aux moteurs de recherche en se positionnant sur les bons mots-clés pour répondre à ce que recherchent exactement les internautes dans la problématique à laquelle le produit répond.
Il est possible de concentrer son travail sur les mots clés les plus attractifs et de produire des contenus sur-mesure dédiés uniquement au référencement naturel (pages d’un site, articles…). Cette stratégie quantitative permet d’être rapidement visible ; elle reste néanmoins à coupler avec une stratégie qualitative basée sur une production de contenus à valeur ajoutée. Le Growth Hacker, perçu comme un expert, aura alors à cœur d’optimiser ces contenus en les déclinant sur plusieurs supports (par exemple, transformer une série d’articles en livre blanc), multipliant ainsi leur capacité à convertir sans fournir d’effort supplémentaire. Ensuite, pour plaire à ses prospects, il faut chercher à générer de l’émotion : attirance, curiosité, étonnement, plaisir, colère, qui font réagir, créent l’engagement et augmentent la visibilité.
Il est également possible de « hacker » la visibilité des autres au moyen d’astuces aisées à mettre en œuvre. Parmi elles, la traduction d’articles étrangers qualitatifs et encore inédits, avec la permission de la source. Ou encore, le « Newsjacking », qui consiste à détourner la visibilité d’un événement externe ou d’une actualité exceptionnelle à son propre profit, en l’utilisant pour générer un pic de trafic.
Enfin, interviewer des influenceurs ou des experts du domaine, ou bien faire du « Guest Posting » (des articles invités) permet de gagner immédiatement de la crédibilité, de la notoriété et de la visibilité sur une thématique, en profitant d’une audience existante pour obtenir un précieux relais de communication.
Il est possible d’utiliser l’expérience client pour développer une activité dans le temps, que celle-ci soit positive ou négative. L’utilisateur satisfait se verra proposer un avantageux programme d’affiliation ou de parrainage, qui lui apportera certains profits en échange de la promotion qu’il fera du produit, ce qui fera grandir le bouche-à-oreille de manière exponentielle. Beaucoup d’entreprises se concentrent sur l’acquisition de prospects et oublient la gestion des clients mécontents. Ils représentent pourtant un réel enjeu, notamment en étant une occasion de rendre l’expérience client extraordinaire et d’améliorer le programme de fidélisation : celui-ci vise à retenir les clients les plus rentables en installant une relation gagnant-gagnant.
Le Growth Hacking met certes l’accent sur une croissance rapide, mais il consiste également à durer dans le temps en devenant réellement acteur d’un domaine. Les réseaux sociaux sont des outils dont la valeur est souvent négligée, alors qu’ils sont des carnets d’adresses vivants et interactifs très précieux pour qui sait les utiliser : exportation des contacts, utilisation judicieuse des groupes, demandes habiles de connexion, concours, sondages, études, événements en direct… mais aussi repérage des concurrents les plus faibles dans le but de détourner leur trafic. « Il faut [alors] construire un arsenal d’outils d’aide à la vente pour à la fois séduire de manière factuelle et émotionnelle les clients de vos concurrents » (p. 195) : outils comparatifs, produits gratuits, conférence en ligne… sont autant de manières d’obtenir une oreille attentive au moment de dérouler l’argumentaire commercial.
Le succès dans la durée passe également par la création de liens forts avec les membres de son réseau (déjeuners, événements…), liens que le Web ne permet pas d’office, malgré la facilité de contact qu’il offre. « Les meilleurs partenariats, les plus belles affaires sont généralement le fruit d’une rencontre réelle. C’est pourquoi il est indispensable de sortir de son bureau […]. Vous serez étonnés des rencontres que vous allez faire et surtout des bénéfices que vous allez en tirer » (p. 190). Soigner son réseau permet d’augmenter sa sphère d’influence au-delà de son territoire de prédilection, de renouveler son enthousiasme et son énergie créative, tout en restant dans l’esprit du Growth Hacking.
Le Growth Hacking, c’est détourner un outil de son utilisation classique pour parvenir à un résultat précis : il est ainsi possible de transformer facilement et avec peu de moyens le Web en véritable levier de croissance. Les auteurs défendent un programme qui met en parallèle les actions visant à obtenir des résultats importants sur le court terme, et la stratégie au long cours.
Le cœur du Growth Hacking reste son état d’esprit basé sur l’essai systématique, la mesure permanente et l’amélioration constante du produit et des systèmes de vente, mais aussi sur l’utilisation massive et judicieuse de l’automatisation. Toutefois, mettre en place cette stratégie implique de savoir se remettre en question pour s’améliorer, ainsi que de tester sans cesse de nouveaux outils, de nouvelles astuces pour rester compétitif dans un environnement Web qui évolue très rapidement.
Mener à bien la stratégie Growth Hacking présentée dans cet ouvrage est possible pour toutes les entreprises, quels que soient leurs moyens.
Cet ouvrage remarquablement conçu s’adresse à des professionnels ayant déjà des bases dans le domaine du Marketing. Les contenus sont à la fois didactiques, pleins d’humour et applicables directement ? notamment grâce à des conseils opérationnels, des marches à suivre avec des captures d’écran et des exemples réels. Même si le propos du livre n’est pas de traiter l’aspect technique, il reste assez concret et propose une impressionnante liste d’outils détaillés et analysés tout au long du texte. Chaque chapitre se clôt par une liste d’actions à accomplir pour mettre tout de suite en pratique ses acquis.
Les contenus du livre sont enrichis par des vidéos et des ressources disponibles sur un espace privé, ce qui en fait une vraie boîte à outils pour qui souhaite faire ses premiers pas en Growth Hacking. Chef d’entreprise, freelance, marketeur, entrepreneur ou encore étudiant trouveront dans cet ouvrage référence des astuces utiles et adaptables à tous les domaines d’activité.
Ouvrage recensé
– Frédéric Canevet, Grégoire Gambatto, Le Growth Hacking – 8 semaines pour doubler le nombre de vos prospects, Dunod, coll. « Marketing/Communication », 2017.
Autres pistes
– Robert B. Cialdini, Marie-Christine Guyon, Influence et manipulation, Paris, Pocket, coll. « Evol – dev’t personnel », 2014.– Gabriel Dabi-Schwebel, Brice Lionnet, Croître ou mourir, il faut choisir ! – 14 étapes pour sortir du rang et passer en hypercroissance, Paris, 1min30 Publishing, 2018.– Philippe Jourdan, Valérie Jourdan, Jean-Claude Pacitto, Le Marketing de la grenouille – Nouvelles stratégies de marques pour nouveaux consommateurs, Paris, Éditions Kawa, 2015.– Alexander Osterwalder, Yves Pigneur, Business Model Nouvelle Génération : Un guide pour visionnaires, révolutionnaires et challengers, Montreuil, Pearson, 2011.– Stéphane Truphème, L’Inbound Marketing : Attirer, conquérir et enchanter le client à l’ère du digital, Paris, Dunod, coll. « Marketing/Communication », 2016.