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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Reinventing organizations

de Frédéric Laloux

récension rédigée parCatherine Lomenech

Synopsis

Économie et entrepreneuriat

Le monde de l’entreprise est-il à l’aube d’une ère nouvelle ? Des entreprises plus ouvertes et plus libres se développent partout dans le monde, considérant que l’être humain doit pouvoir s’épanouir dans son travail. Elles cultivent écoute, empathie et confiance inconditionnelle pour offrir à chaque travailleur l’accès à l’accomplissement de soi. Cette approche novatrice serait liée, pour l’auteur, à une évolution générale de la conscience humaine qui s’apprêterait à passer à un stade supérieur de son histoire. Découvrons de quoi il s’agit.

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1. Introduction

Les conditions de travail, de sécurité et de rémunération sont plus confortables que jamais. Les entreprises sont mieux équipées, elles sont modernes et perfectionnées. Pourtant les travailleurs n’ont jamais autant souffert d’absence de plaisir, de perte de motivation et de valeur. La fatigue psychologique a pris le pas sur les difficultés physiques d’antan.

Parallèlement, l’entreprise peine à se libérer de ses lourdeurs bureaucratiques. Les luttes de pouvoir, la communication défaillante et les cloisonnements entravent la fluidité et l’harmonie auxquelles nos moyens actuels devraient nous permettre d’accéder. Le décalage ne cesse de s’accroître entre un outil de travail de plus en plus performant et les besoins des travailleurs de moins en moins satisfaits. Le phénomène se généralise et touche toute la société, atteignant, entre autres, les secteurs de l’éducation ou de la santé.

Pour tâcher d’y voir plus clair, Frédéric Laloux a étudié les organisations humaines. Il a repris les grandes étapes de l’histoire de l’humanité, qu’il a analysées à travers le prisme de l’organisation. Il en a déduit une classification de l’évolution des niveaux de conscience à partir des modèles d’organisation correspondants. Il constate qu’à chaque fois que le niveau de conscience a évolué, les organisations ont suivi le même chemin : la société, le modèle socio-économique, le régime politique et même la spiritualité et les religions.

Les difficultés dans le monde de l’entreprise sont peut-être le signe que l’humanité a atteint ce moment charnière, avant le passage à un nouveau niveau de conscience ?Et si c’était ce niveau qui allait nous apporter les solutions pour mettre les entreprises en adéquation avec les besoins des hommes ?

2. Les sept stades de l’évolution des consciences

« Le monde que nous avons créé est le résultat de notre niveau de réflexion, mais les problèmes qu’il engendre ne sauraient être résolus à ce même niveau ». Albert Einstein.

C’est exactement la théorie de Frédéric Laloux lorsqu’il définit les sept stades de l’évolution. Chaque passage d’un niveau à l’autre correspond au moment où l’être humain a déployé de nouveaux potentiels pour répondre à des problèmes insolubles sans un changement de paradigme. Chaque nouveau stade apporte des possibilités auxquelles les individus n’auraient même pas pensé dans le stade précédent.

• Stade Réactif ou paradigme INFRAROUGEC’est le premier stade de l’humanité, le niveau primitif. Les hommes vivent en petits groupes familiaux d’environ une douzaine d’individus. C’est le modèle des chasseurs-cueilleurs.

• Stade Magique ou paradigme MAGENTALes groupes, plus nombreux, deviennent aussi plus complexes. Une organisation davantage structurée apparaît, on passe de la cueillette à l’agriculture, on vit dans le présent, on pense l’univers rempli d’esprits et de magie, on obéit aux anciens et aux chamanes.

• Stade Impulsif ou paradigme ROUGELes notions émotionnelles sont encore balbutiantes et l’empathie absente. Lorsqu’un individu veut quelque chose, il le prend même s’il doit se battre. Ce qu’il veut est à lui. C’est la loi du plus fort et l’on voit se créer des chefferies. Le pouvoir s’exerce de manière fruste par le jeu des récompenses ou des punitions. Comme dans une meute de loups, le dominant exerce son pouvoir sans partage mais, qu’il faiblisse un jour, et d’autres se battront pour prendre sa place.

Le paradigme ROUGE existe encore à travers les gangs ou les mafias.Dans le monde de l’entreprise, cela se traduit par l’autorité et la division du travail. Les chefs sont des prédateurs.

3. La coexistence de plusieurs stades au fil de l’évolution

• Stade Conformiste ou paradigme AMBRELa violence ROUGE s’est apaisée et la maîtrise de soi est possible. L’idée de règle et de morale a remplacé l’immoralité barbare. Les organisations se stabilisent. Les hommes se projettent sur le long terme. La Grande Muraille de Chine ou les pyramides sont des réalisations du stade AMBRE. C’est aussi le moment où se créent des organismes gouvernementaux, des structures religieuses, des systèmes d’éducation… L’individu considère son monde comme un système gouverné par des règles immuables et pérennes. Dans le monde du travail, ce stade correspond au modèle pyramidal, très hiérarchisé, dans lequel les postes et les rôles sont définis clairement. C’est l’âge du paternalisme autoritaire.

• Stade de la Réussite ou paradigme ORANGEÀ ce stade, l’innovation, la responsabilité et la méritocratie prédominent. Dans un monde ressenti comme complexe, l’efficacité remplace la morale, le besoin de réussite sociale motive les comportements. Le matérialisme et le désir d’avoir font de l’ombre à la spiritualité et aux religions. Dans le monde de l’entreprise, ce sont les grands groupes multinationaux (Nike, Amazon, Coca-Cola…) qui représentent le mieux la période ORANGE. Le chef est concentré sur le but et la résolution des problèmes, et non sur les émotions ou les valeurs.

• Stade Pluraliste ou paradigme VERT A contrario, dans le paradigme VERT, le ressenti, le respect et le besoin d’égalité prennent le pas sur l’efficacité à tout prix. La notion de famille vient remplacer la notion de mécanique opérationnelle. Les entreprises sont citoyennes, elles pensent à la communauté, leurs dirigeants favorisent l’autonomie des salariés, pensent à leur motivation et tiennent compte de leur bien-être. Ils sont plus ouverts à l’écoute et au compromis.

4. Le Stade Évolutif ou paradigme OPALE

Ce stade est le palier à venir, celui que l’on trouve tout en haut de la pyramide de Maslow : l’accomplissement de soi. Ceux qui sont en route pour le paradigme OPALE sont nourris par l’idée d’une évolution vers la sagesse, l’authenticité de la relation avec l’autre.Passer au stade évolutif OPALE, c’est sortir de l’ego, cesser d’être dominé par lui, cesser de vouloir obéir à ses peurs, à ses désirs et à ses ambitions de réussite.

Se débarrasser de ses peurs, c’est accepter de faire confiance à la vie et de lâcher le contrôle pour s’en remettre, avec grâce, à son destin. Considérer que les erreurs sont des expériences de vie et qu’elles apportent autant d’opportunités pour apprendre et avancer.Les individus ayant atteint le stade OPALE choisissent de faire ce qui leur semble juste, ce qui a du sens. Ils sont prêts à accepter l’idée de déplaire ou d’échouer. Ils assument leurs décisions parce qu’elles leur paraissent avoir du sens, et ne sont assujettis à aucune concession qui ne respecte pas l’authenticité de leurs choix. Autrement dit, ceux qui ont franchi ce stade restent fidèles à leurs valeurs.L’individu du stade évolutif OPALE possède une intelligence analytique ouverte qui considère les émotions comme un chemin vers la sagesse : « Pourquoi suis-je en colère, effrayé, ambitieux ou emporté par l’enthousiasme ? Qu’est-ce que cela révèle de moi ou de la situation qui se déroule ? » (p.83).

L’être humain OPALE perçoit l’arrogance qu’il y a à vouloir dominer la nature. Il désire reprendre une position juste et humble dans le monde qui l’entoure. De même il souhaite laisser à l’autre sa juste place et sa liberté d’exister. Le respect et le non-jugement sont des éléments forts du paradigme OPALE.

5. Le paradigme OPALE rapporté à l’entreprise

Dans le paradigme ORANGE, l’entreprise était assimilée à une mécanique bien huilée et efficace à tout prix ; l’entreprise du stade VERT est plutôt symbolisée par la famille, cela se retrouve dans le lexique de ses dirigeants. Dans le paradigme OPALE, l’entreprise est perçue comme un organisme vivant. Leurs dirigeants considèrent que leur entreprise se nourrit de l’énergie collective de ceux qui y travaillent pour l’enrichir en retour.

De même que dans la nature, chaque élément compte, vit et évolue dans un écosystème global en respectant la particularité de chacun. L’entreprise est ainsi constituée d’un ensemble de membres qui évoluent dans une même énergie organique. Par conséquent, soucieux de la préserver, ces membres vivent dans le respect, sont plus soigneux et attentifs afin de protéger leur environnement comme ils protégeraient la nature.

Personne ne veut plus exploiter l’outil jusqu’à l’usure, mais chacun pense à sa préservation. Cette symbolique est très révélatrice : l’entrepreneur ORANGE réfléchissait en technicien à l’optimisation d’une entreprise vécue comme une belle mécanique. L’entrepreneur OPALE, en revanche, est empathique et à l’écoute, respectant le tempo de la vie, prenant en compte chaque être et ses particularités comme il respecterait, attentif et curieux, la diversité de la nature. L’entreprise favorise une motivation intrinsèque sans égale car l’énergie qui y circule est ressentie comme décuplée par l’envie de chacun de participer à ce bel écosystème.

C’est comme dans une forêt où le brin d’herbe est aussi important que l’arbre majestueux pour l’équilibre du tout, sans échelle de valeur, sans jugement. Le même ressenti existe dans l’entreprise OPALE où chacun a une place à tenir, et travaille dans le respect de ses convictions personnelles et de ses valeurs et aussi dans le respect de tous.

6. Premier principe fondateur : l’auto gouvernance

Une hiérarchie de pouvoir devient inutile quand une hiérarchie se met en place spontanément. Confiance, autonomie et transparence font que tous peuvent prendre des décisions. Il ne s’agit pas d’une liberté anarchique mais d’un processus bien pensé. Par exemple, celui qui prend la décision est celui qui est le plus à même de le faire en fonction de la situation. La seule condition à respecter est de solliciter les avis de tous ceux qui sont experts sur le sujet et de tous ceux qui seront impactés par cette décision. Une fois cette prise d’avis effectuée, n’importe quelle personne est en mesure de décider.

L’information circule partout où il le faut sans filtre ni perte, puisqu’il n’y a plus de niveaux hiérarchiques, donc toute personne qui le désire est à même de prendre une décision. Tous les processus sont pensés avec une règle définie dans le respect de tous. Inutile de bâtir des organigrammes, nul besoin de s’attarder dans des réunions infinies, sauf si quelqu’un veut en déclencher une avec les personnes concernées, les groupes de travail sont volontaires, le partage du savoir est général.

Toujours selon cette logique, nul besoin non plus de fiches de poste, car la confiance est inconditionnelle. L’auto gouvernance n’est pas égalitaire : dans la nature un arbre n’est pas l’égal d’un champignon, mais seul le champignon est expert en problèmes de champignons et l’arbre ne s’en mêlera pas.

Il n’est pas non plus question de consensus hypocrite mou car tout est solidement structuré dans le respect des particularités de chacun : projets, achats, résolutions de conflits jusqu’à la rémunération ou le licenciement, etc. Tous les processus ont été pensés pour la pratique d’une auto gouvernance très organisée.

7. Deuxième principe fondateur : l’affirmation de soi

« Inviter notre humanité au travail » (p.211). L’auteur constate que tout le monde fait preuve de dissimulation sur son lieu de travail. En héritage du paradigme ORANGE, les émotions, les intuitions et la spiritualité sont effacées. Chacun doit être lisse et pouvoir cacher son ressenti au point de devenir impersonnel et d’engendrer la froideur.

Dans le modèle OPALE, chacun peut être soi-même et s’exprimer en toute authenticité. Tout le monde est considéré comme efficace car chacun détient un talent. Les egos disparaissent grâce à la fluidité venue de la disparition des organigrammes et aussi grâce au fait que toutes les informations concernant l’activité sont accessibles à tous.

Des règles de conduite sont édictées et des espaces sont aménagés pour créer des zones confortables et sécurisantes où chacun se sent libre et protégé dans des locaux chaleureux.

Les bureaux sont conçus pour offrir une ambiance « vraie » où le rire est autorisé. Les salariés sont invités à se débarrasser du masque professionnel trop sérieux, car le rire collectif est porteur d’énergie créatrice. Par exemple, chez Patagonia, entreprise américaine de prêt-à-porter, un jardin d’enfant est intégré au siège social. Il n’est pas rare que les enfants viennent voir leurs parents pendant le travail. Cela crée des liens différents, plus spontanés. Difficile en effet d’aller s’étriper en réunion après avoir joué ensemble avec un enfant pendant le déjeuner !

Là encore, tout a été pensé en amont pour permettre à chacun d’être soi-même dans son travail. Y compris dans les processus RH, notamment les phases de recrutement, moments où les candidats comme les entreprises sont masqués jusqu’au mensonge. Les premiers ne sont pas reçus par des spécialistes de l’entretien d’embauche mais par leurs futurs collègues qui leur dessineront un tableau bien plus réaliste de l’entreprise.

Du temps est consacré aux discussions informelles, un commercial qui voudrait exprimer ses scrupules liés à la notion de vente serait écouté sans jugement. On y enseigne le parler-vrai. Chacun fait ce qui lui semble juste et ce qui a du sens pour lui

8. Troisième principe fondateur : la raison d’être évolutive

• Capter les signauxLa plupart des entrepreneurs qui ont suivi l’appel vers ce nouveau modèle ne se connaissent pas entre eux et n’ont pu se copier. Cependant, l’auteur constate qu’ils ont tous mis en place les mêmes principes : auto gouvernance, affirmation de soi et raison d’être évolutive. Chacun l’a pensé à sa manière mais en partant du même désir de sens et de valeur. Et la plupart disent que lorsqu’ils suivent ces valeurs, les événements semblent se produire au moment où il y en a besoin. Leurs témoignages confirment le ressenti que leur entreprise est un organisme doté d’une vie autonome et que la direction qu’elle va prendre vient d’elle, suivant un courant naturel et non l’initiative raisonnée de leur dirigeant.

• L’entreprise est un champ d’énergieFréderic Laloux analyse cela comme la synergie venue de la formidable conscience collective liée à ces principes : les salariés se sentent en confiance, sont libres de s’exprimer (sur leur bien-être ou leur mal-être) en toute légitimité, ils sont également libres d’être réellement eux-mêmes alignés avec leurs idées, leurs convictions et leurs choix. De ce fait, émane d’eux une remarquable créativité non bridée par les masques, non limitée au fait de ne montrer qu’un aspect professionnel de leurs talents et de leur personnalité.

Cette créativité collective, libre et authentique, crée une sorte d’onde, de courant, quelque chose d’organique, de vivant. Il n’y a plus qu’à se laisser porter par cette énergie. Le dirigeant considère que la plus grande part de son travail consiste à jouer le rôle d’antenne et de facilitateur. Il propose des groupes de travail ou des réunions autour de ce qui lui est proposé et laisse faire. Ainsi l’entreprise peut prendre une nouvelle orientation parce que cela a du sens par rapport à son expertise, parce que les salariés considèrent que c’est par rapport à leur ressenti… Le rôle du dirigeant est donc tourné vers l’humilité et l’écoute attentive. Un accompagnateur en lieu et place d’un donneur d’ordres.

C’est comme si l’entreprise allait intuitivement dans les bonnes directions. L’énergie collective porte l’inspiration et la créativité. Comme une transcendance de soi, une cause qui dépasse l’individu. On pense autrement, on oublie l’ego, on va vers la sagesse.

9. Conclusion

Nos organisations semblent ne plus correspondre à nos aspirations, signe que les changements proposés par le modèle OPALE nous mènent vers un niveau de conscience inédit et plus élevé. La dernière partie du livre est consacrée aux modalités d’un passage à l’entreprise OPALE destinées aux dirigeants qui souhaiteraient s’orienter vers ce modèle : les questions à se poser, les étapes progressives pour une mise en place la plus douce possible afin de protéger les équipes d’un changement trop abrupt, tous les éléments pour structurer…

Car c’est sans doute par l’entreprise que se mettra en place ce modèle destiné à faire avancer toute la société vers une nouvelle dimension humaine.

10. Zone critique

L’entreprise OPALE est une entreprise libérée, du reste on retrouve dans cette étude plusieurs entreprises étudiées dans ce cadre, comme l’entreprise française de métallurgie FAVI.

Ces entreprises sont réparties partout dans le monde, elles recouvrent les secteurs d’activité les plus variés mais elles ont toutes le même credo : la conscience de travailler d’une manière qui dépasse l’individu pour accomplir quelque chose de plus grand, avec une vision humble d’un être humain intégré à ce monde sans en être le prédateur suprême. C’est peut-être la différence qu’apporte Frédéric Laloux, il élargit le champ de son étude à l’ensemble de la société.

11. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Frédéric Laloux, Reinventing organizations, vers des communautés de travail inspirées, Paris, Diateino, 2019.

Autres pistes– Isaac Getz, Laurent Marbacher, L’entreprise altruiste, Paris, Albin Michel, 2019– Isaac Getz, Brian M. Carney, Liberté & Cie, Quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2016– Jacques Lecomte, Les entreprises humanistes, Paris, Les Arènes, 2016

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