Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Gabriel Dabi-Schwebel
Dans un monde gouverné par le digital où tout évolue et se transforme très vite, une entreprise se doit de progresser et de se développer pour ne pas disparaître. Gabriel Dabi-Schwebel présente ici 14 grands thèmes stratégiques incontournables pour faire grandir une entreprise, la faire sortir du rang et la mener jusqu’à l’hypercroissance. Car la croissance, selon lui, ne se construit pas uniquement via les leviers marketing, mais aussi par les ressources humaines, l’organisation interne de la structure et le développement personnel du dirigeant.
Les quinze dernières années ont été le théâtre d’un réel bouleversement sociétal, économique et technologique, mais aussi au niveau des modes de pensée, de la consommation, du travail et des entreprises – un bouleversement dû à la révolution digitale. Cette profonde mutation, qui est encore en cours, ne s’opère pas sans heurt et doit être abordée d’une manière unique par chaque entreprise.
Ce processus est inexorable et demande aux entreprises de se remettre en question en permanence pour s’adapter au changement, connaître une croissance durable, voire passer en hypercroissance (c’est-à-dire connaître une croissance annuelle de son chiffre d’affaires supérieure à 40 % pendant trois années consécutives).
Le succès d’une entreprise aujourd’hui dépend en grande partie de son dirigeant, et pas uniquement de ses produits ou de son organisation. Sa personnalité est cruciale : pour que l’entreprise connaisse le succès, son dirigeant doit savoir allier humilité et détermination, tout en consacrant son temps et son énergie à cette réussite – un état d’esprit perçu comme paradoxal dans le monde des affaires, mais indispensable dans le domaine du digital. L’objectif est de pouvoir réagir très rapidement aux changements : l’agilité est la qualité première pour une entreprise.
Pour que l’entreprise ait une chance de connaître le succès, son dirigeant doit ainsi avoir conscience des freins à surmonter, et entrer dans une démarche d’amélioration continue, processus relevant du développement personnel, mais qui se généralise dans le monde de l’entrepreneuriat. L’auteur met en lumière plusieurs points de vigilance : savoir s’observer, valoriser l’intelligence émotionnelle, savoir prendre des risques, adopter une démarche d’essai-erreur, mettre de côté son ego, rechercher l’intelligence collective à travers la pluridisciplinarité et la souplesse hiérarchique, trouver et laisser s’exprimer les talents de demain, combattre le perfectionnisme et les croyances limitantes pour sans cesse innover et expérimenter.
Gabriel Dabi-Schwebel insiste sur le fait que le doute et l’incertitude font pleinement partie de la vie d’une entreprise, qui plus est dans le contexte actuel. Ce questionnement ne doit pas pour autant être un frein à la démarche d’expérimentation dont dépend le succès. Il cite ainsi certaines croyances limitantes répandues dans le monde entrepreneurial : par exemple, croire qu’il faut protéger ses idées, que la discrétion est une bonne chose ou au contraire qu’il faut à tout prix imposer son point de vue, croire que l’on doit être prêt pour pouvoir agir, qu’il est productif d’être consensuel, ou encore qu’il faut rechercher la perfection et ne jamais douter.
Il est crucial pour le dirigeant de se libérer de ces croyances en développant une pensée positive (se concentrer sur ce qui fonctionne) et un état d’esprit propice à créer de la valeur. Une culture interne partagée par les membres de l’équipe et alignée avec la vision de l’entreprise peut être un atout non négligeable dans ce processus continu.
Pour survivre lorsqu’on n’est pas un acteur majeur d’un marché donné, il peut être décisif de se positionner sur un secteur encore vierge de concurrence (appelé aussi un « océan bleu ») qui se matérialise par exemple sous la forme d’une niche, ou encore d’une innovation qui permettra à l’entreprise de sortir du rang – sachant qu’innovation ne rime pas forcément avec réussite. Le client doit se trouver au centre de tout le processus, et l’interdisciplinarité au cœur de la démarche de création.
Pour autant, déceler des idées capables de changer les règles du jeu ou de se positionner sur un tout nouveau marché est une chose, mais avoir le courage de les tester sous la forme d’une première version améliorable en cas de succès en est une autre – et c’est précisément l’attitude à adopter dans le contexte digital. Soigner son positionnement est une étape très importante puisqu’en dépendra l’image de l’entreprise et qu’en découlera l’identité de la marque.
Quoi qu’il en soit, il est crucial et indispensable de bien connaître ses clients, de savoir se mettre à leur place pour placer au cœur de sa stratégie marketing les « buyers personas », ces profils de clients-types que l’on aura élaborés et mis à jour avec précision à partir de données concrètes et de retours terrain. Ils seront en effet la cible de tous les processus et messages marketing produits par l’entreprise, qu’ils relèvent de l’outbound marketing (marketing sortant, méthode intrusive basée sur la publicité de masse utilisée exclusivement à partir des années 1960) ou de l’inbound marketing (marketing entrant qui consiste à attirer une audience à soi au moyen de contenus adaptés pour la transformer en clients au terme d’un parcours en plusieurs étapes).
L’inbound marketing repose sur une connaissance précise de la cible et de chaque étape de son parcours d’achat (acquisition, engagement, maturation, conversion, fidélisation), afin de lui délivrer les messages et les contenus appropriés pour nourrir sa réflexion et la mener à l’achat. Cette technique amène l’entreprise à devenir son propre média pour parler de son offre avec sa propre voix et échanger directement avec son audience, se construisant au moyen d’un contenu consistant, qualitatif et cohérent une image d’expert et une identité puissante. Car le positionnement fait l’unicité de la marque et lui permet de démontrer son expertise à chaque étape du cycle d’achat, de la sensibilisation à la validation en passant par l’investigation.
Enfin, des indicateurs de performance doivent être déterminés et suivis avec soin pour améliorer sans cesse les processus. L’inbound marketing demande du temps, de l’investissement et de la cohérence, mais son efficacité n’est plus à prouver, quand bien même se limiter à cette stratégie n’est pas conseillé.
L’inbound marketing, apparu en 2006, s’est construit en opposition à un outbound marketing à bout de souffle et a prospéré au détriment de ces techniques traditionnelles jusqu’à commencer à s’essouffler lui aussi malgré sa grande pertinence, étant utilisé de manière exclusive. Pourtant, les deux techniques peuvent être utilisées en parallèle avec succès si la stratégie est adaptée à l’identité de l’entreprise. L’inbound marketing est une vision à moyen terme et très ciblée, qui ne peut être qu’enrichie par une technique à plus court terme sur une cible plus large : en effet, l’inbound marketing est particulièrement efficace dans un « océan bleu », mais perd de sa puissance lorsque la concurrence s’intensifie. L’entreprise a alors besoin du renfort de l’outbound marketing, qui génère du volume en termes d’audience (même si elle est peu qualifiée), pour conserver sa visibilité.
Plusieurs techniques relevant de l’outbound marketing sont particulièrement intéressantes, que ce soit à utiliser ou à réinventer. Par exemple, les régies publicitaires que sont devenus Google et Facebook, qui permettent de transmettre des publicités à un public extrêmement ciblé, respectant les codes du web (intrusion limitée, suivi de la navigation de l’internaute avec le retargeting…) pour des tarifs transparents, une durée déterminée et des résultats analysés précisément. Autres exemples, le street marketing dont l’efficacité peut être immense s’il est bien conçu ; ou encore la communication par l’objet (livre papier, livre blanc à imprimer) dont le prestige n’est pas écorné par la prévalence du numérique. Quoi qu’il en soit, le challenge est d’être pertinent et créatif pour non seulement toucher sa cible, mais aussi l’activer, l’engager, pour à terme la transformer en clients.
Enfin, les médias traditionnels, même s’ils sont en perte de vitesse depuis l’avènement du numérique, ont toujours une force de frappe importante car certaines des habitudes des consommateurs n’ont pas changé. Ces supports sont toujours gages de mémorisation et de notoriété. Le print peut ainsi avoir encore une force de frappe importante en termes de publicité, malgré le fait que le secteur a connu une profonde mutation : c’est pourquoi il reste indispensable de s’investir dans les relations presse.
Par ailleurs, un profond changement est advenu dans le paysage du digital avec l’arrivée des influenceurs, héritage de la démocratisation des nouvelles technologies et de l’explosion des réseaux sociaux. Les influenceurs sont avant tout des passionnés qui partagent avec leur communauté leur univers et leur expertise. Cette démarche du « bon copain qui donne des conseils » leur confère une réputation, un statut capable de modifier les comportements d’achat de leur audience. Influenceurs, micro-influenceurs ou ambassadeurs, il est intéressant d’explorer de tels partenariats s’ils sont pertinents pour l’entreprise.
Construire une machine à vendre consiste à mettre en place des scénarios pour automatiser le parcours client, ce qui permet de délivrer des messages optimisés, à la bonne personne et au bon moment afin de déclencher des actions concrètes. L’automatisation ne doit évidemment pas être utilisée exclusivement ni remplacer les échanges directs avec l’audience.
L’automatisation compte cinq phases : endoctrinement (sensibilisation aux valeurs de la marque, création d’un échange aux caractéristiques humaines et transmission des premiers contenus à valeur ajoutée), l’engagement (dans l’objectif de vendre, délivrance de séries de contenus à forte valeur ajoutée valorisant les produits et services), l’ascension (augmentation du panier moyen grâce aux ventes additionnelles et service d’accompagnement après-vente), la segmentation (à la suite d’une phase d’engagement, informations ciblées envoyées selon que le processus ait réussi ou échoué) et le réengagement (invitation à se désinscrire ou suppression de lecteurs totalement inactifs).
Autre levier de croissance : miser sur sa force de vente. Le métier de commercial a profondément évolué. Désormais, il est plus spécialisé et pluridisciplinaire. Il est devenu indispensable de former ses équipes aux évolutions générées par le numérique. Ainsi, de nouveaux métiers sont apparus, qui correspondent de près ou de loin aux étapes du parcours client : l’organisation de la vente est davantage segmentée pour remettre le client au centre. Une équipe de commerciaux dédiés à la prospection (Sales Development Representative) peut appuyer la démarche marketing par un travail d’outbound prospecting, comme par exemple le social selling qui consiste à utiliser les réseaux sociaux professionnels pour interagir avec l’audience avant, pendant et après l’achat.
Autres spécialisations métier : l’account executive (prise en charge des opportunités prospects, du premier contact à la livraison), ou encore le customer success manager (garantie de la fidélisation par le biais de la satisfaction client, souvent pour les grands comptes).La fidélisation et la récurrence sont à présent des challenges centraux car si obtenir de nouveaux clients est important, les conserver l’est encore plus, dans un souci de rentabilisation des efforts et des coûts, mais aussi en termes d’image.
De nouvelles formules sont à envisager en complément des produits et services de base, avec en tête de liste l’abonnement qui permet d’obtenir automatiquement des petites sommes régulières de la part de clients extrêmement fidèles, ou encore la mise en place de plusieurs niveaux d’offres pour toucher une clientèle plus large, mais moins premium. Ce changement de modèle doit pouvoir s’opérer dès qu’une évolution du marché se profile afin de rester compétitif, mais aussi s’accompagner d’une formation des équipes pour en maximiser l’impact.
Pour prévoir les évolutions inéluctables du marché, il convient d’’être en permanence en phase de pré-recrutement. En effet, se constituer une bibliothèque de talents est indispensable pour pouvoir répondre aux besoins de l’entreprise de manière réactive. Au moment du recrutement, la fiche de poste devra être rédigée avec le plus grand soin pour cibler les profils les plus pertinents – cette étape n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît et il n’est pas forcément évident de déterminer ses nouveaux besoins, surtout dans un domaine où chaque erreur peut se payer très cher.
Passé le premier contact, il semble évident que le parcours de recrutement classique n’est pas le plus adapté pour des entreprises évoluant dans un écosystème aussi évolutif et rapide que le digital. Ainsi, il est possible de mettre en place son propre processus dans le but de sélectionner le plus précisément et le en amont possible les profils ad hoc : pré-entretien à distance, analyse préalable du parcours et des références, test grandeur nature…
Les valeurs et qualités indispensables pour réussir en équipe sont les mêmes que pour le dirigeant, et seront accordées à l’identité de l’entreprise : le respect (clients, partenaires, collègues, entreprise), la rigueur et la fiabilité, la passion, le sens des responsabilités, l’esprit d’initiative. Il est possible de prévoir des questions dédiées à poser aux candidats retenus pour l’entretien en réel. Ne jamais cesser d’apprendre et de se perfectionner est indispensable pour que les équipes contribuent à faire perdurer la croissance de l’entreprise : ainsi le dirigeant devra prendre soin d’investir dans un plan de formation continue à destination de ses collaborateurs.
Responsabiliser ses équipes est également primordial. Cela passe le plus souvent par le mode d’organisation interne de l’entreprise. Aucun modèle n’étant meilleur en soi qu’un autre, il convient de s’adapter aux techniques existantes tant en termes d’organisation que de management pour répondre aux spécificités de la structure. Le système pyramidal (en échelons) semble de plus en plus obsolète dans le monde digital car il induit une grande pesanteur dans les échanges, de la lenteur dans la prise de décision, mais aussi une anesthésie de la créativité et de la prise d’initiative.
Ici aussi, pour ne pas sombrer dans l’immobilisme, ce modèle doit se renouveler en permanence. Il est possible de prendre exemple sur d’autres dispositifs, tels que le système matriciel (organisation par grandes unités de fonctions, hiérarchie plus horizontale) ou l’holacratie (organisation où chaque unité est composée de rôles détenant un ou plusieurs domaines). Quoi qu’il en soit, le dirigeant ne doit pas hésiter à mettre en place des tests pour ne conserver que le meilleur de chaque modèle, en accord avec la vision, le positionnement et la mission uniques de l’entreprise.
Gabriel Dabi-Schwebel défend ici une vision très pragmatique de l’entrepreneuriat, et propose dans cet ouvrage de faire coexister bonnes pratiques et idées originales pour stimuler la créativité et l’adaptabilité des entreprises du digital. L’objectif : créer, tester, améliorer et faire grandir pour mener l’entreprise à l’hypercroissance. Pour y parvenir, il met en avant six points : une offre différenciante et unique, un caractère aisément réplicable des produits et services, une marque solide, une culture d’entreprise adaptée, la passion et le leadership, la confiance et la capacité de déléguer.
Ce grand bond en avant, qui prend parfois plusieurs années, est un moment clé dans la vie d’une entreprise car il s’agit d’une profonde mutation qui est le fruit de plusieurs années d’un parcours jalonné de réussites, d’échecs d’apprentissages. Ainsi, l’hypercroissance n’est pas une fin en soi, au contraire elle signe le début d’un autre chapitre dans l’histoire d’une entreprise et d’une équipe.
Cet ouvrage dédié aux professionnels passe en revue de très nombreux sujets, ce qui peut lui donner à la lecture un aspect « catalogue », toutefois il a le mérite de présenter une vision globale des possibilités à envisager, et de transmettre une bonne compréhension de l’écosystème numérique, de ses acteurs, de ses spécificités, de ses outils et de ses enjeux. L’idée principale, la nécessité de l’amélioration continue, est solidement défendue et démontrée : il est nécessaire de savoir se remettre en question, de maîtriser le contexte, de se former, de se perfectionner, de travailler en équipe, de s’adapter, d’utiliser la multidisciplinarité, de découvrir de nouveaux outils et savoir-faire, pour rester compétitif dans le monde digital.
Malgré des passages au fortes qualités pédagogiques, il s’agit davantage d’un ouvrage généraliste que d’une feuille de route pratique. C’est pourquoi il sera nécessaire d’étudier plus précisément chaque élément avant de le mettre efficacement en application. Pour autant, ce n’est pas non plus un ouvrage pour les grands débutants car il n’hésite pas à utiliser un jargon spécialisé. Enfin, on regrettera que la promotion de l’agence 1min30 soit si présente au fil de la lecture et parfois peu subtile.
Ouvrage recensé– Croître ou mourir, il faut choisir ! 14 étapes pour sortir du rang et passer en hypercroissance, 1min30 Publishing, 2018.
Autres pistes– W. Chan Kim, Stratégie Océan bleu – Comment créer de nouveaux espaces stratégiques, Pearson (2e éd.), Coll. Village mondial, 2015.– Michael E. Gerber, E-Myth – Le Mythe de l’entrepreneur revisité : Pourquoi la plupart des petites entreprises échouent et que faire pour réussir, Éditions LEDUC.S, coll. Alisio, 2017.– Seth Godin, La Vache pourpre – Rendez votre marque, vos produits, votre entreprise remarquables, Maxima Laurent du Mesnil, 2011.– Chet Holmes, La Prodigieuse Machine à vendre – Les 12 clés pour augmenter la performance de vos équipes et de votre entreprise, Zen Business Éditions, 2019.– Stéphane Truphème, L’Inbound Marketing – Attirer, conquérir et enchanter le client à l’ère du digital, Dunod, Coll. Marketing/Communication, 2016.