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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

La Voie de la non-violence

de Gandhi

récension rédigée parAxel KliouaAvocat, docteur en science politique/droit (Lyon 3).

Synopsis

Développement personnel

De prime abord, la violence semble inhérente à l’humain dans sa relation avec ses semblables. Effectivement, par orgueil, par haine ou amour, et par intérêt, les hommes se violentent jusqu’à s’entretuer depuis la nuit des temps : qu’il soit question de l’espèce humaine envisagée au temps de l’état de nature et de sa dimension primitive, ou qu’il s’agisse de celle qui, civilisée, acte encore en ce sens au XXIe siècle. Pourtant, d’après un sage dénommé Gandhi, seule la voie de la non-violence permet d’atteindre à l’équilibre et à l’harmonie avec soi-même et avec les autres.

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1. Introduction

Gandhi est issu d’une famille aisée de la troisième caste hindoue – historiquement commerçante – laquelle s’interdisait de consommer de la viande.

Ce végétarisme et cette exigence d’abstinence marquèrent très profondément la pensée et les actions du futur homme politique qui se voulait un « homme de Dieu ».

Parallèlement à cette influence familiale pétrie de tradition religieuse indienne, Gandhi fut envoyé en Angleterre pour étudier le droit, d’où il revint avec un diplôme d’avocat. Ceci contribua à renforcer sa vision du monde universelle. Car comme il le dit lui-même bien des années après, il se considérait comme « le serviteur des musulmans, des chrétiens, des parsis et des juifs, tout autant que des hindous ».

D’abord avocat à Bombay, il prit le parti de se rendre en Afrique du Sud en 1893 ; pays où, au fil des vingt et un ans qu’il y passa, il se fit le défenseur des Indiens qui, comme les Noirs, se trouvaient outrageusement discriminés par la politique d’apartheid des Blancs. À partir de là, un aspect de son existence devint d’une clarté sans équivoque : la nécessité de devoir lutter, partout et en tout temps, contre toute forme d’injustice par le biais d’une philosophie de la résistance non-violente.

Influençant notablement le futur Nelson Mandela, Gandhi s’est donc fait le chantre d’une non-violence active (« ahimsa »), laquelle, dans les faits, s’est traduite par plusieurs démonstrations pacifistes et par des actions de désobéissance civile. En Afrique du Sud comme en Inde, cette posture lui valut plusieurs procès et plusieurs séjours en prison. Revenu dans son pays natal en 1914, il en vint alors au choix de s’imposer une discipline rigoureuse en toutes matières terrestres et profanes. En parallèle, il s’adonna à la prière et à la méditation avec ferveur et humilité. Le tout, conjointement à sa détermination à mener une vigoureuse campagne de décolonisation pacifique vis-à-vis de l’occupant britannique. Ce faisant, Gandhi s’est s’efforcé de porter le principe universel de la non-violence. Son but ? L’étendre du plan individuel au plan social et politique, persuadé que c’était là était le seul moyen de résoudre tous les problèmes d’ordre personnel, familial, national, international, et – plus généralement – relationnel quels qu’ils soient.

2. La foi et Dieu aux racines de la non-violence

La profondeur du rapport entre la foi et Dieu constitue le fondement de la pensée et de l’action de Gandhi.

Comme il l’écrit, « le but que je m’efforce d’atteindre, coûte que coûte, depuis une trentaine d’années, répond au mot de moksha » ; autrement dit, au détachement de tout lien terrestre et – pour l’Indien qu’il est et qui a foi en la réincarnation – à l’affranchissement du cycle des renaissances.

Plus que tout, ce qui lui semble capital a trait à « l’accomplissement de soi, et la vision de Dieu face à face ». En ce sens, il précise que c’est à cette fin qu’il dirige sa vie et sa conduite, ses paroles et ses écrits, et tout ce qu’il entreprend dans le domaine politique.

De là, la certitude et le principe selon lequel « il n’existe d’autre Dieu que la Vérité » : « Telle est la conviction que l’ensemble de mon expérience n’a cessé de confirmer ».

Cet enseignement, sans doute le doit-il à son expérience en Afrique du Sud, ainsi qu’à ce temps et à ces efforts consacrés à la défense des droits de ses compatriotes ; efforts parmi lesquels la création du Congrès Indien du Natal, s’opposant au projet de loi visant à exclure les Indiens du droit de vote.

Car de cette expérience, il en retire peu à peu la découverte des « différentes exigences qu’implique le respect de la Vérité » ; Vérité qu’il compare à « un arbre immense » qui « donne d’autant plus de fruits qu’on en prend soin » ; Vérité qu’il voit « à l’image d’une mine où plus on creuse en profondeur, plus précieux sont les diamants qu’on y découvre ».

D’où, au cœur de cette attitude de non-violence active, le fait qu’il soit « remarquable que plus on explore la Vérité, plus nombreux et variés sont les services qu’elle nous fait assumer ». Et c’est en cela qu’il en vient à résumer que « la seule vertu » qu’il veuille revendiquer soit « la Vérité et la non-violence », source et conséquence incontournables de la foi en Dieu et de l’amour éprouvé en faveur du prochain.

3. La non-violence ou la force de l’amour et de l’humilité

La non-violence (« ahimsa ») se définit négativement par le rejet et par la condamnation de toute forme de violence (« himsa »).

En vertu d’une perspective et d’une acception plus positives et plus actives sur le plan du comportement à adopter, il est question de « la force de l’amour ». Celle-ci découle naturellement de l’amour éprouvé pour Dieu et pour la Vérité. Comme l’écrit Gandhi, « pour ne jamais s’égarer sur cette voie de la non-violence, il faut constamment s’en remettre à Dieu, être toujours prêt à faire abnégation de soi et avoir la plus grande humilité ». Or, assure-t-il, « tant qu’un homme ne se met pas, de son plein gré, à la dernière place, il n’est pas de salut pour lui » ; la non-violence se situant « à l’extrême limite de l’humilité ».

En cela, Gandhi admet volontiers s’être « pris d’amitié pour la Bible et la pensée de ses disciples ». Il n’hésite nullement à s’en référer à l’enseignement – par l’action – du Christ, qu’il considère comme « un grand maître spirituel ». Mais pour lui, malgré « l’exemple infaillible » qu’il a représenté en rachetant « les péchés de ceux qui acceptèrent son enseignement », Jésus a échoué en ce que son « exemple resta lettre morte pour ceux qui ne se mirent jamais en peine de changer de vie ».

D’où, au niveau pratique, son exhortation à ne jamais perdre de vue la distinction qui existe entre l’homme et ses actes, rappelant par là le précepte selon lequel : « Tu dois haïr le péché, mais non le pécheur ».

Dans cette optique, selon lui, il faut effectivement – et selon le cas – toujours « respecter ou plaindre l’auteur » dudit acte, puisque s’en prendre à lui « reviendrait à vouloir se prendre soi-même pour cible ». Pourquoi ? « Car c’est le même pinceau qui nous a tous dessinés. Nous sommes les enfants d’un seul et même Créateur ; et à ce titre, nous avons en nous des forces divines qui sont infinies ». Or « maltraiter ne serait-ce qu’un seul être humain, c’est porter atteinte à ces forces divines, et nuire, de ce fait, aux autres hommes », – et à soi-même .

C’est dans cet ordre d’idées que, d’une part, Gandhi fit savoir qu’il n’entrait pas dans sa vision du monde personnelle de poursuivre ses assaillants – pourtant identifiés – après qu’il eût été agressé en Afrique du Sud en 1896. D’autre part, pour ce qui était de la question de la colonisation anglaise et de ses méfaits, il estima que ce qui était en cause « était bien moins le système britannique que certains fonctionnaires pris individuellement ». Hommes à propos desquels, selon lui, rien n’empêcherait de les convertir « par la seule force de l’amour ».

4. Un cheminement intérieur et personnel contre la haine

Soucieux de réussir à satisfaire « aux exigences de la morale universelle », Gandhi explique avoir commencé à identifier la Vérité lorsqu’il cherchait Dieu, puis avoir rencontré la non-violence tandis qu’il était parti à la découverte de la Vérité. Or, dans la mesure où il lui apparaît manifeste que « la Vérité ne doit être sacrifiée à rien d’autre » et que « Dieu seul connaît le cœur d’un homme », selon lui, « le plus sûr est d’adorer non pas un être humain, même après sa mort, mais la perfection qui n’existe qu’en Dieu, reconnu comme Vérité ».

Dans la vision de Gandhi, c’est l’enchaînement suivant qui s’opère : tout part de Dieu et revient à Dieu, avec, au cœur du processus, les notions de vérité et de non-violence. De là, Gandhi pointe le sentiment de haine comme le mal absolu contre lequel tout un chacun se doit de lutter de toutes ses forces.

Certes, il n’en demeure pas moins conscient que « ce n’est pas par la contrainte qu’une personne ou une société peut devenir non-violente ». Pour autant, après un long travail intérieur patiemment mené sur soi, la force de l’amour et de la non-violence – puisée au creuset de Dieu et de la Vérité confondus – peuvent avoir définitivement raison de toute forme de haine. Ainsi qu’il l’assure, « depuis plus de quarante ans, grâce à la prière et à la suite d’un long travail sur moi-même, je n’ai plus jamais haï personne » ; désormais, se surprend-il à constater, « je me considère comme incapable de haïr qui que ce soit ».

Pour autant, dans le même temps, Gandhi avertit que ce travail sur soi ne saurait prendre fin ni n’être jamais considéré comme accompli ou définitivement acquis. De sa propre et longue expérience, il explique combien cette œuvre quotidiennement et scrupuleusement observée avec la plus grande humilité lui rappelle constamment à quel point il ne saurait être question de prétendre à un quelconque « pouvoir surhumain ». Au contraire – martèle-t-il pour repousser toute idolâtrie de sa personne et notamment la notion de « grande âme » (« Mahatma ») qui lui a été accolée –, il n’a de repos de s’en défendre : « Je suis de chair et de sang comme le plus petit de mes semblables, faible et faillible comme tout autre homme ».

Au final, il en déduit que ce travail sur soi mené contre la haine en faveur du triomphe de la non-violence est aussi grand et infini que Dieu et que sa Vérité peuvent l’être. Il le résume ainsi : « Celui qui est immergé en Dieu s’en remet à Lui sans se soucier des échecs ou des succès ; il Lui offre tout ». Et « quand j’arriverai à ne plus commettre le moindre mal et que je me serai débarrassé de toute pensée hautaine ou dure si fugitive soit-elle, alors, mais alors seulement, les cœurs les plus endurcis seront ébranlés par ma non-violence ». Mais « comme je n’ai pas encore atteint cet état, j’en déduis que mes efforts sont insuffisants ».

5. La non-violence comme communion avec Dieu

Pour Gandhi, atteindre à la non-violence et à la force de l’amour passe par une recherche de communion avec Dieu et ses desseins, tout impénétrables et insondables qu’ils demeurent .

Pour autant, choisir d’écouter le bon sens qui baigne dans la voie du bien est chose faisable, et réfréner ses instincts permet d’entrapercevoir cette fameuse voie, laquelle requiert de parvenir à un stade de contrôle de soi et de contrôle sur soi.

C’est ainsi que dans la continuité de sa posture et de son régime végétariens hérités du milieu familial, il en vient à préconiser une véritable ascèse à observer à plusieurs niveaux.

En premier lieu, consommer de la viande animale est d’une violence et d’une brutalité absolument incompatibles avec la voie de la non-violence. De là, le végétarisme est une étape nécessaire pour parvenir à un degré de « parfaite harmonie avec la nature ». Mieux, « diminuer en qualité et en quantité son régime alimentaire est aussi nécessaire que contrôler ses pensées et tenir sa langue, si on veut vivre dans cette crainte de Dieu qui nous conduira un jour à Le voir face à face ». D’où, pour se contrôler et soumettre son esprit à une certaine discipline, une volonté consciente et affichée de renoncer aux « plaisirs de la table » et de régulièrement s’astreindre à des périodes de jeûne. Et pour cause, Gandhi est convaincu que la nourriture affecte nécessairement l’âme, qu’il faut donc « non pas manger pour le plaisir du palais », mais simplement « pour garder au corps toute sa vigueur ».

En second lieu, parallèlement à la prière et à la méditation qu’il invite à apprendre à pratiquer sans la moindre idée de contrainte, Gandhi en vient progressivement au vœu de continence. Il considère en effet que « le couple conscient de ses devoirs n’aura jamais de rapports sexuels pour le seul plaisir charnel, mais uniquement pour répondre au désir d’avoir un enfant ». Or « la population du globe n’augmentera de façon harmonieuse que si l’homme maîtrise son instinct génésique », et « le sort de notre planète en dépend ».

Enfin, Gandhi estime que « pour rester intègre et fidèle à la Vérité », il lui faut « renoncer à toute richesse » et se « défaire de toute possession ». D’où son seul et strict attachement au « culte du rouet », cet instrument destiné au filage de la laine qu’il a voulu libérateur du peuple indien colonisé et dépendant : « Le culte du rouet consiste à s’en servir pour gagner sa vie ou en manière de sacrifice conduisant à l’autonomie » ; dimension qui lui est si chère dans la perspective de l’indépendance économique et politique de son peuple.

6. Conclusion

Au fil de son existence, Gandhi n’a cessé de tâcher de faire coïncider sa pensée avec ses actions. Comme il n’a cessé de le répéter, l’adéquation entre ce qui est pensé et ce qui est fait est fondamentale. C’est en ce sens qu’il écrivait : « Pour moi, la non-violence ne se ramène pas à un simple principe philosophique. Elle règle toute ma vie. Elle en est le souffle ».

Joignant le geste à la parole, son subtil apport pourrait donc se résumer comme suit, désireux de contribuer à la voie de la neutralisation de la haine au profit d’une non-violence active paisiblement triomphante : « J’ai en horreur le régime que les Britanniques ont établi en Inde. Je hais la manière impitoyable dont on exploite l’Inde, et du fond de mon cœur, je trouve non moins haïssable la manière dont sont traités les intouchables, système infâme dont se sont rendus responsables des millions d’Hindous. Mais je n’ai aucune haine pour les Anglais qui nous oppriment, ni pour les Hindous qui sont sans pitié pour leurs frères. Je cherche à les réformer à l’aide de tous les moyens que l’amour met à ma disposition ».

7. Zone critique

Gandhi est mort assassiné par un compatriote fanatique. L’ironie de l’histoire pourrait donc vouloir signifier que son message de paix et d’amour était aussi vain et aussi utopique que celui que plusieurs prophètes – avérés ou autoproclamés – s’étaient efforcés d’instiller avant lui.

Pour autant, les évolutions historiques mondiales jusqu’à aujourd’hui étant ce qu’elles sont, non moins violentes qu’auparavant, peut-être faudrait-il retenir combien son invitation personnelle et universelle à la non-violence demeure au contraire d’une brûlante actualité et d’une fiévreuse nécessité incontournable quant à la survie collective de l’humanité.

À cet égard, c’est ce qu’avait parfaitement compris le psychologue américain Marshall B. Rosenberg, initiateur du processus de « communication non violente », décédé en 2015. Ouvertement inspiré de Gandhi et de ses enseignements, Rosenberg a effectivement tâché d’exposer et de promouvoir ce qu’il appelait aussi le « langage du cœur ». En ce sens, il était intimement persuadé que la paix entre les hommes dépendait aussi – et peut-être surtout – de la façon dont un individu s’adresse à un autre. Et pour cause – avançait-il dans la foulée de Gandhi –, « les jugements que nous portons sur les autres sont l’expression tragique de nos besoins non satisfaits ».

8. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– La voie de la non-violence, Paris, Gallimard, 2013.

Du même auteur– Autobiographie ou mes expériences de vérité, Paris, PUF, 9ème Edition, 2012.– Mon chemin de paix, Paris, J’ai lu, 2018.

Ouvrages sur Gandhi– Robert Deliège, Gandhi : sa vie et sa pensée, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 2008.– Manuel Cervera-Marzal, Gandhi. Politique de la non-violence, Paris, Michalon, 2014.

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