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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Le Syndrome de l’autruche

de George Marshall

récension rédigée parEstelle Deniaud BoüetDocteure en pharmacie (Université de Nantes).

Synopsis

Science et environnement

Alors que la communauté scientifique est désormais largement consensuelle sur ce sujet, une proportion non négligeable de la population continue de nier l’existence du changement climatique et de ses conséquences. Dans cet ouvrage, George Marshall, militant écologiste de longue date, s’interroge sur les causes possibles de ce déni individuel et collectif. Il explore toutes les pistes capables d’expliquer le refus et la véhémence des climato-sceptiques, face à ce qui apparaît de plus en plus comme une évidence scientifique. Ce livre n’aborde pas les conséquences du changement climatique, ni les actions et mesures à entreprendre, mais nous renvoie à nous-mêmes et aux autres, sur notre position face à cette question hautement d’actualité.

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1. Introduction

Plutôt que d’interpeller une énième fois l’opinion sur la gravité de la situation climatique actuelle et sur les mesures à entreprendre pour tenter d’en minimiser les conséquences, cet ouvrage s’articule autour d’une question centrale : quelles sont les raisons, individuelles et collectives, qui nous poussent à ne pas croire dans la catastrophe annoncée autour du changement climatique ?

Successivement, l’auteur a rencontré des sociologues, des psychologues, des scientifiques, des climatologues, des militants écologistes, des climato-sceptiques, des politiciens… dans le but de comprendre quels sont les freins à la compréhension et à la prise de conscience du dérèglement climatique actuel. Il finit par en dégager quelques principes fondamentaux, pour mieux communiquer autour de cette question et ainsi œuvrer pour que les choses changent.

2. L’opposition au changement climatique, un refus ou un déni ?

Alors que le dérèglement climatique planétaire est étayé par une accumulation croissante de preuves scientifiques, le climato-scepticisme et le climato-négationnisme continuent de faire des émules. L’auteur s’interroge sur les origines profondes de ce refus de voir une vérité qui semble de plus en plus criante. Et ce phénomène touche toutes les sphères de la société, des citoyens jusqu’aux dirigeants.

Il semble surprenant qu’à chaque nouvelle catastrophe naturelle (incendie, ouragan, cyclone, séisme…), les victimes soient incapables d’établir un lien entre la situation qu’elles viennent de vivre et les conséquences du changement climatique. Elles préfèrent le plus souvent considérer ces événements comme le signe d’un cycle naturel ou comme une simple coïncidence. Refus, déni, fatalisme, quel terme définit le mieux la réaction de ces victimes à ce qui apparaît pourtant comme la manifestation la plus spectaculaire du désordre écologique que nous sommes en train de vivre ?

La position des victimes peut s’expliquer par une réaction de défense face au danger. Refuser ou nier le lien possible entre la catastrophe naturelle et le changement climatique leur permet simplement de reprendre le cours de leur vie et de continuer à vivre au même endroit. Ces réactions sont rendues possibles par le fait qu’aucun scientifique ne peut irrévocablement relier un événement climatique au phénomène du réchauffement.

Pour l’auteur, les événements météorologiques extrêmes, dont la fréquence augmente, doivent au contraire être considérés comme autant de moments de proximité spatiale et temporelle avec le dérèglement climatique. Ils permettent de mieux cerner la gravité de la situation et d’en mesurer l’impact sur notre vie quotidienne.

En pratique, nombreuses sont les raisons qui expliquent la popularité du climato-scepticisme. Des raisons individuelles, comme une incapacité de notre cerveau à appréhender un tel phénomène, et des raisons collectives, à l’image du rejet de notre responsabilité commune dans le changement climatique. Il est nécessaire de contourner ces obstacles, de parvenir à mobiliser tous les êtres humains, pour qu’une action commune puisse être envisagée.

3. Le dérèglement du climat n’est pas une question politique

Les opposants à la thèse du réchauffement climatique mettent régulièrement en avant la reprise politique de ce sujet écologique. Pour les politiciens climato-sceptiques, le dérèglement climatique ne serait qu’une invention, destinée à mieux contrôler les populations et à priver les citoyens de leurs libertés individuelles. Ils ramènent ainsi le débat sur le climat à une question politique, à un vieux clivage entre le socialisme et le capitalisme. Les « verts » ou les écologistes sont considérés comme des personnes corrompues et/ou des extrémistes politiques, qui déformeraient les données scientifiques pour parvenir à leurs fins.

Dans certains pays, et en particulier aux USA, le débat autour du changement climatique met souvent en scène un scientifique climatologue, peu habitué au débat public, et un politicien ou un expert en communication, rôdé à la manipulation des mots et des opinions. À titre d’exemple, le mot carbone, au départ totalement neutre, est aujourd’hui affublé d’une connotation négative, largement reprise. Une partie de la population cherche ainsi des informations fiables sur le climat et peinent à démêler le vrai du faux. Il devient difficile de trouver une information sûre, non détournée à des fins politiques.

Les conférences internationales sur le climat, qui font à chaque fois grand bruit depuis les années 1990, sont l’occasion pour les politiques de prononcer de belles paroles, généralement non suivies des faits. Les mesures promises sont constamment remises à des dates ultérieures, dans l’attente de trouver un éventuel consensus entre l’ensemble des états.

« Les négociations sur le climat en sont sans cesse à leurs débuts ou, pour reprendre l’expression préférée des politiciens, “préparent le terrain” du drame à venir » (p. 267). Alors que la communauté internationale est parvenue à résoudre des problèmes environnementaux, comme le trou de la couche d’ozone, la question du changement climatique se montre beaucoup plus complexe, notamment par son ampleur. De plus, les gouvernements jouent souvent un double jeu. Ils investissent du temps, des finances et de l’énergie pour des plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et en même temps, ils financent des plans destinés à augmenter la production, au travers de la prospection et de l’exploitation de nouvelles énergies fossiles.

4. Le changement climatique nous menace ici et maintenant

Les climato-sceptiques renvoient facilement la question du dérèglement climatique à plus tard, comme si la menace ne concernait que les générations futures. Cet argument permet de percevoir le changement climatique comme un phénomène lointain, distant et incertain. Pourtant, les terribles catastrophes naturelles de ces dernières années sont autant d’exemples qui montrent la gravité de la situation, dès aujourd’hui, et pas seulement à l’horizon 2050 ou 2100. Étonnamment, peu de gens se sentent réellement capables d’envisager l’avenir. « Selon une enquête menée auprès de 500 préadolescents américains, la moitié d’entre eux estiment que le monde est en chute libre et un tiers pensent qu’il n’existera plus lorsqu’ils seront adultes » (pp. 338-339).

Pourquoi reléguer le problème du changement climatique à plus tard ? L’auteur suggère que ce comportement permet de minimiser notre responsabilité commune et de nous placer en position de victimes. Parler du changement climatique revient pour certains à admettre que nous sommes tous collectivement responsables (et sans doute coupables). Pourtant, la gestion des ressources environnementales implique forcément des notions d’équité et d’éthique, envers nos contemporains, mais aussi envers les générations futures. Le cerveau humain ne serait pas adapté pour appréhender et gérer un phénomène qui s’étend sur plusieurs générations. Notre capacité à traiter un tel problème serait très limitée et il serait nécessaire de le subdiviser pour le comprendre et l’analyser. Les messages sur le changement climatique doivent par exemple mobiliser nos deux cerveaux : le cerveau rationnel sur les aspects scientifiques et le cerveau émotionnel, plus difficile à mobiliser sur un tel sujet. Si notre cerveau rationnel est capable d’admettre l’existence du problème, la question échappe à notre cerveau émotionnel. Cette situation explique la position de tous ceux qui se placent en position d’attente, incertains sur l’existence même du réchauffement climatique.

Comprendre et admettre la gravité de la situation ne suffit pas, il faut également saisir l’éminence du danger qui plane sur la planète et l’humanité. Alors que la population est capable de se mobiliser contre les antennes-relais téléphoniques, elle semble rester immobile et muette face au problème climatique, pourtant beaucoup plus dangereux. À nouveau, la communication sur le changement climatique est en cause, car les politiques ont tendance à décrire le problème sous l’angle des générations futures.

Or l’homme ne sait pas instinctivement se prémunir d’un danger futur, qui ne surviendra qu’après sa disparition. L’anticipation est pourtant capitale pour minimiser les conséquences possibles du changement climatique. « Nous le rendons suffisamment actuel pour accepter le fait qu’il faut prendre des mesures, mais aussi suffisamment lointain pour que le passage à l’action ne soit pas urgent » (p. 115).

5. Un duel fratricide entre militants écologistes et climato-négationnistes ?

On aurait tort de réduire le débat sur le changement climatique à un positionnement manichéen : être pour ou contre. Cet ouvrage n’a pas vocation à montrer du doigt ceux qui ne croient pas au changement climatique, ni même à les convaincre. L’objectif est ici de comprendre pourquoi et comment les climato-sceptiques parviennent à la conclusion que le dérèglement climatique n’existe pas. La question clé est donc : « Choisirons-nous collectivement d’accepter ou de rejeter ce que nous dit la science ? » (p. 27).

Entre militants écologistes et climato-négationnistes, chacun se range dans l’un ou l’autre des deux camps, comme pour s’identifier à un groupe ou répondre à une norme sociale. Toute nuance au sein de l’un des deux groupes semble ainsi gommée. Et les climato-sceptiques font tout leur possible pour diaboliser les climatologues. Mais quel serait l’intérêt de ces scientifiques à noircir le tableau du climat ?

L’un des sujets de controverse entre les pros et les antis changement climatique réside dans les incertitudes des rapports scientifiques. Toute démarche scientifique, toute publication, toute étude fournit des résultats et des conclusions, assorties de probabilités statistiques et donc de risques d’erreur et d’incertitudes. Mais le terme incertitude est largement repris par les climato-sceptiques pour entretenir le doute sur la question du dérèglement climatique. Pour eux, « 1% de chances d’un attentat terroriste suffit à prendre des mesures, mais 90 % de chances d’un bouleversement climatique majeur n’est pas suffisant » (p. 131). La climatologie n’est pas une science exacte, il est donc impossible d’être sûr à 100 %, mais ce constat ne doit pas nous empêcher d’intégrer le changement climatique et d’agir contre un danger commun.

L’armée américaine considère d’ailleurs le changement climatique comme une menace pour la sécurité nationale. Pour autant, différents experts scientifiques, sociologues ou psychologues, estiment que seul un système contraint de sanctions et de récompenses permettrait de mener des actions collectives pour le climat. Le problème majeur réside sans doute dans le fait qu’agir pour le climat implique de modifier nos habitudes de vie et notre société en profondeur. Sur le plan évolutif, une telle démarche est très difficile à accepter. « Si nous n’acceptons pas le changement climatique, c’est parce que nous cherchons à éviter l’angoisse qu’il génère et les transformations profondes nécessaires pour y faire face » (p. 374).

6. L’urgence de communiquer autrement sur le climat

Nombreuses et multiples sont les explications capables d’éclairer, sinon de justifier, le climato-scepticisme et l’immobilisme actuel face au problème climatique. Pourtant, l’auteur considère qu’une prise de conscience individuelle et collective reste possible et permettrait de mettre le monde en action pour le climat. Tout est d’abord une question de communication.

« Les ours polaires sont le symbole universel du changement climatique » (p. 227), utilisés maintes fois dans les campagnes et les documentaires sur le dérèglement climatique. Mais le changement climatique ne concerne pas que l’Arctique et l’image de l’ours polaire contribue à éloigner, spatialement et temporellement, le problème. Les personnes qui communiquent sur le changement climatique ont également leur importance.

À titre d’exemple, le personnage d’Al Gore, central aux USA sur la question climatique, est très largement critiqué par les climato-sceptiques. Son image ambivalente dans les médias américains pourrait en partie expliquer que la question du changement climatique soit largement boudée. De nouveaux messagers, de nouveaux moyens de communication, de nouvelles représentations sont indispensables pour mieux faire passer le message auprès de la population.

Face à l’ampleur du problème, nous n’avons pourtant pas d’autre choix que d’affronter notre déni, d’admettre notre responsabilité et de passer à l’action dès maintenant. Le climat n’a pas de frontière et le problème ne se cantonne pas à un pays ou à un autre. Tous les hommes doivent unir leurs efforts pour combattre un ennemi commun. La coopération est la seule issue. Certes, les mesures à prendre auront un coût, aussi bien en termes financiers qu’en confort de vie, mais elles sont nécessaires « pour éviter des pertes plus grandes encore à long terme. L’apparence insurmontable et la multivalence du dérèglement climatique ne peuvent suffire à nous cantonner dans le refus et l’inaction.

7. Conclusion

À la lecture de cet ouvrage, il n’apparaît pas une, mais de multiples raisons, qui permettent de comprendre le refus ou le déni des climato-sceptiques, ainsi que l’immobilisme des populations et des gouvernements. Et ces raisons ont des origines très variées, faisant du dérèglement climatique certainement l’enjeu de communication le plus complexe que l’humanité ait eu à traiter jusqu’alors.

Pourtant, en connaissant mieux les obstacles qui font face à notre compréhension du problème, il semble possible de trouver le chemin permettant à tous, à l’échelle individuelle et collective, de prendre conscience de la catastrophe imminente et de la nécessité suprême de tout mettre en œuvre pour en limiter les conséquences aujourd’hui, demain et pour les générations futures.

8. Zone critique

La question climatique constitue sans aucun doute le plus grand débat scientifique, politique et culturel des dernières décennies. S’opposent encore et toujours les climato-sceptiques, parfois les climato-négationnistes, aux climatologues, experts scientifiques et militants écologistes.

Si de plus en plus de preuves scientifiques attestent de l’urgence climatique, si un nombre croissant de personnalités de tous horizons se mobilisent et font entendre leur voix pour relayer la situation de la planète, il n’en demeure pas moins que scientifiques, politiciens et décideurs continuent fermement d’attaquer les rapports du GIEC et de considérer les catastrophes climatiques comme des faits exceptionnels et indépendants. La solution de ce débat semble ne se trouver que dans le futur, dans l’évolution du climat dans les années et les décennies à venir et dans les conséquences directes et indirectes du réchauffement climatique sur la Terre, l’humanité et la biodiversité.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Le syndrome de l’autruche, Pourquoi notre cerveau veut ignorer le changement climatique, Arles, Éditions Actes Sud, 2017.

Autres pistes– Stephen H. Schneider, Global warming: are we entering the greenhouse century?, San Francisco, Sierra Club Books, 1989.– Jean-Marc Jancovici, Dormez tranquilles jusqu’en 2100: Et autres malentendus sur le climat et l’énergie, Paris, Éditions Odile Jacob, 2015. – Stefan Aykut et Amy Dahan, Gouverner le climat ? : Vingt ans de négociations internationales, Paris, Éditions les Presses de Sciences Po, 2015.– Olivier Postel-Vinay, La comédie du climat, Paris, Éditions JC Lattès, 2015.

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