Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Haïm Ginott
Écrit par le psychologue de renom Haïm Ginott, ce livre expose, en termes simples et concrets, comment élever les enfants, de la naissance à l’adolescence, en associant empathie et discipline. Il introduit de nouvelles techniques de communication, révolutionnant la façon dont les parents parlent à leurs enfants et les écoutent. Le texte, dont la première édition date de 1965, a été révisé par l’épouse de l’auteur, également psychologue. Cet indispensable manuel montre aux parents comment dénouer d’innombrables nœuds du quotidien.
« Les poissons nagent, les oiseaux volent et les personnes ressentent » est l’un des crédos d’Haïm Ginott. Selon lui, il nous faut apprendre à décoder les émotions de nos enfants, sans y ajouter jugement, morale, comparaison ou critique. Mais aussi à mieux communiquer avec eux, notamment en reflétant leurs émotions. C’est ainsi que se nouera un lien de confiance mutuel qui aidera les enfants à trouver plus facilement des ressources intérieures pour faire face à leurs difficultés.
Toutefois, bienveillance ne rime pas avec laxisme ou démission : si tous les sentiments sont légitimes, tous les comportements ne sont pas acceptables. L’autorité appartient aux adultes.
Ce livre aborde des situations aussi concrètes que diverses : apprentissage de la propreté, jalousie entre fratries, conflits familiaux, problématiques adolescentes… Sur chaque sujet, on navigue entre l’accent mis sur les méthodes éducatives inutiles ou néfastes et sur les pratiques qui font tilt.
L’éducation à la responsabilité peut commencer très tôt dans la vie de l’enfant. On la nourrit en lui permettant d’avoir son mot à dire dans les questions qui le concernent. On ne peut pas imposer la responsabilité : elle ne peut croître que de l’intérieur, alimentée par des valeurs dont on reconnaît l’importance à la maison et dans l’entourage. Il est important de confier aux enfants des tâches précises correspondant à leurs différents niveaux de maturité et de leur fournir des occasions de régler leurs problèmes par eux-mêmes.
Quelques exemples. Pour transformer les rencontres parents-professeurs en expériences constructives pour tous, Haïm Ginott suggère de se concentrer sur l’aide à apporter à l’enfant, en traduisant en action positive tout commentaire négatif à son propos. Face à l’observation du professeur : « Les cahiers sont peu soignés », rapporter à l’enfant : « Tu as besoin de mieux soigner tes cahiers » et se concentrer sur les améliorations plutôt que sur les erreurs passées. Côté amis, il est préférable d’étudier les préférences de l’enfant avant de tenter d’interférer dans ses choix. Un enfant sent le besoin de fréquenter des personnalités complémentaires de la sienne. Objectif à atteindre : encourager des relations susceptibles de corriger certains traits de caractère.
À l’inverse, on peut essayer de ne pas appuyer certaines camaraderies qui renforcent l’enfant dans l’un de ses traits négatifs.
Pour Haïm Ginott, « Manger relève clairement du champ de responsabilité de l’enfant » (p. 109). Il ne faut donc pas le forcer à avaler tel ou tel aliment. Même chose pour les vêtements : dès l’âge de six ans, un enfant devrait pouvoir choisir parmi une gamme d’habits d’un style et d’un prix qui convient aux parents. Concernant les devoirs, leur responsabilité incombe uniquement à l’enfant et à son enseignant. Ne pas harceler l’enfant, ne pas superviser ni vérifier le travail scolaire, sauf sur son invitation expresse. Fournir uniquement un soutien bienveillant d’arrière-plan. L’argent de poche, lui, est un outil éducatif visant à apprendre à faire des choix. La somme doit correspondre au budget parental et ne pas dépasser la capacité de l’enfant à la gérer. Moyennant quoi, il ne faut pas en contrôler étroitement l’usage et ne jamais l’utiliser comme épée de Damoclès.
Haïm Ginott présente une série de scénarios voués à l’échec. Faire la morale ou critiquer ne crée que distance et rancœur. Les attaques verbales déclenchent des réactions en chaîne qui affligent parents et enfant. Les menaces sont une invitation à mal se conduire : elles sont perçues par l’enfant comme un défi lancé à son autonomie.
Le « Si tu… alors » (le fait de dire à l’enfant que s’il fait ou ne fait pas quelques chose, il recevra une récompense) ne l’inspire que rarement à fournir des efforts continus, car la formule laisse entendre que l’on met en doute sa capacité à progresser. Promettre des récompenses comme monnaie d’échange peut également vite mener au marchandage et à la surenchère. Les promesses, quant à elles, impliquent que la parole parentale n’est pas digne de confiance. Elles créent aussi de faux espoirs chez l’enfant, car il existe des contretemps (par exemple, une mauvaise météo qui s’oppose à une sortie). Même inefficacité pour ce qui est du sarcasme, qui invite à une contre-attaque et incite l’enfant à ruminer des désirs de vengeance.
L’essentiel de la discipline consiste à trouver des solutions de remplacement efficaces à la punition, laquelle entraîne sentiments de détestation et désir de vengeance, sans dissuader l’enfant de recommencer. À court terme, la fessée soulage la tension refoulée du parent et fait obéir l’enfant. Mais frapper l’enfant lui donne la permission de répliquer et nuit au développement de sa conscience. Le psychologue distingue la permissivité– positive selon lui car consistant à accepter l’infantilité naturelle de l’enfant – de l’ultra permissivité, qui est le fait de permettre des actes indésirables.
Une approche plus efficace consiste à permettre à l’enfant d’exprimer ce qu’il ressent, tout en limitant et en orientant ses actes indésirables. L’auteur distingue trois niveaux de discipline : ce qui est encouragé ; ce qui est permis ; ce qui est défendu. On accepte plus volontiers les limites qui donnent la fonction d’un objet. Exemple : « La vaisselle n’est pas faite pour être lancée, les oreillers le sont ». Si on doit formuler une interdiction, s’efforcer de proposer une solution alternative : « Je ne peux pas t’acheter ce jouet, mais tu peux avoir un ballon ou une glace. » Ou accorder quelque chose par l’imaginaire (« Si tu avais des dizaines de gâteaux, lesquels mangerais-tu en premier ? »).
La bienveillance d’un parent sert de premier secours émotionnel pour les sentiments douloureux. L’arrivée d’un nouveau bébé amène inévitablement jalousie et douleur. Certains enfants expriment leur jalousie et leur angoisse par des cauchemars, d’autres en régressant ou en somatisant.
D’autres deviennent destructeurs. Les parents doivent aider le petit à ouvrir la porte à leurs sentiments. Lui annoncer les choses simplement : « On va avoir un nouveau bébé dans la famille », et ne pas hésiter à lui décrire, avec des mots simples, les joies, mais aussi les contraintes que va occasionner le nouveau venu. Et en rappelant à l’enfant qu’il peut venir leur parler de ses sentiments. Une fois le bébé arrivé, ne pas le laisser s’attaquer physiquement à lui. Lui donner des dérivatifs à sa violence (poupée à battre ou marqueur, pour faire des « dessins méchants »).
Autre source d’anxiété : celle liée à la mésentente des parents. Lorsque ceux-ci se querellent, les enfants se sentent anxieux et coupables, à tort ou à raison. Les parents ne doivent pas se disputer l’affection de leurs enfants, sous peine que ceux-ci grandissent dans les conflits de loyauté et l’ambivalence. Par ailleurs, si on doit, pour une raison ou pour une autre, se séparer quelque temps de son enfant, celui-ci supportera beaucoup mieux le stress de la séparation si on le prépare à l’avance à cette expérience.
Haïm Ginott aborde, enfin, l’anxiété liée à la mort. Pour les enfants, celle-ci est une énigme voilée de mystère, car ils ne peuvent pas comprendre son caractère définitif. D’où leur choc lorsqu’ils se rendent compte que le pouvoir magique de leurs souhaits est futile face à la disparition d’un être aimé, humain ou animal. Si l’on ne dit pas à l’enfant ce qui s’est passé, c’est très anxiogène pour lui, d’autant plus que cette anxiété n’a pas de nom. Il doit être libre de ressentir et d’exprimer de la tristesse face à la perte d’un être cher, mais aussi sa peur. Les parents doivent aider l’enfant, de manière bienveillante, à mettre des mots sur ses ressentis.
Les parents en bonne santé émotionnelle ont des paroles en accord avec leurs émotions, à condition de ne pas attaquer la personnalité ou le caractère de l’enfant. Par ailleurs, les enfants veulent entendre une réaction authentique de la part de leurs parents. En pleine crise de colère, si l’enfant hurle : « Tu ne m’aimes pas ! », mieux veut lui répondre : « Ce n’est pas le moment de parler d’amour, alors que tu m’as mis en colère » plutôt que de lui hurler en retour : « Mais si, je t’aime ! ».
Le schéma habituel du conflit : quand les enfants ne se sentent pas à la hauteur d’une situation, ils se mettent en colère et reportent la responsabilité sur les autres. Cela irrite leurs parents, qui à leur tour rendent leurs enfants coupables et finissent par dire des choses qu’ils regretteront plus tard. Il est souvent préférable de réagir non pas à l’événement, mais à l’impact émotionnel suscité chez l’enfant par ce dernier. Les enfants sont toujours réconfortés de découvrir que leurs sentiments font pleinement partie de l’expérience humaine. Quand un enfant exprime une opinion négative de lui-même (« Je suis laid », « Je suis idiot »…), il ne sert à rien de démentir et de protester. Pour lui apporter de l’aide, mieux vaut lui montrer qu’on comprend ce qu’il ressent, mais aussi les répercussions spécifiques de cette émotion : « Si tu te sens stupide, tu dois avoir peur d’échouer, de mal faire, du regard des autres » etc.
Haïm Ginott préconise de s’intéresser à ce que l’enfant pense et ressent, en observant ses comportements. Puis de réagir en évitant les questions, qui expriment de la curiosité, au profit des déclarations, qui expriment de la compassion : « Il t’est arrivé quelque chose de déplaisant » ; « J’ai l’impression que tu as eu une journée difficile »… Dans tous les cas, seule la conduite peut être condamnée ou louée : les sentiments ne peuvent et ne doivent pas l’être.
Haïm Ginott aborde une série de casse-têtes du quotidien, pour les résoudre dans la bienveillance et l’écoute. Pour contrer le mensonge, ne pas poser de questions du type : « Où est ton nouveau camion ? », alors qu’on sait que l’enfant l’a cassé et l’a caché par crainte de se faire gronder. Plutôt dire : « Je vois que ton nouveau camion a été cassé. »
Face à un enfant qui ment, ne pas faire montre d’une réaction hystérique ou moralisatrice, mais réagir aux faits avec réalisme, afin qu’il apprenne qu’il n’a pas besoin de nous mentir. Concernant le vol, lui dire, calmement mais fermement : « Ce jouet ne t’appartient pas, il faut le rapporter ». S’il a chipé de l’argent, lui demander de le rendre, sans argumenter ni exiger d’aveu. Il est toujours préférable d’éviter de traiter l’enfant de menteur ou de lui prédire un avenir de délinquant et de rester ouvert à la discussion.
Pour ce qui est de la politesse et des bonnes manières, on les acquiert en s’identifiant à des parents courtois et fermes. Dans cette logique, ne pas gronder l’enfant en public, mais profiter de visites chez des proches pour lui faire la démonstration de la politesse. « Les subtilités du savoir-vivre ne s’apprennent pas à coups de marteau », résume Haïm Ginott (p. 91) L’auteur consacre aussi un chapitre à la « tyrannie des emplois du temps » : on presse sans cesse les enfants, ce qui a pour effet de diminuer encore leur dynamisme. Mieux vaut leur laisser des limites de temps réalistes et les faire relever le défi d’être à l’heure, en leur disant, par exemple : « Ton ami sera là dans 15 minutes. » En règle générale, miser sur le pragmatisme. Prévoir à l’enfant des vêtements pratiques, adaptés à son besoin de bouger, et ne pas le gronder s’il revient sale.
Le psychologue consacre, enfin, un long développement sur l’approche de la sexualité par l’enfant, puis par l’adolescent. Il incombe aux parents de prendre garde à ne pas communiquer au tout-petit le dégoût de son corps, notamment via ses excréments. Ils ne doivent pas donner trop d’informations et trop tôt, mais utiliser des mots clairs et précis, sans recourir aux plantes (la « petite graine ») ou aux animaux (les cigognes). La masturbation fait naturellement partie de l’expérimentation sexuelle d’un enfant : lui rappeler seulement que l’activité se pratique en privé, sans réagir de façon exagérée ni lui faire honte. En règle générale, lors des échanges sur la sexualité, affirmer des valeurs, comme l’honnêteté, le respect ou la responsabilité.
L'approche de Haïm Ginott englobe, à elle seule, toutes les facettes de la communication positive : ne jamais nier ni ignorer le sentiment de l'enfant ; critiquer le comportement comme inacceptable, pas la personne de l'enfant ; dépersonnaliser des interactions négatives en mentionnant le problème, en utilisant le mot « je » : « Je vois une chambre désordonnée » ; attacher des règles à des choses. Par exemple : « les petites sœurs ne sont pas là pour être tapées » ; la dépendance crée de l'hostilité ; laisser les enfants faire ce qu'ils peuvent faire eux-mêmes, selon leur âge ; les enfants doivent apprendre à faire des choix, dans la limite de leur possibilité et de la sécurité (« Préfères-tu mettre le pull bleu ou le rouge ? ») ; limiter la critique à un événement spécifique, immédiat ; ne pas utiliser des termes généralisant tels que « toujours » ou « jamais » ; ne pas utiliser des mots que l'on n'aimerait pas entendre de la bouche de l'enfant.
Autant de règles simples qui, au fil du temps, devraient contribuer à tisser un climat familial apaisé, et des relations parents-enfants améliorées et renforcées.
Ce livre a aidé des millions de parents, mais aussi de professionnels de l’éducation à travers le monde, à consolider leurs relations avec les enfants et adolescents. Une approche novatrice qui a influencé une génération entière d’experts dans le domaine de l’éducation positive : Adele Faber et Elaine Mazlish au premier chef, qui se sont directement inspirées d’Haïm Ginott pour développer le concept d’écoute active dans leurs livres et dans leurs ateliers. Mais aussi Thomas Gordon ou Fitzhugh Dodson aux États-Unis, ou encore Isabelle Filliozat en France.
L’ouvrage se lit facilement et de nombreux exemples concrets illustrent les sujets abordés. Bien que daté d’une bonne cinquantaine d’années, il n’a pas pris une ride. Les thèses développées par Haïm Ginott sont aujourd’hui validées par les plus grands neuroscientifiques et psychologues. On peut toutefois regretter une certaine rapidité dans le traitement de certaines thématiques, qui gagneront à être approfondies par la lecture d’ouvrages plus ciblés.
Ouvrage recensé
– Entre parent et enfant, Saint-Maur-des-Fossés, L’Atelier des Parents, 2013.
Du même auteur
– Entre parent et adolescent, Saint-Maur-des-Fossés, L’Atelier des Parents, 2015.
Autres pistes
– Adele Faber, Elaine Mazlich, Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent, Cap-Pelé, éditions du Phare, 2012– Catherine Gueguen, « Pour une enfance heureuse : repenser l'éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau », Paris, Pocket, 2015.– Isabelle Filliozat, Au cœur des émotions de l'enfant, Paris, Marabout, 2019.– Marshall Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), Paris, La Découverte, 2016.– Thomas Gordon, Éduquer sans punir. Apprendre l’autodiscipline aux enfants, Paris, Marabout, 2013.