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Manager – L’essentiel

de Henry Mintzberg

récension rédigée parGéraldine Rousseau

Synopsis

Économie et entrepreneuriat

Dans Manager, Henry Mintzberg part des managers et s’adresse aux managers. Son propos repose sur l’observation approfondie de leur travail réel, dans toute sa variété. Quant à son objectif, il ne consiste pas à délivrer des recettes prêtes à appliquer, mais à accompagner les managers pour les aider à comprendre et améliorer eux-mêmes leurs pratiques.

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1. Introduction

Pour sa thèse en management, à la fin des années 1960, Henry Mintzberg avait suivi 5 managers durant une semaine chacun. Quarante ans plus tard, il se propose de reprendre l’exercice. Il suit alors 29 managers, de niveaux hiérarchiques et de secteurs variés, dans plusieurs pays, pendant une journée chacun.

Le sous-titre qu’il a choisi explicite bien son but : « Ce que font vraiment les managers... et ce qu’ils pourraient faire mieux ». Mintzberg veut rendre compte du management tel qu’il se pratique concrètement, de manière qualitative. Il ne s’agit pas d’en tirer de grandes conclusions généralistes, mais d’aider les managers à réfléchir sur leur travail. Mintzberg reprend là la démarche mise en œuvre dans le cadre de ses séminaires managériaux.

Mintzberg nous fournit évidemment quelques points de repère sur les grandes composantes de management. Cependant, l’essentiel de l’ouvrage consiste à démontrer son extrême diversité, et ses effets. Sur cette base, Mintzberg fait l’éloge du manager imparfait, à la recherche permanente de l’équilibre, et appelle de ses vœux un management plus simple.

2. Une approche très globale du management

Le management n’est ni une profession ni une science, mais une pratique. Il n’est pas non plus synonyme de contrôle ou de leadership, même si le terme vient du vieux français « mesnager »(tenir les rênes). Une grande partie de la littérature l’y cantonne, mais pour Mintzberg, le leadership n’est que la manifestation d’un management réussi.

Enfin, contrairement à l’image légendaire qui leur est associée, les managers ne sont le plus souvent pas des planificateurs réfléchis et systématiques, travaillant dans l’ordre et la maîtrise, avec une vision globale et à long terme. Dans les faits, la pratique managériale s’avère infiniment plus diverse, complexe et paradoxale.

Partant donc de tout ce que le management n’est pas, Mintzberg a établi un schéma simplifié des activités du manager, sur la base de ses quelques invariants.

Les éléments de base du management sont :

– la structuration (fixer le contexte de travail) ;– le planning (donner vie à cette structure) ;– la communication ;– le contrôle.

Le manager fait partie intégrante d’une organisation. Il a un rôle d’interface avec l’extérieur. Il se trouve en contact avec les autres managers de l’entreprise, des clients, fournisseurs, associations, agences gouvernementales, etc. Il doit représenter son unité, communiquer, persuader, négocier ; mais aussi transmettre à son unité des éléments extérieurs.

Cependant, la mission première du manager s’opère au sein de son unité. Il doit garantir qu’elle remplisse sa fonction fondamentale, et il le fait avec plus ou moins de recul, selon trois types de management :

– Management par l’information : le manager traite les informations de façon à inciter les collaborateurs à agir (par la fixation d’objectifs, la délégation, l’affectation de ressources, etc.). – Management par les personnes : le manager se place comme un facilitateur pour ses collaborateurs. Il cherche avant tout à les convaincre, les encourager et à faire ressortir le potentiel de chacun. Il les fait coopérer, en résolvant les éventuels conflits. Il crée et renforce la culture d’entreprise. – Management par l’action : le manager s’implique dans les projets qu’il juge importants, ceux où il peut faire une différence, ou dans les moments de crise. Certains y voient du micromanagement ; Mintzberg argue qu’il garde ainsi le contact avec le terrain.

L’auteur semble donc nous indiquer que le management peut être cerné, c’est-à-dire compris et délimité. Malgré ce cadre, l’exercice du management s’avère infiniment divers.

3. Autant de managements que de managers

L’observation des managers dans leur travail quotidien conduit Mintzberg à conclure qu’aucune variable ne peut expliquer, de façon individuelle et dominante, les différences d’efficacité entre eux – ni le secteur, ni l’activité, ni la fonction de l’unité dans l’organisation, ni la taille ou l’âge de l’organisation, ni la position du manager dans la hiérarchie.

Deux managers d’une même entreprise seront confrontés à des problématiques très différentes ; alors que le manager d’une ONG et celui d’un commissariat devront, à un moment donné de leur carrière, affronter le même type de dilemme.

La seule variable influente serait la forme de l’organisation (entrepreneuriale, automatisée, professionnelle, par projet, missionnaire ou politique). Elle détermine le niveau d’action du manager, son orientation vers l’intérieur ou l’extérieur de l’organisation, ou encore son rapport à ses équipes.

Quant au style de management, il découle avant tout de la personnalité du manager, son histoire personnelle, sa formation, son expérience. Trois éléments permettent de le définir : – Le dynamisme du manager (capacité à utiliser la marge de manœuvre dont il dispose) ;– Son positionnement par rapport à son équipe (au sommet, au centre ou partout) ;– Son approche (artistique et intuitive, artisanale et mobilisatrice ou scientifique et réfléchie).

Mintzberg tempère toutefois l’importance accordée au style managérial dans la littérature spécialisée : il ne joue que dans la façon d’aborder le travail, et non dans son contenu et ses résultats.

De manière générale, le manager doit s’adapter à son poste, mais aussi adapter son poste. Tout comme il n’existe pas de « bon mari » ou de « bonne épouse », mais uniquement de « bons couples », il n’existe pas de manager professionnel, capable de travailler dans n’importe quelle organisation et sur n’importe quelle mission. L’efficacité d’un manager ne peut être évaluée que sur son poste actuel.

Mintzberg considère en outre que le management ne se limite pas aux managers. Le développement du travail intellectuel conduit en effet à confier un nombre croissant de décisions à des non-managers. Cela ne signifie pas qu’il est possible de se passer de managers, mais qu’il existe plusieurs intensités de management.

4. Le management du chaos

Mintzberg s’applique aussi à déconstruire le mythe des managers comme des êtres réfléchis, organisés et visionnaires.

Dans la réalité, ils travaillent selon un rythme effréné. Ainsi, chacune des activités d’un contremaître dans une journée dure en moyenne 48 secondes ; et la moitié des activités d’un cadre dirigeant durent moins de 9 minutes.En effet, leurs journées sont marquées par des imprévus et par des interruptions incessantes. Leur travail s’en trouve très fragmenté. Ce phénomène est en partie subi par les managers, mais aussi en partie recherché par eux : ils apprécient la diversité, ne souhaitent pas s’ennuyer, mais surtout craignent de manquer une information s’ils ne restent pas en alerte.

L’information constitue le cœur du métier des managers. Pourtant, contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’essentiel de l’information qu’ils collectent, transmettent et produisent n’est pas « dure » mais « molle ».

Autrement dit, les managers préfèrent la communication informelle (téléphone, discussions, réunions), l’information orale, voire même les ragots, aux rapports et aux tableurs nettement compilés. Ils lisent dans le ton d’une voix ou une expression du visage infiniment plus d’informations que dans quelques indicateurs.

En effet, les données dites « dures » présentent des limites : elles ne contiennent aucun élément explicatif de ce qu’elles décrivent, et restent incapables de traduire certaines dimensions qualitatives pourtant essentielles. Par ailleurs, le temps de leur collecte et de leur compilation les rend nécessairement décalées, là où le manager doit anticiper au maximum. Mintzberg estime que 60 % à 90 % du travail managérial se fait verbalement.

De la même manière, le manager ne passe pas l’essentiel de son temps à réfléchir et concevoir les grandes orientations de son unité, d’une façon détachée et objective. Il est fortement orienté vers l’action, notamment les affaires courantes. C’est dans ce contexte que sa réflexion a lieu, et non lors de grands séminaires coupés de la réalité.

À cet égard, Mintzberg adresse une critique vive à la notion de planification stratégique, selon lui illusoire. Dans les faits, l’action suscite la réflexion autant que la réflexion suscite l’action. Des initiatives émergent sans avoir toujours été conçues formellement ou de façon approfondie, puis certaines prennent racine et se muent en stratégies.

C’est aussi par ce biais que Mintzberg résout l’un des grands paradoxes de la pratique managériale, celui de la superficialité.

5. Le management des paradoxes

En effet, dans ce contexte à la fois extrêmement varié et étonnamment brouillon, le manager doit évoluer dans un ensemble de paradoxes.

Celui de la superficialité consiste à trouver le temps d’approfondir un sujet malgré un rythme de travail effréné. De façon ponctuelle, un manager peut se permettre de fermer la porte de son bureau pour réfléchir seul un moment, ou recourir à un consultant. Le plus souvent, cependant, les managers prennent l’habitude de réfléchir tout en agissant.

Un autre paradoxe concerne les relations : comment rester informé alors que le management se trouve éloigné de l’objet du travail ? Comment garder le contact avec ses équipes et l’ensemble de l’organisation, alors que des organigrammes en silos ou en dalles isolent les différents niveaux hiérarchiques et fonctions ? Sur ce point, Mintzberg trace plusieurs pistes : partager le management avec les non-managers ; faire descendre les managers le plus possible sur le terrain ; et s’appuyer davantage sur les managers intermédiaires.

Le fait que le manager se repose essentiellement sur des informations « molles » et orales pose également un paradoxe de délégation. Le manager devrait déléguer davantage, mais il lui faudrait alors passer un temps considérable à transmettre toutes les informations utiles, stockées de façon non formalisée dans son cerveau. Son seul choix consiste donc à perdre plus de temps à les transmettre qu’il n’en gagnerait à les déléguer ; ou déléguer sans transmettre, donc se condamner à de mauvais résultat.Mintzberg incite donc les managers à prendre l’habitude de partager régulièrement avec leur équipe directe et leurs adjoints. Le risque de dévoiler, à cette occasion, des informations confidentielles s’avère bien moindre que celui de perdre ces éléments.

Les managers doivent aussi composer avec le double de l’ordre : les organisations ont besoin d’ordre, mais elles sont bousculées en permanence – et doivent l’être, pour fonctionner dans un monde en constante évolution. Le manager a pour rôle de leur faire tenir le cap, et ce alors que son propre travail est très déstructuré.

S’ajoutent à tout cela divers autres paradoxes : poursuivre des objectifs contradictoires, voire opposés ; faire montre d’une grande confiance en soi tout en restant modeste et humble ; savoir quand il convient d’attendre et quand il convient d’agir ; engager son unité sur des certitudes, tout en maintenant une dose de flexibilité.

Tous ces paradoxes peuvent être allégés et réconciliés, mais jamais éliminés ni résolus. Il convient de composer avec.

6. Un management en recherche permanente d’équilibre

Dans ce contexte, le manager selon Mintzberg n’est certainement pas un élégant chef d’orchestre dirigeant ses instrumentistes du bout de sa baguette, comme il a souvent été décrit.

Il est plutôt un équilibriste, maîtrisant tant bien que mal les situations en dépit des contraintes et utilisant au mieux les marges de manœuvre dont il dispose. Il évolue dans un chaos calculé et un désordre contrôlé.

Le manager ne doit pas se perdre dans l’action, mais il doit malgré tout garder le contact avec la réalité du travail. Il ne doit pas s’enivrer de son leadership, mais doit maintenir une certaine autorité. Il ne doit opter pour une approche ni totalement scientifique (au risque de devenir un calculateur froid), ni totalement artisanale (au risque de rendre sa mobilisation pénible), ni totalement artistique (au risque de verser dans le narcissisme), mais en permanence mêler ces trois dimensions.L’équilibre que prône Mintzberg n’est pas statique, mais dynamique. Il s’agit d’un effort de balance sans cesse renouvelé, d’une oscillation constante. Cet équilibre s’avère quasi impossible à théoriser ou apprendre. Il se vit, dans le contexte, et s’apprend par l’expérience.

Enfin, Mintzberg en appelle à un management plus naturel. Selon lui, nous avons besoin de coordination et d’orientations, mais peut-être d’une façon plus simple qu’actuellement. Il invite avant tout à concevoir des organisations qui ne requièrent pas l’intervention de superhéros pour fonctionner, mais seulement celle d’êtres humains ordinaires.

7. Un management nécessairement imparfait

Mintzberg fait également l’éloge du manager imparfait – le seul qui existe en réalité.

Il s’amuse d’abord à lister toutes les qualités requises de la part d’un manager, avant de conclure avec ironie : « Si vous avez les 52 qualités énumérées ici, vous êtes forcément un manager efficace. Mais vous n’êtes pas un être humain » (p 115).

Son argument est simple : les managers ne sont pas des superhéros. Ils possèdent donc des qualités et des défauts. Et le monde a réussi à fonctionner jusqu’à présent avec ces managers imparfaits. Il s’agit là d’un autre point crucial dans la vision de Mintzberg : il n’existe pas de manager professionnel, efficace à n’importe quel poste et dans n’importe quelle organisation.

S’il n’existe pas de manager professionnel, et si tous les managers sont par définition imparfaits, comment est-il possible de construire une politique de ressources humaines pour ces postes si particuliers ?

Il convient avant tout de choisir un manager autant pour ses défauts que pour ses qualités. Il faut aussi s’assurer que le poste proposé est tenable. S’il est vrai qu’un manager n’est pas capable d’occuper tout type de poste, il existe en revanche des postes qui tiendront en échec tous les managers.

Pour Mintzberg, le management ne peut pas s’apprendre de façon théorique, mais seulement sur le tas. Il s’avère particulièrement acerbe contre tous les programmes génériques de formation des managers, en particulier les MBA et la Harvard Business School. Il rappelle d’ailleurs que beaucoup de très grands managers (Alfred Sloan, du Pont de Nemours) étaient des ingénieurs, et non des diplômés d’écoles de commerce. Lui-même propose des formations, mais à destination de managers déjà en exercice. Il s’agit du reste plutôt de séminaires d’échange et de réflexion.

L’objectif est de faire comprendre aux managers que le mythe du management, qu’ils partagent souvent, est faux, et que le chaos contrôlé qu’ils vivent au quotidien est normal. Ils peuvent ensuite, ensemble, donner un sens à leur expérience, dans son contexte précis.

8. Conclusion

En nous montrant le travail des managers pour ce qu’il est réellement, c’est-à-dire désordonné, subjectif et bancal, Mintzberg ne cherche pas à les décrédibiliser, au contraire.

Il répète sans cesse son attachement au management intermédiaire, véritable cheville ouvrière des organisations. Il conteste en outre la critique du micromanagement souvent adressée aux managers : selon lui, au contraire, nous sommes sous-managés et surdirigés, dans une forme de macro-leadership déconnecté de la réalité.Le portrait qu’il dresse des managers vise avant tout à leur faire comprendre que leur pratique, dans sa variété et avec ses imperfections, n’est que le reflet du caractère éminemment humain de leur activité.

Pour cette raison, une nouvelle fois dans cet ouvrage, Mintzberg rejette violemment les notions de planification stratégique et de manager professionnel comme autant de chimères dangereuses.

9. Zone critique

Henry Mintzberg s’est principalement fait un nom dans le domaine de la sociologie des organisations en tant que défenseur de la théorie de la contingence. Son travail, beaucoup plus micro, sur la pratique des managers, s’inscrit pleinement dans ce cadre, puisqu’il y détaille la multitude de variables influant cette pratique. De ce fait même, les typologies qu’il propose, parfois très étalées, s’avèrent quelque peu déroutantes.

On appréciera également l’importance accordée dans son propos au caractère humain, donc imparfait, du management, mais aussi son approche globale. Un rappel salutaire, quand une grande partie de la littérature anglo-saxonne de référence sur le sujet semble aveuglée par l’analyse isolée de quelques points techniques (leadership, planification, etc.).

10. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé

– Manager — L’essentiel, Ce que font vraiment les managers... et ce qu’ils pourraient faire mieux, Paris, Vuibert, coll. « Management », 2014.

Du même auteur

– Grandeur et décadence de la planification stratégique, Paris, Dunod, coll. « Stratégies et management », 2004.– Des managers des vrais ! Pas des MBA. Un regard critique sur le management et son enseignement, Éditions de l’organisation, 2005.

Autres pistes

– Peter F. Drucker, La pratique de la direction des entreprises, Paris, Éditions de l’Organisation, 1957.– Richard E. Farson, Management of the absurd. Paradoxes in leadership, New York, Simon & Schuster, 1996.

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