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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

L’Esprit de la médiation

de Jacqueline Morineau

récension rédigée parClaire Cursoux

Synopsis

Développement personnel

Dans cet ouvrage, Jacqueline Morineau propose une définition de l’art de la médiation. Le médiateur aide à pacifier les situations de conflits, dans un contexte pénal, social ou scolaire. La médiation remplit une fonction essentielle dans notre société : elle offre un espace ritualisé au sein duquel la violence peut d’une part s’exprimer, et d’autre part se transformer.

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1. Introduction

Le mot « médiation » signifie « être au milieu de ». D’origine sumérienne, ce terme possédait une « fonction théologique d’intermédiaire entre Dieu et l’homme ». Dans son emploi moderne, la médiation se définit comme une « entremise destinée à concilier des personnes, des parties. » Le médiateur joue donc le rôle d’intermédiaire entre deux personnes en conflit. Il facilite les échanges entre les individus, en leur donnant successivement la parole, puis en résumant chacun de leurs points de vue, afin de clarifier et d’apaiser la situation. La médiation peut notamment s’appliquer dans un milieu pénal, social ou scolaire.

Jacqueline Morineau établit une comparaison entre la médiation et la tragédie grecque, dont la fonction sociale était de confronter le spectateur à la violence et à la souffrance pour l’amener à les dépasser. En quoi la médiation constitue-t-elle une réponse à la souffrance de l’homme dans nos sociétés modernes ?

2. La médiation dans les conflits

Le médiateur se situe entre deux personnes en conflit. Dans tout conflit apparaît une séparation, isolant chacun des deux individus dans leur propre vécu. La séparation est une expérience fondamentale de l’existence : dès sa naissance, l’être humain est confronté à la séparation avec sa mère. La séparation est également l’une des expériences les plus douloureuses de la vie, et chaque conflit réactualise précisément cette séparation originelle. La médiation aide à transformer les situations de conflit, intrinsèquement liées à la violence. Un conflit naît quand les désirs de deux personnes ne coïncident pas. Dans un couple, si l’un souhaite passer ses vacances à la montagne, et l’autre à la mer, le désir de l’un va l’emporter sur celui de l’autre, établissant ainsi un rapport de force dans la relation. La répétition de cette situation pourra à terme dégrader la relation de couple, dans la mesure où elle se construit sur une posture de rivalité.

Dans les sociétés primitives, la violence est accueillie au sein de l’organisation sociale. C’était notamment la fonction des sacrifices rituels : la mort de la victime, ou du bouc émissaire, permettait d’exorciser le mal. L’immolation de la victime était un moyen de la purifier et de la sacraliser, tout en lui attribuant une fonction cathartique. Le sacrifice rituel a disparu dans nos sociétés modernes. Nous attribuons alors souvent inconsciemment la fonction de bouc émissaire aux personnes de notre entourage : les conflits interpersonnels se construisent ainsi sur le schéma persécuté / persécuteur. Néanmoins, le soutien de la communauté était nécessaire dans les sociétés traditionnelles pour permettre une transmutation purificatrice du bouc émissaire. De même, les Grecs de l’Antiquité assistaient à la représentation de tragédies théâtrales, afin de se libérer de leur propre violence. Les fêtes dionysiaques permettaient également d’accueillir l’excès et le désordre au sein de rites établis par la société. Aujourd’hui, les fêtes sont devenues des manifestations commerciales vides de sens. Or, l’absence de ritualisation dans nos sociétés modernes nous prive de moyens d’expression et de dépassement de la violence. Le désordre continue donc à se perpétuer sous la forme de guerres, d’attentats, ou de crimes commis à un niveau individuel.

Pour comprendre les conflits, il est important d’étudier les différentes formes de violence existantes. Tout d’abord, la violence peut être non dite et contenue : elle n’est pas exprimée à l’autre et demeure intériorisée. La violence émotionnelle est une seconde forme de violence intériorisée. Elle précède la violence verbale et physique, et peut se traduire à travers des gestes ou des paroles : couper la parole à l’autre ou refuser d’établir un dialogue avec lui constituent notamment des actes de violence émotionnelle. Celle-ci représente une forme de harcèlement répétée au quotidien. Lorsque la violence émotionnelle atteint un certain seuil, elle peut se transformer en violence verbale ou physique, appartenant à la catégorie de la violence extériorisée. La violence verbale peut passer par des attaques frontales ou détournées. Toutes ces formes de violence constituent des réponses refoulées ou extériorisées à une souffrance non reconnue et à une difficulté à gérer les conflits. Or, afin de pouvoir résoudre un conflit, il est nécessaire de reconnaître la réalité de la souffrance.

3. Fonctions de la médiation

De même que la symbolique du sacrifice consiste à déplacer la violence sur un bouc émissaire, la médiation permet de réaliser ce même déplacement de la violence sur un être innocent. La médiation joue donc un rôle de régulation sociale.

Dans nos sociétés modernes, la violence et le désordre sont mis de côté, et cela commence par l’éducation de nos enfants. Les contes traditionnels deviennent édulcorés : en ce sens, le loup ne mange plus la grand-mère dans Le Petit Chaperon Rouge. Nous tentons de protéger nos enfants de la violence en l’éliminant, mais cela provoque le résultat inverse, car nous les empêchons dès lors de rencontrer leur propre violence et leurs peurs. Au contraire, la violence ordinaire est commune sur tous nos téléviseurs, mais elle est dénuée de sens.

Ainsi, la médiation a pour fonction de réhabiliter le désordre dans notre société, se manifestant sous la forme du conflit entre deux personnes ou entre deux groupes. La médiation devient une nouvelle forme de rituel en permettant à la souffrance de se dire dans le cadre d’un rite initiatique.

La médiation est une véritable pratique ritualisée, suivant les mêmes étapes que la tragédie Grecque : la theoria, la crisis et la catharsis. La phase de theoria constitue un temps d’écoute réciproque. Dans une situation de conflit, la communication est rompue : cette première phase permet donc à chacun des deux individus d’entendre la version de l’autre. Le médiateur a pour rôle de résumer le point de vue de chaque partie, se rapprochant ainsi du rôle du coryphée et du chœur dans la tragédie, qui reprennent les événements de la pièce de théâtre d’un point de vue extérieur. La deuxième étape, la crisis, correspond au moment de l’action tragique. Cette phase permet l’expression de la souffrance et de la violence. Les médiateurs jouent alors le rôle de « miroirs » en facilitant un questionnement sur la situation, afin de permettre aux deux partis de prendre de la distance par rapport à leur vécu. En instaurant de la distanciation, la médiation ne répond donc pas à la violence par la violence.

Cette deuxième étape apporte une nouvelle perception de la situation, et mène enfin à la phase de catharsis. L’accueil de la souffrance mis en œuvre durant l’étape de crisis permet une purification et une prise de conscience du point de vue de l’autre dans une forme d’altruisme.

4. Les outils du médiateur

Le médiateur possède différents outils pour accompagner des personnes en situation de conflit. Tout d’abord, il utilise la parole. Les mots permettent à la fois d’exprimer et de résoudre les tensions. Le rôle du médiateur est de révéler les non-dits exprimés au cours des échanges. Il devient alors l’intermédiaire entre le mot-dit et le mot non-dit. Prenons l’exemple d’un conflit entre voisins : un voisin a fracturé la porte de son voisin de palier, et la victime réclame le remboursement de sa porte. La fonction du médiateur est d’entendre la demande véritable de la victime : celle de retrouver une bonne relation de voisinage.

Pour remplir ce rôle, le médiateur doit apprendre dans sa formation d’une part à exprimer son propre ressenti, et d’autre part à questionner les autres sur leur ressenti. Afin de devenir réceptifs aux sentiments des autres, il est essentiel de savoir l’être avec soi-même. Le médiateur devient alors capable de passer du niveau des mots à celui du senti. Cette faculté lui permet également de retranscrire de manière juste les paroles des personnes en conflit : les mots prononcés par le médiateur doivent en effet être à la hauteur de la souffrance ressentie.

D’autres outils facilitent le travail du médiateur, parmi lesquels le « miroir ». Il reflète en effet les émotions des individus pour les recevoir. Afin de jouer ce rôle, le médiateur doit apprendre le silence pour pouvoir accueillir la parole des autres. De même, l’humilité est une qualité essentielle du médiateur : celui-ci doit rencontrer les protagonistes sans émettre de jugement, ni projection. En ce sens, il occupe la place du spectateur de tragédie. Plusieurs médiateurs sont généralement nécessaires pour gérer une situation de conflit, car il arrive que l’un d’entre eux puisse se sentir trop impliqué dans une dispute. Cela peut se produire lorsqu’une situation fait particulièrement écho à l’expérience personnelle du médiateur : un conflit entre une mère et son fils peut, par exemple, renvoyer la médiatrice à ses propres conflits avec son fils. Cette situation entraîne une difficulté de distanciation vis-à-vis des protagonistes : c’est pourquoi d’autres médiateurs doivent alors prendre le relais. Ainsi, ils travaillent généralement en équipes de trois.

La médiation remplit une fonction essentielle dans de nombreuses sphères de la société, en particulier au sein de la justice et de l’éducation. La justice a pour but de rétablir l’ordre. La médiation peut être complémentaire à la justice : grâce à elle, les deux partis peuvent trouver une solution au conflit sans nécessairement passer par un juge. La médiation peut alors opérer dans les différentes phases du conflit placé en justice : avant la plainte, après la plainte, après le jugement et pendant l’incarcération. De même, dans la sphère éducative, la médiation peut jouer une fonction importante, en regard de la montée de la violence dans les établissements scolaires. L’école peut être un lieu de violence entre élèves, mais aussi entre élèves et adultes. La médiation offre un espace de parole à ces individus. Les enseignants peuvent dès lors se former à la médiation, mais également les élèves.

5. Conclusion

Jacqueline Morineau propose une définition de la médiation tout en mettant en évidence le rôle essentiel du médiateur au sein de la société contemporaine. Les sociétés primitives trouvaient un espace pour l’expression de la violence dans les sacrifices et dans les fêtes. Dans l’antiquité grecque, la tragédie remplissait cette même fonction. Dans nos sociétés modernes, la médiation constitue donc un espace dans lequel la violence peut s’exprimer et se transformer.

En ce sens, l’ouvrage de Jacqueline Morineau délivre des clés de compréhension des apports fondamentaux de la médiation dans nos sociétés modernes.

6. Zone critique

L’ouvrage de Jacqueline Morineau est fondateur sur la question de la médiation. Sa particularité est d’établir un lien entre la médiation et la tragédie grecque. Ce livre pourrait trouver son prolongement dans les ouvrages portant sur la communication non violente, comme celui de Marshall Rosenberg intitulé Les Mots sont des fenêtres, (ou bien ce sont des murs).

En effet, les médiateurs utilisent des outils s’inspirant de la communication non violente, afin d’aider les personnes en situation de conflit à formuler leurs ressentis. Les techniques de communication non violente, très utiles dans le cadre des relations d’accompagnement, pourraient donc se révéler précieuses pour favoriser la médiation.

7. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Jacqueline Morineau, L’Esprit de la médiation, Toulouse, Érès, « Trajets », 2019.

De la même autrice– Le Médiateur de l’âme : Le Combat d’une vie pour trouver la paix intérieure, Paris, Nouvelle cité, 2008.– La Médiation humaniste : Un autre regard sur l’avenir, Paris, Érès, 2016.

Autre piste– Marshall Rosenberg, Les Mots sont des fenêtres, (ou bien ce sont des murs), Paris, La Découverte, 2016.

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