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La parenthèse libérale

de Jean-Baptiste Noé

récension rédigée parBenoît MichaudÉconomiste, titulaire d'un Master 2 en Économie spécialité Politiques Publiques et Développement de la Toulouse School of Economics.

Synopsis

Histoire

La monarchie de Juillet (1830-1848) fut le régime d’un seul roi, Louis Philippe, qui s’est employé à réconcilier la France avec elle-même, fracturée entre républicains, monarchistes et nostalgiques de l’Empire. En dix-huit ans, il a contribué à transformer la France en s’entourant d’hommes de grande valeur dont la politique inspirée de la pensée d’intellectuels libéraux a permis à la France d’entrer sur le chemin de la modernité et du progrès social. Jean-Baptiste Noé brosse le portrait de ces personnalités politiques, économistes, intellectuels et artistes de la monarchie de Juillet qui ont placé la liberté au-dessus de tout autre principe, et relate les évènements marquants de cette période bouillonnante.

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1. Introduction

En 1830, les trois journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet dites « Trois Glorieuses » provoquent la chute du régime du roi Charles X et portent sur le trône son cousin Louis Philippe, mettant ainsi fin au régime de la Restauration. La monarchie de Juillet, qui va durer dix-huit ans et dont Louis Philippe sera l’unique roi, marque un tournant libéral par rapport au régime conservateur de Charles X. La conception du pouvoir de Louis Philippe est bien plus libérale que celle de son prédécesseur. Il prend pour modèle l’Angleterre, une monarchie parlementaire « où les pouvoirs du roi équilibrent ceux des députés, où la liberté est défendue devant l’égalité, où le progrès économique est certain et la modernité technique en marche ».

Dans une France politiquement fracturée depuis la Révolution, qui a connu près d’une dizaine de régimes politiques depuis 1789, le nouveau roi vise une politique du juste milieu. Il s’entoure d’hommes politiques de grande valeur qui défendent tout à la fois la liberté politique et la liberté économique, « comprenant que les deux vont de pair ». Ainsi, le ministre de l’Instruction publique François Guizot rénove le système éducatif avec pour principe directeur la liberté scolaire. Le libéralisme français connait son heure de gloire durant cette période, avec la pensée d’intellectuels tels qu’Alexis de Tocqueville ou Frédéric Bastiat. L’émergence de ce courant libéral permet l’essor du progrès technique et de la productivité et donc à la France d’entrer sur la voie de la modernisation économique.

2. Louis Philippe et la voie du juste milieu

Les journées révolutionnaires de 1830 provoquent la chute du roi Charles X et portent sur le trône son cousin Louis Philippe. Depuis 1789, la France oscille entre deux désirs contradictoires : « la révolution, mais avec la conservation, ou la conservation avec la révolution » . Fracturé politiquement, entre nostalgiques de l’Empire, monarchistes et républicains, le pays tâtonne pour trouver la bonne formule politique, recherche le bon dosage entre liberté et stabilité. La voie du juste milieu incarnée par Louis Philippe, fidèle aux idées monarchiques mais ouvert aux idées nouvelles, convient au plus grand nombre. Il est intronisé « roi des Français » par la Chambre des députés le 9 août 1830.

Louis Philippe veut se « tenir…également éloigné des excès du pouvoir populaire et des abus du pouvoir royal » . La voie du juste milieu qu’il vise, c’est « l’ordre dans la liberté et le mouvement dans la stabilité » . En monarque éclairé, il s’entoure d’hommes politiques de grande valeur comme François Guizot, Adolphe Tiers, Casimir Perier, Jacques Laffite ou encore le duc de Broglie, qui portent les principes libéraux à leur plus grande expression. Selon Jean-Baptiste Noé, on ne peut être qu’impressionné par la qualité du personnel politique de la monarchie de Juillet.

Louis Philippe a contribué pendant les dix-huit ans de son règne à transformer la France en lui apportant liberté et stabilité. Il dépasse les clivages politiques et permet au pays de se moderniser. En ce sens, Jean-Baptiste Noé fait le rapprochement avec plusieurs présidents de la Ve République, notamment Valery Giscard d’Estaing, dont cette phrase aurait pu être la devise de Louis Philippe : « Je veux servir la cause d’une France libérale et réconciliée » .

En outre, l’auteur trouve plusieurs points communs entre la révolution de 1830 et le parcours d’Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle de 2017 : « renversement de figures établies, volonté de rompre avec un système à bout de souffle, grand rôle des médias et de la presse en faveur d’un candidat, espoir d’un dépassement politique et de l’établissement d’un régime où se retrouvent deux Français sur trois. »

3. François Guizot et la liberté scolaire

François Guizot (1787-1874) est « l’homme de la monarchie de Juillet, la figure intellectuelle, morale et politique qui a marqué l’ensemble de cette période » . Après la chute du roi Charles X, il entre dans le gouvernement du nouveau roi Louis Philippe dont il partage pleinement les vues. Libéral et fidèle à une politique du juste milieu, François Guizot fait merveille au ministère de l’Instruction publique en réussissant à concilier liberté scolaire et intervention utile de l’État. Il doit à ce titre être considéré comme « l’un des grands rénovateurs de l’école en France ».

Texte majeur de la monarchie de Juillet, la loi Guizot de 1833 oblige chaque commune de plus de 500 habitants à avoir une école, publique ou privée. L’ouverture de nombreuses écoles sur le territoire permet de scolariser la jeunesse du pays et de réduire l’analphabétisme. Les communes doivent en effet subvenir à la scolarité des enfants les plus pauvres. En outre, une école de formation des maîtres est créée dans chaque département, garantissant ainsi une forme de pluralisme au sein de l’éducation. Guizot tient un discours exigeant mais juste envers le peuple et combat toute forme de démagogie, ce qui le rendit relativement impopulaire.

Cette exigence morale se porte également sur la question du droit de vote. En effet, François Guizot n’est pas un démocrate et défend avec ferveur le vote censitaire, car selon lui les électeurs doivent être libres, ce qui signifie notamment être « indépendants vis-à-vis de l’État » et avoir « la capacité à analyser rationnellement la situation politique ». Favorable à une organisation hiérarchique de la société, Guizot se méfie grandement du pouvoir de la foule, selon lui facilement influençable et incapable de comprendre les enjeux politiques. Il enjoint donc le peuple à élever ses conditions matérielles pour acquérir le droit de vote, ce qu’il résume dans cette célèbre formule : « Enrichissez-vous ! ».

4. Les penseurs du libéralisme

Le libéralisme se fonde sur « l’ordre spontané, l’idée que du chaos peut naître l’ordre et que les hommes parviennent à s’organiser par eux-mêmes, sans intervention supérieure pour les contraindre » . Les libéraux fondent la société sur le droit et accordent la primauté sur la personne plutôt que sur les systèmes, ce qui a des conséquences dans les domaines politique, économique et culturel. Le principal combat des libéraux est donc la primauté du droit, car elle garantit le faible contre la violence du fort, et garantit la propriété privée, premier des droits naturels. Bien que le libéralisme soit un courant de pensée souvent assimilé aux Anglo-saxons, il existe un libéralisme français, qui a connu son heure de gloire sous la monarchie de Juillet, et dont Alexis de Tocqueville et Frédéric Bastiat sont deux figures majeures.

Alexis de Tocqueville (1805-1859), « l’un des rares auteurs libéraux à être cités par des personnes n’appartenant pas à ce courant de pensée » , se rendit en 1830 aux États-Unis où il se prit de passion pour la démocratie. Dans son célèbre ouvrage, De la démocratie en Amérique, il anticipe que la démocratie est une chose inéluctable, persuadé qu’elle va arriver en Europe. Selon lui, la démocratie n’est pas un régime politique, mais un état social : l’égalisation des conditions de vie. Cette égalisation est permise par la liberté et le respect du droit. Cependant, il perçoit également les dangers potentiels de la démocratie qui peuvent porter atteinte à la liberté, notamment lorsque la passion de l’égalité prend le pas sur la liberté. Dans ce cas, il remarque que les hommes préfèrent être égaux quitte à être asservis.

« Infatigable défenseur des libertés » , Frédéric Bastiat (1801-1850) est le grand économiste libéral de la monarchie de Juillet. Sa pensée repose sur l’idée que les intérêts entre les hommes sont harmoniques, ce qui induit la liberté. La finalité de l’État est donc de permettre la réalisation de la liberté afin de sauvegarder l’harmonie de la société. Ses attributions doivent être réduites au maximum afin de restreindre les dépenses publiques, car l’impôt est assimilé au vol. En effet, Bastiat dénonce la grande fiction de l’État à travers laquelle « tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde » , et l’attitude schizophrénique de l’électeur vis-à-vis de l’impôt, qui en souhaite toujours moins, tout en désirant davantage de dépenses sociales.

5. Critique du socialisme

La France n’est pas seulement le pays du libéralisme, c’est aussi la terre où est née une grande partie des penseurs socialistes. En reprenant les analyses des penseurs libéraux tels que Tocqueville ou Bastiat, Jean-Baptiste Noé critique cette doctrine qui se caractérise notamment par sa préférence à l’égalité sur la liberté. Le libéralisme se fonde sur l’idée d’un ordre spontané et d’une harmonie entre les hommes, tandis que les penseurs socialistes ne pensent le monde qu’en termes d’oppositions : bourgeois contre prolétaires, riches contre pauvres, exclus contre profiteurs.

En ce sens, le socialisme est donc « une pensée de guerre et de conflit social » alors que le libéralisme est « une pensée de paix et d’harmonie » .

Selon Jean-Baptiste Noé, les penseurs socialistes se font une idée idéale de l’homme et de la société, de sorte qu’ils mettent la politique au service de la construction de cette idée par la planification et le collectivisme. Le socialisme est trompeur, car il fait croire qu’il favorise le progrès social, alors que celui-ci ne se fait pas à coup de lois ou de directives, mais par l’essor du progrès technique et de la productivité. Les mesures excessives de réglementation et de contrôle ne font qu’entraver le développement du progrès économique. Jean-Baptiste Noé remet d’ailleurs en cause la politique de redistribution qui, en plus d’être inefficace, est injuste « puisqu’elle se fonde sur la spoliation des biens légitimement acquis et gagnés par ceux qui travaillent et investissent » .

Au contraire, le libéralisme favorise le progrès social. En effet, l’action politique limitée dans le domaine économique permet de construire un environnement favorable à l’initiative et à l’investissement, et donc à l’essor du progrès technique et de la productivité, alors que « le politique, à l’égard de l’économie, a un pouvoir de nuisance, mais pas de bienfaisance » . En axant sa politique sur la liberté, le régime de Louis Philippe « a beaucoup fait pour l’économie de ses pesanteurs » , ce qui a favorisé la modernisation.

6. La modernisation économique

La France connaît un développement économique certain sous la monarchie de Juillet. La mécanisation est le fer de lance de cette modernisation, et le progrès industriel est insufflé par la production de charbon. Le pays se transforme considérablement, empruntant la voie de la modernisation et de la productivité : « développement du chemin de fer, amélioration des routes et des canaux, essor du système bancaire, début de la mécanisation de l’agriculture et de l’industrie, développement de l’édition et du secteur textile » . Pendant les dix-huit ans de la monarchie de Juillet, la France rattrape une partie du retard économique qu’elle avait accumulé sur l’Angleterre.

Grâce à la modernisation, les prix baissent, les conditions de vie s’améliorent, le taux de mortalité chute et la population française s’enrichit globalement. L’accroissement de la productivité permise par la mécanisation procure à la population une nourriture moins chère, et accroît la rémunération des plus faibles, ce qui leur permet d’acquérir à moindre coût des biens autrefois inaccessibles (comme le beurre, le cuir…). De plus, la modernisation de l’agriculture permet de libérer plus de bras pour aller dans l’industrie, où les ouvriers sont mieux payés.

La mécanisation se heurte néanmoins à la résistance de mouvements ouvriers. La révolte des canuts lyonnais en 1831 en est un exemple marquant. La machine, en mettant à mal le savoir-faire manuel et en réduisant le nombre d’ouvriers nécessaires, bouleverse l’ordre social. Cependant, Jean-Baptiste Noé estime que le « courant de pensée antimachine et antimodernité » qui trouve encore des adeptes aujourd’hui mène à une impasse, car la mécanisation est au contraire un facteur de progrès humain et social. La machine permet d’améliorer la productivité et donc de réduire la pénibilité du travail, de dégager du temps de loisir, autrement dit de travailler moins et de gagner plus.

7. Conclusion

Le régime de la monarchie de Juillet, issu de la révolution de 1830, se termine dix-huit ans plus tard sur une autre révolution. Parce que la monarchie de Juillet est brutalement renversée, son personnel politique est disqualifié. Le développement économique se poursuit néanmoins sous Napoléon III. La parenthèse libérale se referme selon Jean-Baptiste Noé avec l’avènement de la IIIe République, et notamment en 1879, « lorsque Jules Ferry supprime les libertés universitaires » .

Avec le monopole étatique, c’en est fini de la liberté scolaire autrefois défendue par François Guizot. La liberté économique est elle aussi remise en cause, notamment en matière fiscale, l’impôt n’était « plus compris comme une contribution partagée au budget de l’État, mais comme un moyen de redistribution sociale et de construction de la société » . Ainsi dans l’histoire française, la parenthèse libérale ouverte avec la monarchie de Juillet s’est vite refermée.

8. Zone critique

Dans ce véritable plaidoyer en faveur du libéralisme, Jean-Baptiste Noé ne demande qu’à rouvrir la parenthèse libérale « pour le plus grand bonheur inavoué des Français » . Il constate en effet l’effacement du libéralisme dans la politique française contemporaine et regrette la « passion française pour le socialisme » . À l’inverse, Guillaume Sarlat défend une toute autre idée.

Dans son livre En finir avec le libéralisme à la française (2015), il estime que si la France est aujourd’hui en crise, c’est parce que « depuis trente ans elle s’est enlisée dans le libéralisme », en particulier dans le domaine économique. Si Jean-Baptiste Noé estime que la place qu’a pris l’État dans nos sociétés modernes constitue une menace pour la liberté, Guillaume Sarlat pense au contraire que l’État a démissionné. Ces deux auteurs se rejoignent néanmoins sur un point : l’atonie du débat dans la politique française. Cependant, ils ne font évidemment pas le même constat.

Pour Jean-Baptiste Noé, droite et gauche ont adopté les idées inspirées du socialisme, en particulier l’État-providence et la social-démocratie, tandis que selon Sarlat, depuis plusieurs décennies tous les gouvernements soutiennent le système libéral.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé

– La parenthèse libérale, Dix-huit années qui ont changé la France, Paris, Calmann-Lévy, 2018.

Du même auteur

– Pie XII face aux nazis, Le laurier, 2011.– Léon XIII, le semeur de Dieu, Paris, Les éditions du net, 2013.– Histoire du vin et de l’Église, Paris, Les éditions du net, 2013.– Le défi migratoire : l’Europe ébranlée, Paris, Éditions Bernard Giovanangeli, 2015.– Géopolitique du Vatican : la puissance de l’influence, Paris, Presses universitaires de France – PUF, 2015– Rebâtir l'École : Plaidoyer pour la liberté scolaire, Paris, Éditions du Grenadier, 2017.– Victor Fouquet et Jean-Baptiste Noé, La révolte fiscale, Paris, Calmann-Lévy, 2019.

Autres ouvrages– Lucien Jaume, L'Individu effacé ou le paradoxe du libéralisme français, Paris, Fayard, 1997.– Gabriel de Broglie, La monarchie de Juillet, Paris, Fayard, 2011.– Sébastien Charlety, Histoire de la monarchie de Juillet (1830-1848), Paris, Perrin, 2018.– Robert Leroux et David-M. Hart, L'Âge d'Or du Libéralisme Français, Paris, Ellipses, 2014.

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