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L’Art de l’innovation

de Jean-Christophe Messina & Cyril De Sousa Cardoso

récension rédigée parCatherine Lomenech

Synopsis

Économie et entrepreneuriat

Toute invention repose sur plusieurs principes qui concernent, pour les uns, les mécanismes de la démarche créatrice, pour d’autres, la notion de résonnance entre la découverte et son utilité sociale. Enfin, tous les autres principes peuvent être rassemblés sous l’égide de la formidable créativité humaine quand, unissant leur curiosité, leurs audaces et leurs talents, des individus collaborent pour mettre au point des innovations qui changent la vie de l’humanité. Comment constituer une équipe innovante, comment développer ses propres capacités créatrices ?

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1. Introduction

Que s’est-il passé dans la tête de notre très lointain aïeul quand il découvrit cet étrange phénomène du feu ? Était-il issu d’un orage ? La foudre avait-elle embrasé une branche d’arbre ? Comment le premier être humain qui a osé s’en approcher a-t-il réagi à cette curieuse sensation de chaud ? L’idée de sauvegarder le feu afin de s’en servir est-elle née d’un individu ou de plusieurs, en un seul ou en de multiples temps et lieux ? Ce qui est certain, c’est que cela allait transformer la vie de l’humanité.

Beaucoup plus récemment, quand un groupe d’hommes a mis au point un système permettant de créer des liens hypertextes qui allaient apporter à tous la possibilité de naviguer sur ce qui allait s’appeler le World Wide Web, l’aventure humaine allait encore franchir un nouveau cap.

Quelle qu’elle soit, une innovation survient et aboutit au moment où l’humanité a besoin d’elle, c’est l’un des 24 principes du processus créatif recensés par les auteurs. L’innovation fait avancer le monde et chacun, dans son domaine, peut avoir besoin d’inventer sa solution. Pourtant, beaucoup pensent ne posséder aucun sens créatif et l’idée de l’acquérir peut paraître impossible. Cet ouvrage démontre que chacun peut apprendre à innover et à inventer. Il suffit, pour y parvenir, de s’approprier certains processus, certaines façons de faire.

Les auteurs ont recensé 19 habitudes très concrètes à mettre en place dans sa vie quotidienne pour stimuler et entraîner son esprit créatif. Ils proposent également 18 jeux d’innovation spécifiques, destinés à découvrir individuellement ou collectivement l’art d’innover. Illustrés par l’évocation des grandes inventions de l’histoire, ces principes, habitudes et jeux d’innovation proposent, grâce à de multiples exemples, une véritable méthode pratique pour développer ses capacités créatives.

2. Mettre en place de nouvelles habitudes

L’une des premières habitudes que chacun peut mettre en place facilement, est de se répéter chaque jour que l’on est un grand créatif. Et cette habitude est d’autant plus facile à mettre en œuvre si on l’accompagne d’une autre : avoir toujours un carnet sur lequel noter chaque idée nouvelle, aussi farfelue soit-elle, au moment où elle jaillit.

C’est ce que faisait Léonard de Vinci, qui notait toutes ses intuitions, ses idées et ses réflexions sur le carnet de notes qu’il avait en permanence à portée de main. Regardait-il un oiseau qu’une réflexion sur le vol traversait son esprit. Il la notait. Cet art de l’analogie et la capacité de transposer ses réflexions d’un domaine à l’autre lui ont fait remplir plus de 13 000 pages de notes. Un cahier à idées peut même être mis à disposition pour un groupe ou dans une entreprise. Un jour quelqu’un regarde toutes ces notes et cela lui inspire une nouvelle idée et ainsi de suite.

En outre, il ne faut pas hésiter à commencer plusieurs cahiers en même temps. Inutile de se mettre des freins ou de limiter ses réflexions. Avez-vous l’esprit volontiers vagabond sautillant d’une idée à l’autre sans lien ? C’est tant mieux, de ce fourmillement apparemment désordonné sortira peut-être une vraie bonne solution.

Thomas Edison avait ainsi créé une « usine à inventions ». Il avait eu l’idée (déjà !) de réunir tous ses collaborateurs dans un même espace de travail pour optimiser une culture d’équipe qu’il considérait comme le socle de l’innovation. Il avait fait installer, dans les années 1880, un laboratoire de physique, un autre de chimie et un troisième de métallurgie, les uns à proximité des autres. Ses collaborateurs pouvaient circuler d’un laboratoire à l’autre en toute liberté. Ils avaient aussi, à leur disposition, dans ce même lieu, un entrepôt contenant de nombreuses substances chimiques, des stocks de matériel et une grande bibliothèque.

Quant à son équipe de géniaux inventeurs, elle était constituée de profils aussi variés que des chimistes, des mécaniciens, des physiciens, des ouvriers, des artisans et des sociologues. Pour Thomas Edison, les équipes travaillaient pour créer ce qui pourrait répondre à une attente ou un besoin de la population. S’inspirant, ainsi, de ces illustres exemples, les auteurs proposent en tout 19 habitudes à mettre en place.

3. Tous inventeurs : s’entraîner à l’aide des jeux d’innovation

L’innovation n’est pas limitée à un secteur d’activité ou à une catégorie de personnel. La créativité ne se trouve pas forcément dans une grande structure dotée d’un service de recherche et développement. L’art d’innover est l’affaire de tous et à tout moment. Le jeu d’innovation n°14, par exemple, propose un jeu d’esprit de contradiction constructif. L’idée est de remettre en cause quelque chose qui existe comme si cette chose était conçue à l’envers.

À partir d’un tableau simple : dans la colonne de droite, noter un paradigme, quelque chose qui existe, une voiture, par exemple ; chacun peut y mettre sa problématique personnelle (soi-même, un groupe d’individus, une structure, un lieu, un objet etc.). Une fois que la liste semble complète, noter dans la colonne de gauche les contradictions, les oppositions, les paradigmes inversés. Cela doit se faire avec un esprit ouvert, libre et sans limite. Par exemple, en face de la voiture, on peut noter : « pourquoi pas une voiture sans roues ? ». Plus le jeu, qui peut être fait individuellement ou collectivement, sera ouvert et libre, plus de surprenantes propositions apparaîtront dans la colonne de gauche. Par la suite, il suffira de creuser les trouvailles les plus pertinentes pour travailler dessus. D’étonnants résultats pourront en sortir.

C’est ce mécanisme mental qui a inspiré James Dyson. Alors qu’il rénovait sa maison de campagne, son aspirateur ne faisait que s’étouffer. Agacé par le sac qui ne cessait de se boucher, il s’est autorisé à rêver d’un aspirateur sans sac. Rattachant cette idée au souvenir d’un système de ventilation qu’il avait vu dans une scierie, il a laissé son esprit divaguer… La suite, tout le monde la connaît : les aspirateurs qui portent son nom se vendent partout à travers le monde.

C’est un peu ce genre de raisonnement qui, via un travail à partir des paradigmes et de leur remise en cause, peut amener une entreprise à une innovation de rupture, la disruption n’étant, ni plus ni moins, qu’une innovation issue de ce genre de raisonnement. 18 jeux d’innovation sont ainsi proposés dans le livre, inspirés chaque fois d’une innovation remarquable puisée dans l’histoire de l’humanité.

4. Les principes de la mécanique créative

La mécanique créative, que les auteurs comparent à l’empilement des briques d’un jeu de Lego, existait dans l’univers avant l’apparition de l’homme. C’est même cette mécanique qui est à l’origine de l’apparition de la vie sur Terre.

Par rencontres, par chocs, par associations, etc., les « briques » de l’univers, énergie, particules, noyaux atomiques, matière… ont fusionné, se sont transformées pour aboutir à l’apparition de la vie. Ce sont ces hasards, ces mouvements, ces empilements de « briques » qui constituent la mécanique de toute innovation. Les multiples notes, dessins, croquis, questions, etc., qui constituent les 13 000 pages remplies par Léonard de Vinci sont autant de « briques » de Lego qui ont inspiré ses activités créatives.

Un autre principe, le principe d’inspiration, appartient, lui aussi, à la mécanique créative. En rentrant d’une promenade dans les bois, George de Mestral, ingénieur, a découvert fortuitement les premiers éléments qui allaient lui inspirer l’invention du Velcro. Tandis qu’il s’échinait à décrocher les multiples petites boules de bardane qui s’étaient accrochées à ses vêtements lors de ses passages à travers broussailles et fourrés, il eut l’idée de les observer au microscope. Il identifia ainsi ces multiples crochets que possèdent les graines de bardane, destinés, en s’accrochant au pelage des animaux, à essaimer efficacement dans la nature. C’est ce qui lui a inspiré l’idée de créer un mécanisme similaire, entre deux tissus de nylon, pour les faire adhérer.

L’histoire de George de Mestral, comme celle de Léonard de Vinci, invitent chacun à s’autoriser à prendre le temps de regarder le monde autour de soi. Les idées et les réponses jaillissent parfois fortuitement au hasard d’une rêverie contemplative. Être curieux, être ouvert, partager ses idées et ses réflexions, activer cet autre principe qu’est le principe de diversité en associant des profils différents, en faisant travailler ensemble des personnes venues d’univers variés, autant de processus qui contribuent à développer la mécanique créative.

5. Le principe de résonnance

C’est l’un des plus grands principes de l’innovation. Dans la première moitié du XIXe siècle, Charles Babbage, mathématicien et inventeur, avait mis au point le prototype de sa « machine à différence ».

Basée sur un système de cartes perforées, une pour les nombres, une pour les opérations, sa machine, grâce à sa capacité de lecture des cartes, était destinée à sécuriser les calculs utilisés pour les tables de navigation ou d’astronomie. Intéressée par son prototype, Ada Lovelace, mathématicienne, lui proposa de rajouter un système pour l’algèbre et la résolution des équations, un autre pour les calculs de trigonométrie, un autre pour les séries de nombres, les probabilités, etc. En bref, la « machine analytique » née de leur collaboration n’est ni plus ni moins que le premier ordinateur de l’histoire. Mais personne ne finança la fabrication de la machine ; leur invention est arrivée un siècle trop tôt. Le principe de résonnance renvoie au moment où l’invention correspond aux besoins des hommes, au moment où ils vont l’utiliser et la partager.

Quand Gutemberg, en 1455, a inventé l’imprimerie, son invention arrivait exactement au moment où les copistes, écrivant à la main, n’arrivaient plus à répondre à la demande grandissante de copies de livres. La société a immédiatement utilisé son invention qui s’est répandue très rapidement dans toute l’Europe. C’était le bon moment, le principe de résonnance a parfaitement fait coïncider les besoins sociaux et l’innovation de Gutemberg. Innovation qui répond aussi à un autre principe, celui de la simplicité. Lorsqu’une équipe travaille en appliquant le principe de la simplicité, elle commence toujours par réfléchir à ce qui peut ne pas être fait ; ne pas en faire trop (inutile d’utiliser l’énergie nucléaire pour juste changer une pile), ne pas faire ce qui n’est pas indispensable.

Le principe de résonnance regroupe aussi deux autres formes d’innovation complémentaires, bimodales : une innovation destinée à améliorer ce qui existe déjà, dite « innovation incrémentale » (quand, par exemple, nos ancêtres ont affiné, petit à petit, la fabrication des armes qui leur servaient à chasser), et une innovation destinée à répondre à des besoins insatisfaits ou nouveaux, dite « innovation de rupture » (quand, par exemple, les chasseurs-cueilleurs ont laissé la place à des populations sédentaires qui se sont mises à inventer l’agriculture et l’élevage).

6. Le principe de créativité et d’innovation humaine

Le principe de créativité et d’innovation humaine est celui sur lequel s’est construit notre monde depuis le tout début. Quand les adaptations de son squelette ont permis à l’homo erectus de marcher, la bipédie lui a donné une aide de plus dans sa survie. L’innovation naturelle a ensuite mis à profit cette nouvelle posture pour augmenter la taille du cerveau de cet homme nouveau. Une fois debout, il a découvert le feu, amélioré ses outils de chasse, exploré son environnement, appris à vivre en groupe, à façonner son lieu de vie, à développer ses capacités sociales ; il a inventé un langage et, au-delà, il a même inventé l’art en peignant les parois des grottes où il pouvait désormais se réfugier.

Bien plus tard, dans les années 1950, ses très lointains descendants ont répondu à un principe de courage en osant la première transplantation d’organe pour sauver la vie d’un homme. Jusqu’à ce 23 décembre 1954, en effet, aucune transplantation n’avait jamais réussi, les chercheurs n’ayant pas encore identifié le rôle du système immunitaire dans le rejet des greffons. C’est le docteur Joseph Murray qui osa la transplantation d’un rein entre deux vrais jumeaux, sauvant la vie de son patient et contribuant ainsi à l’avancée de la recherche médicale.

Auto-organisation, ritualisation, communication, excellence relationnelle, diversité, recrutement… autant de principes sur lesquels repose depuis toujours la formidable capacité créative humaine. Savoir s’entourer des meilleurs, c’est ce que faisait Miles Davis, qui en plus d’être un trompettiste génial était aussi un formidable détecteur de talents.

Il voulait renouveler l’art de l’improvisation en s’inspirant du travail de George Russel autour du jazz modal (une sorte de nouveau courant permettant de se libérer des suites d’accords dans l’improvisation musicale). Il désirait sortir de toute contrainte pour voir jusqu’où il pourrait aller dans l’improvisation totale et l’inventivité mélodique. Il lui fallait, pour réaliser son expérience, un pianiste capable de l’accompagner sans le support de la moindre base d’accords, ni quasiment aucune indication sur la direction où aller. Il fit appel à Bill Evans, et l’album Kind of blue fut réalisé en une seule prise dans une sorte de magie liée à la liberté de l’instant. Miles Davis recommencera d’autres expériences avec d’autres musiciens, toujours les meilleurs, grâce auxquels il inventera encore d’autres formes de jazz.

7. Conclusion

À ce moment de l’histoire de l’humanité, alors que de nouveaux défis, et pas des moindres, se présentent devant nous, il est plutôt réconfortant d’imaginer un « commando de l’innovation : collectif autonome de femmes et d’hommes organisés, entraînés, équipés pour innover avec la certitude que les plus grandes réalisations humaines sont collectives » (p.11).

Les auteurs de cet ouvrage évoquent à plusieurs reprises l’idée que la création est altruiste, tournée vers de l’amélioration pour chacun dans son rapport au monde et aux autres. L’innovation est, à leurs yeux, une démarche profondément humaniste et l’avenir pourrait bien dépendre d’une intelligence collective bien supérieure à la simple addition des intelligences individuelles.

8. Zone critique

Ce livre est un feu d’artifice ! Comme autant de couleurs jaillissantes, il offre une succession de multiples thèmes : les grands principes de l’innovation, des conseils pratiques et des ateliers pour développer sa créativité personnelle ou en équipe, une rétrospective des grands moments de l’humanité… et de ses rendez-vous manqués. Tout y est traité et organisé savamment.

Mais que d’informations ! Pourtant, qui pourrait reprocher à ce livre qui se dévore d’être trop riche ? Il parle du design thinking avec un regard ouvert sur l’histoire de l’humanité. Il évoque le management élargi au-delà de l’entreprise. Il relie chaque découverte à son apport humaniste. Alors, l’envie de lui reprocher son (trop grand ?) éclectisme s’oublie face au plaisir d’une lecture vivante, enthousiaste et éclairée.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Jean-Christophe Messina et Cyril De Sousa Cardoso, L’Art de l’innovation, Paris, Eyrolles, 2017.

Autres pistes– Clarisse Angelier et Jeanne Courouble, Ces innovateurs créateurs de croissance, Paris, Eyrolles, 2018.– Stéphane Biso et Marjorie Le Naour, Design thinking, Malakoff, Dunod, 2017.– Tom Kelley et David Kelley, La Confiance créative, Paris, InterEditions, 2016.– Olivier Laborde, Innover ou disparaître, Malakoff, Dunod, 2017.

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