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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Vercingétorix

de Jean-Louis Brunaux

récension rédigée parBruno Morgant TolaïniEnseignant à l'université de Nîmes et docteur de l’EHESS en histoire moderne.

Synopsis

Histoire

De Vercingétorix, on connaît surtout le nom, sa lutte héroïque contre Rome, sa défaite à Alésia et le récit qu’en donna Jules César. Mais d’autres écrits et des trésors exhumés par l’archéologie invitent à redécouvrir et à explorer des pans enfouis de l’histoire de l’ancienne Gaule. Cet adolescent arverne, fils de roi, formé tôt à la chose militaire, s’est hissé tout jeune au commandement suprême de la résistance gauloise au conquérant romain. Cette biographie, la première qui lui est consacrée, retrace l’itinéraire singulier de Vercingétorix : son enfance au sein d’une lignée aristocratique ; l’éducation reçue par ses maîtres druides ; sa formation auprès de César dont il était devenu l’otage lors de la guerre des Gaules ; la rébellion enfin, où il se découvre grand leader politique et redoutable chef militaire. Une vie brève, qui aura nourri une grande postérité.

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1. Introduction

La parution de cet ouvrage fait suite à un constat : bien que Vercingétorix soit une figure historique importante, il n’existe aucune biographie à son propos. Il se trouve certes de nombreux essais, plus ou moins biographiques, mais qui ont à peu près tous en commun d’accorder davantage de place à son ennemi romain qu’à lui-même. Jean-Louis Brunaux entend ici pallier ce manque et redonner une épaisseur historique au chef gaulois, au-delà du mythe ou de l’image d’Épinal forgée au XIXe siècle.

L’entreprise est difficile car les sources sont peu nombreuses, et le texte le plus contemporain qui nous est parvenu est l’œuvre de César lui-même. C’est tout le paradoxe de Vercingétorix : sa mémoire est tributaire de ce que son ennemi a écrit sur lui. Or, dans les écrits de César, le Gaulois n’a pas de personnalité propre, il est réduit à un rôle de figurant dont l’utilité se résume à mettre en valeur l’action et les qualités du général romain.

L’ouvrage entend donc montrer que Vercingétorix ne fut pas seulement un chef de guerre, mais aussi un chef politique, que son action ne se limita pas à Alésia en 52 avant J.-C., et que César ne fut pas l’unique source à partir de laquelle la vie de Vercingétorix peut être reconstruite.

2. La Gaule, berceau de Vercingétorix

Pour comprendre l’action de Vercingétorix et la place qu’il a prise dans l’histoire, il faut d’abord saisir son rapport complexe à la Gaule. Au Ier siècle avant J.-C., celle-ci s’étendait de la Méditerranée et des Pyrénées jusqu’au Rhin, et était composée de trois parties : l’une, au nord de la Seine, était peuplée par les Belges ; l’autre, dans le sud de la Garonne, par les Aquitains ; la troisième, au centre, par les Celtes. Cette dans cette dernière région, parmi le peuple des Arvernes, qu’est né Vercingétorix vers 82 avant J.-C.

Les peuples gaulois étaient très différents les uns des autres. Les moyens de subsistance, les rapports sociaux, les pratiques politiques variaient considérablement d’une cité à l’autre et les peuples entraient tous dans un vaste réseau de clientèles où pouvoirs économique et politique se mêlaient. La famille de Vercingétorix pratiquait le commerce, et s’enrichissait grâce à la guerre : elle exportait chez ses alliés traditionnels, gaulois ou étrangers, sa force armée. Elle était également versée dans un jeu politique qui ne se limitait pas au territoire arverne, mais associait tous les peuples de la Gaule. Les Arvernes longtemps tinrent le premier rang dans une compétition qui ne visait rien de moins que le commandement de toute la Gaule ; et la famille de Vercingétorix, sorte de dynastie princière, donnait régulièrement aux Arvernes son premier magistrat.

Selon Jean-Louis Brunaux, la Gaule n’avait rien d’un pays et était avant tout une idée, une construction de l’esprit, faite de plusieurs nations et de plusieurs peuples. Les druides agirent comme éléments unificateurs : il s’agissait d’une poignée d’hommes qui diffusa sur l’ensemble du territoire une spiritualité commune comprenant la religion, la justice, l’éthique et la politique. Les druides étaient les « éducateurs » des Gaulois, pourvoyeurs de leur patrimoine culturel, et intermédiaires entre les Dieux et les hommes ; ils entretenaient la mémoire d’ancêtres glorieux, de victoires écrasantes, de conquêtes.

Vercingétorix fut l’élève des druides de la Gaule, et revendiquait ostensiblement son ascendance celte, référence absolue en matière de noblesse et d’héroïsme.

3. Vercingétorix otage de César

Vercingétorix prit conscience du péril qui menaçait la Gaule à la fin des années 60 avant J.-C., quand parvint chez les Arvernes le bruit de divisions et de conflits entre les peuples gaulois, notamment entre les Éduens et les Séquanes. Dans l’ombre, veillaient les grandes puissances prédatrices prêtes à profiter de toutes ces faiblesses : Rome, formidable machine et de conquête et d’administration ; les Germains, un ensemble de peuplades certes inorganisées, mais terriblement belliqueuses. Face aux Germains, les Gaulois réclamèrent un « protectorat de Rome ».

En attendant que l’administration qui permettait une collaboration militaire entre les Gaulois et les Romains ne se mît en place, des otages furent saisis, comme garantie que les accords fussent respectés. Vercingétorix compta parmi ces otages, selon Jean-Louis Brunaux, qui s’appuie pour affirmer cela sur les écrits de Dion Cassius, alors que César n’en fait pas mention dans son récit sur la Guerre des Gaules. La Gaule, resserrée entre deux provinces, l’une romaine, l’autre germaine, s’apprêtait à n’être plus que la propriété d’une nation étrangère.

Intégré à l’armée romaine, Vercingétorix participa à l’élimination du péril germain. César avait, au cours de l’année 57 avant J.-C., mis au point le fonctionnement de son armée mixte : les Gaulois se voyaient confier les missions risquées et potentiellement meurtrières comme la reconnaissance ou la dévastation des habitations, la défense du camp et des bagages, ainsi que la logistique.

Selon Jean-Louis Brunaux, Vercingétorix s’attira les faveurs de César pour plusieurs raisons. Il y eut assurément les succès militaires, mais l’archéologue précise que le général romain appréciait également la beauté, l’intelligence et le pouvoir de séduction de ses protégés ; le chroniqueur romain Suétone explique que César s’achetait régulièrement de magnifiques esclaves au prix d’œuvre d’art. Vercingétorix devait posséder de nombreuses qualités, au point d’être devenu le contubernalis de César, son camarade de tente, autrement dit un intime ou un membre de sa cour. Et s’il est tout à fait possible, compte tenu des habitudes des deux hommes, que leur relation ait dépassé le stade de l’amitié, rien dans les sources historiques disponibles ne permet de l’affirmer.

4. À la tête de la révolte

Vercingétorix devint roi du peuple des Arvernes autour de 55 avant J.-C., avec l’aval de César. À ce stade, toutes les alliances semblaient encore possibles avec Rome : nourri des promesses du proconsul et conscient de la puissance militaire que ce dernier exerçait, le Gaulois envisageait probablement le déroulement de son ascension politico-militaire sereinement, avec pour prochain objectif la conquête des Éduens, dont il entendait ravir le principat.

Mais le sort que César réserva à certains peuples gaulois, notamment les Sénons, modifia la vision qu’avait Vercingétorix de Rome. Il prit alors la tête d’une alliance de peuples gaulois très divers au cours des premières semaines de 52 avant J.-C., témoignant de son sens de la diplomatie et de son charisme, qualités qu’il avait probablement aiguisées au contact de Jules César lui-même. Il devint rapidement un chef de guerre incontestable, dirigeant une grande partie des Gaulois et leur imposant sa stratégie militaire. L’armée confédérée de Vercingétorix était certes nombreuse – autour de 100 000 hommes –, mais les Romains s’accompagnaient d’auxiliaires, principalement germains, qui étaient plusieurs dizaines de milliers, parfaitement entraînés et encadrés.

Afin de motiver ses troupes, Vercingétorix garantissait aux cadres de son armée qu’il les placerait à la tête des cités, après la victoire ; en habile politique, il avait conçu un plan de gouvernement de la Gaule, suffisamment crédible pour que des ambitieux acceptent d’en assurer la direction. Le schéma proposé était celui d’une indépendance des cités, mais qui seraient placées sous l’autorité d’un Conseil de toute la Gaule, dont Vercingétorix serait la tête ; il aurait ainsi été à la tête d’un État de type fédéral. En 52 avant J.-C., les Gaulois remportèrent la victoire à Gergovie après avoir repoussé les assauts des Romains. Si la défaite de César n’était pas entière – l’armée n’avait pas été écrasée et s’était retirée –, elle était symbolique : pour la première fois, il avait été défié à armes égales par une armée gauloise confédérée, dont le général s’était montré meilleur tacticien que lui. Vercingétorix venait de démontrer que les Romains n’étaient pas invincibles, comme six années de guerre avaient pu jusque-là le laisser croire.

5. Une gloire éphémère

L’attitude de Vercingétorix a longtemps interrogé les historiens : pourquoi, disposant d’une armée, peut-être aussi nombreuse que celle de César, n’a-t-il pas, après Gergovie, fondu sur les légions romaines épuisées ? Dans son récit, César suggère que c’est parce qu’il avait peur, ce qui semble peu probable. Jean-Louis Brunaux explique que c’est certainement par prudence, ne sachant pas comment le proconsul allait réagir. Il ajoute également que Vercingétorix ne pouvait pas se permettre de perdre quelques milliers de cavaliers dans une poursuite des légions fort risquée et dont le gain aurait été bien maigre : l’armée romaine était rompue aux exercices de défense. Lors d’une assemblée générale de la Gaule, Vercingétorix fut reconnu, selon les mots de César lui-même, Imperator. Il s’imposait de manière incontestable à la tête de toutes les armées gauloises, et cet honneur lui avait été conféré publiquement et unanimement par tous les responsables politiques réunis dans l’instance la plus haute. La Gaule unifiée, il fallait désormais lui donner les moyens d’exister pleinement, et d’abord en la débarrassant de ses ennemis.

Le plan militaire de Vercingétorix était le suivant : les armées gauloises devaient créer plusieurs foyers de révolte dans une grande partie du territoire, principalement le long de la frontière. Pendant ce temps, les cités de l’arrière devaient réunir leurs forces et empêcher le ravitaillement de César ainsi que l’arrivée d’éventuels auxiliaires germains à son secours. La forteresse du Gaulois devait se trouver au carrefour des trois axes majeurs de la Gaule centrale : la Seine, l’Yonne et la Saône. De cette manière, il espérait fixer les forces romaines aux confins de la Champagne, la Bourgogne et la Lorraine.

Ce plan fut d’abord un succès : César eut des difficultés à reconstituer son armée, qui connut quelques défaites, et ses efforts furent vains au point qu’il fut tenté de retrouver Rome, où son rival Pompée ne cessait d’accroître son pouvoir.

Afin d’obtenir une victoire décisive, Vercingétorix devait établir un puissant quartier général, une forteresse imprenable qui serait un défi permanent à l’activité des légions. Fort de l’expérience de Gergovie, il souhaitait un plateau isolé qui fût entouré, à quelque distance, de hauteurs sur lesquelles des alliés pourraient prendre place en cas de siège : on assisterait alors à un double siège, où l’assiégeant serait lui-même encerclé par plusieurs armées. La ville d’Alésia offrait toutes ces conditions.

6. Le verdict du destin

Alésia était le chef-lieu du peuple gaulois des Mandubiens. Vercingétorix, comme de nombreux Gaulois, la connaissait depuis toujours. De fondation ancienne, elle avait jadis servi de relais d’étape aux voyageurs et commerçants grecs qui, à partir de la vallée de la Saône, se dirigeaient vers la Seine, la Manche et la Grande-Bretagne. En s’installant dans cette cité historique, Vercingétorix savait que tous les Gaulois auraient à cœur de lui porter secours, si elle était assiégée. Sa stratégie était habile.

Alors que César faisait reposer ses légions et qu’il recrutait des auxiliaires germains, Vercingétorix renforça sa position. Il reproduisit le plan qui l’avait mené au succès à Gergovie. Il laissa les habitants dans l’enceinte d’Alésia, fit entourer la ville de remparts de terre et de pierre, et fit les provisions nécessaires à un long siège.

Le face à face entre César et Vercingétorix dura six à sept semaines. Dès le départ, la situation était compliquée pour le Gaulois : les fortifications de la ville n’étaient pas terminées et, lorsque les légions romaines s’installèrent en face de la cité, les alliés, qui étaient en marche vers Alésia, n’étaient pas encore arrivés. César allait empêcher toute communication entre ces militaires gaulois et leur chef. De même, il s’installa sur toutes les positions élevées autour d’Alésia, rendant impossible le plan de Vercingétorix qui souhaitait prendre les légions romaines en étau.

Parce qu’il disposait de moins d’hommes, César n’attaqua pas frontalement. Il fit édifier un premier rempart ponctué de hautes tours derrière lequel se trouvaient 23 camps de garnison ; cette première ligne est généralement appelée « contrevallation ». Et pour pouvoir se protéger d’une armée confédérée qui viendrait porter secours à Vercingétorix, il fit construire un second rempart, dirigé contre les armées venant de l’extérieur, la « circonvallation ». Alors que les vivres commençaient à manquer du côté gaulois, une armée extérieure arriva en renfort et César lança ses troupes dans la bataille.

Juché sur son poste d’observation, Vercingétorix ne put qu’assister à la défaite des siens. Soucieux du sort de ses hommes, Vercingétorix décida de se rendre, César exigeant qu’on lui livre les armes et les chefs militaires gaulois dans une reddition cérémonielle. Après avoir été le symbole de la résistance gauloise, Vercingétorix devint le symbole de la puissance de César, qui le maintint en vie, mais captif, jusqu’à son triomphe en 42 avant J.-C.

7. Conclusion

L’approche biographique adoptée par Jean-Louis Brunaux permet de replacer le chef gaulois dans son milieu social et culturel, et d’évoquer l’organisation politique et les structures sociales de la Gaule. Issu d’une grande famille arverne dont avaient déjà été issus des hommes politiques de premier plan, Vercingétorix était naturellement amené à jouer un rôle important.

Mais c’est avec l’irruption de César dans les affaires intérieures de la Gaule que son rôle s’accrut, jusqu’à être désigné chef d’une coalition dirigée contre le Romain.

Si l’ambition de Vercingétorix fut défaite au cours du siège de la ville d’Alésia, sa grande réussite fut sans aucun doute d’avoir rassemblé autour de lui un grand nombre de peuples, y compris certains alliés traditionnels des Romains. Cette image est restée profondément ancrée dans l’imaginaire collectif français, au point de devenir, au XIXe siècle, un véritable mythe national.

8. Zone critique

Première biographie de Vercingétorix, cet ouvrage est éloigné de l’image traditionnelle du chef gaulois, construite a posteriori, souvent complaisante, légendaire, ou idéologiquement orientée. En outre, il est frappant de constater que ce travail n’est pas l’histoire d’un seul homme. Jules César, adversaire de Vercingétorix pour la domination de la Gaule, y tient une place majeure : les destinées des deux hommes sont liées, et l’ouvrage La guerre des Gaules a longtemps constitué la seule source historique pour l’étude de ces événements.

Un ouvrage à la fois passionnant et facile à aborder, où l’on découvre un monde antique que l’on croit connaître un peu, mais qui s’avère très différent de l’idée qui nous en est parvenue. Un regret toutefois, celui de ne pas en savoir davantage sur la vie de Vercingétorix après la défaite d’Alésia, mais cette lacune s’explique sans doute par l’absence de documents à ce propos.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Jean-Louis Brunaux, Vercingétorix, Paris, Gallimard, 2018.

Du même auteur– Alésia, Paris, Gallimard, 2012.– Voyage en Gaule, Paris, Seuil, 2011.

Autres pistes– Christian Goudineau, César et la Gaule, Paris, Seuil, 2000. – Venceslas Kruta, Vercingétorix, Paris, Flammarion, 2003.– Yann Le Bohec, Alésia. 52 avant J.-C., Paris, Tallandier, 2012.– Paul Martin, Vercingétorix : le politique, le stratège, Paris, Perrin, 2000.– Laurent Olivier, César contre Vercingétorix, Paris, Belin, 2019.

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