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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Crépuscule

de Juan Branco

récension rédigée parMarc CrépinJournaliste indépendant. A occupé plusieurs postes à l'étranger et dirigé les rédactions de France Culture et de France Info.

Synopsis

Société

Crépuscule est un pamphlet. Qualifié de texte complotiste par plusieurs critiques, il décrit un univers que Juan Branco connaît bien : celui des élites et des puissants dont Emmanuel Macron serait devenu la « marionnette ». En 46 chapitres, dont le plus court n’excède pas une page, l’auteur met en cause tous ceux qui ont soutenu la campagne présidentielle. Alliés à une presse soumise, ils auraient « fabriqué » le candidat Macron pour le « placer » à l’Elysée. Personne ne trouve grâce aux yeux de Juan Branco qui promet des révélations susceptibles d’abattre le régime.

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1. Introduction

Pour cette publication, d’abord offerte gratuitement en ligne, Juan Branco n’avait pas trouvé d’éditeur. Trop de passages étaient susceptibles d’apparaître diffamatoires. Pourtant, il l’affirme : il n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire.

Son profil original et le succès qu’il a d’abord rencontré sur les réseaux sociaux ont finalement convaincu deux éditeurs parisiens. Certes, Juan Branco n’aime pas Emmanuel Macron mais il déteste encore plus ceux qui ont favorisé son émergence en politique et soutenu sa campagne. Trois milliardaires sont l’objet de tous les griefs : Xavier Niel, Bernard Arnault et Arnaud Lagardère. Persuadé de révéler les secrets de plusieurs scandales d’État, il les met en cause pour ce qu’il désigne comme un sabotage de la démocratie. Il les accuse d’avoir instrumentalisé l’élection présidentielle et de continuer à manipuler la politique du gouvernement.

Ceux qu’il qualifie d’oligarques, s’appuieraient sur les médias qu’ils contrôlent et profiteraient de la prétendue servilité bienveillante des journalistes. Il assure que son origine sociale, puisqu’il a été proche des milieux très favorisés qu’il met en cause, lui a fait découvrir l’immense perversité du pouvoir. Il est catégorique : sa mission est d’en dévoiler les ressorts.

2. Les amis du Président

Juan Branco s’impose un objectif : raconter comment le pays est contrôlé et comment ses richesses sont exploitées par les puissants qui ont assis leur suprématie sur des réseaux d’amis, cooptés, compromis, corrompus. Il explique qu’il a été de ce monde : « Ce système m’a, à tant de reprises, effleuré, séduit, approché. Mais ça n’a pas fonctionné (…) Contrairement à nombre de mes amis, collègues, amours, alsaciens, alsaciennes. Louveteaux. Je me suis arraché. Après m’être laissé absorber, je me suis émancipé. »

Effectivement, ce fils d’un célèbre producteur de cinéma portugais a été habitué dès son plus jeune âge à fréquenter les stars du Septième art avant de fréquenter celles de la politique. Scolarisé dans une des écoles les plus huppées de Paris, il y rencontre un futur ministre, de futurs politiciens, de futurs énarques, et de nombreux héritiers de familles privilégiées. Plus tard, il propose à Julian Assange, le patron de Wikileaks de défendre sa parole tout en étant son avocat en France.

Après ses études, il continue d’explorer le monde politique. Cela se solde par un départ précipité du cabinet d’Aurélie Filippetti à la Culture où il venait d’être admis. Dans ce monde, il se nourrit d’anecdotes et d’histoires qu’il rapporte dans ce livre. Progressivement, il se rapproche des dirigeants de la France insoumise, et notamment de Jean-Luc Mélenchon.

Pour Juan Branco, Emmanuel Macron serait le jouet d’une communauté impressionnante d’hommes d’affaires qui attendent du président français qu’il défende leurs intérêts. Il met d’abord en cause le patron du groupe Iliad, Xavier Niel, lui-même gendre de Bernard Arnault, patron de LVMH, puis Arnaud Lagardère, héritier du puissant groupe fondé par son père.

Quant à Patrick Drahi, l’acquéreur de l’opérateur SFR, il le présente comme un homme manipulé par une communicante ultra discrète, Mimi Marchand, et par Jean-Pierre Jouyet, proche de deux anciens présidents, François Hollande et Nicolas Sarkozy. Il raconte longuement comment le plus jeune secrétaire d’État de la Cinquième République qui fut un de ses proches, Gabriel Attal, est passé du cabinet de Marisol Touraine au Ministère de l’Éducation, puis au tout nouveau parti de La République en marche sans aucun scrupule. Il décrit ainsi les liens qui unissent son ancien camarade d’école à plusieurs conseillers de l’Élysée.

Selon lui, les élites et les détenteurs de grandes fortunes forment des castes où l’amitié et les intérêts se confondent. Ils ont à cœur de séduire le pouvoir politique pour développer leurs affaires. L’auteur se dresse en accusateur et crie au scandale, et il le fait surtout parce qu’il a fréquenté ces milieux qu’il considère comme avides et prédateurs.

3. Les réseaux cachés qui font le pouvoir

Celui que l’auteur accuse d’occuper une place prépondérante dans cette stratégie de la conquête du pouvoir est Xavier Niel, Président d’Iliad et opérateur téléphonique de Free. A la faveur d’un déjeuner auquel le milliardaire invite Juan Branco, celui-ci lui propose de devenir le précepteur de ses enfants. Xavier Niel refuse. L’auteur éconduit et vexé en déduit que le milliardaire n’a pas la conscience tranquille.

On découvre un peu plus tard que Xavier Niel serait l’un des acteurs cachés de l’élection d’Emmanuel Macron. D’ailleurs, le président de la République ne lui envoie-t-il pas des SMS ? Branco a débusqué ce qui selon lui est un complot : Xavier Niel « savait » avant tout le monde que Emmanuel Macron, alors secrétaire général adjoint de l’Élysée, sous la présidence de François Hollande, allait devenir le prochain Président de la République. Autre « révélation » démontrant l’efficacité du réseau Niel : cet homme d’affaires dont la fortune aurait une origine sulfureuse, est en fait le compagnon de la fille de Bernard Arnault, Delphine, Directrice générale adjointe de Louis Vuitton. Or, Bernard Arnault est un ami des Macron, ce qui démontre, toujours selon Branco, que Xavier Niel associe vie privée et vie des affaires pour influencer le pouvoir politique !

Juan Branco accuse sans relâche. Lorsque le quotidien Le Monde refuse de publier des reportages qu’il propose, il considère que ce n’est pas parce qu’ils sont mauvais, mais c’est là une façon de lui imposer le silence ! D’ailleurs, la presse n’a jamais accepté d’enquêter sur l’ascension d’Emmanuel Macron et il assure au début de l’ouvrage qu’il « démontrera cette évidence à laquelle nous avons, de l’intérieur, assisté : Emmanuel Macron a été "placé" bien plus qu’il n’a été élu. » Il ajoute que le scandale n’a jamais été décrit ni raconté par ceux qui sont censés le raconter, les journalistes ! Et, pour cause, ils sont complices. De façon récurrente, il ne cessera de les désigner comme corrompus : « reste à vous démontrer comment en effet, les journalistes français actionnés par au moins trois oligarques nationaux (…) ont fabriqué en quelques mois un homme politique de "stature nationale". » Juan Branco rappelle que ces trois « oligarques » étaient alors propriétaires du Monde, à l’époque. Xavier Niel, Pierre Bergé et Matthieu Pigasse sont en fait de grands manipulateurs. Ils placeront rapidement un homme à eux à la tête de la rédaction. Puis, Matthieu Pigasse revendra ses parts à un autre oligarque, le Tchèque Daniel Kretinsky. Ce nouveau venu de la finance internationale ne perd pas de temps, puisque, après avoir acquis plusieurs titres de l’empire Lagardère, il choisit Denis Olivennes, un proche d’Arnaud Lagardère, pour gérer ses affaires en France. On voit donc selon Branco, comment se dessine un réseau d’influence et de contrôle des institutions.

4. Aux âmes bien nées, rien d’impossible ?

L’auteur dans les premiers chapitres de cet ouvrage s’intéresse surtout au déterminisme social, aux convulsions d’un monde qui s’empare du pouvoir au mépris de la démocratie. Il s’agit du monde des quartiers chics où l’on retrouve les décideurs, les élites, qui sont conduits très tôt à rejoindre les sommets de l’État.

Il s’attarde très longuement au fonctionnement de l’École alsacienne, établissement parisien privé sous contrat fréquenté par les enfants des très bonnes familles. Il la connait bien cette école, pour l’avoir fréquentée jusqu’au bac. C’est, selon lui, « un lieu de reproduction et de propulsion des héritiers de l’intelligentsia culturelle de Paris ». Il en cite d’autres : Saint-Louis-de-Gonzague, L’École bilingue, Saint-Dominique, Stanislas, Notre-Dame-de-Sion, ou à Amiens, La Providence à Amiens où Emmanuel Macron a effectué ses études secondaires.

Mais c’est surtout l’École alsacienne qu’il vise. Il y dépeint longuement le parcours d’un ancien élève devenu ministre du gouvernement Philippe : Gabriel Attal, secrétaire d’État, aux côtés du ministre de l’Education, et qui va jouir d’appuis, de conseils et de recommandations exceptionnels. Il les doit à son amitié avec la famille Touraine, avant d’être élu député de LREM. Et pour Juan Branco, c’est bien la preuve de l’endogamie des milieux « affairistes bourgeois ».

Sans compter que Gabriel Attal, ancien militant socialiste, a su mobiliser ses propres amis du parti en faveur d’Emmanuel Macron.

5. La fureur du peuple français

L’une des thèses principales exposée par l’auteur est que la révolte gronde et que nous approchons d’un cataclysme social. Le mouvement des Gilets jaunes s’explique par un ras-le-bol du peuple exsangue qui a compris que l’augmentation du prix du carburant à travers la fameuse taxe carbone n’a pour objet que de financer le budget de l’État, déficitaire à la suite du CICE.

Cette mesure a d’abord profité aux nantis, tout comme la suppression partielle de l’ISF. Prendre aux pauvres pour donner aux riches. Juan Branco montre alors du doigt une spécialiste de la communication, un personnage discret mais très efficace pour faire et défaire l’opinion ou les réputations, Michèle Marchand. Celle que tout le monde appelle Mimi, reine des paparazzi aurait été présentée à l’Elysée par Xavier Niel pour gérer l’image de Brigitte Macron ou désamorcer les scandales possibles comme celui de l’affaire Benalla.

Cette affaire Benalla n’a pas pu être étouffée. Elle a été une des causes de la révolte anti-Macron qui allait s’épanouir 4 mois plus tard. Branco révèle que Benalla a été recruté parce que le responsable de la sécurité du groupe LVMH, Bernard Squarcini, ancien directeur des services du renseignement intérieur, avait conseillé l’Élysée en ce sens. L’idée de l’implantation d’une garde rapprochée du Président, une sorte de garde prétorienne indépendante de la police et de la gendarmerie, s’imposerait par la nécessité de faire fonctionner des réseaux d’hommes d’affaires influents capables de contrôler les médias au plus grand bénéfice du pouvoir politique actuel.

Juan Branco l’avait annoncé dès les premières lignes de son ouvrage : « Le pays entre en des convulsions diverses où la haine et la violence ont pris pied. Cette enquête sur les ressorts intimes du pouvoir macroniste, entamée en octobre 2018, vient donner raison à ces haines et violences que l’on s’est tant plu à déconsidérer. »

6. Déviance médiatique et dérive autoritaire

La hargne avec laquelle Juan Branco attaque les médias en général et les journalistes en particulier manque souvent de pertinence.

À ses yeux, l’élection d’Emmanuel Macron, orchestrée par les oligarques et la presse tient du scandale parce que l’on découvre tout cela un an après le scrutin présidentiel, et que cette découverte n’a été possible qu’au prix d’enquêtes menées auprès de « mondes et de journalistes qui n’ont cessé de mentir. » Il imagine encore que certaines publications ou certains médias audiovisuels auraient pu l’inviter à s’exprimer au lieu de taire son brûlot : Libération, L’Express, BFM TV, par exemple. Mais il réalise que c’est impossible. Les journalistes pratiquent « une servitude volontaire ». D’autre part, ces entreprises sont détenues par Patrick Drahi, le riche entrepreneur qui les a acquises avec l’aide de Macron. Donc toute critique est exclue.

Pour faire bonne mesure, soutient Branco, Drahi aurait recommandé à l’Élysée un nouveau conseiller, le banquier Bernard Mourad, aujourd’hui, un ami intime du président.

L’auteur s’interroge encore : les médias plus progressistes auraient-ils choisi eux aussi le silence ? L’Obs, Le Monde, Télérama, Mediapart sont des médias où Xavier Niel a pris des participations. Ou qu’en est-il du Figaro, propriété d’Olivier Dassault ? Et la liste est longue. D’autres noms suivent : Vincent Bolloré, Martin Bouygues.

Pour l’auteur, si les médias sont verrouillés tout comme les maisons d’édition, c’est le fait d’hommes d’affaires favorables à Emmanuel Macron qui en sont devenus les propriétaires. L’Elysée a donc imposé sa loi aux médias mais a aussi démontré qu’on entendait y régler de façon autoritaire tout ce qui pouvait entraver le fonctionnement de la politique au jour le jour. On a ainsi réglé l’affaire Benalla, et le cas des conseillers qui voulaient l’étouffer.

7. Conclusion

Pour Juan Branco, si Emmanuel Macron a mis un terme à l’alternance politique traditionnelle gauche-droite, il l’a fait à son propre profit, en exerçant le pouvoir pour lui-même et pour ces amis.

Arrivé à la magistrature suprême à la faveur d’un coup monté par les possédants et avec la complicité des médias, il n’a cessé de mener une politique autoritaire, méprisante pour les faibles et les pauvres et qui renforce les inégalités. L’auteur n’hésite pas à parler de dérive autoritaire et soupçonne le fascisme qui vient.

Le livre s’achève sur des incantations. Elles s’adressent à tous ceux qui ont été évoqués dans l’ouvrage. L’effondrement est imminent.

8. Zone critique

Juan Branco, véhément, dénonce une collusion supposée entre les intellectuels, les journalistes et les oligarques pour installer à l’Élysée un homme qui leur serait acquis. Son propos tient en une suite de chapitres impressionnistes parfois sans liens entre eux.

Mais s’il révèle certains faits parfois troublants, il ne démontre ni ne prouve jamais ses affirmations sur les combines, sur les obscures stratégies, sur la corruption des élites. Il accuse, insulte, moque, méprise les représentants d’un milieu, celui dont il est issu et qu’il revendique vouloir trahir.

Comme il refuse à tout journaliste sa capacité d’indépendance à l’égard des propriétaires de médias, il dénie aussi aux électeurs, l’autonomie de jugement qui les guide jusqu’à l’isoloir. Il veut la destitution d’Emmanuel Macron, se présente en Saint-Just et ne fait finalement que régler des comptes avec les uns ou les autres, avec ses amis ou ses adversaires, ceux qu’il a aimé depuis l’école primaire, ou ceux qu’il a détesté.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Crépuscule, Paris, Au Diable Vauvert/Massot, 2019.

Du même auteur – Contre Macron, Paris Divergences, 2019.

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