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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Pourquoi tout va s’effondrer

de Julien Wosnitza

récension rédigée parRobert Guégan

Synopsis

Science et environnement

Julien Wosnitza annonce que les catastrophes écologiques en cours vont conduire à la fin du monde tel que nous le connaissons. Il donne même une date : « vers 2030 ». Comme cet effondrement est inévitable, il donne des pistes pour s’y préparer. Si les données de l’auteur font peur, il faut y voir le cri d’un militant de 24 ans, représentant la première génération confrontée à la perspective d’un effondrement écologique. Comme le signale Paul Watson, le fondateur de Sea Shepherd, dans la préface, « si elle ne fait pas entendre sa voix, elle pourrait bien être la dernière génération de l’humanité » (p. 13).

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1. Introduction

Ce livre reflète l’engagement personnel d’un auteur déjà actif au sein de Sea Shepherd et de 269 Libération Animale. Sea Shepherd intervient dans les eaux de l’Antarctique pour s’opposer physiquement aux baleiniers japonais. 269 Libération Animale est une association française qui lutte contre « l’oppression des animaux » et dénonce le spécisme, c’est-à-dire la supériorité supposée de l’homme sur les autres espèces animales.

Ses partisans combattent l’élevage, la pêche et bien sûr les abattoirs. Ils sont rodés à la mise en scène et à la culpabilisation du consommateur. Logiquement, dans une perspective environnementale, l’auteur consacre un chapitre à l’exploitation animale et aux menaces pesant sur les océans.

2. En 2048 les océans seront vides

La mer représente près de 71 % de la surface terrestre. Elle est à la fois la victime de pollutions et le siège d’enjeux peu ou mal connus. L’auteur rappelle que les océans jouent un rôle essentiel dans les mécanismes bio-climatiques à l’échelle du globe. Ils absorbent le gaz carbonique. Et les courants marins, comme le Gulf Stream, permettent les transferts d’énergie. Si la fonte des glaces modifie la trajectoire de ce dernier, tout notre climat tempéré sera impacté, de même que la biologie de nombreuses espèces. D

éjà, l’océan absorbe une quantité croissante de CO2 (gaz carbonique), ce qui conduit à son acidification. Comme les coraux, qui meurent, le phytoplancton se trouve exposé à cette acidité fatale. Or, ces algues microscopiques ne transforment pas seulement le CO2 pour produire l’oxygène que nous respirons. Elles sont à la base de toute la chaîne alimentaire marine.

À ces phénomènes s’ajoute une pollution d’origine chimique ou industrielle. Le cas des gyres, continents de plastique au sein des océans, est ainsi éloquent. Comme l’écrit l’auteur, « Certaines de ces énormes îles de plastique font plusieurs fois la surface de la France » (p. 29). Les animaux marins s’en nourrissent involontairement.

Julien Wosnitza insiste également sur la pollution sonore. Le bruit perturbe les chants des cétacés, aussi s’accouplent-ils moins, ce qui explique en partie le déclin des populations de baleines. Au bout du compte, l’océan sera vidé en 2048, prévient Julien Wosnitza. Il sera impossible d’y pêcher quoi que ce soit. Conséquence logique d’une surpêche qui représenterait 950 milliards de poissons par an.

3. Les espèces disparaissent

Julien Wosnitza tire également la sonnette d’alarme pour la biodiversité terrestre. Trois facteurs expliquent son agonie : les produits chimiques utilisés par les agriculteurs (pesticides, fongicides, herbicides), le labour, et une logique productiviste non respectueuse des sols. Aucun organisme n’est spécifiquement visé ; l’auteur demande simplement si nous voulons que l’industrie des produits phytosanitaires continue à empoisonner notre nourriture.

Julien Wosnitza évoque aussi le rôle des champignons sur la fertilité des sols. Et celui du labour, qui empêche ces champignons de favoriser la production d’humus. L’auteur rappelle en outre que 80 % des insectes en Europe ont disparu en trente ans. Dont une partie des abeilles. La pollinisation, qui permet la reproduction des fruits et des légumes que nous consommons, est donc hypothéquée.

Aberration écologique, l’exploitation animale conduit à dépenser 15500 litres d’eau pour produire un seul kilo de bœuf, et sept calories végétales pour produire une calorie animale. Consacrer 60% des terres agricoles de la planète à nourrir du bétail est donc un énorme gaspillage. Utiliser directement les ressources consacrées aux animaux éviterait la déforestation massive et ses conséquences négatives. Car la nourriture animale fait appel à une monoculture intensive. « 85 % de la déforestation amazonienne est liée à la production de denrées alimentaires pour nourrir du bétail. À comparer aux 5 % liés à l’huile de palme dont tout le monde parle » (p. 50).

Julien Wosnitza n’oublie pas le méthane produit par les animaux d’élevage : un gaz trente fois plus polluant que le CO2., mais d’une durée de vie atmosphérique limitée à cinq ans. Si on cesse d’élever des animaux, on obtient donc des résultats à court terme sur l’effet de serre. « Il suffit de donner le statut d’êtres sensibles aux animaux et d’interdire leur meurtre » (p. 51). Il s’agit donc de ne plus consommer d’animaux, et d’intervenir dans les abattoirs.S’il faut prendre des mesures aussi radicales, c’est que les enjeux y conduisent. Dans une étude portant sur 27600 espèces de vertébrés, les scientifiques ont découvert que la moitié a disparu en quarante ans.

Julien Wosnitza reprend à son compte le terme de « sixième extinction de masse », mis en avant par la communauté savante – la cinquième ayant entraîné la fin des dinosaures. En France, plus d’un tiers des espèces d’oiseaux nous ont quittées en seulement 15 ans. Les espèces disparaissent en raison de la dégradation de leurs habitats, de la pollution chimique et de l’urbanisation, avec ce qu’elle implique.

4. Les ressources en énergie sont limitées

Les sociétés occidentales sont dopées à l’énergie, souligne l’auteur, avec l’idée implicite que l’énergie est inépuisable. Ce n’est pas le cas, comme l’indiquent les taux de retour énergétiques (TRE), qui condamnent la notion même de croissance. Un TRE mesure l’énergie obtenue par unité d’énergie dépensée. Pour le pétrole, investir un baril en énergie de forage permettait d’obtenir 200 barils dans les années 1920.

Aujourd’hui, le rapport est de un à dix, voire de un à quatre. Depuis 2006, année où l’extraction mondiale a été la plus forte (peak oil), l’épuisement apparaît comme inexorable. Nous aurons de moins en moins de pétrole, mais aussi de gaz et de charbon. Le peak gas a été atteint en 2010, et le peak coal le sera en 2020. À rapprocher des statistiques actuelles : 92 % de l’énergie mondiale relève des énergies fossiles. La part du nucléaire est de 4 %, celle de l’énergie hydro-électrique, de 3 %.

Les énergies dites renouvelables pèsent pour 1 % à l’échelle mondiale, indique Julien Wosnitza pour qui « nous misons tout sur ces dernières ». Or elles ne peuvent pas répondre aux besoins en termes de volume. Par ailleurs, leur efficacité est faible, leur coût d’installation élevé, et il faut s’adapter aux pics de production, ce qui ne correspond pas à nos modes de vie.

« Qui renoncerait à regarder la télévision ou à utiliser n’importe quel autre appareil électrique en hiver ? demande l’auteur (p. 41). Comment survivrons-nous si le supermarché le plus proche ne vend plus de nourriture », faute de pétrole pour les livraisons (p. 43) ? L’auteur affirme en outre que la mise en place des énergies renouvelables nécessite des décennies, alors que le temps presse.

Dans la foulée, l’auteur se penche sur les ressources en métaux de la planète, les terres rares en particulier. Il souligne que si on tient compte de son cycle complet, une voiture électrique est aussi polluante qu’une voiture diesel de même catégorie. Les panneaux solaires et les éoliennes étant bourrés de métaux rares dont l’extraction est polluante, remplacer in fine des énergies fossiles par des équipements faisant appel aux métaux rares est un doux rêve. Au cas où vous auriez un doute, l’auteur clôt le débat : « Un système de production d’énergie de masse, qui soit propre, cela n’existe tout simplement pas » (p. 42).

5. Premier responsable : le capitalisme

Comme la consommation d’énergie concourt au réchauffement climatique, l’auteur présente le scénario d’un réchauffement de +3,5° C en 2100 par rapport à 1850. Le scénario à +2°C n’est pas moins catastrophique. Julien Wosnitza prévient que pour s’en tenir à ces 2°C, il faudrait diviser notre niveau de vie, « donc notre économie » par six. Pour lui, le capitalisme est « la source de tous les maux » (p. 15). D’autant que les phénomènes d’interconnexion touchent la finance. Connaissant le système de l’intérieur, l’auteur dénonce la folie des marchés financiers, qui annonce une crise majeure. La fin du monde financier est ici annoncée à l’horizon 2023, avec pour conséquence une déstabilisation totale.

Si le capitalisme est mis en cause, c’est qu’il repose sur un droit d’accumulation illimité, alors que nous vivons dans un monde aux ressources finies. Opérer une nécessaire transition suppose donc d’aller vers une société où les richesses sont partagées. « Huit personnes, aujourd’hui, détiennent à elles seules autant de richesses que 3,5 milliards d’êtres humains », souligne Julien Wosnitza (p. 17).

Pour remplacer le capitalisme, l’auteur reprend à son compte la théorie du salaire à vie, développée par Bernard Friot : un revenu pour les adultes, qui évolue au cours de la vie selon une échelle de un à quatre. Cette mesure permettrait de reconvertir tous ceux qui exploitent les animaux : éleveurs, pêcheurs, bouchers-charcutiers, vendeurs en animalerie… Elle apporterait également une réponse à la décroissance, seul remède si vous voulons que toute la planète puisse « vivre dans une sorte de simplicité heureuse » (p. 63). Côté nourriture, selon l’auteur, la terre peut nourrir 12 milliards d’humains avec une agriculture biologique.

Encore faut-il mutualiser les moyens de production, donc mettre fin à la propriété lucrative. On devine que les obstacles sont nombreux. D’autant que les pays riches doivent montrer l’exemple. Or, personne n’est prêt, pronostique l’auteur, à se déplacer à vélo, à devenir végétalien et à baisser le chauffage en hiver. Il ne faut pas non plus compter sur la classe politique. Par conditionnement, mais aussi parce que les politiques à mettre en œuvre seraient impopulaires, et qu’il n’existe pas à l’échelle mondiale d’organisme qui pourrait imposer un changement de cap à 180 degrés. Le tableau est donc sombre. « Un changement depuis la base est impossible, et un changement des politiques est illusoire » (p. 72).

6. Que faire ?

L’appel à agir avant qu’il ne soit trop tard, annoncé dans l’introduction, se résume donc à un paradoxe : on ne peut pas éviter l’effondrement, mais on peut prendre des mesures pour que la chute soit moins brutale. Comment ? D’abord en s’y préparant. Répliquons l’exemple des ZaDs (Zones à Défendre), dit Julien Wosnitza, qui n’assimile pas la démarche à une forme de survivalisme. Il s’agit de se tourner vers le collectif et non vers l’égoïsme. Comme exemple, l’auteur cite la permaculture. Ce mode d’action vise à concevoir des cultures, des lieux de vie, et des systèmes agricoles utilisant des principes d'écologie et le savoir des sociétés traditionnelles pour reproduire la diversité, la stabilité et la résilience des écosystèmes naturels.

Il faut ensuite se donner les moyens. Le militantisme est donc présenté comme la condition sine qua non pour changer de paradigme, avec deux armes non violentes : la désobéissance civile et le boycott ; Il s’agit aussi de mettre en place, dans les collectivités publiques, des « stratégies 2030 ou 2050 conçues à travers le prisme de l’effondrement » (p. 81). Bref, il faut se préparer au pire, car le pire va arriver.

Les mesures à adopter dès maintenant font l’objet d’une liste en fin d’ouvrage. On y retrouve l’isolation des logements à grande échelle, mais aussi des propositions qu’on ne pensait pas de nature à lutter contre l’effondrement annoncé. Mais dans sa préface, Paul Watson nous avait avertis : sortir de la crise suppose de l’imagination.

7. Conclusion

Si ces « remèdes » lui font perdre beaucoup de crédibilité, l’auteur met l’accent sur différentes menaces qui pèsent sur notre planète, et risquent de rendre le monde invivable d’ici quelques années. En ce sens, il remplit son objectif initial : « présenter une vision condensée et pluridisciplinaire des défis auxquels nous sommes ou allons être confrontés » (p. 21). S’il n’apporte rien de nouveau, s’il ne maîtrise pas toujours les thèmes abordés, il cible des problématiques cruciales et fait bien comprendre qu’il y a urgence.

Comme le souligne Pablo Servigne dans la postface, « ce livre est aussi l’histoire d’un basculement : le moment précis où l’on envisage que tout peut s’en aller. Que notre finitude est palpable, réelle ». Cela mérite d’être rappelé.

8. Zone critique

Sans la préface, la postface et les dessins de Pierrozz, le propos de l’auteur se limite à 56 pages, avec des gros titres. Ce livre est donc un coup éditorial, dont on perçoit mal l’intérêt.Si les menaces évoquées sont réelles, si la subjectivité est légitime, toutes les attaques visent des cibles anonymes. Les arguments se suivent sans véritable hiérarchie, avec des affirmations non vérifiables, voire des données sujettes à caution .

Pablo Servigne, qui signe la postface, a bien vu cette faiblesse, avouant qu’on peut toujours « critiquer les chiffres et les arguments » (p. 87). Mais l’auteur de Comment tout peut s’effondrer – chez le même éditeur – ajoute que les articles scientifiques contiennent déjà beaucoup de données chiffrées.Reste que si l’auteur participe de la « collapsologie » (étude de l’effondrement du monde industriel) définie par le même Pablo Servigne, son cadre politique interroge. « Le changement ne se fera pas par la base, prévient-il. Celle-ci n’est pas assez éduquée écologiquement et surtout pas assez coordonnée » (p. 66). N’est-ce pas une porte ouverte à beaucoup de dérives ?

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Julien Wosnitza, Pourquoi tout va s’effondrer, Paris, Les liens qui libèrent, 2018.

Autres pistes— Donella Meadows, Dennis Meadows et Jorgen Randers, Les Limites à la croissance (dans un monde fini). Le rapport Meadows, 30 ans après, Paris, Rue de l’Échiquier, 2012.— Yves Cochet, Devant l’effondrement. Essai de collapsologie, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2019.— Yves Cochet, Antimanuel d’écologie, Paris, Bréal, 2009.— Pablo Servigne et Raphael Stevens, Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, Paris, Seuil, 2015.— Pablo Servigne, Raphael Stevens et Gauthier Chapelle, Une autre fin du monde est possible, Paris, Seuil, 2018.— Rob Hopkins, Manuel de transition. De la dépendance au pétrole à la résilience locale, Montréal, Écosociété, 2010.— Rob Hopkins, Ils changent le monde ! 1001 initiatives de transition écologique, Paris, Seuil, 2014.

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