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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Tao Te King

de Lao Tseu

récension rédigée parStéphanie Hofer

Synopsis

Développement personnel

Le TaoTe-King se compose de 81 petits textes elliptiques, poétiques et répétitifs. Grâce à cette forme de présentation, la pensée de la Voie du Tao se coud et se découd au fil de la lecture, sous différentes profondeurs. Lao-Tseu expose les préceptes du Taoïsme, la Voie pour devenir un être libre, en harmonie avec la nature, avec soi-même, les autres et la société. L’harmonie, pour les taoïstes, se trouve en plaçant son cœur et son esprit au sein même de la nature et rejoindre, ainsi, la vacuité, le Tao, décrit comme le bonheur éternel.

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1. Introduction

Le Tao Te King, l’ouvrage de l’ enseignement de la Voie du Tao, aurait été transmis oralement par Lao-Tseu sous la plume du gardien de Yin Xi de la passe Hangu de l’État de Quin en Chine, lors de la période dite « Des Royaumes combattants ». Cette période se caractérise par de nombreux progrès techniques et économiques déterminants qui ont profondément influencé l’ Histoire de la Chine. Elle fait suite à la fin de la période des Zhou et à l’apparition de sociétés divisées en province, chacune dirigée par un Prince. Lao-Tseu y expose la voie du sage, les conseils à l’ homme désirant suivre la Voie, le Tao, et les idées sociopolitiques du taoïsme.

Le taoïsme est, aujourd'hui, à la fois une philosophie et une religion chinoise, il signifie littéralement « enseignement de la Voie ». La pensée chinoise se représente souvent en images, de par, notamment, son écriture pictographique et calligraphique. Cette version illustrée « Un voyage illustré » d’arts asiatiques de l’Art Institute of Chicago, permet de ressentir l'harmonie en mot et en image chère à la pensée chinoise. Décrire la pensée taoïste est une recherche de sens en soi, ce qui selon cette pensée serait un non-sens, tant elle se vit, par l’expérience de chacun, en trouvant la source en son intériorité. Découper cette pensée reviendrait donc à s’éloigner de son fondement, l'unité, tout en étant nécessaire afin de tenter de s'approcher de sa substantifique moelle.

Pour vivre en harmonie, Lao-Tseu adopte une posture naturaliste. Son principe : suivre le courant, être comme l’eau, sans forme, sans volonté. Le mouvement serait en lui-même régulateur, comme le bon déroulement de la nature elle-même. Accepter les choses telles qu'elles sont. Pour suivre cette Voie, le sage fera preuve d'humilité, d'effacement de l'ego conjugué au « Wei Wu Wei » ou l'art du non-agir. Le maître agit en acceptant le cours des événements comme étant juste, naturel. Pour parvenir à cet équilibre, l'individu doit accepter, équilibrer les opposés de sa nature humaine. Ces opposés sont décrits selon deux grands principes de la philosophie chinoise qui régissent toute une théorie cosmologique : le yin (féminin) et le yang (masculin). En s'acceptant, le maître accepte l'autre comme son reflet, une source d'apprentissage de soi. Cette Voie spirituelle permettrait de s'approcher de la vacuité, décrite par l’auteur présumé comme l'extase, l'éveil. De cet éveil découle la vision sociétale du Tao, décrite comme une société simple, paisible, parfaitement égalitaire et dénuée de l’emprise d’un gouvernement central.

2. Le naturalisme, l'art du non-agir

Lao-Tseu pose le principe d'être en harmonie et confiant avec la réalité telle qu'elle est, afin de ne faire qu'un avec la nature. « L'homme se règle sur la terre. La terre se règle sur l'univers. L'univers se règle sur le Tao. Le Tao ne se règle que sur lui-même », résume-t-il, paragraphe 25. Le Tao est infini, serein, vide, il représente l'impermanence du tout. À l'image du recommencement sans fin des saisons, rien n'est figé, tout change, évolue et reste pourtant à l'origine de la nature elle-même. Il décrit l'harmonie homme-nature, comme elle seule permettant la sagesse. Être en harmonie consisterait à suivre le courant de la vie. Imiter la passivité féconde, créatrice de la nature. Tout ce qui existe, existe dans la nature, par la nature et pour la nature, même l'esprit.

Pour atteindre cette harmonie, il décrit le principe du non-agir Wu Wei Wu selon lequel le bon mouvement survient de lui-même. L'action juste est consciente sans volonté, elle se joue naturellement. Le maître agit en laissant les choses suivre leurs cours, sans rien contrôler. Ne possédant rien, il n'a donc rien à perdre. Mieux, il ne se soucie de rien excepté du Tao. « Peux-tu gérer les affaires les plus vitales en laissant les événements suivre leurs cours » (paragraphe 10). Le faire ne détermine pas l'être. Le conseil suivant (paragraphe 24) : « Si tu veux être en accord avec le Tao fais simplement ton travail puis lâche prise », est un bon exemple de cette posture. Non-agir suppose de ne pas être en compétition. S'amuser du jeu de la vie, sans vouloir gagner à tout prix.

Ainsi, le sage retrouve son cœur d'enfant, selon le principe de la phénoménologie, qui consiste à accueillir la vie avec émerveillement comme un enfant qui l'a découvre, sans préjugés, errances, souffrances, et en parfaite insouciance. « Peux-tu laisser ton corps devenir souple comme celui-ci d'un nouveau-né ?» (paragraphe 10). La sagesse est espièglerie, émerveillement enfantin. Le naturalisme exposé par Lao-Tseu se veut, par essence même, opposé à toute pensée duelle. Il apporte une vision d'équilibre des opposés faisant partie d'un tout, comme le sont l'obscurité et la lumière dans la nature.

3. L'harmonie Yin Yang, l'équilibre des opposés

« Quand masculin et féminin se rejoignent, toute chose s'harmonise » (paragraphe 43). La pensée chinoise considère tous les aspects opposés de la vie, formant un tout, une unité en le catégorisant en deux principes, l'un yin, principe féminin et l'autre yang, principe masculin. Les harmoniser est la clef de l'unité, du tout harmonieux. Ces deux aspects créateurs sont présents dans la nature. Par exemple, la lune et la terre sont par essence yin, tandis que le soleil et le ciel, yang. Suivre la Voie consiste à accueillir les opposés en soi, leurs interactions, sans volonté.

Pour trouver la Voie, un des chemins est le recours aux paradoxes tels que : Celui qui sait ne parle pas. Celui qui parle ne sait pas. La faiblesse est plus forte que la force. Connaître c'est ne pas connaître. Ne pas connaître, c'est connaître, etc. En demeurant dans le Tao sans but, l'homme du Tao atteint la réussite, car il est lui-même, épanoui, en harmonie grâce à ses opposés équilibrés. Pour le Tao nous avons les réponses naturelles en nous. En nous faisant confiance, nous pouvons être naturel, ne faire qu'un avec le silence, la perte, se laisser guider par ce qui est, s'ouvrir complètement, afin de se fondre dans le tout, l'unité. Il y a, d'ailleurs, selon Lao-Tseu, un temps pour tout ; un temps pour être en danger, en sécurité, ne rien contrôler, l'unique espace étant de rester en son centre. Rester centré consiste à demeurer dans la compassion et le non-jugement. Accepter les opposés c'est accepter l'impermanence de la vie et sa propre impermanence, en totale insouciance.

Les illusions sont trompeuses selon le Tao : « Le chemin vers la lumière paraît sombre, le chemin qui avance semble reculer, le chemin direct semble long... » (paragraphe 41). Celui qui peut voir au-delà de toute peur est toujours en sécurité, « la plus grande illusion est la peur » (paragraphe 47). L'espoir amène la peur, la réussite l'échec, en se focalisant sur un désir ou une action, on ne peut rester centré. On demeure ainsi dans l’illusion de nos désirs, errant dans nos intentions et actions. La vraie sagesse semble folle ou encore la vraie perfection semble imparfaite. Il faut donc aller au-delà des apparences qui se nourrissent des antagonismes du Tao formant en réalité l'unité, la réalité telle qu'elle est. Faire confiance à la vie, s'aimer soi pour aimer les autres et, accueillir, alors, dans la plénitude, chaque événement qu'il soit en apparence positif ou négatif. Accepter l'antagonisme de l'être, c'est faire jaillir ses profondeurs, sa liberté d'être.

4. Liberté d’être soi

Le soi serait une étincelle de conscience divine dans le cœur de chacun. Être soi est à l'image, décrite par Lao-Tseu, du danseur qui n'est pas séparé de la danse, uni corps et âme. L'être est responsable de son existence, de son développement affectif, social, spirituel et de sa santé. Toutes les paroles, tous les actes ont des conséquences. Ainsi il conseille de laisser le moins de traces possible. Chacun est uniquement responsable de soi. Pour retrouver sa responsable liberté, l'être devra se purifier, plonger en sa part d'obscurité pour y faire jaillir la lumière. « Peux-tu purifier ta vision intime jusqu'à ne rien voir d'autre que ta lumière » (paragraphe 10). L’enseignement de la Voie consiste à s'éloigner de ses pensées, préjugés, peurs, désirs, souffrances, croyances, connaissances pour retrouver l’innocence, l'insouciance de son essence. Lao Tseu conseille de modérer ses actions. À travers l'exemple du travail, il conseille de l’exécuter sans trop s'investir, afin de conserver sa liberté d'être. Ce qui s'apparente encore une fois au concept du non-agir, agir librement, sans attente, volonté et désir. « Cours après l'argent et la sécurité et ton cœur ne s'apaisera jamais » (paragraphe 9).

La communication du sage provient directement du cœur. Le souffle est l’interaction, de laquelle émanent la voix et la Voie de l'être présent, clair et authentique. Lao-Tseu décrit l’effet miroir selon lequel la personne en face de nous, agit d’une manière qui nous renvoie à notre propre réalité. Pour être accepté et respecté du monde entier, s'accepter et se respecter serait l'unique chemin. Rester simple, juste et généreux, faire ce que l'on aime sans contrôler et se comparer, satisfait d'être soi même. La Voie du Tao, la voix humble se reflétera dans la voix respectueuse des autres, dissipant toute complication. Tous les fleuves se jettent dans la mer car elle est plus basse qu'ils ne le sont. L'humilité lui confère sa puissance » (paragraphe 66). Combattre les autres reviendrait à se combattre soi-même, une part de soi, la part reflétée par l'autre. Cette posture d'humilité et de simplicité est le chemin vers la clarté, illuminée par la vacuité.

5. La vacuité, puits jamais tari

L'éternité, le Tao est au-delà de la matière. Il est mystère, non-action, non-avoir, non-agir, nommé comme la vacuité de l'être, la source, ou encore le vide par Lao-Tseu. Il est comme le soleil, on peut sentir sa chaleur, malgré les nuages ou éclipses, il est toujours présent en soi, en son Cœur. Il est infini, « tel un puits, sans cesse utilisé mais jamais tari » (paragraphe 4), éternel, « plus ancien que Dieu » (paragraphe 4 ) innommable, sans origine, c'est le tout est possible. « Dans la pratique du Tao, chaque jour quelque chose est lâché » (paragraphe 49), il est nécessaire de faire confiance à l'autre, qu'il soit de confiance ou non. La force du Tao se déploie dans le vide intérieur, en son centre, ce qui signifie être présent, sans jugement, sans parti, sans distinction du bien et du mal, dans l’accueil des événements. C'est le « royaume du rien », sans possessions, ni connaissances, « Tu ne peux le connaître, mais tu peux l'être » (paragraphe 14).

Le Tao est présent en nous tous. Il est l'éternel recommencement. Le maître en restant détaché, « en retrait », devient observateur de lui-même. Il est sorti du tourbillon, des troubles et des vicissitudes de la vie. La vacuité consiste à être présent, sans attente, patient. Ne rien rechercher et ne rien attendre est la voie de la sagesse. Vider son esprit, le cœur en paix afin d'être tolérant, désintéressé, amusé, bienveillant permet de faire face à tout ce que la vie apporte et être prêt pour la mort. Pour cela, Lao Tseu conseille de revenir « à la source commune de tout être » (paragraphe 16), l'essence, l'unité, le cœur en chacun de nous. Dans le voyage intérieur, chaque moment, événement, est une opportunité, un apprentissage, si le maître incarne sa lumière : « Qu'est-ce qu'un homme mauvais sinon une opportunité pour l'homme bon ? »(paragraphe 28). Le tao ne se cherche pas, chercher le tao c'est se perdre. Se trouver et se détacher de la volonté de le trouver, c'est le trouver.

6. Responsabilité et limites des institutions

L'enseignement de la Voie considère les institutions comme jouant un rôle délimité, avec un début et une fin. « Si les puissants pouvaient restés centrés dans le Tao, toutes choses seraient en harmonie, les gens seraient en paix et la loi inscrite dans les cœurs » (paragraphe 33). Les gens seraient heureux, suivant les rythmes de la nature, libérés de tout désir. La violence est donc bannie. Quand deux grandes forces s'opposent, la victoire va a celui qui a appris à céder. « Maîtriser les autres est force, se maîtriser soi-même est le vrai pouvoir » (paragraphe 32). Ainsi, le dirigeant gouverne avec modération, lâcher prise. Il s'occupe des personnes comme de ses propres enfants avec bienveillance et compassion. Le maître se contente de ce qu'il a car sa vraie richesse se situe en lui-même. Le dirigeant de la Voie est donc, bien entendu, un exemple d'humilité. Pour apprendre à gouverner, il faut être simple, « le modèle le plus simple est le plus clair » (paragraphe 65).

Une grande nation pour Lao-Tseu est comme un grand homme. Elle doit reconnaître ses erreurs, les admettre pour les corriger et pardonner celles de ses ennemis. Les ennemis sont pour le Tao « des guides bienveillants » (paragraphe 61) qui projettent au dirigeant ses propres fautes, son ombre. Une nation centrée sur le Tao sera une lumière pour toutes les nations du monde, si elle ne se mêle pas des affaires des autres, prônant ainsi le principe de non-ingérence. « Quand la classe supérieure est extravagante et irresponsable alors que les pauvres n'ont nulle part où se tourner... Tout cela est vol et chaos. Ce n'est pas en accord avec le Tao » (paragraphe 53). Lao-Tseu considère que la loi éloigne les gens de l’honnêteté, l'économie de la prospérité, la religion de la sérénité. La prospérité serait comme un flux naturel, tenter de le contrôler, d'agir, créerait le KO, l'errance des hommes. Le maître sert d'exemple, mais ne dicte rien, il laisse transparaître, sans paraître. Lao-Tseu critique la surface des choses, les formes illusoires comme source de chaos des institutions. Il donne l'exemple des rites religieux, qui donnent une illusion, du faire-valoir mais ne serait qu'un puits sans fond, éloignant alors la profondeur de l'être, un puits jamais tari.

7. Conclusion

Les trois enseignements que Lao Tseu résume sont simplicité, patience et compassion. Pour entendre ces enseignements, il indique que l'unique chemin est celui du cœur. Le Tao Te King propose le détachement de l'ego comme cheminement vers le Tao, la présence, l'amour universel et la compassion naturelle. Avoir un cœur ouvert, nu de toutes connaissances ou pensées, en faisant confiance en sa vision intérieure, en suivant le cours des événements et en s'observant afin de prendre du recul sur soi et le monde. « Être doux et flexible, être un disciple de la vie, quiconque est raide et inflexible est un disciple de la mort » (paragraphe 75).

Le Tao n’est compréhensible que dans la réalité de la vie. C’est à chacun de travailler avec ses outils au quotidien et de créer son propre chemin, dans l’expérience concrète. Trouver dans sa propre expérience les vérités fondamentales et paradoxales de l'art de vivre, leur essence, nommées par Lao-Tseu comme la source, la vérité, le Tao.

8. Espace critique

Le livre de « l'enseignement de la Voie et de la vertu » a eu une influence considérable sur des pans entiers de la civilisation extrême-orientale et occidentale grâce à ses nombreuses interprétations et traductions. On confronte souvent le Confucianisme au Taoïsme. Les deux grands sages de la philosophie chinoise, selon ce qui est le plus souvent considéré comme une invention littéraire, se seraient, un jour, rencontrés. Une entrevue de 10 jours durant laquelle Confucius serait resté silencieux.

Confucius entend dissoudre l'individu dans un tout social tandis que Lao-Tseu le dissout dans un tout universel. Le Je n'est pas sujet. Le Confucianisme a une vision culturelle, sociale, une intelligence du tout. Tandis que le Taoïsme a une vision naturaliste selon laquelle, au contraire, la Voie est d'abandonner la connaissance, je sais que je ne sais rien. La connaissance chère à Confucius éloigne de l'unité du Tao. On peut donc se demander si ces deux visions opposées pourraient, elles aussi, s'unifier. L'un posant la question de la liberté de l'être et l'autre de l'existence de l'être social. S'absoudre ou se dissoudre de la société ?

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Tao Te King, paris, Éditions du Seuil, 2004.

Autres pistes– Tchouang-Tseu, Les œuvres de Maître Tchouang, Éditions de l’encyclopédie des nuisances, traduit par Jean Lévi, 2006.– Lie-Tseu, Traité du vide parfait, Albin Michel, Collection Spiritualités vivantes, traduit par Jean- Jacques Lafitte, 1997.

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