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Loïc Wacquant

Les prisons de la misère

Le constat d’un tournant punitif est au cœur de l’ouvrage de Loïc Wacquant, qui met au cœur de son propos la mondialisation des politiques de « tolérance zéro » face à la délinquance. Mais loin de se cantonner à un tel constat sur le fonctionnement des institutions de la punition, Loïc Wacquant entend réintégrer celle-ci dans une série de transformations plus larges affectant, de manière générale, les États contemporains depuis le milieu des années 1970. Ces transformations, qui voient l’avènement d’un véritable État pénal outre-Atlantique, s’expriment par la reconfiguration des politiques sociales, la désignation d’ennemis de l’intérieur, mais également le développement d’une gigantesque industrie privée de la sécurité. C’est donc, à travers la loupe grossissante de la prison, un véritable sens commun punitif imbriqué dans une philosophie néolibérale.

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Joël Charbit

Les prisons de la misère
Les prisons de la misère

book.chapter Introduction

Il est notoire que les États-Unis sont parmi les pays emprisonnant le plus ses propres citoyens. S’il faut noter que des doutes ont été exprimés sur la véracité des chiffres en provenance de la République Populaire de Chine, les États-Unis sont même, si l’on en croît l’édition 2018 du World Prison Brief de l’Université de Londres, le pays ayant le plus fort taux d’incarcération du monde, avec 639 personnes détenues pour 100.000 habitants, soit, en valeur absolue, environ 2 100 000 citoyens incarcérés. Pour Loïc Wacquant, l’augmentation de la criminalité n’est absolument pas en mesure d’expliquer cette croissance incontrôlée. Il faut plutôt y voir un tournant punitif, produit de la contre-révolution néolibérale initiée pendant l’ère Reagan, dont le symbole est la « guerre contre la drogue ». Pour l’auteur, celle-ci masque mal sa véritable raison d’être, celle d’une criminalisation accrue de la misère. Mais au-delà de l'évolution des politiques policières, pénales et pénitentiaires, l’hypothèse centrale de l’ouvrage est de situer l’analyse à une autre échelle afin d’en comprendre la logique interne. Loïc Wacquant propose en effet de voir dans ces évolutions des politiques publiques les symptômes d’une transformation de l’État lui-même, et à travers lui, d’un modèle de société à part entière. L’État-providence et le compromis fordiste-keynésien cèderaient donc la place à un État pénal, marqué par l’extension indéfinie de l’appareil pénitentiaire, la réduction des politiques sociales ainsi que la surveillance et le contrôle des populations les plus précaires. Là se situe sans doute la source des deux principales originalités de l’approche proposée par Loïc Wacquant. En plus de passer en revue un large spectre d’études, qualitatives et quantitatives, faisant le point sur le phénomène de croissance de l’appareil pénal étatsunien, l’ouvrage offre des perspectives précieuses pour l’analyse. D’une part, Les prisons de la misère propose un cadre théorique à même de saisir les causes et les différentes dimensions de cette transformation de l’État outre-Atlantique. Mais, écorchant par là même le mythe de l’exceptionnalisme étatsunien, il propose également d’identifier, en Europe, à la fois les phénomènes d’exportation de ce modèle punitif ainsi que les logiques endogènes qui, dans les pays du vieux continent, travaillent dans le sens de cette conversion de l’État et de la société au dogme néolibéral saisi à travers les recompositions de la pénalité.

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