Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Lynn Margulis et Dorion Sagan
Nous savons, depuis le début du XXe siècle, qu'il est possible d'établir une division majeure dans le monde vivant entre les organismes dont la cellule est dépourvue de noyau délimité par une membrane (les Procaryotes) et ceux dont la cellule est dotée d'un noyau bien différencié (les Eucaryotes). Or, s'il paraît probable qu'au cours du déroulement de la vie des bactéries procaryotes soient apparues les premières il y a plus de trois milliards d'années, on peut se demander comment la cellule Procaryote a pu, il y a un milliard cinq cent millions d’années, devenir Eucaryote, c'est-à-dire beaucoup plus complexe. Ainsi tout le vaste monde des Eucaryotes, qu'il soit unicellulaire ou pluricellulaire, qu'il soit Paramécie ou Homme, n'est rien d'autre que le résultat de ce phénomène fondamental, la symbiose, qui fait de nous des colonies ambulantes de bactéries transformées. Autrement dit, notre univers est bel et bien bactériel. L’autrice cherche à nous présenter le monde sous un angle nouveau, celui de la domination absolue d’êtres cellulaires qui composent le microcosme et le macrocosme dont nous croyons être les maîtres, alors que nous, Humains, représentons une partie insignifiante dans l'histoire de la vie.
Quand les hommes scrutent la vie sur Terre, ils pensent qu’ils en sont les souverains et qu’ils constituent la forme de vie la plus avancée sur Terre. La vision de l’évolution comme une compétition permanente entre espèces et individus disparaît au profit d’une nouvelle vision avec une forte interaction entre les différentes formes de vie.
L’évolution des bactéries est telle que la séparation entre les formes de vie sur Terre ne se situe pas entre les animaux et les plantes, mais entre les Procaryotes, organismes composés de cellules sans noyau (les bactéries), et les Eucaryotes, à savoir les autres formes vivantes. Les bactériologistes ont observé que les procaryotes ont sans arrêt transformé la surface et l’atmosphère terrestre. Grâce à leur capacité d’adaptation, les micro-organismes montrent leur réseau d’échanges à tous les êtres vivants. Le super-organisme mondial que forment les bactéries a ainsi rendu la planète fertile et habitable pour des formes de vie plus grandes.
Une des découvertes les plus stimulantes de la microbiologie moderne suggère l’existence d’une troisième voie : les descendants des bactéries qui nageaient dans les mers primitives et respiraient de l’oxygène il y a 3 milliards d’années existent aujourd’hui dans les cellules humaines sous forme de mitochondries. En créant des organismes qui ne sont pas simplement la somme de leurs parties, la symbiose des organismes en de nouveaux êtres collectifs s’avère être un puissant facteur de changement sur Terre.
Aux disciples de Darwin et aux ingénieurs généticiens, cet ouvrage montre que ces points de vue sous-estiment la Terre et la nature : les hommes appartiennent à un réseau à travers lequel les bactéries ont pris possession de la Terre.
Les nuages de gaz destinés à devenir la Terre contenaient, entre autres, de l’hydrogène, de l’hélium, du carbone, de l’azote, de l’oxygène, du fer, de l’uranium et du soufre. L’hydrogène, gaz trop léger pour être retenu par l’atmosphère terrestre, s’est mis à flotter dans l’espace, ou à s’allier à d’autres éléments pour produire les ingrédients nécessaires à la vie.
À l’origine, la planète était une boule de lave en fusion qui brûlait de la chaleur dégagée par la désintégration de l’uranium, du thorium et du potassium radioactifs contenus dans son noyau. L’eau surgissait des profondeurs en geysers de vapeur. Des torrents de pluies s’abattaient sur la Terre au fur et à mesure de son refroidissement. L’eau qui érodait les montagnes à mesure qu’elles se formaient entraînait les minéraux et les sels dans les océans et les lacs. Les premières traces de vie ont été découvertes à l’Archéen (entre -3,9 et -2,5 milliards d’années), dans de l’eau venant des profondeurs : la vie allait naître, se développer et s’étendre sur la planète sous forme de colonies de bactéries.
Le fond des océans actuels est presque partout désert et froid : aucune lumière n’y parvient. Jack Corliss estime que la vie aurait commencé à la frontière de ces anciennes plaques continentales, où les gaz riches en hydrogène réagissaient avec les gaz riches en carbone de l’atmosphère. Depuis les expériences de Miller-Urey, presque tous les constituants élémentaires des molécules complexes des cellules ont été produits en laboratoire. Le chimiste Leslie Orgel a récemment découvert une molécule similaire à l’ADN qui se forme spontanément en l’absence de cellules vivantes à partir de composés carbonés simples et de sels de plomb.
Pour être vivante, une entité doit d’abord activement se conserver en l’état contre les adversités du monde extérieur : la vie répond aux perturbations, elle utilise la matière et l’énergie pour rester intacte. Cette capacité d’adaptation est la base fondatrice de la vie.
Les premiers systèmes ressemblant à des cellules ont été découverts par le prix Nobel de chimie Ilya Prigorine ; il les a nommés « structures dissipatives ». Ce sont des objets ou processus qui s’organisent et changent spontanément de forme. Avec un apport d’énergie, elles s’ordonnent au lieu de se désordonner.
Les minuscules sacs d’ADN et d’ARN de l’époque archéenne menaient des activités prodigieuses : ils ne dormaient pas, ils grandissaient sans cesse et se reproduisaient. Leurs colonies et leurs fibres s’interconnectaient pour couvrir d’une pellicule la surface jusqu’alors stérile de la planète. Les bactéries ont commencé à se répandre, d’abord dans les eaux dont elles modifièrent la composition en produisant des gaz, puis elles ont envahi la surface des sédiments, où elles ont continué de vivre. Durant l’époque archéenne, des microbes ont ainsi modifié sans arrêt la composition chimique de l’atmosphère de sorte qu’elle ne fasse pas obstacle à la vie.
Comme les bactéries qui assurent la fermentation du vin ou de la bière, des bactéries fermentatrices fabriquent des substances : éthanol ou acide lactique, en rejetant des déchets qui contiennent encore de l’énergie, dont d’autres microbes se nourrissent. Ce métabolisme fermentatif subsiste dans l’organisme humain : lorsque l’on fait un effort physique important, nos cellules stoppent momentanément leur métabolisme habituel véhiculé par l’oxygène pour revenir à un mode de fonctionnement plus ancien basé sur la fermentation.
Fixer l’azote atmosphérique demande une énorme quantité d’énergie ; aucune plante, aucun animal n’est capable d’une telle prouesse, pas plus que la plupart des microbes. Seule une bactérie fermentatrice nommée clostridie en est capable. Or, tous les organismes dépendent pour leur survie des bactéries fixatrices d’azote : sans cette extraction directe de l’azote de l’air, la vie terrestre aurait depuis longtemps disparu. Ces clostridies ont donc continué à fournir la biosphère tout entière en composés azotés.
Un autre processus métabolique a émergé chez les ancêtres d’un groupe de bactéries appelées désulfovibrios, qui sont capables de respirer des sulfates en rejetant des gaz sulfureux toxiques. Elles enlevaient les sulfates, dégageant de l’hydrogène sulfuré, ce gaz nauséabond qui donne leur odeur d’œuf pourri aux boues.
De nombreuses espèces de bactéries ont ainsi développé l’aptitude à se servir de la lumière du soleil, par exemple la conversion du gaz carbonique de l’atmosphère en nourriture et en composés carbonés. Ce processus pour obtenir de la nourriture à partir de la lumière et de l’air s’appelle la photosynthèse et cette innovation n’a pas eu lieu chez les plantes mais chez les bactéries. Les premiers organismes photosynthétiques étaient donc des bactéries qui utilisaient pour ce processus le gaz hydrogène ou l’hydrogène sulfuré et ne produisaient jamais d’oxygène.
Prise au sens large, la sexualité se définit simplement comme une recombinaison de gènes provenant de plusieurs sources ; or l’homme éprouve des difficultés à séparer le concept de sexualité de son mode de reproduction.
Dans la nature, les bactéries se reproduisent de manière asexuée, se divisent, bourgeonnent. Elles savent aussi renfermer leur ADN dans une spore, capable de survivre à de longues périodes, qui germera quand le climat deviendra plus favorable. Une cellule bactérienne peut contenir trois cents fois moins de gènes permanents qu’une cellule à noyau typique (comme celles dont l’homme est constitué). Mais la faiblesse peut se transformer en force et cette imperfection génétique rend le monde des bactéries incroyablement plus flexibles en termes d’adaptation que le monde des cellules à noyaux.
Grâce à ces échanges de gènes facilités, l’autrice affirme qu’il n’existe pas de réelles espèces dans le monde bactériel, en témoigne, par exemple, sa capacité à communiquer une immunité contre un médicament. La vitesse à laquelle une résistance héréditaire à une substance se propage à travers les communautés bactériennes démontre assez facilement la puissance et l’efficacité de leur réseau de communications.
Dans la nature, une bactérie ne fonctionne jamais comme un individu isolé : des équipes composées de différentes souches de bactéries vivent ensemble, et transforment l’environnement de fond en comble.
Le corps humain possède une taille, une énergie et une complexité qui se paie en flexibilité génétique moindre. L’échange génétique n’étant possible que lors de la reproduction, l’homme reste enfermé dans son espèce, son corps et sa génération : il échange des gènes « verticalement », de génération en génération, tandis que les procaryotes les échangent « horizontalement », directement avec leurs voisins de la même génération. Les bactéries, elles, ont inventé la fermentation, la roue (le moteur rotatif protonique), la respiration sulfurée, la photosynthèse, la fixation de l’azote, bien longtemps avant l’apparition de l’humanité. Elles se comportent comme une sorte de démocratie mondiale décentralisée.
Il y a environ 2 milliards d’années, la pollution par l’oxygène a déclenché une crise à l’échelle planétaire : les microbes photosynthétiques, dans leur appétit insatiable d’hydrogène, découvrirent un gisement presque inépuisable, l’eau, dont la consommation dégage un déchet toxique, l’oxygène. La vie, par ses besoins en composés d’hydrogène et de carbone, avait presque épuisé le gaz carbonique de l’atmosphère et l’hydrogène, plus léger, continuait à s’échapper dans l’espace. Jusqu’alors les liens solides qui unissent les atomes d’hydrogène et l’atome d’oxygène dans la molécule d’eau H2O n’avaient pu être brisés, jusqu’à ce qu’une bactérie « bleu-vert » résolve à jamais la crise de l’hydrogène.
Ces bactéries « bleu-vert » devinrent expertes pour capter la lumière du Soleil et briser la molécule d’eau. L’hydrogène était récupéré et mêlé au gaz carbonique de l’air pour fabriquer des aliments organiques (sucres). La toxicité de l’oxygène vient de ce qu’il réagit avec la matière organique. Il produit des radicaux libres qui démolissent les composés carbonés, hydrogénés, soufrés et azotés, constituants de base de la vie. En un mot, l’oxygène brûle, oxyde, transforme radicalement les minéraux présents dans le sol : l’oxygène associé à la lumière forme un mélange mortel.
Les biologistes soupçonnent que la bioluminescence et la synthèse de vitamine E font partie des innovations qui émergent en réponse à la menace de l’oxygène. Mais l’adaptation ne s’arrête pas là : la respiration aérobie – l’inhalation d’oxygène – constitue un moyen très efficace de réaliser une combustion contrôlée qui rejette du gaz carbonique, de l’eau et dégage une plus grande quantité d’énergie que la fermentation. Les algues et les plantes respirent et photo-synthétisent simultanément parce que les deux processus se déroulent dans différentes parties de leurs cellules : la photosynthèse dans les chloroplastes et la respiration dans les mitochondries.
La notion d’individu et le caractère prétendument unique de la conscience humaine sont potentiellement remis en cause par la régulation de la surface de la Terre par des êtres non intelligents. Ces packs de particules intriquées peuvent être partagées par plusieurs individus, par le groupe, l’espèce, la biosphère et au-delà. Ce caractère partagé de la conscience induit des effets de synchronicités de pensée, et non pas la transmission de pensée. Le phénomène est bien connu et détecté par exemple chez les jumeaux.
On peut donc en déduire que l'évolution est tout simplement le résultat de l’action consciente d’une collectivité qui se nomme la vie. Cette vie, dont les organismes bactériens sont les premiers maîtres d’œuvre, aurait bouleversé la composition de l'atmosphère et les couches supérieures de la planète au fil des temps géologiques. Dès que la quantité d’oxygène dans l’air a été suffisante, un bouclier d’ozone s’est formé, qui a mis un point final à la synthèse de composés organiques. La nouvelle unité du vivant est née : la cellule à noyau, composant fondamental des plantes, des animaux, des protistes et des champignons.
La phase microbienne a duré près de deux fois plus longtemps que tout le reste de l’évolution jusqu’à nos jours.
Il y a 2,2 milliards d’années, un nouveau type de cellule, la cellule eucaryote est apparue. Son atout fondamental, le noyau, est une caractéristique secondaire importante : certaines parties de la cellule (les mitochondries) utilisent l’oxygène. La soudaineté de la transition entre les procaryotes (bactéries) et les eucaryotes (cellules avec noyau) ne peut pas s’expliquer par des modifications étalées dans le temps.
Certains eucaryotes contenaient des sacs de chlorophylle capables d’assurer la photosynthèse. Ces éléments photosynthétiques de la cellule appelés plastides coexistaient dans les cellules des algues ou du plancton avec les mitochondries qui utilisaient l’oxygène : il est très possible que les plastides et les mitochondries représentent des bactéries qui s’étaient fait piéger à l’intérieur d’autres bactéries.
Ce qui distingue le plus les eucaryotes des bactéries, c’est qu’ils possèdent des structures d’ADN liées entre elles comme des perles par des protéines (les chromosomes). Les cellules nouvelles à noyau sont sans doute créées grâce à la symbiose : des procaryotes auraient pénétré dans d’autres, et les bactéries se seraient ainsi transformées en organisme unitaire.
Les expériences de Kwang Jeon sur les amibes soulignent l'erreur qui consiste à croire que l'évolution fonctionne toujours pour le bien de « l’individu ». Or, la nature a tendance à évoluer en faisant fi de tout concept tel que cette notion d'individu.
L’idée couramment répandue selon laquelle l’évolution est une lutte sanglante où seuls survivent les plus forts fait partie de ces idées fausses. L’expression « la survie du plus apte », inventée par le philosophe Herbert Spencer, a servi de prétexte à des industriels de la fin du XIXe siècle pour justifier des pratiques indignes tel le travail des enfants ou des conditions de travail abrutissantes, qui auraient consterné Darwin. La vie sur Terre n’est pas un jeu où certains organismes gagnent et d’autres perdent : les grands organismes qui sont issus de procaryotes plus petits ont survécu en coopérant.
En contraste total avec une bactérie, l’intérieur d’une cellule eucaryote grouille comme une ville. La plupart des mouvements prennent place le long d’un système de transport élaboré, constitué de microtubules, minuscules tubes de protéines. Des études approfondies ont été menées sur les ondulipodes, minuscules filaments souples, traditionnellement appelés « flagelles » ou « cils » : ces microtubules participent à la création des cellules nerveuses.
La régulation des gènes par le corps humain s’effectue de manière tranchée ; une cellule, une fois devenue par exemple une cellule musculaire, le reste pour toujours. La seule exception à cette règle se produit dans le cancer, il semble alors que les cellules régressent vers un état plus primitif de reproduction : certaines cellules cancéreuses, élevées sur des tissus de culture, développent même des ondulipodes.
Lynn Margulis fait ici le lien entre la nécessité du mouvement, de la perception aussi, qui permettent l’adaptation et la satisfaction des besoins vitaux, et l’apparition de la pensée chez les animaux supérieurs, chez l’être humain en particulier, qui est aussi utile à l’adaptation. Il est à noter que ces microtubules sont les structures suspectées par Roger Penrose d’être les conteneurs utiles à l’activité « conscience quantique », selon sa théorie. Sans doute s’est-il inspiré en cela de l’approche de l’autrice, en désignant les microtubules comme les bons candidats « conteneurs ».
La sexualité méiotique (division cellulaire) a probablement évolué vers la fin du Protérozoïque, il y a environ un milliard d’années : un spermatozoïde nage à la rencontre d’un ovule et sa queue, véritable ondulipode, se détache comme l’étage d’une fusée une fois l’ovule pénétré. La sexualité, au sens biologique, signifie simplement l’union de matériel génétique provenant de plus d’une source pour produire un nouvel individu ; elle n’a rien à voir avec la copulation. Même l’infection du corps humain par un virus est un acte sexuel ! La reproduction sexuée par deux parents, est considérée comme cruciale pour le processus futur d’évolution.
Il parait bien plus probable que les plantes et les animaux eux-mêmes aient été préservés par l’évolution du fait de ce mode de reproduction. Selon l’auteur, la méiose s’est développée du fait d’une menace permanente sur la vie sur Terre : la faim, qui aurait conduit nos ancêtres protistes affamés, à pratiquer le cannibalisme.
Tout compte fait, la sexualité méiotique est certainement beaucoup moins importante pour la biosphère que la sexualité bactérienne, qui est une stratégie de survie immédiate par laquelle des micro-organismes reçoivent de nouveaux éléments génétiques aussi facilement que l’on attrape un rhume.
Les créatures du microcosme sont loin d’être toutes unicellulaires : les champignons sont des levures multicellulaires. Chez les organismes unicellulaires, la tendance des cellules filles à se coller les unes aux autres a conduit à la formation d’amibes ou d’algues multicellulaires.
Les premières algues ancêtres des plantes étaient à peine plus que des chaînes de cellules pleines de chloroplastes. Elles habitaient les eaux peu profondes exposées au soleil et se sont multipliées pour devenir les premières plantes, apparentées aux mousses d’aujourd’hui. Elles sont ensuite devenues des plantes terrestres en emportant leur eau avec elles. Les biologistes canadiens Pyrozinski et Malloch pensent que les plantes sont nées de symbiose entre des algues et des champignons, car d’après ces savants, les plantes ressemblaient à des lichens à l’envers.
Il y a 400 millions d’années, le manque d’eau sur la terre ferme posait un défi vital. Le développement des graines a fourni une solution à ce problème. La fertilisation et le développement à l’intérieur des tissus humides des parents ont permis aux plantes à graines de survire en dépit de l’irrégularité des pluies. Il y a environ 225 millions d’années, les premières fougères à graines ont été supplantées par les conifères, plus robustes, puis par les plantes à fleurs, qui ont co-évolué avec les animaux depuis le commencement et ce n’est probablement pas une coïncidence si les premiers mammifères, pondeurs d’œufs au sang chaud et petits marsupiaux, datent presque exactement de la même période que les premières fleurs.
Le cerveau et le système nerveux des mammifères se sont adaptés pour consommer des végétaux. Les colonies microbiennes n’existent plus aujourd’hui que dans des lieux isolés, abandonnés par les eucaryotes, comme les biotopes salés. Les principales lignées qui ont évolué à partir des premiers animaux sont les annélides, vers marins au corps mou et segmenté. Ce qui apparaît à l’ère phanérozoïque moderne, c’est la naissance des squelettes et le développement des coquilles. En effet, émigrer vers la terre ferme réclamait une ossature plus charpentée pour compenser le fait de ne plus flotter.
Les champignons constituent une troisième voie d’organisation de l’évolution des cellules à noyau, particulièrement bien adaptés à la vie terrestre. Ils ont probablement évolué à partir d’une lignée de protistes qui absorbaient directement la nourriture à partir des algues, des plantes ou des animaux, morts ou vivants, et ont co-évolué avec les plantes lors de leur migration vers la terre. Sans les champignons, les plantes mourraient par manque de minéraux essentiels.
Lynn Margulis replace naturellement son hypothèse dans le cadre de l'histoire de la vie dont on suit le déroulement après l'acquisition du statut eucaryote, avec les étapes classiques de l'apparition de la sexualité (dont l'utilité n'est pas évidente pour l'auteur), la conquête des continents, l'arrivée de l'Homo sapiens (qualifié « d’homme égocentrique ») jusqu'au « supercosme » à venir. L’auteur insiste sur la place toute relative de l’être humain dans le processus de la vie et de l’évolution, en mentionnant que la disparition des dinosaures pourrait être le résultat de l’impact d’une énorme météorite, dont on a d’ailleurs retrouvé les traces, et qui, par ailleurs, aurait aussi pu déclencher un second cataclysme, volcanique celui-là, du côté opposé à cet impact : ceci relève de ce que l’on nomme l’impactisme.
Nous arrivons enfin à l’hypothèse « Gaïa » de James Lovelock, envisagée avec sympathie : « Gaïa » c'est-à-dire l'ensemble de la biosphère, atmosphère, hydrosphère, l'ensemble vivant/non vivant constituant un tout indissociable, interdépendant, harmonieux, où le microcosme bactérien joue évidemment un rôle régulateur essentiel.
L’hypothèse avancée par l’auteur n'est pas nouvelle : à la fin du siècle dernier, Schimper, entre autres, pour les chloroplastes, Portier en 1918 pour les mitochondries, avaient suggéré l'origine endosymbiotique de ces organismes.
Mais Lynn Margulis, depuis 1970, réalise une synthèse générale de cette interprétation du monde vivant, apporte des arguments nouveaux tirés de la biologie cellulaire et moléculaire et nous offre une vision cohérente et passionnante à découvrir. Chacun pourra émettre des réserves et se questionner face au « cerveau symbiotique », mais il est évident que vous dévorerez ce livre bien rédigé et qui questionne jusqu’à la dernière page.
Ouvrage recensé– Lynn Margulis et Dorion Sagan, L’univers bactériel, Paris, éditions Points, coll. « Sciences », 2002.
Autres pistes– Francis Crick, La vie vient de l’espace, Paris, éditions Hachette, 1982.– James Lovelock, La Terre est un être vivant – l’hypothèse Gaïa, Paris, éditions Le Rocher, 1986.– Massimo Teodorani, Entanglement - L'intrication quantique, des particules à la conscience, Paris, éditions Macro, coll. « Science et connaissance », 2016.