Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Marc Pistorio
« Dis-moi qui tu aimes, je te dirais qui tu es » se veut un ouvrage didactique sur l’attachement amoureux. Il décode les différents types d’attachement et leurs sources inconscientes, afin d’apprendre à mieux gérer sa relation de couple, mieux communiquer avec son partenaire et éviter les répétitions douloureuses du passé. Dans cet ouvrage, Marc Pistorio nous permet de dresser un bilan de notre vie de couple, en nous donnant des pistes de réflexion pour trouver davantage de sens et ainsi nous orienter vers des relations amoureuses plus saines, plus équilibrées et épanouissantes.
Pour Marc Pistorio, la naissance et donc le lien de filiation, s’articule en trois temps au travers du désir de parentalité, de l’enfant fantasmé au cours de la grossesse et enfin de la naissance réelle de l’enfant.
Le premier lien affectif entre le bébé et ses parents, qui se tisse peu après la naissance, est alors une expérience corporelle et émotionnelle intense qui façonnera la manière d’entrer en relation avec les autres dans le futur. Cette expérience corporelle primaire s’inscrit dans notre psyché.
Elle est dès lors bien plus puissante que nos raisonnements ou l’intellectualisation de nos ressentis. Marc Pistorio nous invite donc à nous mettre à l’écoute de ces sensations corporelles qui traduisent notre vécu émotionnel afin de mieux le comprendre et de déconstruire des schémas qui nous sont néfastes, mais que nous ne cessons de répéter malgré une prise de conscience intellectuelle. Réapprendre à interpréter les signaux que nous envoie notre corps, c’est faire de lui notre allié pour comprendre nos besoins affectifs et ainsi nous autoriser à couper des liens toxiques qui nous empoisonnent la vie.
Pour l’auteur, dans le couple, chacun des deux partenaires devient la figure principale d’attachement de l’autre comme l’ont été les parents par le passé. Connaître son propre style d’attachement et celui de son partenaire permet alors de déjouer les pièges de la relation et de favoriser la compréhension entre les deux entités du couple.
L’attachement est la réponse à l’un des besoins fondamentaux de l’enfant, à savoir celui de se sentir sécurisé. Il a été prouvé maintes fois, que son absence renforce nos carences et que l’environnement joue donc un rôle essentiel pour prévenir des vulnérabilités.
Et pourtant, l’auteur constate que la punition corporelle qui affecte négativement le développement de l’enfant à long terme fait encore largement partie des pratiques éducatives en lieu et place d’un isolement temporaire ou du retrait d’un privilège qui, accompagné d’un message verbal explicite, s’avère bien plus constructif pour l’enfant. Ces maltraitances viennent fragiliser le sentiment de sécurité affective.
La relation d’attachement primaire se doit donc d’être cohérente et continue, la figure principale d’attachement chez le nourrisson étant la personne donneuse de soin, quelle qu’elle soit. Cet attachement primaire se construit lors de la première année de vie et sera le socle d’un second attachement au bout de la première année. Le père, qui le plus souvent, joue ce rôle se devra d’être avant tout disponible, attentionné, aimant et à l’écoute. Après 24 mois, l’attachement sécurisant est suffisamment stable pour que l’enfant se lance dans de nouvelles découvertes et apprentissages. Marc Pistorio déconstruit le mythe du bébé manipulateur qui pleurerait pour arriver à ses fins. Laisser un bébé pleurer, c’est rompre le lien de confiance et renforcer son insécurité : il deviendra en apparence plus calme, mais en réalité, apathique et dépressif de fait de ces abandons répétés. Le bébé mettra également en place des mécanismes qui resteront activés jusqu’à l’âge adulte de retrait ou encore d’accrochage ; dans le deux cas il restera extrêmement sensible au rejet. On distingue quatre types d’attachement distincts : sécurisant (60% de la population), anxieux (20%), évitant (10%) et désorganisé (10%). L’attachement sécurisant se caractérise par une constance bienveillante qui permet à l’enfant de développer une confiance dans ses habiletés relationnelles, et une sécurité interne lui permettant d’aller chercher de l’aide au besoin. Le parent est alors à la fois structurant, empathique, dans le partage et syntone . Dans un attachement anxieux face à une mère inconstante, l’enfant oscille entre une colère active et un effondrement passif. Face à cette ambivalence, l’enfant n’a pas la disponibilité psychique pour activer complètement son potentiel d’autonomie et se focalise sur un besoin constant de réassurance.
Face à une mère évitante, l’enfant s’isole et n’exprime pas ses besoins. Un style d’attachement désorganisé quant à lui témoigne d’interactions multiples dans la petite enfance. Ce manque de structure se traduit par une terreur constante de l’hypervigilance ayant un impact majeur sur son développement (intolérance à la frustration, crise de colère, etc.). Son impulsivité et son sentiment d’impuissance le poursuivront longtemps dans sa vie d’adulte.
Marc Pistorio appréhende les rapports amoureux comme la rencontre de deux histoires affectives, à la recherche d’une sécurité émotionnelle. Si les vécus affectifs d’attachement ont été insécurisants pendant l’enfance, ils peuvent amener à une anxiété d’abandon ou à de l’évitement de l’intimité à l’âge adulte.
Dans l’anxiété d’abandon qui survient après un style d’attachement de type anxieux dans la petite enfance, nous faisons face à une hyperactivation du système d’attachement, qui se traduit par une hypersensibilité face aux signes de rejet et une recherche de protection dans la proximité à l’autre, quitte à être envahissant. Dans la dimension inverse, l’intimité relationnelle crée un fort niveau d’inconfort. Ainsi la personne ayant une histoire affective avec un style d’attachement évitant, va privilégier l’autosuffisance et la distance émotionnelle. Cette désactivation du système d’attachement entraîne une absence de besoin de réconfort et de soutien. On parle alors d’une autonomie compulsive.
Ces types d’attachements à l’âge adulte se cristallisent bien souvent dans des conflits et des incompréhensions sans fin, où chacune des parties reste figée dans sa propre douleur sans être à l’écoute de l’autre. Les comportements même les plus anodins du partenaire réactivant des traumas du passé, la personne à l’attachement insécurisant adopte immédiatement un état défensif pouvant aller jusqu’à l’effondrement, et l’abandon même du projet amoureux.
Les styles d’attachement insécurisant ne jouent pas leurs rôles d’outils de régulation des émotions, et c’est pourquoi sans une aide thérapeutique extérieure ou un véritable travail sur soi, les individus sont sans cesse replongés dans une détresse identique à celle de l’enfance.
La relation amoureuse ne peut en aucun cas faire l’économie des conflits, qui traduisent simplement les zones de négociation et d’ajustement que traversent deux partenaires au sein d’une relation intime. Ils sont l’occasion d’une communication honnête qui permet de dépasser les différences. Mais dans le cas de style d’attachement insécurisant, la communication est bien souvent beaucoup plus difficile.
En effet, celle-ci est facilement empêchée par des réflexes négatifs acquis dans l’enfance. Ainsi la personne avec un attachement anxieux souhaitera ardemment être comprise au-delà des mots, et ressentira une profonde colère de ne pas l’être. Elle cherchera la faille et inévitablement la trouvera prouvant que l’autre n’est pas digne de confiance, interprétant négativement l’ensemble des interactions, élaborant des scénarii parfois très créatifs.
Quand la situation dégénère et que la relation est véritablement proche de la rupture, elle se culpabilise de mettre en danger sa relation et étouffe ses sentiments négatifs. Une personne avec un style d’attachement évitant, rivalisera de froideur, et niera l’ensemble de ses émotions, elle se désengagera de la relation en recourant à l’humour ou à la condescendance et en sous-estimant l’impact sur son partenaire.
Dans l’un ou l’autre des cas, il ne fait que peu de doutes que la communication puisse être difficile entre les partenaires. C’est particulièrement le cas quand tous deux ont de types d’attachement insécurisant et tout particulièrement dans des couples évitant-anxieux. De leur côté, les couples évitant-évitant ne se rencontreront jamais tout à fait et les couples anxieux-anxieux s’enfermeront dans une fusion négative dans laquelle ils ne seront jamais satisfaits, se sentant mutuellement victimes de l’autre.
Pour les couples mixtes (un partenaire au style d’attachement insécurisant, l’autre sécurisant), on remarque que la sécurité d’attachement de l’un vient apaiser les insécurités de l’autre, et ne se laisse pas « polluer » tant dans ses habiletés de communication que dans la perception positive qu’il a de son couple. Bien au contraire, il aura tendance à entraîner le profil d’attachement insécurisant, vers un profil plus sécure.
Si les relations d’attachement précoce ont été insécurisantes, la vie adulte et la relation de couple permet une réactualisation de la souffrance et sa métabolisation. En faisant l’expérience de la sécurité dans son couple, il est en effet possible de réparer les blessures du passé, et de co-construire de nouveaux liens d’attachement sécurisants.
Pour éviter l’écueil de la répétition affective blessante, il s’agit toutefois d’adopter des méthodes de réparation spécifiques, que Marc Pistorio expose. Il ne s’agit pas là de s’inscrire dans une démarche performative, mais bien de se reconnecter à soi-même et à ses besoins, en reconnaissant avec empathie, bienveillance et humilité nos accomplissements, mais aussi nos résistances aux changements.Dans un premier temps, il préconise la mise à distance de toutes les personnes nocives autour de sa relation amoureuse, et l’instauration de relations de respect de soi et du partenaire. Pour cela, il s’agit d’apprendre à identifier et réguler ses émotions, « se parenter », faire preuve d’empathie et compassion pour l’autre.
Il s’agit également de désamorcer les traumatismes affectifs passés qui déclenchent des réactions négatives ; pour ce faire, les partenaires doivent sortir d’une position antagoniste et s’asseoir pour travailler ensemble et ce, à distance des évènements déclencheurs. Ainsi, une fois extraits de l’envahissement émotif, ils entrent dans un processus d’activation du calme, leur permettant de se recentrer sur l’expression corporelle de leurs émotions. Mais pour cela, chacun devra être suffisamment au clair avec ses propres enjeux d’attachement et leurs déclencheurs émotifs, afin de les éviter dans ce contexte d’apaisement.
Le scan corporel (identification des ressentis corporels), et son partage avec le partenaire, est un outil particulièrement utile à l’accueil bienveillant des émotions de l’un et de l’autre. Il permet ensuite un temps de reconnexion aux émotions et leur accueil légitime, avant de les lier à notre passé douloureux et d’apaiser tranquillement celui-ci.
Ce type d’exercice associé au fait de prendre soin du couple au quotidien avec empathie, générosité, compassion et à l’aide de regards, de gestes, d’intimité, joue un rôle déterminant dans la réparation des types d’attachement insécurisant.
Pour Marc Pistorio l’amour est un mouvement perpétuel qui s’articule sur trois versants intimement liés. L’amour de soi dans notre autonomie affective, celui que l’on porte à son partenaire, et enfin celui que l’on est capable de faire ressentir à l’autre. C’est cette balance qui nous apporte la sécurité émotionnelle dont nous avons besoin dans l’intimité comme dans la distance.
Trouver cette balance passe d’abord par la conscience de son vécu affectif et de ses manques, de s’y arrêter juste le temps de comprendre et de s’en enrichir pour ensuite aller de l’avant et embrasser un futur riche et lumineux.
Alors que l’on ne choisit pas ses parents, on choisit sa relation amoureuse et la manière dont on veut naître auprès de son partenaire, comment l’on souhaite par la suite la construire et la nourrir jour après jour. On peut choisir aussi l’héritage émotionnel que l’on souhaite transmettre à ses enfants au travers des attachements que l’on crée avec eux à leur naissance par notre amour, sa constance et sa contenance.
Dans son ouvrage, Marc Pistorio considère que la figure principale d’attachement, initialement la personne donneuse de soins dans la petite enfance, glisse vers le partenaire amoureux pendant la vie adulte.
Se faisant, il donne alors une place fondamentale à la notion de couple, et plus encore à une image du couple relativement normative, qui semble laisser pour compte nombre d’individus qui font le choix de s’épanouir dans le célibat par exemple ou dans des structures amoureuses différentes telles que le polyamour. Ne serait-il pas possible d’envisager que cette figure d’attachement principale puisse prendre d’autres formes, plus amicale ou multiple, mais remplir les mêmes fonctions d’intimité, de partage, de communication et de soutien ? De plus, il semble faire l’impasse sur des caractéristiques de genre qui impactent la relation d’attachement aux parents. Ainsi Guy Corneau relevait que les stratégies évitantes sont particulièrement utilisées par la gent masculine, qui n’a été que rarement outillée en ce qui concerne le partage émotionnel. Dans quelle mesure cela peut-il avoir un impact sur les styles d’attachement dans l’enfance ainsi que sur l’attachement amoureux ? En ce sens, cet ouvrage particulièrement riche mériterait d’être croisé avec le travail d’autres auteurs contemporains sur l’impact des relations parents-enfants dans le futur amoureux de ceux-ci.
Ouvrage recensé– Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es. De l’attachement insécurisant à l’attachement amoureux sécurisant. Québec, Edito, 2015.
Du même auteur— La sagesse de nos colères, de la colère qui détruit à la colère qui construit. Montréal, Les éditions de l’Homme, 2010.– Vérités ou conséquences, oser l’authenticité envers soi, en couple et en famille. Montréal, Les éditions de l’Homme, 2008.
Autres pistes– Guy Corneau, N’y a-t-il pas d’amour heureux ?, Paris, Robert Laffont, 1997.– John Bowlby, Amour et rupture, les destins des liens affectifs. Paris, Albin Michel, 2014.– Donald Woods Winnicott, La capacité d'être seul. ¨Paris, La petite bibliothèque Payot, 1958.