Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Michael E. Gerber
Les dirigeants de petites entreprises sont souvent les victimes d’un double présupposé : d’une part chaque créateur d’entreprise serait un entrepreneur, et d’autre part une personne maîtrisant bien le travail technique d’une entreprise serait capable de diriger sa propre entreprise réalisant ce même travail. Or les petites entreprises échouent en grande majorité dès la première année d’activité. Cet ouvrage, basé sur une longue expérience auprès d’entrepreneurs de tous pays et domaines d’activité, se propose d’expliquer en détail les raisons de cet échec. Michael E. Gerber y présente une méthode pour garantir le succès d’une petite entreprise, une méthode basée sur la systématisation et l’automatisation.
Nombreux sont les créateurs de petites entreprises qui travaillent énormément, sans pour autant recueillir de bénéfices proportionnels à leurs efforts. Selon l’auteur, la plupart des échecs sont liés à un manque de connaissances dans les domaines de la finance, du marketing ou du management.
Malgré l’avènement du numérique et le nombre toujours grandissant d’informations disponibles, le taux d’échec des petites entreprises continue d’être important : il ne s’agit pas d’en savoir beaucoup, mais de chercher constamment à en apprendre davantage. La clé de la réussite est ainsi d’apprendre à se concentrer sur ce qui est vraiment important.
De nombreuses créations d’entreprises naissent à l’occasion d’une crise créative : cela n’a rien à voir avec l’entrepreneuriat en lui-même. Une personne exerçant son métier avec maîtrise et talent pour le compte d’un employeur souhaite se débarrasser de ce supérieur pesant et répondre à un profond désir d’indépendance. Au moment de se lancer, les entrepreneurs en devenir sont souvent animés par l’image d’une personne combative relevant tous les défis pour créer une activité qui marquera l’humanité. En réalité, cette phase ne dure pour la plupart d’entre eux que quelques secondes, le temps de prendre leur décision. Ils se mettent donc à leur compte, en continuant à faire ce qu’ils font de mieux.
L’erreur commise par ces créateurs d’entreprise est de confondre tâches opérationnelles et gestion entrepreneuriale. En effet, maîtriser un savoir-faire technique est une chose, gérer une entreprise dont l’activité est basée sur ce savoir-faire en est une autre. Après les premiers instants d’euphorie et de liberté, survient l’effroi face aux premières difficultés, puis peu à peu, l’épuisement face à la montagne de tâches à accomplir chaque jour, et enfin, le désespoir, l’accablement face aux responsabilités et aux trop nombreuses heures accumulées.
Pourquoi ? Parce qu’ils cumulent, en plus du métier qu’ils connaissent, deux nouveaux rôles auxquels ils n’étaient pas préparés et dont ils n’avaient même pas conscience. En effet, selon Michael E. Gerber, le créateur d’entreprise joue en réalité trois rôles : l’entrepreneur, le manager et le technicien.
D’abord, l’entrepreneur : c’est un visionnaire qui innove, crée et imagine l’avenir de l’entreprise. Il travaille sur l’entreprise en elle-même ; il est tourné vers le futur et transforme les situations en opportunités. Ensuite, le manager : il gère l’entreprise, la structure et l’organise de manière concrète et pragmatique. Il est le garant de la régularité de l’activité, apprécie l’ordre et fait en sorte de le maintenir, sait détecter les problèmes et respecte le statu quo.
Enfin, le technicien : extrêmement doué dans l’opérationnel et la résolution de problèmes, il travaille dans l’entreprise. Il aime faire les choses par lui-même. Il vit dans le présent. La réussite d’une entreprise repose sur la prise de conscience de ces trois rôles, leur existence effective et leur équilibre au sein de la structure – un équilibre qui ne va pas de soi.
On reconnaît aisément une entreprise à son premier stade, celui de l’enfance. C’est le technicien qui s’est lancé et qui joue le premier rôle ; souvent, on voit même son nom sur la devanture. Si tout va bien, l’activité va grandir et demander de plus en plus de travail. Cela peut durer des années, jusqu’à ce que le créateur ne puisse plus continuer. Pour autant, il n’y a aucun employeur à blâmer ni même à renvoyer : le créateur d’entreprise se rend compte qu’il est prisonnier de l’emploi qu’est devenu son rêve d’indépendance. Sans visionnaire, il n’y a pas d’entreprise.
Arrive ensuite la seconde phase : l’adolescence. Après avoir réalisé qu’il ne peut plus continuer ainsi, le créateur cherche à se faire aider, notamment sur l’aspect technique. Il choisit une personne expérimentée, une « perle rare » qui sera son bras droit pour les très nombreuses tâches quotidiennes. Peu à peu, ce précieux bras-droit assume de plus en plus de responsabilités tandis que le créateur soulagé tend à lui déléguer de plus en plus de tâches… jusqu’aux premières plaintes de clients. Pour le créateur, c’est le choc : il se rappelle qu’il ne peut pas faire confiance à quelqu’un d’autre que lui-même pour travailler aussi dur qu’il le faut et mener à bien la mission de son entreprise. Il réalise brutalement qu’en déléguant à un autre, il a été conduit à un certain relâchement, voire à une capitulation. Il reprend donc les rênes, redevenant technicien et reprenant son rythme effréné.
C’est le moment de la troisième phase : l’après-adolescence, celle où le créateur se trouve hors de sa zone de confort, à la tête d’un système dont il ne maîtrise plus chaque détail. C’est l’heure d’embrasser les autres rôles. S’il manque un entrepreneur, il n’y a plus ni vision ni espoir pour la suite. S’il manque un manager, les employés perdent le sens et l’envie de travailler. Le créateur a alors plusieurs solutions. Redevenir petit et se suffire à lui-même, ce qui est rassurant, mais représente un retour à la situation de départ. Faire faillite. Survivre : oscillant sans cesse entre inquiétude, frustration et tentatives d’évolution, l’affaire perdure, mais la situation n’est pas pérenne pour le créateur.
Enfin, c’est la dernière phase : la maturité. Les entreprises qui survivent au stade précédent y parviennent uniquement parce qu’elles ont appris à concevoir les choses de manière globale, parce qu’elles savent qui elles sont, pourquoi elles sont là, comment elles devraient fonctionner et où elles vont. Les entreprises matures peuvent l’être dès leur création, et n’ont pas forcément besoin de passer par les trois stades précédents. La maturité n’est pas une question de durée d’existence ni même d’importance en termes de business. La maturité est la manière dont l’entreprise sait se penser elle-même.
L’auteur défend ardemment le modèle économique de la franchise, qu’il considère comme un modèle de réussite. Selon lui, la franchise fournit de la valeur pour les clients, les salariés et les actionnaires. La franchise est aisée à déployer, à dupliquer et à revendre, car elle permet d’obtenir des résultats prévisibles et réguliers, non seulement en termes de business, mais aussi en termes de satisfaction client. En effet, la franchise est capable de fournir à chacun de ses clients une expérience homogène, pensée dans ses moindres détails et reproductible à l’infini ? un gage de satisfaction et de fidélisation.
Pourquoi la franchise fonctionne-t-elle ? Parce qu’elle est basée sur des systèmes, des procédures standardisées, qui représentent exactement la finalité de l’entreprise. L’entreprise est un exemple d’ordre et de clarté : tout est consigné et chacun sait exactement quoi faire et comment le faire. Elle peut ainsi fonctionner de manière optimale avec des salariés peu expérimentés, ce qui réduit les différents coûts en termes de personnel. La puissance du système, prévisible, mesurable et optimisé dans ses moindres détails, est l’ordre qui remplace le chaos.
Il est possible de penser une entreprise en devenir (ou de repenser une entreprise déjà existante) comme un ensemble de systèmes, un prototype de franchise, et ce même si elle n’a pas vocation à être dupliquée. Cet ensemble de systèmes est constitué de processus fonctionnant de concert pour conquérir, satisfaire et fidéliser les clients au moyen d’une expérience unifiée. Plus le système est précis, moins le succès dépend du facteur humain, par exemple l’expérience individuelle des employés.
Le système sera d’abord testé dans tous ses aspects, puis décrit dans des documents mis à disposition des collaborateurs et amélioré sans cesse en fonction de leurs retours. Pour créer une entreprise qui marche, il faut avoir conscience que développer une entreprise n’a rien de naturel : il faut la rendre explicable en en décrivant tous les éléments, selon un plan bien particulier, comme s’il s’agissait d’une franchise.
Le processus de développement d’entreprise est le plan à suivre pour construire une entreprise qui rencontre le succès. Celle-ci devra tendre vers le fonctionnement le plus systématique et autonome possible, c’est-à-dire sans avoir besoin de la présence du créateur, et de manière reproductible. Comment faire ?
Les réponses ne sont pas innées, mais construire un prototype d’entreprise peut permettre d’obtenir et d’exploiter ces informations. Ce prototype reposera sur trois activités majeures, certes distinctes, mais qui lui seront minutieusement intégrées. L’innovation d’abord : l’amélioration continue des processus de fonctionnement plutôt que des produits, par essais successifs ; par exemple modifier la couleur des vêtements des vendeurs ou changer la phrase d’accueil. Puis, la quantification : le seul moyen de savoir si une innovation fonctionne est de la mesurer. Et enfin, l’orchestration, qui consiste à éliminer la liberté individuelle d’agir (que l’auteur considère comme naturellement imprévisible), source de chaos, pour la remplacer par des procédures standardisées permettant de contrôler chaque action de la façon la plus adéquate, avec ordre. L’objectif de ces trois activités est de pouvoir reproduire une manière unique de mener une activité, d’offrir au client toujours la même satisfaction et ainsi de se diriger de façon sûre vers le succès.
Le système est la clé du processus de développement d’entreprise selon Michael E. Gerber : il s’agit de créer un ensemble de procédures opérationnelles permanentes, de répertorier tous les standards, à partager avec son personnel sous la forme d’un document, et à améliorer sans cesse en fonction de leurs retours et de l’évolution de l’entreprise. Il existe trois types de systèmes : les systèmes physiques (les objets : par exemple, la couleur du mobilier), les systèmes vivants (les personnes : par exemple, le discours au mot près des commerciaux) et les systèmes d’information (par exemple, les indicateurs à utiliser pour la quantification). Chacun de ses systèmes s’imbrique dans les autres et chacun devra être réfléchi pour aider l’entreprise à atteindre son but.
Le processus de développement d’entreprise est fondé sur deux socles : le but principal de l’entreprise d’un côté, et son objectif stratégique de l’autre. Le but principal de l’entreprise est ce qui donne du sens à ce qu’elle est et ce qu’elle fait. C’est l’empreinte que l’on veut laisser derrière soi, mais aussi la manière d’articuler l’entreprise, ses valeurs, sa manière d’agir, son quotidien… en somme, sa raison d’être, ce qui lui donne du sens. L’objectif stratégique de l’entreprise est la mise en œuvre de ce but. Une analyse préalable du marché permet de définir des indicateurs de performance utiles pour mesurer cette mise en œuvre – l’argent en est un, certes, mais il faudra en définir d’autres selon l’identité de l’entreprise.
L’aspect marketing n’est pas à négliger, et encore plus pour une petite entreprise. Il est indispensable d’étudier en détail le marché pour savoir exactement qui est le client, car celui-ci est la priorité absolue de l’entreprise qui marche.
Que pense-t-il ? Que souhaite-t-il ? Il est également important de prendre conscience de l’importance de l’irrationnel dans l’acte d’achat, car c’est dans l’inconscient du client que tout se passe et que les décisions sont prises en quelques secondes à peine. La conscience n’intervient qu’en second lieu, pour justifier un engagement émotionnel déjà déterminé. Quelle promesse faire pour que le client soit attiré, achète et revienne ? Consacrer du temps à ces questions est un investissement nécessaire pour créer un système qui fidélisera la clientèle.
Ensuite, l’organisation hiérarchique est un élément crucial à prendre en compte. L’organigramme est une clé de réussite, même si la structure ne compte (pour le moment) qu’un ou deux collaborateurs. Il s’agit de définir précisément toutes les fonctions et responsabilités de l’entreprise et de choisir à qui les attribuer, en définissant simplement ce qui est attendu de chaque rôle. Cette organisation permet au créateur de se positionner en fonction de ce qu’il souhaite pour sa propre vie (par exemple, se concentrer sur la recherche et le développement, ou bien ne pas être impliqué au niveau opérationnel). Ce partage des rôles doit soutenir le but principal de l’entreprise.
Enfin, la politique de management sera elle aussi définie par un système, le plus automatique et le plus prévisible possible, de manière à être transmis efficacement aux collaborateurs. Le créateur se doit de les considérer, de les impliquer dans leur tâche, de donner du sens à ce qu’ils font : il faut s’assurer qu’ils savent ce qu’ils font et pourquoi, car ce qui compte est l’idée derrière le travail et non le travail en lui-même. Établir des règles et respecter l’éthique est important pour préserver la vision que l’on a de ce que l’on fait au sein d’une entreprise. C’est pourquoi la politique de management sera elle aussi définie en fonction du but principal de l’entreprise.
Cet ouvrage défait les mythes liés à l’entrepreneuriat pour éclairer les véritables raisons du succès ou de l’échec des petites entreprises. Il vise à fournir des solutions basées sur les principes de la franchise pour déjouer la fatalité de l’échec et développer son entreprise sur le long terme.
Cette méthode est certes simple et pleine de bon sens, mais elle n’est pas pour autant facile à mettre en place, car elle demande de bien comprendre tous les processus, et d’effectuer un changement de perception. Il s’agit d’abandonner une approche très opérationnelle de l’entreprise. Il s’agit de se tourner vers la systémisation et l’automatisation, qui vont à l’encontre de la tendance naturelle à aller vers un certain chaos. Il s’agit de faire travailler ensemble trois aspects d’une personnalité – l’entrepreneur, le manager et le technicien - qui ne collaborent pas spontanément.
L’auteur s’est basé sur le cheminement professionnel et personnel de Sarah, une créatrice d’entreprise dans le domaine de la pâtisserie, pour illustrer de manière concrète toutes les étapes de la prise de conscience jusqu’à la mise en œuvre de sa méthode – une manière intelligente d’amener le lecteur à s’y reconnaître et à mieux intégrer son discours.
Cet ouvrage soulève plusieurs interrogations. Tout d’abord, défendre cette méthode avec autant de force donne aux idées de Michael E. Gerber un aspect très exclusif : n’existe-t-il pas d’autres méthodes ? Et, aussi efficace soit-elle, le succès dépend-il seulement d’une méthode ? Ensuite, retirer la liberté individuelle d’agir à ses employés ne pose-t-il pas un problème éthique ? Ne se prive-t-on pas de voir éclore des talents individuels qui pourraient enrichir l’entreprise d’une manière imprévisible, mais bénéfique ?
Enfin, choisir des employés possédant les compétences requises minimales ne pousse-t-il pas à profiter d’une main-d’œuvre bon marché, peu expérimentée et facilement remplaçable ? Même s’il est évident que le profit reste l’objectif principal d’une entreprise, qu’en est-il de la pérennité de la relation avec les collaborateurs, de la garantie de leur bien-être sur le long terme, de leur évolution professionnelle ? L’entreprise peut-elle encore se permettre, dans le monde d’aujourd’hui, d’employer une main-d’œuvre interchangeable ?
Par ailleurs, on notera un discours au style très américain, et un certain manque de concret dans la partie concernant la mise en place du processus de développement d’entreprise. De plus, l’ouvrage aurait gagné à ouvrir réellement son discours à l’entrepreneuriat en ligne. Quoi qu’il en soit, ce best-seller international déploie un discours passionnant, qui bouscule les idées reçues et auquel beaucoup d’entrepreneurs peuvent s’identifier pour faire évoluer leur entreprise et ne plus rester prisonniers d’un ancien rêve devenu un horrible emploi. Un livre à lire et relire tout au long de son parcours entrepreneurial.
Ouvrage recensé– E-Myth – Le Mythe de l’entrepreneur revisité : Pourquoi la plupart des petites entreprises échouent et que faire pour réussir, Éditions LEDUC.S, coll. Alisio, 2017.
Autres pistes– Gabriel Dabi-Schwebel, Brice Lionnet, Croître ou mourir, il fait choisir ! – 14 étapes pour sortir du rang et passer en hypercroissance, 1min30 Publishing, 2018.– Josh Kaufman, Le Personal MBA – La Bible du Business pour faire décoller votre carrière sans passer par la case MBA, Éditions LEDUC.S, coll. Zen Business, 2013.– Seth Godin, La Vache pourpre, Paris, Maxima, 2011. – Alexander Osterwalder, Yves Pigneur, Business Model Nouvelle Génération : Un guide pour visionnaires, révolutionnaires et challengers, Pearson, 2011.– Simon Sinek, Commencer par Pourquoi - Comment les grands leaders nous inspirent à passer à l'action, Performance Éditions, 2015.