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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Hyper-manufacturing

de Michaël Valentin

récension rédigée parCatherine Lomenech

Synopsis

Économie et entrepreneuriat

Le lean manufacturing a fait ses preuves dans l’optimisation des résultats de l’industrie. Ses principes essentiels, sécurité, qualité, coûts et délais, auxquels s’ajoutent les meilleures prestations pour le client, en font l’organisation industrielle de référence. Pourtant ce système très performant ne suffit plus. Il faut rajouter l’écoresponsabilité à la frugalité, faire preuve d’une transparence et d’une éthique exemplaires, personnaliser la relation-client, être toujours plus rapide et de plus en plus flexible. Bref ! il faut atteindre le niveau d’un hyper-lean manufacturing ! En détaillant précisément les principes de l’hyper-manufacturing, ce livre donne les clés pour réussir à passer le cap de la 4e révolution industrielle.

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1. Introduction

L’industrie s’est profondément transformée au XXe siècle, devant plus allégée, informatisée, productive et rationnelle. Par la même occasion, son management s’est modernisé, par la mise en place des principes de l’amélioration continue.

Face aux start-ups ultra-connectées et agiles qui ont la capacité de muter rapidement et qui se trouvent parfois sur le même secteur d’activité qu’elle, il est difficile pour l’industrie de transformer des unités de production souvent importantes soumises à l’inertie de leur structure. Pourtant le monde industriel doit poursuivre sa mutation et continuer à se développer, ou à se réimplanter, tout en répondant à l’urgence des nouveaux enjeux écologiques, territoriaux et humains.

L’hyper-manufacturing propose un modèle mixte, reposant sur l’efficacité du lean manufacturing tout en lui rajoutant un niveau pragmatique, résilient et agile, porté par des nouveaux talents experts dans la connaissance des spécificités industrielles et capables d’y intégrer la puissance du digital.

Comment devenir hyper-frugal, hyper-connecté et hyper-agile tout en conservant la robustesse et les fondamentaux de la structure industrielle ? Découvrons les objectifs et les leviers de l’hyper-manufacturing ainsi que des conseils extraits du livre qui propose une méthode approfondie et complète, véritable outil d’accompagnement pour réussir sa mutation.

2. Pourquoi passer à l’hyper-manufacturing quand le lean fonctionne si bien ?

Produire mieux, plus vite, à moindre coût et en toute sécurité, ces quarante dernières années ont vu se développer un modèle industriel efficace, adapté aux nouvelles technologies et à l’évolution du management. Le lean manufacturing (la production sans gaspillage) est devenu la référence de l’organisation industrielle de la fin du XXe siècle. Le TPS (Toyota Production System) inventé dans les années 1960 par un ingénieur japonais est souvent cité comme son modèle. Basé sur une philosophie de production au plus juste à partir de la demande réelle des clients (on attend les commandes avant de lancer la fabrication) Toyota a innové en mettant en place un pilotage par la qualité (bon du premier coup), s’appuyant déjà sur un management responsabilisant et participatif.

La force de ce système repose sur une volonté d’amélioration permanente, tant pour l’efficacité (rationaliser les conditions de travail) que pour les clients (maximiser la valeur créée à toutes les étapes de fabrication). En invitant les équipes à participer de manière responsable à l’amélioration de l’outil à chaque niveau, en faisant évoluer en permanence les compétences sur le terrain, où chacun est invité à contribuer aux décisions, le lean manufacturing marque l’aboutissement de la Troisième révolution industrielle.

Pourtant, le temps est venu d’aller plus loin dans un monde qui change de plus en plus vite, avant que ce modèle ne vieillisse et ne parvienne plus à répondre aux nouveaux besoins. La généralisation du digital, qui touche l’ensemble de l’économie et de la population, accentue le besoin d’hyper connexion. D’une part, il faut être capable de répondre immédiatement à la demande du marché, d’autre part, il est nécessaire d’assurer la transparence sur l’ensemble du circuit, depuis la matière première jusqu’au produit fini. Par ailleurs, la prise de conscience environnementale actuelle exige une éthique plus forte que jamais.

S’y ajoute la situation géopolitique mondiale qui interroge sur la disponibilité de certaines matières premières (par exemple les terres rares nécessaires à la fabrication des batteries se trouvent majoritairement en Chine). Les crises récentes créent de fortes tensions commerciales entre États-Unis, Chine et Europe. Tous ces signaux alertent sur l’urgence d’une mutation vers une nouvelle forme d’industrie plus verte, plus connectée et plus agile. Le passage du lean à l’hyper-manufacturing répond à cinq objectifs : empathie, vitesse exponentielle, frugalité, flexibilité et traçabilité.

3. Élargir la notion de frugalité

Limiter les stocks et rationaliser l’organisation pour gagner temps, espace et efficacité ne suffisent plus. Il faut y ajouter le respect des nouveaux principes éco-responsables : ne pas utiliser plus de matière première que nécessaire, gaspiller le moins d’énergie possible, rationaliser les déplacements d’hommes et de matériels, favoriser tout ce qui est recyclable et produire de façon durable.

La mise en place d’un outil de VSM (value stream mapping) permet d’établir un état des lieux précis des circuits et des mouvements des matières, des personnes et des informations. Le but est d’identifier et de supprimer les pertes de temps et d’énergie pris par les doubles taches, les stocks inutiles, les temps d’attente, les gestes fatigants etc. Le résultat est profitable autant à l’entreprise qu’à ses salariés. Capitaliser sur les meilleures pratiques, les faire partager par toutes les équipes en standardisant les étapes, permet d’apporter de meilleures conditions de travail tout en améliorant l’efficacité des process.

L’hyper-frugalité doit se mettre au service du développement durable tout en offrant un espace moderne et attractif. Le lieu de travail doit devenir simple, allégé, silencieux, propre, sobre… doté d’une nouvelle forme d’esthétisme. Le but est de supprimer l’image de la vieille usine, de faire oublier aux riverains l’idée d’une future « friche industrielle », d’évoquer l’image du laboratoire high tech, dans une vision proche de celle que l’on a d’une start-up.

Par exemple, l’usine Schneider Electric a pris le virage de l’hyper-manufacturing en commençant par se fixer l’objectif de l’excellence environnementale. Après un premier travail sur les bâtiments qui a permis de faire des économies, une réflexion en profondeur sur les process a apporté un gain sur la facture énergétique ; cette réflexion est ensuite devenue systématique : à chaque renouvellement d’installation, ils raisonnent en termes d’économie circulaire.

Tout cela s’accompagne de décloisonnement, de pédagogie, de formations, de communication… ils avancent en même temps sur la généralisation du digital avec la recherche d’accélération de la gestion des données (augmenter la vitesse de prise de décision) et sur la volonté d’un plan zéro carbone. C’est une démarche qui rend l’entreprise attractive, notamment pour des jeunes talents attirés par la démarche du développement durable autant que par la modernité des process et des machines.

L’hyper-manufacturing propose une vision élargie de la frugalité du lean, ajoutant à la chasse au gaspillage, une logique écoresponsable, intégrant la conscience de la rareté des ressources et cultivant une certaine idée de sobriété et d’esthétique au service des salariés et de l’environnement.

4. Faire preuve d’une traçabilité exemplaire

La mondialisation a permis aux industriels d’économiser sur les coûts de fabrication. Elle a aussi favorisé le développement et l’industrialisation des pays qui accueillaient les usines délocalisées. Les consommateurs s’y retrouvaient puisque tout cela nourrissait leur surconsommation. Mais depuis, le monde a pris conscience que l’environnement payait cela au prix fort. Les populations ont compris qu’à force de délocaliser on en avait perdu la qualité et les savoir-faire historiques de l’industrie des pays d’origine ainsi que les emplois et la richesse qui allaient avec.

Il est indispensable d’être capable de tout contrôler s’il est impossible de tout rapatrier : suivre précisément toute la chaîne d’un produit, depuis la matière première utilisée jusqu’à la qualité de la fabrication et veiller à l’équité sur tout le circuit.

On ne parle plus seulement de qualité technique, mais aussi de qualité morale. Dans la filière du cacao, par exemple, certaines conditions de travail dans les plantations sont totalement indignes, ce qui est inacceptable pour les consommateurs d’aujourd’hui. Ces derniers sont capables de découvrir l’origine de pratiquement tous les produits, la façon dont ils ont été fabriqués, ainsi que les conditions de travail, les rémunérations ou les normes environnementales relatives à leur fabrication.

Ces consommateurs devenus des citoyens impliqués désirent connaître les engagements environnementaux des entreprises, mais aussi leur comportement social, leur management, leur capacité à offrir du travail là où elles sont implantées…

La traçabilité est devenue vitale pour le secteur agroalimentaire, par exemple, en raison de la perte de confiance des clients dans la filière. Le consommateur veut être rassuré sur les matières premières, sur le respect de l’environnement, sur la façon dont les animaux sont traités. On retrouve la même problématique dans le secteur du luxe : il faut être transparent sur l’éthique autour des produits. Quelle est la part de travail des enfants et quelles sont les normes de sécurité dans le textile ou dans les mines de pierres précieuses ? La chimie, elle aussi, doit offrir une totale transparence d’autant qu’elle implique la sécurité des populations.

Les nouvelles technologies offrent cette capacité de suivi qui garantit la traçabilité tout en permettant d’améliorer la qualité au fil de l’eau sur toute la chaîne. Cette transparence est indispensable pour garder la confiance des clients et des salariés.

5. Hyper-connexion et vitesse exponentielle

Les progrès du numérique ont rebattu les cartes des grandes entreprises. Aujourd’hui Apple ou Microsoft ont pris la place des usines comme Ford ou General Motors et les pays dont le modèle industriel repose sur les nouvelles technologies sont en tête devant les anciennes traditions industrielles comme la France, ou même devant des valeurs sûres comme l’Allemagne et ses secteurs porteurs (Énergie, équipement, construction de machines…).

L’hyper-manufacturing propose un fonctionnement hybride entre l’usine classique qui permet une fabrication sûre et durable et un modèle de type start-up, beaucoup plus agile et réactif. Par exemple, pourquoi ne pas « plateformiser » certains process dans les usines, notamment ceux que l’on retrouve dans toutes les branches (recrutement, formation, suivi des performances, suivi de stock en temps réel...) ? On peut imaginer procéder un peu comme dans le digital où des services comme les traitements de données, par exemple, sont accessibles sur des applications Google, Apple ou Amazon.

On pourrait imaginer une structure numérique qui permette d’augmenter la vitesse de traitement de l’information, conçue à partir de chaque besoin d’utilisateur depuis la base, en s’inspirant de ce qui a été fait dans le lean, notamment chez Toyota : chaque opérateur pouvait proposer des améliorations pour optimiser son travail. Proposition après proposition le système s’est perfectionné de manière exponentielle jusqu’à rationaliser l’ensemble. On peut transposer ce modèle aux outils numériques en partant de chaque utilisateur à partir de la plus petite unité.

En décloisonnant au maximum, en supprimant les silos (gestion par secteur) il est possible, grâce au digital, d’améliorer la gestion et la circulation de données fiables en temps réel via un logiciel unique capable de tout regrouper sur un réseau général (comptabilité, distribution, approvisionnement, vente, ressources humaines etc.). Le but est de gagner du temps d’analyse et de la réactivité afin d’optimiser la prise de décision et d’être capable de s’adapter immédiatement, avant la concurrence, aux besoins des marchés. Plus on va vite, plus on a des chances de conquérir les marchés. C’est l’exemple de Lime qui a implanté 15 000 trottinettes en seulement quelques jours à Paris immédiatement après les avoir testées dans quelques rues.

Les outils numériques valorisent une excellente organisation en fournissant les données en temps réel ; données qui, analysées par les nouveaux outils d’intelligence artificielle, peuvent faire leur propre auto-apprentissage (machine learning) et initier des améliorations continues.

6. Développer l’empathie

L’hyper-manufacturing propose de créer une relation client « augmentée » qui va au-delà des notions de service, de disponibilité et de valeur ajoutée déjà incluses dans le lean. Le digital permet de personnaliser la relation en tendant vers le sur-mesure. Le client doit pouvoir vivre son expérience en tant que co-acteur et interlocuteur permanent de l’entreprise. Sans oublier le client-citoyen qui attend que l’entreprise soit écoresponsable, qu’elle respecte ses salariés et qu’elle donne du sens à son activité.

Le lean était plutôt orienté vers une efficacité au service du produit et du client. L’hyper-manufacturing rajoute à cela la prise en compte des conditions de travail et du confort des salariés. Leur bien-être et l’esthétique du lieu deviennent d’autant plus importants que les jeunes générations n’ont plus les mêmes ambitions que leurs aînés de devenir cadres de grands groupes. Quand ils ne veulent pas devenir entrepreneurs, ils veulent travailler dans des entreprises qui ont une démarche qui leur plaît, qui a du sens pour eux. Par ailleurs l’utilisation des robots améliore la qualité de production et renforce la sécurité en leur faisant effectuer les gestes pénibles ou dangereux : le robot travaille et l’homme contrôle.

Cela induit cependant un besoin de formation permanente. Les hommes n’effectuent plus des tâches répétitives, mais apprennent à répondre à des situations d’analyses, à des problèmes techniques. De nouvelles compétences de planification, d’organisation et de créativité apparaissent. On voit émerger de nouveaux métiers comme celui de responsable des AGV (véhicules à guidage automatique pour déplacer des marchandises) de technicien informatique de terrain, ou de responsable de réalité augmentée…

Enfin l’hyper-manufacturing suppose un management « augmenté ». Comme celui mis en place par Elon Musk, par exemple, qui établit une forme de start-up leadership en faisant collaborer tous les niveaux de qualification. Concepteurs et opérateurs travaillent ensemble dans un même esprit d’efficacité et de transparence. Les cadres doivent s’adapter et être aussi « techniques » que « managers ». Tous les niveaux hiérarchiques acceptent l’idée qu’agir vite inclut le droit à l’erreur, et tous déterminent ensemble des solutions. L’hyper-manufacturing valorise les salariés, confiance et collaboration permettant de créer un climat d’entraide propice à la prise de responsabilité à tous les niveaux.

7. Une flexibilité à toute épreuve

La flexibilité était déjà au cœur du Lean, mais les innovations vont vite et il faut suivre. Amazon a fait découvrir la livraison en un jour à ses clients… plus que jamais, les industriels doivent s’adapter à des exigences qui ne cessent d’évoluer.

La flexibilité, c’est aussi de proposer un développement en mode ouvert en acceptant de ne pas faire « parfait » et totalement fini du premier coup. C’est un mode de raisonnement plus « start-up » qu’industriel. Les start-ups mettent leur produit sur le marché immédiatement après l’avoir conçu alors que l’industrie demande plus de temps (mise au point du cahier des charges, interventions des différents métiers puis assemblage final) pour un résultat solide, complexe et capable de tenir ses promesses. Elon Musk a adopté un système de production proche du modèle start-up en fabriquant ses voitures connectées directement sur le modèle digital, et en les mettant sur le marché immédiatement.

Dans un autre ordre d’idée, dans la vallée de Shenzhen en Chine, les entreprises ne font pas tout en interne, elles profitent de la densité du réseau pour créer des partenariats opportunistes avec des usines locales qui se chargent de produire le premier jet. Les contrats évoluent avec l’évolution du produit. Ce fonctionnement repose sur un contrat de confiance : on investit ensemble pour tester le projet. Cette boucle courte permet d’aller plus vite et d’améliorer les produits en permanence, moins « lourdement » qu’à travers le process industriel. Salomon et Adidas ont adopté un concept assez proche en fabriquant leurs modèles dans des petites structures près des lieux d’utilisation afin d’entretenir un lien unique avec leurs clients, de pratiquer du sur-mesure et d’économiser sur les coûts de transport.

Enfin, en anticipant, dès la conception d’un produit, son évolution ou sa déclinaison sous plusieurs formes, l’entreprise se donne la possibilité d’aller encore plus loin avec sa production, avec l’option de la faire évoluer via d’autres entreprises de manière ouverte et élargie. C’est ce que fait Elon Musk en ouvrant une part de ses projets sur l’extérieur de façon à co-produire à travers des échanges permanents avec des clients ou des fournisseurs. Il s’agit d’une forme de « sur-traitance » un peu à l’image des entreprises qui fabriquent des applications pour Google. L’entreprise devient un peu le centre d’un système collaboratif qui part d’elle et qui revient vers elle. C’est une sorte de partenariat augmenté.

8. Conclusion

Le monde de l’industrie continue sa révolution. L’hyper-manufacturing présente l’avantage de s’appuyer sur les principes efficaces du lean déjà connus. Il rafraîchit ses bonnes méthodes et y ajoute les technologies du XXIe siècle permettant d’augmenter encore la performance et les résultats. Il respecte les nouvelles exigences environnementales et s’adapte à une vision plus humaniste du travail, à une relation client plus transparente et à des nécessités sociales plus éthiques.

Il amène l’industrie à mieux correspondre aux profils et aux ambitions de la nouvelle génération attirée par la culture start-up. Le passage à l’hyper-manufacturing pourrait être l’occasion de réussir à réindustrialiser efficacement les pays d’Europe.

9. Zone critique

S’appuyant sur une solide expérience de terrain, Michaël Valentin apporte des solutions concrètes pour les industriels qui souhaitent se projeter dans l’hyper-manufacturing. Il donne des conseils précis et étayés, fournit des informations techniques (noms de machines, systèmes d’itération, amélioration de process pas-à-pas…).

C’est un excellent outil pour qui réfléchit à transformer son entreprise. L’hyper-manufacturing est un modèle d’aujourd’hui qui respecte les méthodes des industriels en leur apportant les nouveaux outils du digital tout en conservant les bases solides et fiables de leur savoir-faire historique.

10. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Hyper-manufacturing : L’après Lean, un nouveau modèle pour la 4e révolution industrielle, Malakoff, Dunod, 2020.

Du même auteur– Le Modèle Tesla, du Toyotisme au Teslisme : la disruption selon Elon Musk, Malakoff, Dunod, 2018.

Autres pistes– Jean-Louis Arosio, Du Lean à l’excellence opérationnelle, Paris, MAXIMA, 2020.– Anaïs Voy-Gillis, Olivier Lluansi, Vers la renaissance industrielle, Clichy, Éditions Marie B, 2020.

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