Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Monique de Kermadec
Publié en 2019, l’ouvrage de Monique de Kermadec s’intéresse aux femmes à haut potentiel. Nourrie de son expérience de clinicienne et des dernières recherches sur le sujet – qu’elles soient sociologiques ou scientifiques – l’auteure brosse un portrait de ces femmes différentes et propose des clés pour vivre pleinement ce potentiel.
Haut potentiel, voilà un thème qui fait couler de l’encre depuis quelques années. Mais lorsque l’on évoque ce sujet, il n’est pas rare de constater qu’il est peut-être encore plus complexe de vivre la surdouance lorsque l’on est une femme, car il faut alors assumer cette double différence dans une société encore trop misogyne : être une femme et être surdouée.
Monique de Kermadec s’attarde un instant sur les différences et souffrances spécifiques des femmes à haut potentiel. Mais comment sont-elles avec elles-mêmes et avec les autres ? Comment mener une vie meilleure pour ces femmes différentes ? Voilà autant de réponses que s’efforce de donner l’auteure.
Bien entendu, pour ce qui est du quotient intellectuel, les hommes et les femmes passent le même test et sont évalués sans distinction de sexe. Pourtant, il existe des particularités qui sont aussi dues au regard de la société. Monique de Kermadec rappelle que le chiffre de QI permet d’évaluer la douance, mais pas de la définir, car la douance se définit par une façon de réfléchir et d’appréhender la vie, par une pensée en arborescence, une soif de savoir, un sentiment de décalage…
Il existe d’autres critères présents qui sont encore plus exacerbés chez la femme. Il s’agit par exemple de l’hypersensibilité. Elle est une véritable éponge émotionnelle avec un sens très aigu de l’empathie. « Beaucoup travaillent dans le secteur de l’éducation, qu’il s’agisse de la petite enfance ou de l’enseignement supérieur. Beaucoup s’intéressent à la psychologie et finissent par la pratiquer. Vouloir aider, se sentir utile aux autres a souvent été la raison motrice de leur choix. » (p.23)
Le sentiment de différence est également plus présent chez la femme surdouée qui, il faut le rappeler, est moins diagnostiquée que les garçons et passe plus inaperçue à l’école. L’intensité (hyperactivité cérébrale et hyperémotivité) est également remarquable chez la femme HP, souvent qualifiée de « trop » ; ce « trop » a d’ailleurs fini par la définir. Il y a également l’excitabilité qui est « la conséquence du trop-plein d’énergie qui caractérise les surdouées, alliée à leur hypersensibilité et à leur perception sensorielle aiguë » (p.30) et le perfectionnisme.
Il convient également de s’arrêter sur des différences entre la femme à haut potentiel et la femme normale. Il y a une véritable divergence dans le rapport avec le modèle féminin. La femme surdouée est plus tolérante (ouverture d’esprit), plus autonome, plus modeste, plus créative. Elle a recours à un monde imaginaire et maîtrise plus tôt et de façon plus permanente le langage et l’écriture.
Il existe chez la femme à haut potentiel des souffrances bien particulières. Tout d’abord, il est important de rappeler qu’elle souffre du regard des autres qui portent sur elle des fantasmes comme « la surdouée est arrogante, cassante, castratrice, se croit supérieure aux autres et à son sexe… » (p.39). Cela lui donne le sentiment de ne pas avoir le droit à la souffrance : tu es surdouée et alors tu ne vas pas te plaindre ! Elle souffre également plus intensément du syndrome de l’imposteur, c’est-à-dire du fait de douter de ses compétences et de son droit à être là.
Elle a le sentiment qu’un jour elle sera démasquée et qu’on se rendra compte qu’elle n’est pas si intelligente que cela. Cela a bien entendu une cause sociale et familiale : on attend moins des filles qu’elles réussissent. Pour lutter contre cela, il faut que les parents traitent leurs enfants de la même façon, il faut sortir de l’auto sabotage et développer l’estime de soi. Il est bon aussi de repenser la prise de risque : en par exemple s’appropriant ses victoires et en prenant de la distance avec ses échecs ; en n’ayant pas peur d’avoir de l’ambition ; en prenant conscience que de ne pas tout savoir dans un domaine ne signifie pas ne rien savoir. Les femmes surdouées peuvent également souffrir d’anorexie.
C'est dû en partie à la société qui fait entrer les jeunes de plus en plus tôt dans l’image, la sexualité. Les jeunes filles surdouées souffrent d’autant plus d’asynchronisme (avancées dans un domaine, immatures dans d’autres domaines : une jeune surdouée peut être intellectuellement et physiquement femme, mais émotionnellement une enfant).
Attention, la douance n’est pas un facteur déclencheur de l’anorexie, mais « l’intensité, l’hypersensibilité et le perfectionnisme peuvent être canalisés dans des pensées obsédantes sur la nourriture et l’inciter à accéder à un poids irréaliste » (p.56).
Monique de Kermadec emploie cette expression « je est une autre » pour appuyer sur le fait que « la femme à haut potentiel souffre d’un décalage permanent entre ce qui est attendu d’elle et ce qu’elle est, ce qu’elle ressent en propre » (p.67).
Tout ceci complique bien entendu la construction de l’identité. Une fois nommée surdouée, la femme à haut potentiel doit dénouer, avec l’aide de son psychologue, sa personnalité profonde de l’identité de façade qu’elle a construite. On parle de faux self qui est une sorte de masque élaboré pour cacher le vrai-self, c’est-à-dire la vraie personnalité. Les femmes surdouées « cultivent un faux-self par angoisse de ne pas être acceptées, de ne pas correspondre aux attentes des autres » (p.71).
Il existe un véritable poids des stéréotypes. Dans notre société, on attend des femmes certaines choses qui ont obligatoirement des conséquences sur leur construction : elles doivent être douces, compréhensives, s’occuper de la famille… On ne les attend pas dans la réussite et encore moins dans les sciences dites dures, par conséquent « dans leur attention et leur respect des attentes extérieures, soit elles cultivent un faux self et s’en trouvent malheureuses, soit elles affirment leur différence et prennent le risque de s’isoler » (p.72).
Si le faux self est très présent, il va les éloigner de leurs envies et ambitions profondes. Si la femme à haut potentiel tente de se conformer à ce que l’on attend d’elle, elle va développer du stress, de l’angoisse, voire même de la dépression, une perte de confiance en soi et l’absence de prise de risque.
Ce qui est également souvent présent est la crainte d’échouer et la négation des talents. Elle essaie de ne pas se faire remarquer et donc fait tout pour ne pas briller en société. Elle va nier son talent par culpabilité, « tout se passe comme si sa supériorité retirait quelque chose aux autres. Ce n’est pas de la fausse humilité, en réaction aux jalousies possibles, mais un sentiment sincère de faute » (p.77). Certains mécanismes de défense du self se mettent alors en place chez la surdouée : elle va tenter la sublimation (réduire agréablement les tensions) par le sport ou d’autres activités artistiques, par l’humour…
La douance est une première identité, c’est une différence. Pour la vivre, la femme à haut potentiel doit se résoudre à faire un certain nombre d’efforts pour se faire accepter. Elle ne sait pas qui elle est, mais « elle voit que ni le clivage homme/femme ni le modèle stéréotypé de la femme ne lui correspondent » (p.81). Monique de Kermadec rappelle que l’histoire prouve que l’intelligence des femmes a souvent été considérée comme inférieure, ou tout du moins, qu’elle n’importait guère.
Souvent c’est au contact des autres qu’un surdoué se rend compte de sa différence. Enfant, la petite fille à haut potentiel a pour désir de répondre aux souhaits de ses parents, de plus, son hypersensibilité fait qu’elle est très réceptive aux relations et aux tensions qui se jouent au sein de la famille. En tant que mères, elles « sont le plus souvent extrêmement attentives à l’équilibre de leurs enfants.
Nombre d’entre elles découvrent d’ailleurs leur douance en consultant pour leur fils ou leur fille » (p.88). Il faut tout de même que l’amour ne soit pas trop étouffant pour l’enfant, il faut savoir les laisser grandir, ne pas être trop exigeante car cela provoque de l’angoisse chez l’enfant. Elle doit aussi mener sa propre vie et ne pas vivre qu’à travers ses enfants. En amitié, la jeune fille surdouée peut rencontrer des problèmes dès l’école, du fait de sa singularité. Souvent, elle va nouer des liens avec des enfants plus jeunes ou plus âgés. C’est là qu’elle peut commencer à se fabriquer un faux self pour coller au groupe. Par contre, son sens de l’empathie fait d’elle une amie attentive et sincère.
En amour, la femme HP a une soif d’absolu et besoin à la fois de réconfort et de reconnaissance. Souvent, elle vit une solitude amoureuse et a du mal à trouver l’âme soeur. « C’est un fait : les études sociologiques ont montré qu’il y avait plus de femmes célibataires chez les diplômées du troisième cycle que chez les autres » (p.99). Pour la femme HP, le célibat est renforcé par son sentiment d’être différente. Du coup, elle a tendance à éviter toute sortie qui pourrait permettre de faire des rencontres. L’hypersensibilité de la femme à haut potentiel, son côté brut dans ses réactions, sa supériorité intellectuelle et sa rapidité d’analyse peuvent dérouter un partenaire.
En conclusion, les femmes intelligentes font peur aux hommes. Mais attention, pas de fatalité, des femmes à haut potentiel trouvent le bonheur même avec des hommes non diplômés, car ce qu’elles recherchent c’est une très grande complicité, une relation et une conversation enrichissantes, ainsi que du partage ! Dans la vie de couple, la femme à haut potentiel doit veiller à travailler son intelligence relationnelle : son impatience, ses colères, le fait de toujours vouloir avoir raison, de toujours vouloir donner des conseils, de finir la phrase de l’autre parce qu’elle sait ce qu’il va dire.
L’intensité de la femme à haut potentiel peut devenir un problème dans le couple. Le fait d’avoir beaucoup de passions, d’envies la fait passer pour une adolescente attardée. Il faut, selon Monique de Kermadec, prévenir le conjoint dès le début de ce côté passionné qui l’anime. Si la femme s’épanouit professionnellement en vivant pleinement sa douance, et si le conjoint est dans le schéma dominant/dominé, alors la relation risque d’être déséquilibrée et de mal se passer.
L’homme peut se sentir en rivalité avec sa femme. La dépression existentielle est l’une des caractéristiques de la femme à haut potentiel : elle souhaite donner un sens à sa vie ! « Ce besoin de sens, d’avoir une vie active et tournée vers un but peut provoquer des temps de dépression, un sentiment d’aliénation, de désillusion confinant parfois au désespoir » (p.111). La femme surdouée doit comprendre son fonctionnement, car « c’est à partir de cette connaissance, en revivant ses souffrances à la lumière de cette information, qu’elle pourra se reconstruire, et réparer les liens qui se sont brisés tout au long de sa vie » (Id.).
Sa différence peut devenir une force. Dans la sphère publique, elle doit faire face à son irréductible différence, elle doit s’adapter aux fonctionnements des autres. Tout cela, plus l’ennui ressenti très rapidement dans une fonction, peuvent les pousser à ce qui peut être perçu comme une certaine instabilité professionnelle. L’auteure invite encore une fois les femmes surdouées à apprendre à communiquer. Face à l’injustice, elle a tendance à être hyper-réactive, mais par contre si elle a une position de leader, elle fera tout pour le bien-être de son équipe.
Monique de Kermadec invite les femmes à haut potentiel à vivre pleinement leur vie. Pour cela, il faut prendre conscience qu’une thérapie peut s’avérer nécessaire.
Cela permet de se comprendre, de comprendre son fonctionnement, de mettre le doigt sur un éventuel faux self et donc de renouer avec son moi. C’est aussi l’occasion de « comprendre les sentiments handicapants propres à la douance (la culpabilité, la peur du risque, le manque de confiance en soi) et les dépasser » (p.166).
La thérapie va permettre également de redéfinir la notion de réussite. En effet, une vie réussie peut être synonyme d’accomplissement. Pour tendre vers cela, il faut se donner des objectifs et comprendre qu’il ne faut peut-être pas suivre le courant dominant ou le modèle imposé. Il est impératif également de se poser les bonnes questions. Souhaite-t-elle avoir un mari ou un compagnon ? Rester célibataire pour pouvoir avoir plus de temps à consacrer au travail ? Avoir des enfants ? Et encore beaucoup d’autres questions qui peuvent aider à faire les bons choix. Encore une fois, il s’agit de ne plus répondre à ce que les autres veulent, aux critères de réussite des autres. Il faut accepter ses propres besoins, ses propres envies…
Là où certaines n’ont qu’un seul objectif, d’autres vont vivre plusieurs vies. Beaucoup de femmes HP vont changer de vie pour s’investir dans l’associatif, pour améliorer la vie des autres, la planète… La passion pour une cause ou pour une activité fait partie de la vie de la femme surdouée, car très épanouissante : « tomber amoureuse d’une idée n’est pas sans conflits ou pertes, mais finalement ces femmes qui ont tenu bon dans leur passion sont satisfaites de leur vie et fières de leurs accomplissements, de leur mariage et de leur famille » (p.173).
Il faut également apprendre à se réinventer, en un mot, ne pas hésiter à changer de vie. Monique de Kermadec explique qu’il est très important de s’aménager des moments de solitude, voire de faire des sortes de retraites : année sabbatique par exemple ou même une fois par mois ou trimestre s’octroyer des moments loin du reste (du quotidien, des écrans…). Cela permet de se recentrer sur soi et de faire le bilan de sa vie, de ses choix…
Apprendre à être dans le moment présent est un autre conseil de l’auteure, tout comme la méditation en pleine conscience qui permet une distanciation des émotions, des humeurs, mais, attention, il n’est pas question de se détacher émotionnellement non plus, car les émotions négatives sont tout de même nécessaires à la vie. Il ne faut pas perdre pied avec la réalité et s’éloigner des autres encore plus. Pour l’auteur, la méditation ne fait pas de miracle, mais elle peut être un bon moyen de décompression.
Pour terminer son propos, Monique de Kermadec invite la femme surdouée à être ambitieuse, pas seulement d’un point de vue professionnel, mais plutôt d’un point de vue du bonheur. Se défaire de ses peurs pour avancer vers son moi profond, vers ses envies et ses passions.
À travers des analyses et exemples précis, Monique de Kermadec s’intéresse aux femmes surdouées dans tous leurs aspects de la vie : de la petite fille à la mère, de l’écolière à la femme active.
Elle s’attaque à certains préjugés qui perdurent, et par-delà même s’intéresse à la question féminine. L’auteure termine en donnant de sages conseils pour vivre bien cette différence qui peut être un véritable atout.
Cette fois-ci, Monique de Kermadec ne s’intéresse pas qu’à la douance, mais en particulier à celle des femmes.
Son ouvrage est un outil indispensable lorsque l’on se pose des questions à ce sujet. Comme dans tous ses ouvrages, le propos est simple, clair et précis et propose un portrait détaillé des personnes surdouées ainsi que des armes efficaces pour vivre pleinement sa douance.
Ouvrage recensé– Monique de Kermadec, La femme surdouée, Double différence, double défi, Paris, Albin Michel, 2019.
De la même auteure– Un sentiment de solitude, Comment s’en sortir ?, Paris, Albin Michel, 2017.— L’adulte surdoué à la conquête du bonheur, Paris, Albin Michel, 2016.— L’enfant précoce aujourd’hui, le préparer au monde de demain, Paris, Albin Michel, 2015.
Autre piste— Jeanne Siaud-Facchin, Trop intelligent pour être heureux ? L’adulte surdoué, Paris, Odile Jacob, 2008.