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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

L’École du cerveau

de Olivier Houdé

récension rédigée parAnne-Claire DuchossoyDoctorante en littérature française (Universités de Bordeaux Montaigne et Georg-August Göttingen).

Synopsis

Psychologie

Olivier Houdé, spécialiste du développement de l’enfant, dévoile avec clarté l’enjeu de la neuropédagogie. Tout d’abord, il s’impose un retour dans l’histoire avec un recensement des plus grands pédagogues depuis le XVIIe siècle de John Locke à Maria Montessori en passant par Rousseau ou encore Freinet. Tous se sont de près ou de loin intéressés au fonctionnement du cerveau. Après avoir assis les références historiques, il s’intéresse de plus près aux grands principes des neurosciences et des sciences de l’éducation. Portraits, images, exemples d’expériences, pistes pratiques, encarts explicatifs ponctuent le propos pour éclairer au mieux les lecteurs.

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1. Introduction

Olivier Houdé, spécialiste du développement de l’enfant, dévoile avec clarté l’enjeu de la neuropédagogie. Tout d’abord, il s’impose un retour dans l’histoire avec un recensement des plus grands pédagogues depuis le XVIIe siècle de John Locke à Maria Montessori en passant par Rousseau ou encore Freinet. Tous se sont de près ou de loin intéressés au fonctionnement du cerveau.

Après avoir assis les références historiques, il s’intéresse de plus près aux grands principes des neurosciences et des sciences de l’éducation. Portraits, images, exemples d’expériences, pistes pratiques, encarts explicatifs ponctuent le propos pour éclairer au mieux les lecteurs.

2. Petit tour d'horizon des grands pédagogues

• John Locke (1632-1704)Pour le philosophe et médecin anglais, les « Idées innées n’existent pas, tout s’acquiert par l’expérience sensible dans l’environnement » (p. 25), même si tous les enfants ne sont pas égaux au départ. Dans son ouvrage, Quelques pensées sur l’éducation (1693), il explique que les incitations sociales et les modèles développent les esprits. Selon lui, l’imitation et le jeu ont un rôle primordial.

• Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)Inspiré par Locke, cet illustre philosophe du siècle des Lumières est certainement l’un des plus grands penseurs de l’éducation et a influencé des courants éducatifs comme Montessori et Freinet. Dans Émile ou de l’Éducation, il explique que l’enfant naît bon, mais que c’est la société qui le pervertit.

C’est pour cette raison qu’il faut le confier au plus vite à un précepteur qui l’élèvera à la campagne en évitant de lui donner de mauvaises habitudes. « Pas de morale, pas de devoirs écrits, peu ou pas de lectures, mais des causeries, des expériences préparées, des leçons de choses » (p. 28). C’est la nature qui doit agir ainsi que l’interaction avec le monde physique. Pour Rousseau, il s’agit en fait de laisser l’enfant s’épanouir dans sa spécificité et cela à chaque étape de son développement.

• Jean Itard (1774-1838)Inspiré également par Locke, Jean Itard est le fondateur du principe de l’éducation spécialisée. Il s’est en effet penché sur le cas d’un enfant sauvage, plongé dans son mutisme, en lui proposant un programme stimulant fait de sensations et d’expériences. Il a également travaillé avec succès auprès d’enfants de l’Institut des sourds-muets de Paris.

• Édouard Séguin (1812-1880)Ce pédagogue est à l’origine en France et aux États-Unis de l’éducation des personnes handicapées mentales. Il a travaillé auprès d’enfants atteints de troubles cognitifs et a créé une école privée pour déficients intellectuels.

• Maria Montessori (1870-1952)Toute première femme médecin d’Italie, Maria Montessori, après avoir été choquée de la situation d’enfants déficients mentaux dans les hôpitaux psychiatriques, a trouvé son inspiration théorique dans les méthodes d’Itard et Séguin qu’elle a enrichies. Elle a choisi une approche mêlant le médical, les sciences, la psychologie, la pédagogie et le pragmatisme.

Sa méthode consiste à créer un environnement pédagogique sensoriel adapté au rythme des enfants et aux « périodes sensibles » (périodes propices à certaines acquisitions). Sous la demande du ministre de l’Éducation, elle a créé la Maison des enfants pour des petits défavorisés. Ce succès mondial a donné naissance à ce qu’on appelle l’éducation nouvelle.

Ce n’est qu’en 2016 que Le Manuel pratique de la méthode Montessori a été traduit en français. Il existe actuellement 22 000 écoles Montessori à travers le monde.

3. Petit tour d'horizon des grands pédagogues (suite)

• Célestin Freinet (1896-1966)Ce français provençal était persuadé que l’émancipation politique et citoyenne pour créer un nouvel humain passait par une éducation nouvelle. Son idée était « d’apprendre aux enfants les notions essentielles (français, mathématiques, sciences, etc.) par le tâtonnement expérimental dans des situations réelles de travail imité, enracinées dans la vie du milieu rural, tels le jardinage, l’élevage de petits animaux, la menuiserie, la maçonnerie, la poterie, la peinture… » (p. 44).

• Ovide Decroly (1871-1932)Ce neurologue belge a mis au point des méthodes adaptées à des enfants fragiles et démunis. Tout comme Montessori et Freinet, il centre son approche sur l’intérêt spontané et l’activité de l’enfant (« observation, l’expérimentation, le contact direct avec les choses et la construction manuelle », p. 50) ainsi que sa sécurité affective.

• Alfred Binet (1857-1911)Avec Théodore Simon, et à la demande du Gouvernement français, Alfred Binet a conçu le premier test d’âge mental dit « test Binet-Simon » qui est une échelle métrique d’intelligence. Il est le point de départ du quotient intellectuel.

• Jean Piaget (1896-1980)Rompant avec le test Binet-Simon, il a élaboré sa méthode d’interrogation clinique qui révéla l’originalité de la pensée enfantine. Il propose « une théorie intermédiaire, dite constructiviste : les structures intellectuelles, c’est-à-dire nos pensées, nos opérations mentales, ont une genèse qui leur est propre. De la naissance à l’âge adulte, elles se construisent progressivement, stade après stade dans le cadre de l’interaction entre l’individu et son environnement » (p. 66). Chez Piaget, le développement est plus un mécanisme interne à l’enfant qu’une question d’environnement.

• Lev Vygotski (1896-1934)Ce Russe, psychologue de l’enfant, a développé la notion de zone proximale de développement (rapport entre apprentissage et développement) : « l’élément central pour toute la psychologie de l’apprentissage est la possibilité de s’élever dans la collaboration avec quelqu’un à un niveau intellectuel supérieur, la possibilité de passer, à l’aide de l’imitation, de ce que l’enfant sait faire à ce qu’il ne sait pas faire » (p. 75). Il pense également que c’est dans les réactions aux contradictions pédagogiques que se trouve le moteur du développement cognitif, car il lui faut alors dépasser ces contradictions.

• Burrhus Skinner (1904-1990)Ce neuropédagogue américain a inventé l’enseignement programmé (« dispositif technique où l’élève devait répondre à des questions. Chaque bonne réponse permettait de passer à l’étape suivante, ce qui constituait la récompense ou renforcement positif », pp. 80-81), qui lui semblait plus efficace que les examens et notes. C’est une façon de s’adapter au rythme de chacun. Pour lui, la classe doit être un milieu positif d’apprentissage où le maître doit déambuler. Il est contre les punitions, car seul le système de récompenses peut favoriser l’apprentissage.

4. Le fonctionnement du cerveau dans l'apprentissage

• Sciences de l’éducation, Sciences cognitivesLes sciences de l’éducation étudient les différents aspects de l’éducation, les approches méthodologiques et pédagogiques. Les sciences cognitives étudient le processus de la pensée et de l’intelligence. La cybernétique (science du contrôle des systèmes, vivants ou non vivants) est née dans les années 1940-50. De nos jours, la robotique et l’intelligence artificielle (IA) ont pris la relève.

Parallèlement, les neurosciences se développent. Alors que les sciences de l’éducation traditionnelles ont tendance à voir dans les neurosciences leur caractère trop matérialiste et réductionniste, Olivier Houdé explique qu’au contraire les neurosciences peuvent « éclairer certains mécanismes neurocognitifs élémentaires d’apprentissage dont dépendent des phénomènes éducatifs, sociaux et culturels plus complexes » (p. 91). Le cerveau est l’angle mort de l’Éducation nationale qui éduque les enfants à l’aveugle sans prendre en compte le mécanisme de leur cerveau. Les nouvelles sciences de l’éducation sont justement là pour découvrir, grâce aux imageries cérébrales, le cerveau comme organe de la pensée et de l’apprentissage. On parle alors de neuroéducation ou neuropédagogie.

• Le développement dynamiqueLongtemps, il a été question du modèle en escalier (l’intelligence de l’enfant s’élabore stade après stade), pourtant la nouvelle psychologie cognitive a prouvé que développement peut suivre un chemin fait d’erreurs, de décalages et de retours en arrière. Le développement n’est donc pas linéaire, mais dynamique. On parle de « conflits cognitifs » lorsqu’il y a contradiction ou incompatibilité entre ses idées, ses représentations, ses actions. Le dépassement de ces conflits dépend de la maturité du cortex préfrontal, dernière partie du cerveau à arriver à maturation.

Selon Stanislas Dehaene, il existe quatre grands principes d’apprentissage du cerveau humain : l’éducation, la plasticité et le recyclage neuronal ; l’attention et le contrôle exécutif ; l’engagement actif, la curiosité et la correction d’erreurs ; la consolidation des apprentissages et l’importance du sommeil pour l’optimisation de la mémoire.

• L’éducation, la plasticité et le recyclage neuronal C’est la région occipito-temporale gauche du cerveau qui permet l’apprentissage de la lecture. À l’origine, les neurones de cette zone servaient à la reconnaissance visuelle des objets. Au fur et à mesure, sous l’effet de l’éducation, ils ont été recyclés pour l’identification des lettres et des mots. C’est un « phénomène de la plasticité cérébrale provoqué par un apprentissage culturel » (p. 109).

• Les systèmes cognitifsIl existe trois systèmes cognitifs : le système heuristique (pensée automatique et intuitive) ; le système d’inhibition (qu interrompt le système heuristique pour activer celui des algorithmes, fonction d’arbitrage) ; le système algorithmique (pensée réfléchie logico-mathématique).

Voici un exemple d’heuristique : la longueur = le nombre. Les enfants ont devant eux deux rangées de jetons de même nombre, mais espacés de façon différente. Jusqu’à 7-8 ans, ils pensent qu’il y a le plus de jetons sur la rangée la plus longue. À peu près partout, à l’école à la maison au supermarché, ce système de « longueur égale nombre » perdure, ainsi le cerveau conserve cette intuition perceptive. C’est donc là que le système d’inhibition va devoir agir pour activer le système algorithmique.

Ce qu’il faut savoir c’est que « dans le cerveau, une heuristique est une stratégie très rapide, très efficace – donc économique pour l’enfant –, qui marche très bien, très souvent, mais pas toujours, à la différence de l’algorithme exact, stratégie plus lente et réfléchie, mais qui (appliquée sans erreur ou bug) conduit toujours à la bonne solution (le syllogisme, le comptage, etc.) » (p. 104).

5. Et si l'école agissait

• L’automatisation et le contrôle inhibiteur dans les apprentissages scolairesIl existe deux formes complémentaires d’apprentissage neurocognitif : l’automatisation par la pratique (la répétition) et le contrôle par l’inhibition vu ci-dessus. Même s’il est très bien d’apprendre grâce à la répétition, la pratique et l’automatisation, il faut également apprendre à résister à ses automatismes (éduquer le cortex pré-frontral) pour aller vers d’autres solutions. Beaucoup de jeux (Jacques a dit, Ni oui Ni non) et de jeux de société sont basés sur ce principe d’inhibition. « Dès que le jeu met en place une règle pendant un certain temps et qu’ensuite on change ou même on inverse la règle, alors la capacité de contrôle inhibiteur de l’enfant est directement sollicitée » (p. 132). Si l’école se concentrait plus intimement sur ce processus inhibiteur, cela rendrait le cerveau plus résistant et efficace face à des situations nouvelles.

• L’engagement actif, la curiosité et la correction d’erreurs S’engager dans ses activités scolaires au lieu de suivre un cours magistral permet de mieux réussir. « L’action, le tâtonnement et les émotions jouent donc des rôles importants dans les apprentissages » (p. 111).

Les encouragements et les approbations motivent, mais a contrario, un enseignement trop explicite a tendance à tuer la curiosité. L’auteur invite les enseignants à faire en classe des pratiques stimulant l’effet de feedback (retour individualisé d’information), car c’est essentiel pour une bonne pédagogie et une remédiation (qui est un dispositif pédagogique mis en place après évaluation de l'élève, pour combler des lacunes, corriger des apprentissages erronés).

Il s’agirait pour commencer d’expliquer aux élèves le fonctionnement du cerveau et d’ « adapter pour chacun d’eux ou en petits groupes, en coopération même, un programme d’apprentissage qui leur permette de mesurer, en chaque matière, des signaux réguliers et progressifs d’erreur et de s’autoréguler » (p. 117). Les jeux numériques éducatifs et les robots éducatifs peuvent s’avérer être de bonnes aides.

D’autres études ont prouvé que l’émotion individuelle ou collective, enrichie d’un engagement actif, de curiosité et du retour d’information développe l’intelligence du cerveau. L’émotion au centre du cerveau doit être au cœur des apprentissages. Il est important de développer une éducation à l’attention, car celle-ci est indispensable. Les jeux vidéo ont à ce sujet des effets bénéfiques. Cela développe les capacités d’attention visuelle sélective.

• La consolidation des apprentissages et l’importance du sommeil pour l’optimisation de la mémoire.Il est primordial d’espacer les périodes d’apprentissage des élèves : plutôt que 4 h consécutives, il est préférable de faire 4 h d’une matière étalées dans la semaine. De plus, le sommeil et la sieste sont essentiels à la mémoire. Ils permettent de consolider et de réorganiser les souvenirs récents dans le cerveau. Pour aider la mémoire, la classe doit être munie de tableaux, de frises, de schémas, de cartes mentales. En fin de cycle élémentaire, les élèves doivent être invités à apprendre à mémoriser tout seuls.

• Art et beautéL’auteur regrette que l’éducation artistique ait si peu de place dans l’enseignement alors qu’elle est essentielle. De plus, les cours d’école sont encore trop austères alors que la beauté est elle aussi nécessaire au développement des enfants, car cela « conduit à la sélection progressive de circuits neuro culturels propres à chaque individu » (p. 155).

6. Connclusion

Par son propos à la fois historique et scientifique, Olivier Houdé a pour dessein de prouver que la neuropédagogie n’est pas une science nouvelle, mais qu’elle est au contraire menée depuis plusieurs siècles. En effet, depuis le siècle des Lumières jusqu’à aujourd’hui, tous les penseurs et pédagogues se sont intéressés à l’exploration du cerveau.

Malheureusement, force est de constater que dans la pratique, l’enseignement oublie encore trop souvent cette facette essentielle qu’est le cerveau humain. Ce qu’on nomme l’éducation nouvelle est encore trop souvent marginale. Les éducateurs devraient être formés aux neurosciences. Il serait également très bénéfique de sensibiliser les enfants aux neurosciences pour qu’ils comprennent le fonctionnement de leur cerveau. C’est cela aussi la neuropédagogie !

7. Zone critique

Grâce au sujet, mais également à sa structure claire qui facilite la lecture et surtout la compréhension du propos, cet ouvrage didactique est très enrichissant. Les neurosciences sont parfois critiquées par certains réfractaires, alors qu’elles offrent une vision et une approche complémentaires de la pédagogie et des apprentissages.

Cela complète un ouvrage comme Les lois naturelles de l’enfant de Céline Alvarez que l’auteur cite d’ailleurs à plusieurs reprises.

8. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé

– L'école du cerveau : De Montessori, Freinet et Piaget aux sciences cognitives, Bruxelles, Mardaga, 2018.

Du même auteur

– Avec Grégoire Borst, Le Cerveau et les apprentissages, Paris, Nathan, 2018.– Avec Gaëlle LeRoux, Psychologie du développement cognitif, PUF, 2015.– 10 leçons de psychologie et de pédagogie, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2006.

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