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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Libre pour apprendre

de Peter Gray

récension rédigée parAnne-Claire DuchossoyDoctorante en littérature française (Universités de Bordeaux Montaigne et Georg-August Göttingen).

Synopsis

Développement personnel

Libre pour apprendre est un ouvrage du biopsychologue et universitaire Peter Gray publié en 2013. L’auteur y fustige le système scolaire traditionnel qu’il considère comme responsable de nombreux maux psychologiques chez les enfants. En se fondant sur des faits d'ordre anthropologiques, psychologiques et historiques, Peter Gray défend l’idée que le jeu et la liberté sont d’excellents moyens d’apprendre : apprendre à gérer sa vie, à résoudre des problèmes, à vivre en communauté et à devenir émotionnellement équilibré.

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1. Introduction

Fort de son poste de professeur en biopsychologie et de son expérience de père de famille, Peter Gray s’est penché sur les systèmes d’éducation qui ne respectent pas le développement de l’enfant. Anthropologie et psychologie lui ont permis de comprendre comment l’enfant apprend à travers le jeu, alors que le système traditionnel bloque le processus naturel d’apprentissage.

Il s’intéresse particulièrement aux sociétés des chasseurs-cueilleurs et aux méthodes alternatives comme la Sudbury Valley School. Là où les hommes politiques veulent à tort augmenter encore plus le temps d’école, de travail et de tests standardisés, Peter Gray appelle tous ceux qui connaissent le sujet à s’insurger contre cela et, au contraire, à offrir plus de liberté aux enfants.

2. Le Bilan

• Qu’avons-nous fait de notre enfance ?

Peter Gray déplore le manque de liberté et d’indépendance des enfants d’aujourd’hui, alors qu’il y a encore quelques décennies, ils pouvaient « vivre des aventures en compagnie d’autres enfants, à bonne distance des adultes » (p. 20).

Alors qu’ils devraient pouvoir jouer et explorer en toute liberté, les enfants disposent de moins en moins de temps pour le faire et lorsqu’ils sont dehors, les parents ne les quittent pas des yeux. Les journées d’école sont de plus en plus longues, les devoirs de plus en plus importants… L’institution qu’est l’école a une forme d’emprise encore plus insidieuse : mettre en avant les tâches ou les jeux dirigés au détriment des moments de jeux libres.

L’apprentissage et le savoir sont ainsi délaissés, avec pour corolaire la mise en avant de la performance et de la compétition que ce soit à l’école ou dans les activités extra-scolaires. Tout n’est question que de trophées et de distinctions. De plus, le psychologue dénonce les médias qui effraient en surmédiatisant les enlèvements et meurtres d’enfants alors qu’ils ne sont, bien heureusement, que rares exceptions. Malheureusement, cette angoisse latente pousse les parents à priver les enfants de cette liberté dont ils ont tant besoin.

• Les styles de parents

Il existe trois styles de parentalité : fondée sur la confiance, cette parentalité est propice à l’épanouissement des instincts d’autoéducation ; le style directif à tendance dominatrice : violences physiques ou morales (honte, culpabilité, menace de ne plus les aimer, de les abandonner) ; le style directif à tendance protectrice : « Alors que des parents confiants pensent que leurs enfants se développent au mieux quand on leur permet de jouer et d’explorer seuls, les parents directifs à tendance protectrice pensent que les enfants se développent de façon optimale lorsqu’ils suivent un chemin soigneusement balisé pour eux par les adultes. » (p. 292).

Si la parentalité confiante s’est manifestée pendant la première moitié du XXe siècle, elle a commencé à disparaître pendant la seconde moitié pour plusieurs raisons : avant les gens connaissaient leurs voisins et laissaient leurs enfants jouer ensemble ; mondialisation des réseaux de communication ; incertitudes croissantes sur les perspectives de travail ; emprise accrue de l’école et nécessité croissante de se conformer aux exigences de plus en plus contraignantes de celle-ci avec une transposition du modèle scolaire sur toute la vie (voir les enfants en fonction de leur classe laissant alors de côté la nature humaine ; adultes présents même sur les terrains de jeux…)

• Les sept péchés de notre système éducatif

Les choses sont claires pour Peter Gray : les enfants n’aiment pas l’école (ou seulement pour leurs camarades) parce c’est une prison et leur liberté y est restreinte. L’auteur emploie le terme d’éducation forcée.

Pour lui, les sept péchés de l’école sont : priver les enfants de liberté sans motif valable ; perturber le sens des responsabilités individuelles et de l’autonomie ; transformer les apprentissages en travail et par conséquent tuer le désir d’apprendre naturel de l’enfant ; juger les enfants et faire naître la honte, l’orgueil, le cynisme et la tricherie ; inhiber l’esprit critique (seules la progression fixée par l’école et les notes comptent) ; réduire les compétences et les savoirs enseignés en standardisant le cursus.

Même si Peter Gray est conscient du fait que beaucoup de professeurs regrettent cette éducation forcée et ce manque de liberté, il pense malgré tout que « personne, au sein du monde bien établi de l’éducation, n’est prêt à reconnaître que le système scolaire coercitif échoue précisément parce qu’il est coercitif et que la seule réforme valable consisterait à confier aux enfants la responsabilité de leur propre apprentissage » (p. 317).

3. Respecter la nature de l'enfant

• Les instincts éducatifs

« Éducation » ne signifie pas « scolarisation ». La curiosité, l’esprit ludique et la sociabilité sont des aspects inhérents à l’être humain : « ils viennent au monde avec des pulsions instinctives d’autoéducation. Celles-ci les poussent à apprendre ce qu’ils ont besoin de savoir pour prendre pleinement leur place au sein de leur culture » (p. 161). Les enfants apprennent mieux à plusieurs que seuls. L’école fait obstacle aux instincts éducatifs des enfants, car ils n’ont pas la possibilité de se concentrer sur leurs centres d’intérêt : ils sont constamment évalués et doivent suivre une méthodologie. Ce qui leur est proposé n’éveille pas leur curiosité.

De surcroît, on ne répond pas à leur question de curiosité si elles ne rentrent pas dans le programme. En un mot, l’école ne fait que « tuer dans l’œuf la curiosité et l’enthousiasme des élèves afin que ceux-ci puissent exécuter les consignes dans le temps imparti » (p. 183). Cela entraîne alors un désintéressement au fil des années d’école, surtout pour les sciences.

• L’état d’esprit ludique

« L’évaluation améliore encore les performances de ceux qui sont déjà compétents, tandis qu’elle inhibe celles des débutants » (p. 187). Pour être plus clair, le système de l’école basé sur des évaluations met en avant les bons élèves et restreint les autres. Ainsi, les apprentissages sont bloqués. Les conclusions de plusieurs études sont édifiantes : la pression de la performance bloque les apprentissages, l’injonction d’être créatif bloque la créativité alors qu’a contrario susciter une humeur ludique favorise la créativité et la résolution des problèmes de logique.

Pour rappel, l’auteur explique que dans la notion de jeu se cache une notion de volonté et de liberté, non une obligation extérieure. Un adulte qui veut diriger le jeu le gâche ! « Quand un enfant se sent contraint, l’esprit ludique s’évanouit et, avec lui, tout ce qu’il apportait de positif » (p. 199). Concernant les jeux violents, il faut comprendre que par ce biais les enfants imitent le monde et s’y préparent émotionnellement. Même les jeux dangereux et les jeux de poursuite ont des vertus : les enfants cherchent à se mettre en position de faiblesse pour ensuite s’en sortir.

4. Respecter la nature de l'enfant (suite)

• L’hétérogénéité des âges

L’école, les activités extrascolaires, et le manque de jeux libres avec les voisins ne favorisent absolument pas le mélange des âges qui est pourtant un élément clé de l’autoéducation. En côtoyant des enfants plus âgés, en les observant et les écoutant, les plus jeunes ont la possibilité de pratiquer des activités plus complexes.

Les plus âgés, quant à eux, consolident leurs connaissances et développent leur créativité en s’occupant d’activités qui a priori ne sont plus de leur âge. Ils apprennent à prendre soin des autres et à être responsables ! Recevoir de la sollicitude (aide et soins prodigués pour répondre aux besoins de quelqu’un) et se sentir en sécurité sont des éléments essentiels à l’éducation. Des liens émotionnels forts se créent entre eux. Il est primordial que les enfants puissent « choisir librement, en fonction des besoins qu’ils ressentent et qui varient d’heure en heure et de jour en jour, avec qui ils vont entrer en interaction : qu’il s’agisse d’enfants plus grands, plus petits ou du même âge qu’eux » (p. 279).

• La question des jeux vidéo

Les types universels des jeux d’enfants sont les jeux physiques, les jeux de langage, les jeux d’exploration, les jeux de construction, les jeux d’imagination et les jeux sociaux. L’auteur s’arrête un moment sur les jeux vidéo souvent montrés du doigt comme étant responsables du désintéressement pour les jeux extérieurs. La vérité est que les enfants qui passent tout leur temps devant un écran n’ont en général pas accès à d’autres jeux. Des spécialistes ont prouvé que les jeux vidéo « ne constituent pas un facteur aggravant de l’augmentation des troubles anxieux ou dépressifs et du sentiment d’impuissance propre aux générations actuelles. Bien au contraire, ils apparaissent comme un auxiliaire puissant pour soulager ces maux » (p. 246). Les jeux extérieurs et les ordinateurs sont des opportunités d’apprendre et de développer des compétences particulières.

5. Les méthodes alternatives

• Le jeu, unique activité des enfants dans les sociétés des chasseurs-cueilleurs

Selon les anthropologues, le modèle de vie des chasseurs-cueilleurs est le seul à être stable, car « l’humanité a été constituée exclusivement de chasseurs-cueilleurs pendant 99 % de ce temps » (p. 44). Dans cette culture – qui existe toujours dans certaines régions reculées du monde – les valeurs principales sont l’autonomie, le partage et l’égalité. Les enfants se lèvent quand ils ont assez dormi et passent leurs journées avec des copains de tous les âges à jouer, à explorer, à pister les animaux, à grimper, à fabriquer des instruments de musique, à chanter… Les parents ont confiance en eux, « confiance dans les instincts des enfants. Confiance dans le fait que les enfants à qui l’on permet de faire ce qu’ils veulent vont apprendre ce qu’ils ont besoin d’apprendre et commenceront à contribuer à l’économie du groupe quand ils auront les compétences et la maturité nécessaires » (p. 50). Ils les traitent avec indulgence, ne leur donnent pas d’ordres, ne les punissent pas, ne les frappent pas. Les enfants s’éduquent en jouant comme ils le souhaitent.

C’est en racontant des histoires et en jouant à toute sorte de jeux que les connaissances techniques et sociales sont transmises entre les adultes et les enfants, et entre les enfants eux-mêmes. Les jeux ne sont pas compétitifs chez les chasseurs-cueilleurs, puisqu’ils apprennent au contraire la maîtrise de soi et la bonne humeur.

• Modèle de l’école de Sudbury

Fondée en 1968 dans le Massachusetts, la Sudbury Valley School s’est étendue avec une cinquantaine d’écoles créées à travers le monde. Pour comprendre ce qu’est cette école, il faut oublier les modèles que l’on connait, et même les méthodes alternatives comme Dewey et Montessori où les enseignants sont quand même ceux qui tirent les ficelles.

À la Sudbury Valley School, « ce ne sont pas les adultes qui contrôlent l’éducation des enfants, les enfants s’éduquent par eux-mêmes » (p. 129), chaque individu est responsable de sa propre éducation. Cela favorise l’autonomie et la responsabilité. Cette école est une communauté démocratique où les élèves et le personnel ont une voix égale et sont soumis aux mêmes lois. C’est le Conseil d’école qui décide de réembaucher le personnel chaque année. Les enfants et adolescents décident individuellement de leurs apprentissages et occupations : toute la journée, on voit des enfants discuter entre eux, pécher, grimper aux arbres, jouer au basket, à l’escrime et à toute sorte de jeux. Ils sont libres d’aller où ils veulent ; temps et l’espace leur sont laissés pour le jeu et l’exploration. Sont à disposition des livres, des ordinateurs, du matériel que les élèves utilisent à leur guise selon leurs besoins et leurs envies.

Les enfants peuvent également solliciter les adultes quand ils en ont besoin pour partager avec eux leurs compétences dans différents domaines. Les différents témoignages prouvent que ce mode d’éducation n’est absolument pas un frein aux études supérieures et à l’accession au marché du travail.

• L’école de demain

Peter Gray a confiance en l’avenir de l’éducation, car il reste persuadé que notre culture finira par rendre aux enfants la liberté d’apprendre. Il a conscience que le changement ne viendra pas du monde éducatif, mais plutôt de ce qui se passe à l’extérieur : de plus en plus de personnes veulent tourner le dos à l’école coercitive. Il termine son propos plein d’espoir en imaginant ce que pourrait être cette non-école idéale : un lieu où adultes et enfants pourraient jouer, explorer, apprendre. Du matériel artistique, sportif, une bibliothèque, pas de travail, pas de classe, pas de compétition…

6. Conclusion

À travers son ouvrage, Peter Gray souhaite démontrer combien l’école ne permet pas aux enfants d’apprendre dans de bonnes conditions : ils sont contraints à longueur de temps. Pourtant, la liberté de jouer et d’explorer est le secret pour développer des êtres épanouis et bienveillants.

L’auteur invite les parents à prendre confiance en leur mode d’éducation, et à continuer à nager à contre-courant, malgré toutes les difficultés que cela engendre (jugement de l’entourage par exemple). Il s’agit également d’arrêter de diriger les activités des enfants, de leur donner la possibilité de jouer et d’explorer en toute sécurité, et d’arrêter de penser qu’il est possible de déterminer leur avenir. Et pourquoi ne pas également envisager des modes de scolarisation alternatifs ?

7. Zone critique

Bien plus que la méthode Montessori, joliment défendue par Céline Alvarez et Les Lois naturelles de l’enfant, la méthode prônée par Peter Gray s’inspire des sociétés des chasseurs-cueilleurs et de la Sudbury Valley School, fondée par Daniel Greenberg : laisser parler l’instinct naturel de l’enfant et offrir la liberté totale d’apprendre, d’explorer et de jouer.

Tout comme Bruno Humbeeck (Et si nous laissions nos enfants respirer ?), Peter Gray propose à ses lecteurs de concevoir l’éducation d’une façon différente : une éducation basée sur la liberté ! Cet ouvrage offre une bouffée d’air frais et une envie de faire autrement avec nos enfants… À méditer sérieusement !

8. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Libre pour apprendre, Arles, Actes Sud, 2016.

Autres pistes– Céline Alvarez, Les Lois naturelles de l'enfant, Paris, Les Arènes, 2016.– Daniel Greenberg, L’école de la liberté, un modèle d’éducation autonome et démocratique, Paris, Mamaéditions, 2017.– Bruno Humbeeck, Et si nous laissions nos enfants respirer ? (illustrateur : Maxime Berger), Waterloo, éditions Renaissance du Livre, 2017.

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