Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Pierre Dumont et Denis de Kergorlay
La loi française sur la transition énergétique de 2015 prévoit un essor considérable du secteur éolien dans les années à venir, pour réduire la part du nucléaire. Dans cet ouvrage, Pierre Dumont et Denis de Kergorlay exposent plusieurs arguments pour démontrer que l’énergie éolienne n’est pas capable de répondre à la problématique énergétique actuelle de la France. Selon eux, le développement de l’éolien est une utopie, qui cache un désastre économique, sanitaire, environnemental et patrimonial. Les origines politiques d’un tel choix sont évidemment mises en relief et discutées, en regard des toutes dernières évolutions de l’actualité et des enjeux environnementaux.
Depuis plusieurs années, suite aux conférences internationales sur l’environnement et le réchauffement climatique, les pays occidentaux se sont engagés dans des politiques de transition énergétique. La France a choisi de privilégier deux énergies renouvelables, le photovoltaïque et l’éolien.
Dans cet ouvrage, Pierre Dumont et Denis de Kergorlay dénoncent vivement le choix de l’énergie éolienne, qu’ils considèrent comme une utopie sur le plan environnemental, sanitaire, économique et culturel. Selon eux, les décideurs politiques se laissent influencer par le lobby éolien, sur des prétextes plus économiques qu’écologiques, avec des conséquences désastreuses pour la France, à plus d’un titre.
Après les deux chocs pétroliers des années 1970, la France se dote d’un ambitieux programme nucléaire, destiné à assurer l’indépendance énergétique du pays. Jusqu’à récemment, aucun dirigeant politique n’avait remis en question ce choix. « En 1970, en France, les trois quarts de la production d’électricité provenaient des énergies fossiles. En 1990, le nucléaire en représentait déjà près de 70 % » (p. 29).
Mais la montée de mouvements écologistes et l’émergence de la question du dérèglement climatique ont progressivement changé la donne. Des différents sommets de la Terre sont nées, selon les auteurs, plusieurs erreurs d’appréciation qui ont orienté les décideurs politiques français vers le choix de l’éolien : le non-épuisement des ressources en énergies fossiles, l’accident de Fukushima et la volonté de définir une politique énergétique européenne commune, malgré d’importantes disparités entre les états membres.
En 2011, l’Allemagne décide de sortir du nucléaire à l’horizon 2022 et, très vite, les dirigeants français prennent la même direction. La loi de transition énergétique, votée en 2015, marque un tournant dans la politique énergétique française, en prévoyant de limiter la part du nucléaire à 50 % et d’augmenter la part des énergies renouvelables à 40 %, à l’horizon 2030. Pourtant, la situation de la France est bien différente de celle de l’Allemagne.
Les énergies renouvelables que la France souhaite développer sont principalement le photovoltaïque et l’éolien. Partout en France, la multiplication des projets éoliens, essentiellement dans des secteurs ruraux, autrefois réservés à l’agriculture et au tourisme, ne cesse de prendre de l’ampleur, ce que dénoncent les auteurs de l’ouvrage.
En effet, pour se passer du nucléaire, il faudrait recouvrir un treizième de la surface de la France d’éoliennes, qui ne fonctionnent que le quart du temps. L’autre solution est d’augmenter la taille des éoliennes, certaines atteignant désormais plus de 200 m de haut, soit « les deux tiers de la Tour Eiffel » (p. 13). En Allemagne, plusieurs dirigeants politiques ont déjà dénoncé le désastre du choix des énergies renouvelables. En France, le gouvernement actuel confirme la tendance et la volonté de remplacer à terme le nucléaire par les énergies solaires et éoliennes. Un choix intenable pour les auteurs !
L’un des principaux arguments avancés par les auteurs de l’ouvrage pour dénoncer le choix français de l’énergie éolienne est son impact considérable sur le patrimoine français. Pour illustrer leurs propos, ils reviennent sur un exemple qu’ils considèrent comme démonstratif. Il s’agit de l’un des derniers bocages préservés de France, situé dans la Creuse et doté de richesses architecturales, touristiques et culturelles uniques et historiques. Malheureusement, les promoteurs de l’éolien considèrent ce territoire comme favorable à cette énergie renouvelable. Leur procédé semble bien rôdé. Ils démarchent tout d’abord les agriculteurs, en leur faisant miroiter des revenus dont ces derniers ont bien besoin par les temps qui courent. « Vous gagnez 1 000 euros par vache, je vous offre 6 000 euros par éolienne » (p. 19).
Les communes accueillent aussi favorablement cette nouvelle manne, tant elles souffrent de la diminution des dotations de l’État. Au final, les arguments écologiques sont rarement mis en avant, et les dommages sur les paysages, les monuments et le tourisme peu pris en compte. Les auteurs de l’ouvrage dénoncent vigoureusement l’immobilisme et/ou le déni des décideurs face à l’impact désastreux des fermes éoliennes sur les campagnes françaises.
À ce jour, de nombreux sites ont d’ores et déjà été sacrifiés au nom du développement de l’énergie éolienne. Les projets continuent de fleurir, même dans des zones que l’on pourrait penser protégées. Ainsi, plusieurs projets de fermes éoliennes ont été déposés en plein cœur du Parc Naturel Régional du Vercors.
Pourtant, ce site s’est engagé depuis longtemps dans une politique énergétique visant à privilégier les énergies renouvelables. « Ce territoire produit 63 % de l’énergie qu’il consomme et 80 % de cette production locale est assuré par l’hydroélectricité et le reste par la biomasse. Le solaire n’en représente que 0,6 % et l’éolien, zéro … » (p. 61). Même le Mont-Saint-Michel pourrait un jour se retrouver entouré d’éoliennes. Si quelques projets ont pu par le passé être rejetés grâce à la mobilisation des associations et de l’UNESCO, un nouveau projet de 46 éoliennes menace aujourd’hui ce site exceptionnel.
Contre toute logique, l’éolien présenterait un bilan écologique peu enviable. En effet, une éolienne ne fonctionne qu’à 25 % de sa puissance annoncée, à cause de l’intermittence du vent. Pour compenser l’irrégularité du vent, les éoliennes doivent donc être couplées avec des centrales au gaz. « Plus nous produirons d’électricité éolienne, plus grand sera le risque de manquer de courant en cas d’absence ou d’excès de vent, et donc plus importantes devront être les capacités alternatives de production immédiate d’électricité à partir d’énergies fossiles et donc de gaz ou du nucléaire » (p. 46-47). En Allemagne, après avoir fait le choix des énergies renouvelables, la part des énergies fossiles est devenue considérable. Ce constat va à l’encontre de toute logique écologique.
Le développement de l’éolien contribue également à la réduction des surfaces agricoles françaises, que dénoncent pourtant la plupart des écologistes. « Une éolienne consomme environ 1 500 m² de terrain […] une ferme de 10 éoliennes par exemple nécessite la libération de plusieurs hectares » (p. 70). La construction des éoliennes requiert par ailleurs d’importantes quantités de béton et de ferraille, qui peuvent poser de sérieux problèmes au moment de leur démantèlement, 15 à 20 ans plus tard. Alors que les décideurs évaluent les frais de démantèlement à 50 000 euros par éolienne, les études menées par des experts indépendants estiment jusqu’à 850 000 euros le démantèlement d’une éolienne. « Aux États-Unis, notamment en Californie et à Hawaï, 14 000 éoliennes croupissent et rouillent dans les immenses "wind farms", abandonnées à tout jamais, depuis que les financiers et les contribuables américains, gens pragmatiques, ont fait leurs comptes » (p. 76).
Et ce n’est pas tout, les éoliennes peuvent aussi nuire à la santé et à la biodiversité. Ces géants d’acier et de plastique constituent des dangers mortels pour de nombreux oiseaux, en particulier les oiseaux migrateurs, et pour les chauves-souris. Les riverains des éoliennes développent également des symptômes particuliers, regroupés par les médecins sous le nom de syndrome des éoliennes. L’Académie nationale de médecine, alarmée par l’augmentation de ces troubles, demande ainsi qu’on éloigne les éoliennes à au moins 1 000 ou 1 500 m des habitations. Sans parler des dangers directs que peuvent représenter les éoliennes pour les habitants proches : des incendies, des arrachements de pales, des effondrements, la projection de blocs de glace en hiver,…
Selon les auteurs, les éoliennes représentent un réel risque sanitaire pour la population environnante et une nuisance pour la faune.
Pourquoi la France a-t-elle comme l’Allemagne fait le choix de l’éolien ? Pour les auteurs, les deux pays avaient pourtant une situation énergétique très différente, la France n’étant pas un gros producteur de gaz à effet de serre. La part des énergies fossiles est en effet très faible, moins de 6 % en 2019. Selon les auteurs, il sera difficile de descendre en dessous de ce seuil, compte tenu de l’irrégularité de production des énergies solaires et éoliennes.
Le choix de l’éolien est souvent présenté par ses promoteurs comme une solution de remplacement du nucléaire. Mais pour remplacer le parc nucléaire français actuel, il faudrait ériger pas moins de 100 000 éoliennes sur le territoire, un chiffre impossible à atteindre ! Et le nucléaire, cette source d’énergie est-elle réellement à abandonner, « alors qu’elle est totalement décarbonée et l’une des rares options disponibles à grande échelle qui permette de réduire les émissions de dioxyde de carbone » (p. 133) ?
Certains pays, comme la Russie ou la Chine, misent clairement sur le nucléaire, alors que la France perd son expertise autrefois internationalement reconnue dans ce domaine. Selon les auteurs, le nucléaire civil pourrait encore avoir un bel avenir, notamment au travers de sa modernisation et du développement de nouvelles technologies. Le programme d’investissements pour rénover le parc nucléaire français serait tout à fait réaliste pour assurer la couverture des besoins énergétiques pour les dizaines d’années à venir, avec un coût de l’énergie raisonnable pour le consommateur. Parmi ces nouvelles technologies à l’étude, figure en bonne place la fusion de l’atome. Contrairement à la fission de l’atome, technique utilisée actuellement, la fusion de l’atome ne produirait presque aucun déchet et pourrait générer des quantités d’énergie jamais produites à ce jour par l’Homme. C
ertains pays ne s’y sont pas trompés. « La production d’énergie nucléaire à partir de la fusion pourrait devenir une réalité aux États-Unis à l’horizon 2033 » (p. 139). Quelle sera la place de la France dans le développement de ces nouvelles technologies ? « Actuellement, le nucléaire assure la consommation électrique de base, tandis que le thermique et l’hydraulique assurent les pics de consommation, au moment des fortes chaleurs ou des périodes de grand froid. Dans ce contexte, l’éolien apparaît surtout comme un " élément déstabilisateur du marché " » (p. 141).
Si l’éolien ne répond à aucun de ses engagements et impacte négativement l’environnement et la santé, pourquoi persister dans cette direction ? Les auteurs posent clairement cette question fondamentale et évoquent plusieurs aspects de ce qu’ils appellent le lobby éolien.
Ce lobby s’exerce à plusieurs niveaux, politique et économique. Les initiateurs des projets éoliens œuvrent souvent dans l’ombre pendant toutes les phases préparatoires auprès des décideurs locaux, des élus, des agriculteurs et des propriétaires terriens. Leur objectif est avant tout financier, puisque la rentabilité pour les promoteurs de l’éolien et leurs actionnaires dépasse de loin celle de toute autre forme d’investissement, alors que le consommateur paye une taxe spécifique pour favoriser le développement des énergies renouvelables. « Ce sont les contribuables et les consommateurs d’électricité qui contribuent à l’enrichissement d’un petit nombre d’acteurs » (p. 106).
Pourtant, au fil des années, le mécontentement monte, et la lutte s’organise. De nombreuses associations se sont créées face au déploiement de l’éolien et déposent de plus en plus de recours contre les projets. « 70 % des autorisations délivrées à des installations éoliennes font l’objet de recours devant les tribunaux administratifs » (p. 118). La Fédération Environnement Durable (FED) regroupe désormais 1300 associations de lutte contre les éoliennes partout en France. Cette levée de boucliers se répercute sur le monde politique, avec certains élus qui n’hésitent plus à s’opposer publiquement aux éoliennes. Ils dénoncent des éoliennes trop nombreuses, trop chères, non génératrices d’emplois et destructrices de paysages.
Pourtant, ce mouvement anti-éolien, conforté par un nombre grandissant d’experts, ne fait pas l’unanimité. Des décideurs politiques militent plus ou moins ouvertement pour un assouplissement des contraintes réglementaires et une limitation des voies de recours possibles.
Selon les auteurs, ces politiques pourraient être sérieusement critiquées à l’avenir pour avoir entraîné la France sur une stratégie énergétique peu favorable. « Après l’enivrement des premières années, c’est la gueule de bois qui menace notre classe politique, qui, si elle n’y prend pas garde, pourrait être secouée par la tempête éolienne » (p. 128).
Pierre Dumont et Denis de Kergorlay s’opposent fermement au développement à outrance de l’énergie éolienne en France, argumentant cette position tout au long de leur ouvrage. La volonté de sortir à tout prix la France du nucléaire entraîne les décideurs à défendre des énergies renouvelables incapables de répondre aux défis énergétiques actuels et futurs de la France.
De plus, elles sont responsables de dégâts collatéraux sur l’environnement, la santé et le patrimoine. Les consommateurs d’électricité sont les plus grands perdants, car ils payent la facture et subissent l’ensemble des dommages causés par les éoliennes sur les territoires. Les auteurs demandent un moratoire sur tous les nouveaux projets éoliens, le développement du photovoltaïque et la modernisation du parc nucléaire. L’enjeu énergétique dans le contexte actuel est une donnée capitale pour l’avenir de tous les pays.
Le choix de l’éolien en remplacement du nucléaire pourrait amener la France dans une situation énergétique et stratégique complexe dans les années à venir.
Le développement de l’éolien est un sujet qui suscite un vif débat en France, comme dans d’autres pays européens. Au cœur de la loi sur la transition énergétique et des questions environnementales actuelles, l’énergie éolienne a ses défenseurs et ses détracteurs. D’une manière très claire, Pierre Dumont et Denis de Kergorlay s’affichent comme deux grands opposants au développement du parc éolien en France.
De leur côté, certains défenseurs de l’éolien avancent les enjeux écologiques et la nécessité d’abandonner le nucléaire au profit des énergies renouvelables, quel qu’en soit le prix. D’autres y trouvent un intérêt économique, en particulier les propriétaires des terres sur lesquelles sont implantées les éoliennes et les décideurs locaux, satisfaits de trouver de nouvelles ressources pour leurs territoires. Si l’éolien divise autant, cela tient beaucoup au fait qu’il implique des aspects environnementaux, mais aussi politiques et économiques importants.
Ouvrage recensé
– Éoliennes chronique d’un naufrage annoncé, Paris, Éditions François Bourin, 2018.
Autres pistes
– Grégoire Souchay, Les mirages de l’éolien, Paris, Seuil, 2018.– Hervé Machenaud, La France est dans le noir, Paris, Manitoba/Les Belles Lettres, 2017.– Jean-Louis Butré, Éolien, la catastrophe silencieuse, Paris, Éditions de l’Artilleur, 2017.– Jack Lang, Ouvrons les yeux ! La nouvelle bataille du patrimoine, Paris, HC Éditions, 2014.