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La Libération d’Orléans

de Régine Pernoud

récension rédigée parBruno Morgant TolaïniEnseignant à l'université de Nîmes et docteur de l’EHESS en histoire moderne.

Synopsis

Histoire

Alors qu’ils mettaient le siège devant Orléans en 1428, les Anglais se croyaient près de réaliser leur désir d’annexer la France à la couronne d’Angleterre. Le sort de la ville d’Orléans, berceau de la dynastie capétienne et lieu stratégique essentiel, devait donc décider de la survie ou de la disparition de la monarchie française en pleine guerre de Cent Ans. Dans ce théâtre d’affrontement politique et militaire, apparut une jeune paysanne, Jeanne d’Arc, qui galvanisa les troupes et les énergies des soldats français pour mettre en déroute l’envahisseur et le refouler hors du royaume. C’est ainsi que s’esquissa, avec cet épisode mémorable, une « idée nationale » avant la lettre : la libération d’Orléans s’inscrivait dans le lent processus qui devait aboutir à la formation des nations européennes.

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1. Introduction

Depuis le traité de Troyes signé en 1420 par Henri V et Charles VI, la France devait revenir aux Anglais à la mort du roi français. Or, les deux monarques moururent en 1422 à quelques mois d’intervalle et l’héritier d’Angleterre était un enfant âgé de seulement quelques mois. Ce fut l’occasion pour le fils du roi de France, Charles, de contester le traité. Le duc de Bedford assura la régence anglaise en France et mit le siège devant Orléans en octobre 1428. La ville était d’une grande importance stratégique, car elle commandait les communications entre la France du Nord, dominée par les Anglais, et celle du Sud ralliée au roi. Le sort d’Orléans, c’était la survie ou la disparition de la France.

Le 8 mai 1429 fait partie de ces journées fondatrices qui, bien au-delà de leur portée immédiate, eurent une résonnance symbolique très forte, révélant une époque et annonçant un changement du cours de l’histoire. C’est en ce jour que Jeanne d’Arc délivra de façon surprenante la ville d’Orléans, permettant la légitimation indispensable du futur Charles VII et signant la victoire de la France sur l’Angleterre dans la guerre de Cent Ans.

2. Un monde en désarroi

Régine Pernoud ouvre son récit par la mort du comte de Salisbury le 3 novembre 1428, tué par un boulet perdu lors du siège d’Orléans qui avait débuté quelques jours plus tôt et dont il commandait les opérations. La disparition de ce grand capitaine anglais qui assiégeait la ville fut perçue par ses contemporains comme un jugement de Dieu, une sanction providentielle : il était puni pour avoir mis à sac Notre-Dame de Cléry, violant ainsi les lois de l’Église. L’historienne le précise : au XVe siècle, la foi tournait en dévotion et déterminait de quel était l’appui divin. À partir de cet événement singulier, elle décrit le monde dans lequel s’est déroulé le siège d’Orléans.

Le contexte européen de ce siècle était celui d’un triple fléau : la guerre, la faim et la peste. Cette dernière, à la faveur des marchands qui parcouraient le continent et de ses innombrables routes commerciales, s’était rapidement répandue depuis qu’un navire, en 1347 avait apporté d’Orient le premier germe de la maladie. À cela s’ajoutaient les mauvaises récoltes ainsi que la famine qui mettait les populations en état de moindre résistance. Les années 1419-1422 furent désastreuses de ce point de vue : toute la rance, celle du Midi surtout, souffrait de disette. Cette terreur permanente engendrait une désorganisation profonde des cadres de la société : les rangs du clergé s’éclaircirent, le niveau de formation baissa faute de maîtres capables dans les universités, et les petits prieurés, foyers de vie spirituelle disséminés dans les campagnes les plus reculées, disparurent. Certains couvents, comme ceux des Cordeliers de Marseille ou de Carcassonne durent fermer leurs portes.

La société du temps était en complet contraste avec celle du XIIIe siècle, où la vie était facile, où les guerres étaient rares et limitées, où le canon et l’arc à longue portée n’étaient pas utilisés, où moulins, écoles et hôpitaux fonctionnaient parfaitement. Désormais, la peur était partout, tout le monde s’entassait derrière les remparts et s’enfuyait à la hâte en cas de retour de l’épidémie. Les scènes de piété s’orientèrent vers la souffrance et la Passion du Christ, les procès en sorcellerie se répandaient et allaient bientôt concerner la libératrice d’Orléans : Jeanne d’Arc.

3. Orléans, clé de voûte de la guerre de Cent Ans

Orléans était d’une grande importance stratégique : la ville constituait l’un des principaux points de passage de la Loire avec Tours et Angers, et elle réunissait tout un faisceau de routes qui rayonnait à la fois sur le nord et sur le sud de la France. C’était d’autant plus vrai que le rang de capitale, conféré à Paris, n’était alors qu’esquissé et la centralisation du pouvoir n’intervint réellement qu’à la fin du XVe siècle. En cette période charnière de la guerre de Cent Ans, la Loire était devenue une frontière, au nord de laquelle le roi d’Angleterre était reconnu et au sud de laquelle la France était fidèle au « roi de Bourges », Charles VII.

L’action militaire anglaise débuta le dimanche 17 octobre 1428. John Parker dirigeait l’artillerie du siège : des canons légers et moyens, mais également trois grosses pièces dont l’une détruisit de nombreux édifices de la ville et fit la première victime de l’opération, une femme nommée Belle. Les Anglais avaient détruit les douze moulins qui ravitaillaient la ville sur la Loire, et ils allaient l’entourer d’une ceinture de fortifications pour attendre que la faim et l’usure du temps aient fait leur œuvre. C’était une technique courante de l’époque, qui n’exigeait qu’un faible nombre d’hommes pour réduire une ville importante. Salisbury entreprit le siège avec 400 hommes d’armes, 400 lanciers et 3 450 archers auxquels s’ajoutèrent également quelques effectifs normands, dont le duché était lié à la couronne d’Angleterre. Les Français, eux, disposaient, en mars 1429, d’un total de 499 hommes d’armes et 389 archers ou arbalétriers pour 18 capitaines.

Cette garnison augmenta conjointement au moral des combattants lorsque la venue de Jeanne d’Arc fut annoncée. Car il avait été très difficile de convaincre, au début du siège, les hommes de se battre pour une cause qu’ils jugeaient perdue d’avance. Et si les combattants n’entraient à Orléans qu’à contrecœur, ce n’était pas non plus de très bon gré que la population de la ville les vit venir : il fallait nourrir et équiper ces défenseurs, et risquer de subir leurs exigences, voire leurs pillages.

4. Le siège

À partir de novembre 1428, à la faveur de l’hiver, les opérations militaires anglaises diminuèrent et les défenseurs d’Orléans mirent à profit ce répit relatif. Les faubourgs furent impitoyablement démolis pour éviter que les Anglais n’y prennent appui. La réponse du camp adverse ne se fit cependant pas attendre et des bastilles, c’est-à-dire des forts provisoires, furent construites, servant d’avant-garde aux assiégeants. Régine Pernoud précise que les distances qui séparaient les deux camps ne représentaient que quelques centaines de mètres dans le meilleur des cas, et que les chefs d’armées ne manquaient pas de s’apostropher d’une forteresse à l’autre.

Le siège traînait en longueur, et trois mois se passèrent dans une quasi-inertie ; l’abri des murailles permettait aux défenseurs, malgré la faiblesse de leurs effectifs, de tenir tête à des forces supérieures. À plusieurs reprises, les principaux capitaines français quittèrent Orléans pour se rendre, par exemple, à Tours, comme le fit La Hire dans l’espoir d’obtenir des secours. Fin janvier 1429, les assiégés obtinrent du roi de France une action véritable, et de nouveaux défenseurs rejoignirent la ville, notamment l’Écossais Guillaume Stuart et un millier d’hommes. Parallèlement, les forces du comte de Clermont, estimées à 4 000 hommes, devaient attaquer un convoi de ravitaillement anglais qui n’était escorté que par 1 500 combattants. Pour la première fois, les Français disposaient d’une forte supériorité numérique. On aurait dû assister à une victoire, dont l’effet moral eût été important, sans parler de ses répercussions sur le ravitaillement, pour les combattants et les habitants d’Orléans.

Or, le 12 février fut l’une des défaites les plus stupides que les armées françaises aient subies. La déroute française de la bataille des Harengs fut le fruit d’une querelle entre les capitaines qui débattirent pour savoir s’il fallait combattre les Anglais à pied ou à cheval ; ne parvenant à se mettre d’accord, chacun fit à son idée. Protégés par leurs chariots derrière lesquels ils s’étaient retranchés, les archers anglais firent de nombreuses victimes et remportèrent la victoire. Ainsi, la seule action d’envergure entreprise depuis le début du siège tournait à la catastrophe, voire au ridicule. Les troupes françaises étaient alors démoralisées et ne tentèrent plus aucune initiative.

5. Jeanne et l’assaut décisif

Au moment où aucun espoir terrestre ne subsistait, apparut le signe d’un second céleste. La rumeur envahit Orléans : Jeanne d’Arc, qui venait de rencontrer le Dauphin Charles, arrivait. Elle avait été soumise à l’examen des prélats et des docteurs pour savoir si l’on n’avait pas affaire à une illuminée ; elle avait été interrogée par les clercs de l’Université de Poitiers ; elle prétendait batailler et affirmait que Dieu lui donnerait la victoire. Dans un tel moment de désarroi, cette nouvelle apportait espoir et énergie.

Le 29 avril 1429 eut lieu l’événement que chacun attendait. Jeanne, montée sur un cheval blanc, entra dans Orléans. Elle était un symbole et portait en elle toutes les attentes de la ville assiégée et du royaume. L’équipement de la jeune femme est décrit par Régine Pernoud comme conforme à ce qu’exigeait son action militaire : elle portait une armure articulée comme tous les combattants de l’époque ; elle portait également l’épée. Durant quelques jours, elle défila dans la ville pour en galvaniser les habitants. Le 4 mai, des renforts arrivèrent et une bastille anglaise fut prise. Le lendemain, Jeanne envoya aux Anglais une dernière sommation et une offensive fut décidée. Le 6 mai, l’attaque fut donnée sur le fort des Augustins, les combats durèrent toute la journée, et les Français furent victorieux juste avant la nuit. Le 7 mai eut lieu l’assaut décisif sur le fort Tourelles : alors que la journée s’était déroulée sans grand succès, Jeanne partit prier, puis revint au camp et lança l’assaut elle-même, sans tenir compte de l’avis des autres capitaines qui souhaitaient attendre le lendemain.

Ce fut une victoire éclatante et le fort des Tourelles, en feu, fut repris dans la nuit. L’étendard de Jeanne aurait joué un rôle majeur dans cet assaut final, comme en témoignèrent tous les témoins des événements : il fut à la fois le signal de l’attaque, puis le symbole de la victoire. La partie semblait désormais gagnée : les Anglais tentaient de s’enfuir, nombreux périrent noyés dans la Loire, à l’instar de William Glasdale, capitaine des Tourelles. Jeanne, blessée, fut soignée, mangea et se reposa, dans une ville en liesse. Orléans était libérée en ce 8 mai 1429.

6. Échos et répercussions de l’événement

La victoire de l’armée française à Orléans fut rapidement connue de tous, et les chroniqueurs étrangers en firent grandement mention. En France, tout le monde ne se réjouit pas de cette nouvelle : certains avaient adopté le parti de l’Angleterre et d’autres vivaient sous sa domination, ne pouvant exprimer leurs sentiments véritables. Parallèlement, des accusations de sorcellerie commencèrent à circuler à propos de Jeanne d’Arc, dès la levée du siège. Finalement, capturée, puis vendue aux Anglais, elle dut affronter un procès pour hérésie qui dura de février à mai 1431. Il lui était reproché de porter des vêtements masculins, mais également de s’en remettre systématiquement au jugement de Dieu, plutôt qu’à celui de l’Église.

Condamnée au bûcher, sa sentence fut exécutée le 30 mai 1431 ; un procès en nullité de la condamnation la réhabilita le 7 juillet 1456. L’œuvre de cette jeune femme de Domrémy fut cependant capitale, car cette issue du siège d’Orléans marquait la fin de la domination anglaise et ouvrait un nouveau temps de l’histoire de France : celui de la reconstruction monarchique avec unité territoriale et dépendance directe du souverain.

Régine Pernoud revient à la fin de l’ouvrage sur l’appellation de « Pucelle d’Orléans » caractérisant Jeanne. Elle ne lui fut attribuée qu’au XVIe siècle et ne fut popularisée que par le chef-d’œuvre de Schiller, Die Jungfrau von Orléans, en 1801. Il n’en reste pas moins que ce terme correspondait à une vérité profonde : c’est bien Orléans qui est l’épisode décisif de la carrière de Jeanne, et c’est à partir de là qu’elle a pu accomplir ce qu’elle a toujours présenté comme sa mission véritable : faire sacrer et couronner le roi à Reims, ce qui fut le cas le 17 juillet 1429. Une fois cela accompli, toutes les forces qu’elle avait réussi à réunir s’éparpillèrent encore.

Ce n’était plus le découragement profond dans lequel le pays s’était trouvé avant son arrivée, mais c’était à nouveau l’hésitation, l’incertitude, créant une étonnante lenteur dans les événements, en violent contraste avec la promptitude qui a caractérisé l’action de Jeanne.

7. Conclusion

Cette étude de Régine Pernoud revient sur la journée cruciale du 8 mai 1429. Elle signa l’échec de la tentative faite par les Anglais de s’emparer d’Orléans et de s’ouvrir la route du sud de la France, ce qui eût assurément porté un coup mortel aux prétentions du Dauphin et à la monarchie française. Contesté, le traité de Troyes signé quelques années plus tôt devait être anéanti par les armes, ce qui fut le cas grâce à l’action de Jeanne d’Arc qui sut insuffler aux troupes le courage et l’espoir dont elles manquaient cruellement. Même sa blessure n’entrava pas sa détermination.

Ainsi, les bastilles anglaises furent reprises les unes après les autres et la ville d’Orléans fut libérée après un siège de sept mois. Si elle n’était pas terminée, la guerre de Cent Ans était toutefois déjà gagnée et le royaume de Charles VII allait bientôt retrouver son intégrité et sa légitimité. À bien des égards, cette journée a fait la France.

8. Zone critique

Cet ouvrage de Régine Pernoud, rédigé en 1969, offre à la lecture une histoire événementielle, à contre-courant de ce que faisait alors l’école des Annales qui dominait l’historiographie française. À grand renfort de citations d’archives d’époque, l’historienne reconstruit un moment singulier de notre histoire commune, notamment l’importance de la ville d’Orléans dans les derniers instants de la guerre de Cent Ans. Elle met également en lumière l’action de Jeanne d’Arc dans sa libération, galvanisant les combattants par son énergie.

C’est probablement là d’ailleurs qu’il faut chercher la faille de ce livre, au demeurant clair et agréable : de nombreux médiévistes de renom tels que Philippe Contamine ou François Neveux ont reproché à Régine Pernoud de faire de Jeanne d’Arc une sainte, bien plus qu’une héroïne. Assurément, le portrait qui est fait de la jeune femme aurait dû être nuancé, et ne pas être seulement nourri des témoignages livrés lors du procès en réhabilitation.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– La libération d’Orléans, Paris, Gallimard, 2006.

De la même auteure– Pour en finir avec le Moyen Âge, Paris, Le Seuil, 2014 [1977].– La femme a temps des cathédrales, Paris, Le livre de poche, 1980.

Autres pistes– Françoise Autrand, Charles VI : la folie du roi, Paris, Fayard, 1986.– Colette Beaune, Jeanne d’Arc, Paris, Perrin, 2004.– Olivier Bouzy, Jeanne d’Arc en son siècle, Paris, Fayard, 2013.– Philippe Contamine, La guerre au Moyen Âge, Paris, PUF, 1980.– Jean Favier, La Guerre de Cent Ans, Paris, Fayard, 1980.– Jacques Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Flammarion, 1982.

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