Dygest vous propose des résumés selectionnés et vulgarisés par la communauté universitaire.
Voici le résumé de l'un d'entre eux.
de Rodolphe Oppenheimer
Qui n’a jamais eu peur ? Qu’il s’agisse de situations banales du quotidien ou d’événements exceptionnels, nous avons tous connu un jour ou l’autre des moments de frayeur ou de stress. Mais la peur peut aussi revêtir des formes plus inquiétantes, telles que les phobies. Dans cet ouvrage, Rodolphe Oppenheimer passe en revue une multitude de cas pour apprendre à dompter ses peurs et à ne plus se laisser gâcher la vie par elles.
La peur est une réaction instinctive qui nous permet d’affronter les dangers. Selon la forme qu’elle prend, anxiété ou panique, elle peut devenir difficile à gérer et à vivre. C’est pour cette raison que Rodolphe Oppenheimer y consacre cet ouvrage. Son objectif est clairement affiché dès le titre : aider les personnes qui le désirent à contrôler leurs angoisses et à s’en libérer. Où la peur trouve-t-elle sa source ? Quelles répercussions a-t-elle sur l’individu qui l’éprouve ? Peut-elle devenir pathologique ? Rodolphe Oppenheimer part de cas concrets de la vie courante pour donner des solutions à chaque situation, des plus banales aux plus exceptionnelles.
La peur est un processus naturel commun à toute personne. Elle a pour fonction de protéger l’individu d’un danger ou d’un risque potentiel. Elle enclenche un mécanisme qui consiste à envoyer certaines informations au cerveau afin de le mettre en alerte et de garantir une réaction adaptée à la situation. Si ce sentiment d’inquiétude peut faire écho à un danger présent parfaitement identifié, il peut aussi découler d’un état d’anxiété concernant des faits futurs purement hypothétiques et qui n’ont donc rien de concret. Loin d’être marginal, ce cas est même plutôt courant dans le quotidien.
Pour s’en rendre compte, il suffit de citer l’exemple du candidat à un examen qui angoisse pour sa réussite avant même d’avoir passé ses épreuves ou du patient qui imagine le pire alors qu’il n’a pas encore reçu les résultats de son bilan sanguin. Dans les deux situations, la peur résulte d’un phénomène d’anticipation par rapport à quelque chose d’incertain qu’on espère obtenir ou qui peut modifier le cours de notre existence.
L’anxiété est un sentiment sur lequel on n’a pas de prise. Échappant à tout contrôle, elle répond rarement à des arguments rationnels ou aux efforts que l’on fait pour en endiguer l’intensité. Il est par ailleurs à noter que certaines personnes ou certaines familles sont davantage sujettes que d’autres à éprouver de l’angoisse ou du stress. Les scientifiques n’ont à ce jour pas réussi à établir un lien entre cette prédisposition psychologique plus ou moins marquée et l’hérédité.
En revanche, il est reconnu que le déséquilibre du taux de certaines neurohormones pourrait être déterminant, notamment celui de la sérotonine impliquée dans la régulation des émotions. Le degré de sensibilité de chaque personne pourrait aussi expliquer ces variations d’un individu à un autre, tout comme l’âge ou le sexe puisque les femmes deviennent plus angoissées que les hommes à partir de la quarantaine.
La peur étant un phénomène psychologique normal, elle ne devient pathologique que lorsqu’elle se caractérise par des manifestations répétitives et récurrentes, ayant un impact négatif sur le quotidien. Les phobies s’inscrivent parfaitement dans ce cas de figure par leur intensité paralysante qui prive la personne d’une existence normale. L’agoraphobe, que la foule angoisse, est condamné à vivre solitaire et en retrait de toute vie sociale. L’aviophobe, quant à lui, doit renoncer à ses rêves de voyage ou ses déplacements professionnels par sa peur de l’avion.
D’autres troubles se révèlent invalidants, comme la déréalisation-dépersonnalisation (DR/DP). Dans ce cas, la peur trouve son origine dans un sentiment d’étrangeté vis-à-vis de soi, causé par le fait qu’on a l’impression d’être dissocié de son corps et de son esprit. Les troubles anxieux généralisés (TAG) appartiennent également à la catégorie des anxiétés pathologiques puisqu’ils plongent l’individu dans une angoisse permanente et dénuée de motif.
Ces différentes formes de peur se manifestent généralement par des crises de panique qui surgissent subitement. Le sujet se trouve immergé dans une profonde inquiétude qui peut être alimentée par divers facteurs extérieurs. L’incompréhension ou le jugement des gens contribue en effet à rendre les angoisses encore plus fortes ou à les faire perdurer dans le temps. De même, une peur endormie peut se réveiller à la moindre occasion, au gré des événements personnels ou collectifs. Ainsi, les angoisses traumatiques liées à des catastrophes, comme un attentat, se réactivent dès qu’une telle tragédie se renouvelle et que les médias diffusent en boucle leurs reportages chocs.
Par ailleurs, la personne victime d’anxiété pathologique nourrit elle-même son inquiétude en appréhendant la crise à venir. Elle est alors habitée par une double peur : la « peur d’avoir peur » et la crise de panique sur le point de surgir. Elle s’enferme donc elle-même dans un cercle vicieux.
Pour détecter les origines des peurs qui nous habitent, il est souvent nécessaire de remonter au temps de l’enfance. Le cercle familial représente en effet un environnement susceptible d’ancrer en nous des angoisses qui nous suivront tout au long de la vie. Si l’éducation reçue joue un rôle dans l’élaboration de nos craintes vis-à-vis du monde extérieur, celles-ci peuvent aussi s’expliquer par « des antécédents familiaux, des parents très anxieux qui ont inquiété le sujet dès son plus jeune âge » (p. 108), en le surprotégeant ou lui transmettant leurs propres angoisses. Certains événements occasionnant un bouleversement dans la vie d’un enfant, comme un décès ou un divorce, peuvent provoquer aussi l’apparition de pathologies telles que la boulimie ou l’anorexie. Pour l’auteur, celles-ci pourraient être étroitement liées à la peur de grandir et d’être séparé de ses parents, d’où le rejet de toute nourriture.
La sphère professionnelle est également un cadre propice au développement de l’anxiété et du stress. Un investissement excessif, voire continu, dans son travail peut conduire à un état de surmenage qui trouve son apogée dans le burn-out. Ce mal de plus en plus fréquent et dévastateur se définit comme une « rupture brutale » (p. 61), causée par le dépassement de ses propres limites. Le harcèlement moral par un supérieur est une autre source d’angoisse professionnelle. Ce comportement malsain, qui a pour but de mettre la pression à un employé et de l’humilier, instaure un climat anxiogène et dévalorisant. Il a des répercussions souvent désastreuses sur l’état de santé de la personne.
Mais nos angoisses peuvent être directement sous-tendues par le rapport que nous entretenons avec nous-mêmes ou avec les autres. Le regard d’autrui représente un motif d’anxiété sociale assez récurrent. Un complexe vis-à-vis de son corps ou une tendance sexuelle engendrent souvent un repli sur soi par crainte d’être jugé et rejeté. Or la dissimulation d’un défaut physique ou de son homosexualité n’efface en rien la souffrance de ne pas être accepté pour ce que l’on est. Certains traits de caractère ou comportements propres à chacun semblent par ailleurs favoriser l’émergence de peurs ou de stress. Ainsi, la procrastination, c’est-à-dire le fait de toujours reporter ce que l’on doit faire, découle probablement d’une crainte de l’avenir. C’est pourquoi l’on opte pour « l’immobilisme comme rempart à l’échec, mais aussi à la réussite, en ne tentant rien pour mettre les choses en action » (p. 132).
Avoir peur, c’est un sentiment que l’on vit intensément dans son corps, si bien que les manifestations physiques sont nombreuses. Elles diffèrent en fonction du niveau d’angoisse, ainsi que de la capacité de la personne à relativiser la situation et à maîtriser ses émotions. Sous l’effet de la peur ou du stress, qui n’a jamais eu la gorge serrée, le ventre noué, des sueurs froides ou des bouffées de chaleur ? Néanmoins, il est possible de présenter des symptômes physiologiques bien plus prononcés.
Notamment lors des crises de panique ou d’angoisse, il est courant de manifester une accélération du rythme cardiaque et des désordres respiratoires prenant la forme d’une hypoventilation (ralentissement de la respiration) ou de son contraire, l’hyperventilation. L’anxiété se traduit quelquefois par une somatisation, c’est-à-dire une expression corporelle de son état psychologique, comme des éruptions cutanées ou diverses douleurs physiques.
L’angoisse, surtout si elle est persistante, agit par ailleurs sur l’humeur en rendant l’individu irritable ou agressif. Dans le même temps, elle modifie la façon d’appréhender les événements. Ainsi, il arrive que la personne victime d’anxiété développe une vision pessimiste ou morbide de l’avenir, qui se double d’une perte de confiance en soi. Cette absence de perspective et le sentiment d’impuissance qui s’y associe s’imposent parfois de façon si totale que le suicide apparaît comme la seule issue possible. Outre le fait de favoriser les idées noires, la peur crée une perception altérée du temps et des symptômes physiques réellement ressentis.
L’auteur rappelle par exemple que dans l’esprit des patients, une crise de panique brève leur semble toujours interminable. Sous l’effet de l’inquiétude, ils dramatisent également leurs symptômes et croient être victimes d’un infarctus qui exige l’intervention des secours. La peur fait donc perdre le contact avec la réalité en influant sur le psychisme.
Quand on est atteint de crises d’angoisse ou de phobie, la honte incite souvent à se taire. Or, c’est justement l’inverse que préconise Rodolphe Oppenheimer. Pour lui, une peur verbalisée perd en intensité. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si des cellules psychologiques sont immédiatement installées après des événements graves. Elles ont pour vocation de permettre aux victimes de s’exprimer sur ce qu’elles viennent de vivre et de faciliter leur reconstruction ultérieure. Pour la personne phobique ou angoissée, l’objectif consiste aussi à reprendre le contrôle de son corps et de son esprit.
Cela passe par le reconditionnement de ses pensées. Privilégier le moment présent au lieu de se projeter perpétuellement dans l’avenir, valoriser l’image qu’on a de soi et positiver, autant de clés pour reprendre le dessus sur ses peurs. Plus simple encore, s’astreindre à des règles hygiéno-diététiques participe à la diminution de l’anxiété : repas équilibrés, respect des phases de sommeil, consommation limitée de tabac, d’alcool ou de café, etc.
Aujourd’hui, les professionnels disposent en outre d’une multitude de techniques pour guérir les angoisses pathologiques. Pour l’auteur, s’il est indispensable d’adapter la thérapie aux besoins du patient, il convient aussi de combiner différents modes d’action pour garantir une éradication totale du problème et une guérison définitive. Il recommande notamment d’exploiter les thérapies comportementales et cognitives (TCC) par le biais des nouvelles technologies.
Concrètement, il s’agit d’exposer la personne aux dangers qu’elle redoute grâce à un casque de réalité virtuelle. Cette simulation permet au psychanalyste de doser l’intensité de l’angoisse qu’il provoque chez son patient, afin de lui apprendre à prendre du recul par rapport à sa peur et à la contrôler par des exercices de respiration. La psychanalyse traditionnelle n’est nullement délaissée. Elle joue au contraire un rôle déterminant dans l’élimination de l’angoisse, car elle permet d’en rechercher la cause dans le vécu du patient et de résoudre le problème à sa source.
Dans ce livre, Rodolphe Oppenheimer aborde les principales catégories de peurs, des phobies aux crises de panique, en passant par l’anxiété quotidienne. Il souligne l’importance de ne pas se laisser dominer par ses angoisses, quelle qu’en soit l’ampleur, car elles ont tôt fait de rendre la vie impossible. Elles poussent les individus à renoncer à l’action et à leurs projets, les plongeant dans l’insatisfaction et la solitude.
Les professionnels sont là pour accompagner les personnes dans leur chemin vers la guérison grâce, entre autres, à la psychanalyse, la sophrologie ou les thérapies comportementales et cognitives.
Rodolphe Oppenheimer se place à la convergence de différentes tendances psychothérapeutiques, considérant que l’aide apportée aux patients doit être pluridisciplinaire pour être efficace. Il s’inspire notamment du « training autogène », une méthode mise en place par le psychiatre Johannes Heinrich Schultz dans les années 1930. Cette technique repose sur l’apprentissage de la relaxation, utilisée comme moyen de parvenir à la maîtrise de son corps par l’esprit.
Rodolphe Oppenheimer s’inscrit également dans le prolongement de spécialistes comme le psychiatre russe, Michel Sapir. Ce dernier a développé la relaxation psychanalytique, à savoir une technique qui combine les principes de Johannes Heinrich Schultz et une psychanalyse classique passant par l’échange verbal avec le psychothérapeute.
Ouvrage recensé
– Peurs, angoisses, phobies, par ici la sortie !, Paris, Éditions Marie B, 2017, p. 80.
Du même auteur
– Christophe André, Psychologie de la peur – Craintes, angoisses et phobies, Paris, Éditions Odile Jacob, 2004.– Jean Cottraux, Les Psychothérapies comportementales et cognitives, Paris, Éditions Elsevier Masson, 2017.– Jacqueline Girard-Frésard, Les Peurs des enfants, Paris, Éditions Odile Jacob, 2009.– Johannes Heinrich Schultz, Le Training autogène, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2013.– Vincent Trybou, Comprendre et traiter l’anxiété sociale – Nouvelles approches en TCC, Paris, Éditions Dunod, 2018.