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Voici le résumé de l'un d'entre eux.

Comment réussir une négociation ?

de Roger Fisher, William Ury et Bruce Patton

récension rédigée parStéphane PartiotEnseignant et agrégé de Lettres Modernes.

Synopsis

Économie et entrepreneuriat

Cet ouvrage aborde la notion de négociation tant dans ses aspects sociaux, que commerciaux, et politiques. Refusant à la fois les marchandages interminables, les oppositions stériles et les compromis insatisfaisants, ses auteurs défendent une stratégie pragmatique qu’ils nomment « négociation raisonnée ». Ils y voient une opportunité d’atteindre des bénéfices mutuels dans de nombreux domaines de notre vie, et montrent, ce faisant, que nous sommes tous, au quotidien, des négociateurs qui s’ignorent.

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1. Introduction

De la simple requête jusqu’au différend familial voire au conflit ouvert, notre quotidien nous offre de nombreuses occasions d’exercer nos talents de négociateurs.

De plus, les nouveaux modèles de management au sein des organisations professionnelles prétendent faire une place croissante à la concertation et la négociation. Quant au domaine politique, il est malheureusement riche en incidents diplomatiques. Pourtant, nombre de négociations échouent, qu’elles apparaissent insatisfaisantes ou qu’elles accentuent un climat conflictuel pouvant mener jusqu’à la violence. Quels doivent être, dès lors, les grands principes qui assurent à une négociation donnée un déroulement et une issue satisfaisants ? Et comment « obtenir ce que l’on est en droit d’attendre sans perdre sa dignité ni menacer autrui » (p. 15) ?

En d’autres termes, comment négocier honnêtement sans risquer d’être abusé par un adversaire qui serait déloyal ? C’est ce que les auteurs de Comment réussir une négociation ? s’attachent à décrire à travers la notion de principled negotiation, c’est-à-dire la « négociation suivant des principes » ou « négociation raisonnée ».

2. Deux attitudes qu’il convient d’éviter

Un bon négociateur se doit d’échapper à deux principaux écueils : la guerre de positions et la complaisance. Dans le premier cas, suivant le modèle du marchandage entre un brocanteur et un client, chacune des parties présente ses arguments, puis fait des concessions afin de parvenir à un compromis.

Le modèle peut fonctionner pour une négociation simple, mais tend à enfermer chacun dans sa position : plus on défend son point de vue, plus on s’y attache, mu par la volonté de ne pas perdre la face. Cette méthode ne conduit que rarement à un accord judicieux et efficace, comme le montre l’exemple des pourparlers menés par Kennedy pour interdire les expériences nucléaires : l’URSS concédait trois inspections annuelles, mais les États-Unis en exigeaient dix, si bien qu’aucun accord ne fut possible. Ce type de négociation traîne en longueur, car « chacun tente, par la seule force de sa volonté, de contraindre l’autre à modifier sa position » (p. 26).

Or, plutôt que de se raidir pour des aspects de moindre importance qui accaparent l’énergie, mieux vaut s’intéresser aux préoccupations sous-jacentes afin de les apaiser. Une trop grande rigidité mène donc souvent à des déceptions, à plus forte raison en cas de négociations complexes ou multilatérales. Mais si le négociateur dur risque de détériorer ses relations avec l’autre, le négociateur doux est quant à lui prêt à toutes les concessions pour éviter les conflits.

Cette attitude trop conciliante doit être évitée : le risque est de laisser un adversaire intraitable prendre l’ascendant et, en définitive, perdre la partie. En effet, dans la négociation classique inspirée du marchandage, celui qui tient sa position emporte l’avantage. Le négociateur trop accommodant ne peut résister à celui qui se montre exigeant, voire menaçant. L’évitement de la négociation par excès de gentillesse n’est donc pas souhaitable.

3. La distinction entre personnes et différend

Comment échapper à l’alternative binaire entre dureté et complaisance ? En distinguant tout d’abord la personne à laquelle nous faisons face et le différend en question. La clef de la réussite est ainsi de se montrer « dur quant aux questions débattues, mais doux avec les négociateurs eux-mêmes » (p. 15).

Pour ce faire, on se montrera attentif à ce que l’on perçoit, afin de comprendre le point de vue de l’adversaire, sans le caricaturer ni partir du principe que sa position est figée. On gardera à l’esprit que les difficultés ne sont pas nécessairement le fait de l’autre. On prendra aussi en compte la part d’affectivité, car « chacun vient à la table de délibération avec tout un bagage affectif. » (p. 41). Cet aspect humain présente des risques, mais constitue également une chance pour le négociateur qui sait le prendre en considération. C’est pourquoi il ne faut pas blesser son adversaire, et ne jamais oublier qu’au-delà du cas présent, la poursuite d’une bonne relation sur le long terme est importante. Il convient donc de traiter séparément les questions de relation humaine et celles de fond.

Il est également préférable de soigner sa communication en contrôlant sa sensibilité et sa nervosité, en évitant un ton accusateur et en s’en tenant à ses objectifs. Face aux mots blessants voire aux explosions de colère, il faut opposer une forme de sérénité et d’impassibilité. On privilégiera donc des mots, des cadeaux et des gestes qui apaisent. C’est ainsi qu’en 1977, le président égyptien Sadate surprit en se rendant à Jérusalem, se comportant en partenaire et non en ennemi : sans ce voyage, la paix avec Israël n’aurait peut-être pas été possible.

Il faut non seulement manifester son écoute attentive, mais relancer l’autre par des questions et des reformulations. De même, il est bon de faire participer l’interlocuteur à la réflexion dès le début de la négociation : « On lui demandera son avis, on lui attribuera généreusement la paternité d’idées chaque fois que cela sera possible. » (p. 55) Cela pour lui éviter de perdre la face : souvent, les gens persistent dans leur refus, car ils ne veulent pas avoir l’air de céder face aux autres. L’essentiel, en définitive, est de traiter les personnes comme des êtres humains, et le différend en toute objectivité.

4. La recherche d’un bénéfice mutuel

Ce n’est pas parce que des positions sont divergentes que des intérêts sont inconciliables. Car il est des exigences fondamentales communes aux êtres humains : la sécurité, le bien-être, l’appartenance sociale, etc. Afin de trouver une solution judicieuse, il faut donc concilier les intérêts, non les positions. Un négociateur qui défend ses intérêts fermement doit aussi tenir compte des intérêts adverses et rester ouvert aux suggestions. Coucher sur le papier une liste d’intérêts en jeu pour chacun peut d’ailleurs s’avérer utile.

De même que présenter un projet que l’on soumet à l’autre, et qu’on amende autant de fois que nécessaire à partir de ses remarques. Mais il convient surtout de développer une « faculté d’imaginer des solutions » (p. 94), comme en 1956 lorsque l’ONU a fait le choix inattendu d’envoyer des Casques bleus pour démilitariser le Sinaï et mettre un terme à un conflit entre Israël et l’Égypte.

Certains jugements hâtifs entravent toutefois la recherche de solutions, car « rien ne ligote plus l’imagination que l’esprit critique » (pp. 95-96) qui nous paralyse et nous empêche d’inventer une issue positive. C’est ce que montre l’exemple de deux personnes désirant toutes les deux une orange : ils la partagèrent en deux, sans comprendre que l’un désirait seulement manger la pulpe tandis que l’autre avait besoin de la peau pour parfumer un gâteau. Il importe donc de savoir tirer parti des divergences en se mettant à la place de l’autre. Et si l’on n’y parvient pas, on peut s’enquérir directement de ses préférences en posant une question.

Comment ouvrir plus largement l’éventail des possibles ? On privilégiera une atmosphère cordiale et détendue, avec l’usage éventuel d’un tableau blanc pour récapituler les idées les plus prometteuses. On peut aussi essayer d’envisager successivement une même question sous des points de vue différents : celui d’un psychiatre, d’un banquier, d’un sportif, d’un professeur, etc. Enfin, on pourra imaginer des solutions intermédiaires : si l’accord ne peut se faire sur le fond, on trouve parfois des consensus provisoires ou partiels, comportant des conditions, ou encore portant sur les principes, sur la procédure ou sur des points de second ordre.

5. L’objectivité, source d’équité

Plutôt que de se perdre en discussions interminables, le bon négociateur tranche les litiges sur le fond. Il insiste d’abord sur la recherche d’avantages mutuels, et lorsque ceux-ci ne sont pas évidents, sur la façon de trouver un chemin équitable pour régler les divergences. Il peut aussi distinguer le temps de l’invention et celui de la décision grâce à la méthode dite de la « carte en rond » en quatre étapes successives : 1/ Description du problème, 2/ Analyse des causes, 3/ Proposition de solutions, 4/ Modalités concrètes de résolution.

Qu’il s’agisse d’un différend familial, d’une relation d’affaires ou de traités internationaux, il est bon de s’appuyer sur des critères objectifs. Les normes morales ou juridiques, la jurisprudence passée, la valeur du marché, les prix pratiqués par la concurrence constituent autant de points d’appui pour réduire la part de subjectivité. En outre, la médiation d’un tiers peut parfois s’avérer utile à cet égard.

L’équité doit apparaître dans le contenu visé comme dans la procédure. Il faut toujours essayer de rechercher un critère juste, en se mettant d’abord d’accord sur les principes avant d’entrer dans des questions plus précises telles que des considérations pécuniaires, par exemple. Si c’est l’adversaire lui-même qui se réfère à des règles, il faut lui demander de les expliciter et d’en justifier, si nécessaire, les fondements juridiques. Le principe est de demeurer toujours calme en avançant des arguments imparables, sans jamais céder à des pressions.

6. Comment négocier sous la pression ?

Toutes les négociations ne peuvent pas être couronnées de succès. Si la partie adverse est manifestement plus puissante, même la meilleure stratégie ne pourra pas, à coup sûr, assurer la victoire. Il s’agira dès lors de faire valoir son intérêt dans la mesure du possible et surtout de ne pas conclure un accord inacceptable.

On peut, par exemple, fixer en amont des lignes rouges, telles qu’un prix plancher, voire déterminer, avant chaque négociation, sa MEilleure SOlution de REchange (MÉSORE). L’idée est d’avoir des solutions de repli auxquelles on peut raisonnablement se résoudre si l’accord s’avère impossible. Dans le cas d’une vente immobilière, on peut par exemple envisager, en l’absence d’offre satisfaisante, de mettre une maison en location, ou, si l’on est acheteur, de se procurer un bien ailleurs.

La « négociation jiu-jitsu » permet d’esquiver les attaques personnelles en évitant la confrontation directe, comme dans cet art martial. Ainsi, quand l’adversaire expose son point de vue, il ne faut pas le rejeter ni défendre à tout prix les positions qu’il attaque, de même en cas d’attaques personnelles. On procédera plutôt par questions habiles, afin d’amener l’adversaire à réfléchir quant au fond du problème. On pourra aussi prendre le parti d’un silence complet, parfois plus éloquent que les mots. Et si la partie adverse triche ou recourt à des moyens déloyaux, il faut identifier sa tactique et la nommer, car parler ouvertement d’une manœuvre en diminue l’efficacité.

Quelles sont les tactiques déloyales fréquemment utilisées pour prendre l’ascendant ? Le mensonge délibéré, tout d’abord, et les déclarations d’intention non suivies d’effet. Pour s’en prémunir, ne jamais croire quelqu’un sur parole, mais vérifier chaque renseignement fourni et, au besoin, demander poliment un engagement écrit à valeur contractuelle. Outre ces pratiques, certains tenteront de mener une guerre psychologique : ils vous installeront dans un environnement froid ou inconfortable, vous parleront sur un ton pressant, sans vous regarder dans les yeux, ou encore vous feront le coup du bon et du méchant, inspirée des vieux films policiers.

Dans ces différents cas, on peut montrer en plaisantant que l’on n’est pas dupe, ou bien suggérer un autre temps ou lieu de réunion. D’autres techniques appellent une réaction comparable : les exigences extrêmes dès le début de la négociation pour obtenir un compromis médian, les exigences sans cesse croissantes, ou encore les ultimatums. Quant aux menaces, le bon négociateur sait qu’elles ont souvent un effet contraire. On leur préfèrera donc des avertissements justifiés, en affirmant que c’est regrettable et qu’on ne peut faire autrement.

Que faire, enfin, si l’adversaire refuse catégoriquement de négocier ? Après avoir tenté de proposer d’autres solutions, évoqué la médiation d’un tiers, et insisté sur les principes, on n’oubliera pas que nos intérêts peuvent être satisfaits d’une autre manière, et on mettra donc à profit la MÉSORE préalablement fixée.

7. Conclusion

Une négociation apparaît ainsi réussie à l’aune de trois critères : si elle permet d’aboutir à un accord judicieux (objectif, équitable et durable), si elle est efficace, et enfin si elle améliore les relations entre les parties. La méthode dite de « négociation raisonnée » permet ainsi d’envisager des solutions nouvelles, bénéfiques à chacun.

Si elle peut sembler intuitive à certains, elle n’est, pour autant, pas évidente à appliquer. L’ouvrage est donc destiné à être mis en pratique, en gardant à l’esprit qu’il est possible d’éviter d’être une victime sans pour autant entrer dans une guerre de positions violente et stérile. Car si l’adversaire se sent personnellement menacé, il risque de rompre la négociation. L’essentiel serait, en définitive, de se montrer « ferme sur la question débattue et conciliant avec les participants. » (p. 88)

8. Zone critique

La force de l’ouvrage consiste à envisager la négociation de façon large, permettant au lecteur de saisir la cohérence d’ensemble de cette notion pratique. Par ailleurs, le propos est riche en exemples politiques : les auteurs s’appuient ainsi sur leur expérience de praticien de la négociation diplomatique, notamment sur la préparation des accords de Camp David à laquelle Robert Fisher a pris part.

Mais, en contrepartie, le quotidien familial ou amical, ainsi que les relations d’affaires apparaissent quelque peu délaissés dans l’ensemble, alors qu’ils auraient pu donner matière à analyse. L’appendice du livre composé de quelques questions de lecteurs permet certes de combler ces lacunes, mais de façon partielle. Surtout, l’ouvrage aurait pu consacrer un chapitre à la question des limites du négociable.

Un travail de contextualisation philosophique aurait ainsi permis de montrer que la recherche de la vérité, si elle peut emprunter une forme de ruse et d’habileté comme dans la maïeutique socratique, se conçoit avant tout comme un dépassement du négociable. Un tel développement aurait d’ailleurs permis d’approfondir, en retour, les passages consacrés à l’importance de l’objectivité, qui invitent paradoxalement, pour réussir une négociation, à prendre appui sur ce qui n’est pas négociable.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Comment réussir une négociation ?, Paris, Le Seuil, 2006 [1982].

Ouvrages de William Ury– Comment négocier avec les gens difficiles. De l'affrontement à la coopération, Paris, Le Seuil, 2006.– Comment dire non. Savoir refuser sans offenser, Paris, Le Seuil, 2007.

Autres pistes– Thomas Guedj, 50 clés pour bien négocier. La théorie du quadrant au service du négociateur, Paris, Ellipses, 2017.– Marshall B. Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), initiation à la communication non violente, Paris, La Découverte, 2016.– Miguel Ruiz, Les quatre accords toltèques : La voie de la liberté personnelle, Paris, Jouvence, 2018.

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