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Le Jeu infini

de Simon Sinek

récension rédigée parCatherine Piraud-RouetJournaliste et auteure spécialisée en puériculture et éducation.

Synopsis

Économie et entrepreneuriat

Les jeux finis ont des règles fixes et répondent à un objectif convenu qui, lorsqu’il est atteint, met fin au jeu. Les jeux infinis, au contraire, n’ont aucune règle précise et laissent une immense latitude à leurs joueurs. Selon Simon Sinek, l’entreprise elle-même est un jeu infini : il ne s’agit pas de gagner, mais de rester dans la course, sans jamais se renier. Mais nombre de dirigeants s’enferment à disputer un jeu fini, en cherchant avant toutes choses à l’emporter sur leurs concurrents. Comment sortir de cette impasse ?

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1. Introduction

Dans les années 1950, la durée de vie moyenne d’une entreprise était d’un peu plus de soixante ans. Aujourd’hui, elle est inférieure à vingt ans. Selon Simon Sinek, il ne faut pas tant y voir la conséquence de l’explosion et l’accélération des technologies que celle de l’incapacité des dirigeants à appréhender l’avenir de leur entreprise, alors que le monde change autour d’eux.

La plupart, en effet, ont adopté un esprit et un mode de fonctionnement fini, court-termiste et farouchement individualiste. Mais le monde appartient à d’autres entreprises, portées par un esprit infini, à l’horizon temporel illimité, à la stratégie humaniste, centrée sur leurs consommateurs et sur le bien-être de leurs salariés.

Ce livre explique aux dirigeants d’organisations de toutes tailles et de toutes natures comment éviter les pièges de l’esprit fini et devenir un leader à la vision infinie.

2. L’économie s’inscrit dans le principe des jeux finis et infinis

Il existe deux sortes de jeux : les jeux finis et les jeux infinis. Les jeux finis sont disputés par des joueurs désignés et régis par des règles fixes. Ils ont toujours un début, un milieu et une fin. Les jeux infinis, au contraire, font intervenir des joueurs connus et des joueurs inconnus. Ils n’ont pas de règles précises ou admises. Le comportement des joueurs peut être gouverné par des conventions ou des lois, mais ils agissent à leur guise à l’intérieur de ces frontières. Et ils peuvent choisir de rompre les conventions : la manière dont chaque joueur choisit de jouer ne dépend que de lui et il peut en changer à tout moment, pour n’importe quelle raison.

Dans le jeu fini, il y a forcément un vainqueur. Mais l’horizon temporel des jeux infinis est infini : la notion de « victoire » n’a pas lieu d’être. Objectif principal : continuer à jouer. Dans les jeux finis, il existe un mode de calcul unique, convenu, pour distinguer le gagnant du perdant. Dans les jeux infinis, les moyens de mesure étant multiples, il n’est jamais possible de désigner un vainqueur. Les joueurs quittent la partie quand ils n’ont plus la volonté et les ressources nécessaires pour continuer à jouer.

Le jeu de l’économie répond à la définition même d’un jeu infini. Nous ne connaissons pas tous les autres joueurs et de nouveaux peuvent rejoindre le jeu à tout moment. Chaque joueur détermine ses stratégies et tactiques propres ; il n’existe aucun corpus de règles fixes admis par tous, hormis la loi. L’économie n’a pas de commencement prédéterminé, de milieu ou de fin, ni de ligne d’arrivée. Hormis la faillite, et parfois une fusion ou une acquisition. Quelle que soit la manière dont on décide de jouer, il est essentiel d’être honnête avec soi-même et son entourage – collègues, clients, investisseurs – à propos de ses choix, pour leur permettre d’y adapter leurs attentes et leurs comportements, car les effets de ces choix se propagent.

3. La vision finie de l’économie

Ces dernières décennies, l’esprit de fini est devenu la norme moderne chez les chefs d’entreprise. Nombre d’entre eux s’obstinent à se vouloir le « meilleur » ou le « numéro un ». L’une des raisons de cette donne est que la vision finie est la posture la plus facile. Notre nature humaine nous pousse à chercher des solutions immédiates aux problèmes pénibles et à préférer les succès rapides pour réaliser nos ambitions. Nous avons tendance à appréhender le monde en termes de succès et d’échecs, de gagnants et de perdants.

Les joueurs du fini redoutent toute forme de disruption, car tout ce qui relève de l’imprévisible ou du non-maîtrisable risque de bouleverser leurs plans et accroît leur risque de perte. Ils ont tendance à suivre des normes et des objectifs à court terme qui les aident à réaliser leurs buts personnels, au mépris des répercussions éventuelles. Un état d’esprit avalisé par Wall Street et enseigné dans les écoles de gestion.

Selon l’économiste ultralibéral Milton Friedman, la seule responsabilité de l’entreprise est de gagner de l’argent, un argent qui appartient aux actionnaires. Une philosophie qui a entraîné l’explosion, à partir de la décennie 1980, de la rémunération des PDG par rapport à celle des salariés. Et comme 80% de leur rémunération repose sur la valeur de l’action, les dirigeants sont poussés à réduire les coûts au minimum pour faire grimper ce cours.

À la clé, écrasement des salaires, fermetures d’usines, pratiques commerciales malhonnêtes, réduction des investissements en R&D (recherche et développement), contrôles de qualité moins rigoureux ou encore prime à la performance, au détriment de la confiance… En ligne de mire, la sacro-sainte « croissance ». Dans le même temps, la durée de vie des entreprises paraît raccourcir sans cesse. Autres conséquences engendrées par le fait de diriger dans un esprit de fini en situation de jeu infini : le déclin de la confiance et de la coopération des salariés, gagnés par l’insécurité et l’angoisse. Mais aussi déclin de l’innovation.

4. Diriger dans un esprit d’infini

Diriger dans un esprit d’infini en situation de jeu infini permet d’avancer dans une meilleure direction. Le joueur de l’infini joue pour le bien du jeu.

Dans les affaires, cela signifie regarder plus loin que le résultat net financier. Là où un joueur à l’esprit de fini s’attache principalement au profit que l’entreprise tire de la vente de ses produits, le second regarde les bénéfices procurés à ceux qui les achètent. Par ailleurs, loin de ne penser qu’à elle-même, une entreprise bâtie pour le jeu infini considère l’effet de ses décisions sur son personnel, sa collectivité, l’économie, le pays et le monde. Elle agit toujours pour le bien du jeu.

Les leaders à l’esprit d’infini savent bien qu’être « le meilleur » n’est pas un état permanent. Ils s’efforcent plutôt d’être « meilleurs », à savoir engagés dans un parcours d’amélioration où l’on progresse à force de talent et d’énergie. Ils ne se contentent pas d’opposer le « court terme » au « long terme ». « Eux savent que l’important n’est pas le prochain trimestre ou la prochaine élection mais la prochaine génération », précise l’auteur dans le prologue de l’ouvrage.

Ils préparent leur organisation à réussir au-delà de leur présence en son sein. Ils ne demandent pas non plus à leur personnel de se fixer sur des buts finis, mais de les aider à progresser vers une vision de l’avenir qui profite à tous. Leur aspiration n’est pas seulement de bâtir une entreprise capable de supporter le changement, mais une entreprise susceptible d’être transformée par le changement. C’est pourquoi non seulement ils acceptent les surprises, mais ils s’y adaptent et en tirent une force pour innover et progresser.

Les effets positifs de cette approche sont légion. Les groupes qui adoptent un esprit d’infini bénéficient de niveaux de confiance, de coopération et d’innovation bien plus élevés. L’amélioration continue concerne toutes les facettes de l’organisation, y compris sa culture et ses normes. De fait, les entreprises dirigées par des leaders à l’esprit d’infini enregistrent souvent des records de bénéfices. Et quand surviennent des moments difficiles, leurs collaborateurs ont des chances de faire bloc, de manière spontanée, pour se protéger mutuellement et protéger l’entreprise et leurs dirigeants : les entreprises infinies sont par essence résilientes.

5. Cinq leviers pour aller vers la vision infinie

Quels qu’en soient les bénéfices, agir avec une vision de long terme, infinie, requiert un véritable effort, tant les pressions sont fortes, à l’intérieur comme à l’extérieur des entreprises, en faveur de l’esprit de fini. Tout leader désireux d’adopter un esprit d’infini doit observer cinq pratiques essentielles.

Primo, travailler à une « juste cause », c’est-à-dire à une vision précise d’un état futur qui n’existe pas encore, mais si attirant que les gens sont prêts à se battre pour contribuer à sa réalisation. Cette cause est inclusive (ouverte à tous ceux qui aimeraient contribuer), orientée service (d’abord à l’avantage des autres) et idéaliste.

Second levier : composer des équipes en confiance, où chacun sait qu’il peut exprimer sa vulnérabilité en toute sécurité face à son patron ou ses collègues. Mais aussi où les rapports humains, la fiabilité et la prise en compte des intérêts de tous priment sur la performance. « Là où la culture est faible, les gens cherchent la sécurité dans les règlements. Là où la culture est forte, les gens trouvent la sécurité dans les relations », note Simon Sinek.

Troisième voie vers la vision finie : observer ses « dignes « rivaux ». À savoir, cesser de se représenter les autres (homologues, collaborateurs, experts extérieurs…) comme des concurrents à battre, mais plutôt comme des égaux sources d’inspiration et vecteurs d’amélioration. Exemple : Apple et IBM, qui se sont challengés mutuellement de manière positive pendant des années, pour le plus grand profit des consommateurs.

Quatrième voie : se préparer à une flexibilité existentielle. Il s’agit de la capacité à renverser son modèle économique ou son parcours stratégique pour faire progresser plus efficacement une « juste cause ». Pour avoir tardé à passer à la technologie numérique qui rendait obsolète son modèle économique, Kodak voit aujourd’hui ses débouchés réduits aux photographes professionnels.Cinquième impératif : manifester le courage de diriger. Simon Sinek donne un exemple fameux : en février 2014, l’entreprise de pharmacie CVS Caremark annonça, d’elle-même, qu’elle ne vendrait plus de tabac dans aucun de ses magasins. Une décision qui allait, à court terme, lui faire perdre deux milliards de dollars de revenus par an… mais qui, à moyen terme, la rendit plus florissante que jamais

6. Quand l’entreprise infinie trébuche, comment redresser la barre ?

Même les entreprises les plus préoccupées d’infini peuvent s’égarer, temporairement ou non, sur le chemin du fini. Des événements majeurs (introduction en Bourse, changement de dirigeant…) peuvent aussi obliger une organisation à choisir un chemin plutôt qu’un autre. La réussite peut aussi monter à la tête de certains.

« Les entreprises arrivent souvent à la croisée des chemins quand leurs dirigeants s’éprennent de leur propre légende », note l’auteur. Elles perdent alors le contact avec leur personnel et la confiance se brise. L’organisation se rigidifie alors que, pour rester dans le jeu, la flexibilité est indispensable. Ainsi, à une certaine période, le groupe Disney a dévié de sa cause infinie au profit d’ambitions plus finies comme la domination mondiale, l’augmentation de la valeur pour l’actionnaire et l’enrichissement de ses dirigeants.

Parmi les grands dangers qui guettent les entreprises à vision infinie : le relâchement éthique. Une tendance qui consiste à s’engager dans un comportement non éthique tout en croyant agir encore conformément à son propre code de valeurs. Ce relâchement débute souvent par de petites transgressions apparemment inoffensives qui, si l’on n’y prend garde, se développent et s’additionnent.

Ces actions pernicieuses sont masquées la plupart du temps par l’usage d’euphémismes : « gérer les externalités », par exemple, au lieu d’évoquer les dommages causés au personnel et à l’environnement par les méthodes de fabrication. On se voile aussi la face en imputant ses transgressions au « système », par exemple en se réfugiant derrière l’acceptation des conditions de vente par le consommateur pour justifier la récolte de données personnelles.

Le coût d’un tel relâchement, pour les entreprises comme pour leur personnel, leurs clients et leurs investisseurs, sera considérable. Il faut alors le courage de diriger pour admettre que l’organisation a dévié de sa « cause » et la ramener dans le droit chemin. L’investissement peut réclamer davantage qu’un trimestre ou une année (selon la taille de l’entreprise) pour produire des effets. Et, une fois les standards éthiques établis (ou rétablis), il faut les protéger avec vigilance.

7. Conclusion

Un nombre croissant de personnes disent aspirer à travailler pour une organisation guidée par un but, surtout parmi les Millenials (trentenaires) et les membres de la Génération Z (âgés d’une vingtaine d’années). Mais pour attirer durablement ces talents, les dirigeants désireux d’adopter une vision infinie doivent se diriger vers une nouvelle définition de la responsabilité de l’entreprise. Celle-ci doit remplir trois missions.

D’abord, afficher un but : offrir aux gens un sentiment d’appartenance et l’impression que leur vie et leur travail ont une valeur qui dépasse leurs tâches matérielles. Ensuite, faire fonctionner les entreprises d’une manière protectrice pour leurs collaborateurs, leurs clients et l’environnement de travail.

Enfin (et seulement enfin), dégager un profit. L’argent étant le carburant grâce auquel l’entreprise demeure viable, afin de continuer à satisfaire ses deux premières priorités.

8. Zone critique

Un ouvrage à l’angle original, à mi-chemin entre management et développement personnel : la vie au sens large, et l’économie en particulier, constituent des terrains de jeu où toutes les règes ne se valent pas. Où le gagnant est celui qui mettra au premier plan l’intérêt d’autrui (salariés, clients, partenaires…) plutôt que le produit et ses ventes directes.

Une approche bienveillante et équilibrée, exposée dans un style clair et vivant, du fait des nombreux exemples concrets dispensés à longueur de pages. Mais le message demeure fortement libéral. L’auteur ne cache pas son admiration pour certaines grandes entreprises, à commencer par Apple. Ni le but ultime de son livre : permettre aux entreprises de gagner encore plus d’argent.

9. Pour aller plus loin

Ouvrage recensé– Simon Sinek, Le Jeu infini, Montreuil, Pearson France, 2020.

Du même auteur– Trouver son pourquoi. Guide pratique pour découvrir son moteur et celui de son équipe, Montreuil, Pearson France, 2018.– Les vrais leaders se servent en dernier. Pourquoi certaines équipes se serrent les coudes et d’autres pas, Montreuil, Pearson France, 2019.

Autres pistes– James Case, Jeux finis, jeux infinis. Le pari métaphysique du joueur, Paris, Seuil, 1988.– Philippe Silberzahn et Béatrice Rousset, Stratégie Modèle Mental. Cracker enfin le code des organisations pour les remettre en mouvement, Paris, Diateino, 2019.– Frédéric Laloux, Reinventing Organizations. Vers des communautés de travail inspirées, Paris, Diateino, 2015.

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